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26/10/2005 | FRANCE | N°270229

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 26 octobre 2005, 270229


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 juillet et 22 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Clara X, demeurant ... ; Mme X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° AD 2146 du 10 mai 2004 par laquelle le conseil national de l'ordre des pharmaciens, réformant la décision du 15 février 1999 de la chambre de discipline du conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Ile-de-France lui ayant infligé la sanction d'interdiction d'exercer la pharmacie pendant cinq ans, a ramené à dix-hui

t mois la durée de cette sanction ;

2°) réglant l'affaire au fond, de...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 juillet et 22 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Clara X, demeurant ... ; Mme X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° AD 2146 du 10 mai 2004 par laquelle le conseil national de l'ordre des pharmaciens, réformant la décision du 15 février 1999 de la chambre de discipline du conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Ile-de-France lui ayant infligé la sanction d'interdiction d'exercer la pharmacie pendant cinq ans, a ramené à dix-huit mois la durée de cette sanction ;

2°) réglant l'affaire au fond, de lui accorder le bénéfice de ses écritures d'appel et d'enjoindre au conseil national de l'ordre des pharmaciens de publier la décision rejetant la plainte ;

3°) de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des pharmaciens la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 octobre 2005, présentée pour Mme X ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 octobre 2005, présentée pour le conseil national de l'ordre des pharmaciens ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 octobre 2005, présentée pour Mme FELDMAN ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre-Antoine Molina, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de Mme X et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la chambre disciplinaire du conseil national de l'ordre des pharmaciens,

- les conclusions de M. Rémi Keller, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que, pour infliger à Mme X, par la décision attaquée, la sanction de l'interdiction d'exercer la pharmacie pendant 18 mois, le conseil national de l'ordre des pharmaciens s'est notamment fondé sur ce que l'intéressée avait manqué à l'obligation qui lui était faite de « s'assurer que, conformément à l'article L. 4111-5 du code de la santé publique, l'ordonnance comporte l'indication du lieu et de l'établissement où a été obtenu le diplôme du prescripteur » ;

Considérant que l'article L. 4111-5 du code de la santé publique, qui fait obligation à tout médecin non titulaire du diplôme français d'Etat de docteur en médecine, dans tous les cas où il fait état de son titre ou de sa qualité de médecin, de faire figurer le lieu et l'établissement scolaire ou universitaire où il a obtenu le diplôme, titre ou certificat lui permettant d'exercer sa profession, ne régit pas les obligations des pharmaciens et ne saurait avoir pour objet ou pour effet d'imposer à ces derniers, préalablement à la délivrance des médicaments prescrits, l'obligation d'en vérifier le respect par le médecin prescripteur ; que, par suite, en se fondant sur ce que Mme X avait omis de s'assurer que les ordonnances qui lui étaient présentées comportaient les mentions exigées par l'article L. 4111-5, le conseil national de l'ordre des pharmaciens a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Considérant qu'en application du deuxième alinéa de l'article L. 821-2, il appartient au Conseil d'Etat de statuer définitivement sur cette affaire ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête d'appel de Mme X ;

Considérant que les articles L. 356, L. 356-1 et L. 356-2 du code de la santé publique en vigueur à la date des faits reprochés à Mme X, qui prévoient les conditions de diplôme, de nationalité et d'inscription à un tableau de l'ordre auxquelles est subordonnée la possibilité d'exercer la profession de médecin en France ne régissent pas les obligations des pharmaciens et ne sauraient avoir pour objet ou pour effet d'interdire à ceux-ci de délivrer des médicaments sur prescription d'un médecin résidant à l'étranger ne remplissant pas les conditions pour exercer en France ; que, par suite, en se fondant, pour infliger à Mme X, par sa décision du 15 février 1999, la sanction de l'interdiction d'exercer la pharmacie pendant cinq ans, sur ce qu'elle avait méconnu ces dispositions, le conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Ile-de-France a commis une erreur de droit ; qu'eu égard à la portée de cette erreur, Mme X est fondée à demander l'annulation de la décision du conseil régional ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat de se prononcer sur la plainte formée contre Mme X devant la chambre de discipline du conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Ile-de-France en tant qu'elle repose sur d'autres griefs ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X a été mise à même de discuter utilement les griefs soulevés contre elle ;

Considérant que la circonstance que le délai raisonnable, prévu à l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales aurait été dépassé, à la supposer établie, serait sans influence sur la régularité de la procédure engagée à l'encontre de Mme X ;

Considérant que le grief tiré de ce que Mme X aurait été à l'origine d'une pénurie sur le marché français des produits destinés à traiter la stérilité féminine manque en fait ;

Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction qu'en 1995 et 1996, Mme X a délivré des spécialités inscrites sur la liste I des substances vénéneuses à des patientes résidant à l'étranger ayant pour la plupart pris connaissance, sur des sites internet américains, tant de la possibilité d'acheter de tels médicaments auprès de son officine que des modalités à suivre pour en obtenir la livraison, et sans que celles-ci se présentent à son officine ; que cette pratique massive, organisée par voie d'expéditions postales, a porté sur de très grandes quantités de médicaments ; que, bien que Mme X ait, par la suite, contredit ses premiers propos, il résulte de l'instruction que la délivrance des médicaments s'effectuait au vu de simples télécopies d'ordonnances, alors que la bonne application, d'une part, de l'article R. 5193 du code de la santé publique en vigueur à la date des faits, qui énumère de manière limitative les catégories de professionnels habilités à prescrire des substances vénéneuses, et d'autre part, de l'article R. 5199 du même code, qui fait obligation d'apposer sur les ordonnances le timbre de l'officine, le ou les numéros d'enregistrement, la date d'exécution et les quantités délivrées, exigeait qu'elle prît connaissance des originaux de ces ordonnances ; qu'en procédant ainsi, alors qu'il n'existait aucune situation d'urgence, Mme X, qui n'était pas à même de vérifier que ces ordonnances émanaient de personnes ayant qualité pour prescrire des substances vénéneuses, ni d'empêcher que la même ordonnance puisse donner lieu, auprès d'une autre officine, à une nouvelle délivrance, a méconnu ces dispositions ;

Considérant que de tels agissements constituent des fautes qui, en raison de leur gravité et de leur caractère répété, sont exclues du bénéfice de l'amnistie prévue par la loi du 6 août 2002 ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en infligeant à Mme X, à raison de la faute ainsi retenue, la sanction de l'interdiction d'exercer la pharmacie pendant 15 mois ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du conseil national de l'ordre des pharmaciens, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme X au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La décision du 10 mai 2004 du conseil national de l'ordre des pharmaciens est annulée.

Article 2 : La décision du 15 février 1999 du conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Ile-de-France est annulée.

Article 3 : La sanction de l'interdiction d'exercer la pharmacie pendant 15 mois est infligée à Mme X.

Article 4 : L'exécution de cette sanction débutera le premier jour du troisième mois suivant la notification à l'intéressée de la présente décision.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Clara X, à la chambre disciplinaire du conseil national de l'ordre des pharmaciens et au ministre de la santé et des solidarités.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 270229
Date de la décision : 26/10/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

55-03-04-03 PROFESSIONS, CHARGES ET OFFICES. CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS. PHARMACIENS. RÈGLES DIVERSES S'IMPOSANT AUX PHARMACIENS DANS L'EXERCICE DE LEUR PROFESSION. - OBLIGATION, SAUF URGENCE, DE NE DÉLIVRER DES MÉDICAMENTS QU'AU VU DE L'ORIGINAL D'UNE ORDONNANCE.

55-03-04-03 La bonne application des dispositions du code de la santé publique qui, d'une part, énumèrent de manière limitative les catégories de professionnels habilités à prescrire des substances vénéneuses, et d'autre part, font obligation d'apposer sur les ordonnances le timbre de l'officine, le ou les numéros d'enregistrement, la date d'exécution et les quantités délivrées, exige que le pharmacien prenne connaissance des originaux de ces ordonnances, sauf situation d'urgence, afin d'être à même de vérifier que ces ordonnances émanent de personnes ayant qualité pour prescrire des substances vénéneuses, et d'empêcher que la même ordonnance puisse donner lieu, auprès d'une autre officine, à une nouvelle délivrance.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 oct. 2005, n° 270229
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Pierre-Antoine Molina
Rapporteur public ?: M. Keller
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:270229.20051026
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