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27/07/2005 | FRANCE | N°262719

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 27 juillet 2005, 262719


Vu la requête, enregistrée le 15 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 21 octobre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 28 juillet 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mlle Zahra Y... ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mlle Y... devant le tribunal administratif de Paris ;

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondam...

Vu la requête, enregistrée le 15 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 21 octobre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 28 juillet 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mlle Zahra Y... ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mlle Y... devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, applicable à la date de l'arrêté litigieux : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Y..., de nationalité algérienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 26 février 2003, de la décision du 24 février 2003 du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; qu'ainsi, Mlle Y... entrait dans le cas visé au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance susmentionnée, où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que, si Mlle Y..., entrée en France en septembre 1999 à l'âge de vingt-sept ans, fait valoir qu'à la date de la décision contestée, elle vivait seule avec sa fille, née en janvier 2001, et était enceinte de quatre mois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pouvait poursuivre sa vie privée et familiale en Algérie, où elle a conservé l'essentiel de ses attaches familiales ; que, dans ces conditions, et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE, en prenant l'arrêté de reconduite attaqué, n'a pas porté au droit de Mlle Y... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté litigieux ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle Y... devant le tribunal administratif de Paris et devant lui ;

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté attaqué :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Pierre-André X..., secrétaire général de la préfecture, avait reçu délégation de signature du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE par un arrêté du 2 juin 2003, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture ; qu'il était ainsi compétent pour signer l'arrêté attaqué ; que si la requérante soutient que la personne qui a signé l'ampliation de l'arrêté du 28 juillet 2003 ordonnant sa reconduite à la frontière n'aurait pas eu compétence pour le faire, la qualité du signataire de l'ampliation est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de l'arrêté ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'arrêté attaqué, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé ;

Considérant que le moyen tiré de ce que la requérante ne se serait pas vu remettre l'original de l'arrêté mais seulement une copie est inopérant à l'encontre de la légalité de la décision attaquée ;

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, si Mlle Y... fait valoir qu'elle est mère d'une enfant naturelle et, à la date de la décision contestée, était enceinte d'un second enfant naturel, cette circonstance ne suffit pas pour établir que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE n'aurait pas regardé l'intérêt supérieur de l'enfant comme une considération primordiale et que son arrêté aurait, par suite, méconnu les stipulations précitées ;

Considérant que si, à la date à laquelle le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE a pris l'arrêté attaqué, Mlle Y... était enceinte de quatre mois, il ressort des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas contesté, qu'aucune contre-indication médicale tenant à l'état de grossesse de l'intéressée ne faisait obstacle à ce que celle-ci soit reconduite à la frontière ; que, si Mlle Y... fait valoir qu'elle dispose d'un contrat de travail, que sa fille aînée est scolarisée en France et qu'elle-même y est bien insérée, ce qui ne serait pas le cas en Algérie en raison de sa situation de mère célibataire, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE, qui a procédé à l'examen particulier du dossier de l'intéressée et a exercé le pouvoir d'appréciation qu'il tient de l'ordonnance du 2 novembre 1945, ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mlle Y... ;

Considérant que le moyen tiré des risques que comporterait pour l'intéressée son retour dans son pays d'origine est inopérant à l'encontre de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière ; qu'au demeurant, alors que sa demande d'asile territorial a été rejetée, le seul document produit attestant qu'elle serait menacée n'est pas de nature à établir les risques qu'elle allègue en cas de retour dans son pays ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 21 octobre 2003, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 28 juillet 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Y... ;

Sur les conclusions de Mlle Y... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mlle Y... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 21 octobre 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mlle Y... devant le tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DES HAUTS-DE-SEINE, à Mlle Zahra Y... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 jui. 2005, n° 262719
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 27/07/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 262719
Numéro NOR : CETATEXT000008211495 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-07-27;262719 ?
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