Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 janvier 2003 et 22 avril 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X... Y, demeurant ... ; M. Y demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 31 octobre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a, d'une part, annulé un jugement du 13 février 2001 du tribunal administratif de Rouen rejetant ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 22 juin 2000 prononçant son expulsion du territoire français ainsi que de l'arrêté du 30 juin 2000 du préfet de l'Eure fixant le Portugal comme pays de destination et a, d'autre part, rejeté lesdites demandes ;
2°) statuant au fond, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'intérieur du 22 juin 2000 prononçant son expulsion du territoire français ainsi que l' arrêté du 30 juin 2000 du préfet de l'Eure fixant le Portugal comme pays de destination ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Fanachi, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. Y,
- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. Y, ressortissant portugais, est entré en France en 1977 à l'âge de deux ans ; qu'il y a résidé de manière habituelle depuis lors avec ses parents, son frère et sa soeur ; qu'il entretient une relation stable depuis 1994 avec une ressortissante française ; que s'il ressort également des pièces du dossier qu'il a été condamné en 1998 à cinq ans de prison pour trafic de stupéfiants et détention d'armes, la cour administrative d'appel de Douai a, compte tenu notamment des gages de réinsertion donnés par l'intéressé, inexactement qualifié les faits de l'espèce en estimant que la mesure d'expulsion prise à son encontre n'avait pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi et n'avait, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. Y est, dès lors, fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, en l'espèce, de régler l'affaire au fond ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen du 13 février 2001 :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif que la notification, faite le 5 juillet 2000, de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 22 juin 2000 prononçant l'expulsion de M. Y du territoire français et de l'arrêté du préfet de l'Eure du 30 juin 2000 fixant le Portugal comme pays de destination, ne comportait pas l'indication des voies et délais de recours ouverts contre ces décisions et que cette indication n'a été mentionnée que lors d'une nouvelle notification desdites décisions faite le 10 novembre 2000 ; que, dès lors, la demande de M. Y tendant à l'annulation des arrêtés des 22 et 30 juin 2000 enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rouen le 8 janvier 2001 n'était pas tardive ; que par suite, le jugement du tribunal administratif de Rouen, en date du 13 février 2001, qui a rejeté la requête de M. Y comme étant irrecevable pour tardiveté, doit être annulé ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation des arrêtés des 22 et 30 juin 2000 :
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que M. Y est fondé à soutenir que l'arrêté du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales du 22 juin 2000 prononçant son expulsion du territoire français porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à en solliciter, pour ce motif, l'annulation et par voie de conséquence l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Eure en date du 30 juin 2000 fixant le Portugal comme pays de destination ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. Y demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt en date du 31 octobre 2002 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 13 février 2001 est annulé.
Article 3 : L'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 22 juin 2000 ordonnant l'expulsion de M. Y et l'arrêté du préfet de l'Eure en date du 30 juin 2000 fixant le Portugal comme pays de destination sont annulés.
Article 4 : L'Etat versera à M. Y une somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.