La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/2005 | FRANCE | N°264005

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 23 mars 2005, 264005


Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Daniel X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 septembre 2003 par laquelle le ministre de la justice a prononcé à son encontre la sanction de l'abaissement d'échelon prévue par le 4° de l'article 45 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature, ensemble la décision du ministre rejetant son recours gracieux ;

2°) de mettre à la ch

arge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article ...

Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Daniel X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 septembre 2003 par laquelle le ministre de la justice a prononcé à son encontre la sanction de l'abaissement d'échelon prévue par le 4° de l'article 45 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature, ensemble la décision du ministre rejetant son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Maud Vialettes, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : « ... doivent être motivées les décisions qui : (…) infligent une sanction » ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : « La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision » ; que, par cette disposition, le législateur a entendu imposer à l'autorité qui prononce une sanction l'obligation de préciser elle-même dans sa décision les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de la personne intéressée, de sorte que cette dernière puisse à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée connaître les motifs de la sanction qui la frappe ;

Considérant que si la décision attaquée vise les dispositions de l'ordonnance du 22 décembre 1958 relatives à la discipline des magistrats du parquet, l'avis du Conseil supérieur de la magistrature du 22 mars 2002, la décision du 17 avril 2002 par laquelle le ministre de la justice a infligé la sanction de la mise à la retraite d'office à M. X, le décret du Président de la République du 18 juin 2002 le radiant des cadres et, enfin, la décision en date du 20 juin 2003 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé la sanction prononcée contre M. X ainsi que sa radiation des cadres, elle n'est, en revanche, assortie d'aucun motif ; que la circonstance que soit visée la décision du 20 juin 2003, par laquelle le Conseil d'Etat a jugé que M. X avait commis un manquement aux devoirs de l'état de magistrat de nature à justifier une sanction disciplinaire, n'exonérait pas le ministre de la justice de l'obligation qui était la sienne d'énoncer les faits reprochés à l'intéressé et les raisons pour lesquelles il estimait que ceux-ci étaient de nature à justifier la sanction prononcée ; qu'est à cet égard sans incidence la circonstance alléguée par le ministre de la justice selon laquelle M. X aurait été, en tout état de cause, informé des motifs de la décision ; qu'ainsi la décision attaquée n'a pas satisfait aux exigences ci-dessus rappelées de la loi du 11 juillet 1979 ; que, par suite, M. X est fondé à en demander l'annulation ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros que demande M. au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. X, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par l'Etat au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 5 septembre 2003 par laquelle le ministre de la justice a prononcé à l'encontre de M. X la sanction de l'abaissement d'échelon est annulée.

Article 2 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de l'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Daniel X et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 264005
Date de la décision : 23/03/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-04-02-02 JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES. - MAGISTRATS ET AUXILIAIRES DE LA JUSTICE. - MAGISTRATS DE L'ORDRE JUDICIAIRE. - DISCIPLINE. - SANCTION - OBLIGATION DE MOTIVATION - DÉCISION DEVANT ÉNONCER LES FAITS REPROCHÉS À L'INTÉRESSÉ ET LES RAISONS POUR LESQUELLES LE MINISTRE DE LA JUSTICE ESTIME QUE CES FAITS JUSTIFIENT LA SANCTION PRONONCÉE - VISA D'UNE DÉCISION DU CONSEIL D'ETAT JUGEANT QUE L'INTÉRESSÉ A COMMIS UN MANQUEMENT AUX DEVOIRS DE L'ÉTAT DE MAGISTRAT DE NATURE À JUSTIFIER UNE SANCTION NE POUVANT TENIR LIEU DE MOTIVATION.

37-04-02-02 Il résulte des dispositions des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 que le législateur a entendu imposer à l'autorité qui prononce une sanction l'obligation de préciser elle-même dans sa décision les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de la personne intéressée, de sorte que cette dernière puisse à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée connaître les motifs de la sanction qui la frappe. La décision attaquée, qui prononce une sanction à l'encontre d'un magistrat n'est assortie d'aucun motif. La circonstance qu'elle vise une décision, par laquelle le Conseil d'Etat a jugé, à l'occasion du litige portant sur une précédente sanction infligée à l'intéressé à raison des mêmes faits, que ce dernier avait commis un manquement aux devoirs de l'état de magistrat de nature à justifier une sanction disciplinaire, n'exonérait pas le ministre de la justice de l'obligation qui était la sienne d'énoncer les faits reprochés à l'intéressé et les raisons pour lesquelles il estimait que ceux-ci étaient de nature à justifier la sanction prononcée. Ainsi la décision attaquée n'a pas satisfait aux exigences de la loi du 11 juillet 1979.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 mar. 2005, n° 264005
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mlle Maud Vialettes
Rapporteur public ?: M. Guyomar

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:264005.20050323
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award