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22/06/2005 | FRANCE | N°271619

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 22 juin 2005, 271619


Vu la requête, enregistrée le 30 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 27 juillet 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé ses arrêtés du 21 juillet 2004, décidant la reconduite à la frontière de M. Cuma XX à destination de la Turquie et plaçant M. XX en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal admi

nistratif de Rouen ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention europée...

Vu la requête, enregistrée le 30 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 27 juillet 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé ses arrêtés du 21 juillet 2004, décidant la reconduite à la frontière de M. Cuma XX à destination de la Turquie et plaçant M. XX en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Rouen ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Sophie Liéber, Auditeur,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003, en vigueur à la date des arrêtés litigieux : (...) L'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente (...) ; qu'aux termes de l'article 10 de la même loi : L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article 8 bénéficie du droit à se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée aux articles 19, 22, 23 ou 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. En cas de reconnaissance de la qualité de réfugié ou de l'octroi de la protection subsidiaire, le préfet abroge l'arrêté de reconduite à la frontière qui a, le cas échéant, été pris (...) ;

Considérant que M. X, ressortissant turc d'origine kurde, n'a pas été en mesure de présenter les documents justifiant de son entrée régulière sur le territoire français et n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 1° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si M. X a manifesté son intention de demander l'asile politique en France lors de son interpellation le 20 juillet 2004 alors qu'il s'apprêtait à rejoindre la Grande-Bretagne, il n'a présenté formellement sa demande d'asile que le 25 juillet 2004, soit postérieurement à la notification des arrêtés de reconduite à la frontière et de placement en rétention administrative, pris à son encontre le 21 juillet 2004 ; que, dans les circonstances de l'espèce, cette demande a été présentée dans le seul but de faire échec à la mesure d'éloignement ; que, par suite, le PREFET DE LA SEINE MARITIME pouvait légalement ordonner la reconduite à la frontière de M. X, sous réserve que cette mesure ne fût pas mise à exécution avant la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ; que le PREFET DE LA SEINE MARITIME est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur le motif que la demande d'asile politique de M. X ne pouvait être regardée comme présentant un caractère abusif, frauduleux ou dilatoire pour annuler les arrêtés litigieux du 21 juillet 2004 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le tribunal administratif de Rouen ;

Considérant que, par un arrêté du 15 septembre 2003, publié au Recueil des actes administratifs de la préfecture de Seine Maritime, M. Leggeri, directeur de cabinet du préfet, a reçu délégation de M. Aribaud, PREFET DE LA SEINE-MARITIME, pour signer en son nom tous arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas les arrêtés de reconduite à la frontière ou de placement en rétention administrative ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. Aribaud, bien qu'il ait été nommé préfet de la région Nord-Pas-de-Calais par un décret du 7 juillet 2004, est demeuré en fonction jusqu'au 26 juillet 2004 dans le département de la Seine-Maritime ; que, dans ces conditions, la délégation de signature consentie à M. Leggeri continuait à produire ses effets le 21 juillet 2004, date à laquelle ont été pris les arrêtés attaqués ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure de reconduite à la frontière serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. X ;

Considérant que l'arrêté décidant la reconduite à la frontière de M. X doit être regardé comme fixant la Turquie comme pays de reconduite ; que, si M. X fait valoir que, d'origine kurde, il est membre d'une famille très investie dans la propagande du parti pro-kurde de Turquie, qu'il a fait partie des jeunesses pro-kurdes, que lui et ses proches ont été arrêtés en Turquie, il n'apporte aucune justification probante permettant d'établir la réalité des risques qu'il courrait à titre personnel en cas de retour dans son pays d'origine ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 35bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003, en vigueur à la date à laquelle l'arrêté litigieux a été pris : Le placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger (...) 3° Soit, faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application de l'article 22 et édicté moins d'un an auparavant, ne peut quitter immédiatement le territoire français ; (...) La décision de placement est prise par le préfet ou, à Paris, par le préfet de police, après l'interpellation de l'étranger (...) Elle est écrite et motivée ;

Considérant que l'arrêté du 21 juillet 2004 par lequel le PREFET DE LA SEINE MARITIME a pris à l'égard de M. X une mesure de placement en rétention énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, et est ainsi suffisamment motivé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article 35bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 21 juillet 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. X et fixant le pays de destination ainsi que son arrêté du même jour prononçant à l'encontre de l'intéressé une mesure de placement en rétention ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 27 juillet 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Rouen par M. X est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME, à M. Suyleyman X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 22 jui. 2005, n° 271619
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mlle Sophie Liéber
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 22/06/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 271619
Numéro NOR : CETATEXT000008228301 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-06-22;271619 ?
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