Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 juin et 2 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Soudabeh-Kimy X, demeurant ... ; Mme X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision, en date du 17 décembre 2002, par laquelle le Conseil des marchés financiers lui a infligé un blâme et une sanction pécuniaire de 60 000 euros ;
2°) de mettre à la charge du Conseil des marchés financiers la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu le décret n° 96-872 du 3 octobre 1996 relatif aux formations disciplinaires du Conseil des marchés financiers ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Maud Vialettes, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de Mme X et de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat du Conseil des marchés financiers,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'au vu d'un rapport d'enquête établi par ses inspecteurs à la suite d'une information dont l'avait saisie la société ODB Equities, société de négociation et de courtage, le Conseil des marchés financiers a ouvert une procédure disciplinaire à l'issue de laquelle il a infligé à Mme X un blâme et une sanction pécuniaire de 60 000 euros ;
Sur la régularité de la décision attaquée :
Considérant que l'article 2 du décret du 3 octobre 1996 relatif aux formations disciplinaires du Conseil des marchés financiers dispose : Lorsque le conseil agit en matière disciplinaire, le président fait parvenir à la personne mise en cause, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou remise en mains propres contre récépissé, un document énonçant les griefs retenus, assorti, le cas échéant, de pièces justificatives ; il invite la personne mise en cause à faire parvenir ses observations écrites dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ; l'intéressé est également informé qu'il peut se faire assister par toute personne de son choix ; qu'aux termes de l'article 3 du même décret : Les observations produites par la personne mise en cause sont communiquées au commissaire du Gouvernement et à l'auteur de la saisine de conseil ; qu'enfin, l'article 4 dispose : Le président désigne, pour chaque affaire la formation saisie et un rapporteur parmi les membres de celle-ci./ Le rapporteur, avec le concours des services du Conseil des marchés financiers, procède à toutes investigations utiles. Il peut recueillir des témoignages. Il consigne le résultat de ces opérations par écrit./ Les pièces du dossier sont tenues à la disposition de la personne mise en cause ; qu'il résulte des dispositions précitées que le rapporteur, qui n'est pas à l'origine de la saisine, ne participe pas à la formulation des griefs ; qu'il n'a pas le pouvoir de classer l'affaire ou, au contraire, d'élargir le cadre de la saisine ; que les pouvoirs d'investigation dont il est investi pour vérifier la pertinence des griefs et des observations de la personne poursuivie ne l'habilitent pas à faire des perquisitions, des saisies ni à procéder à toute autre mesure de contrainte au cours de l'instruction ; qu'en l'espèce , il n'est pas établi que le rapporteur aurait excédé les pouvoirs qui lui ont été conférés par les textes et qui ne différent pas de ceux que la formation disciplinaire collégiale du Conseil des marchés financiers aurait, elle même, pu exercer ; que, dès lors, il n'est résulté de sa participation aux débats et au vote de la formation disciplinaire du Conseil des marchés financiers aucune méconnaissance du principe d'impartialité ;
Considérant que la circonstance que le rapporteur ne s'est pas borné dans son rapport à faire une présentation objective des faits en cause mais les a également qualifiés - comme il lui appartenait, d'ailleurs, de le faire - n'est pas davantage constitutive d'une méconnaissance du principe d'impartialité ;
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 622-2 du code monétaire et financier, applicable à la présente affaire : Un commissaire du gouvernement est désigné par le ministre chargé de l'économie. Il participe également aux formations disciplinaires prévues à l'article L. 622-4 (...). Le commissaire du gouvernement n'a pas voix délibérative. Il peut, en toute matière, demander une deuxième délibération dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; que le commissaire du Gouvernement n'a pas, au cas d'espèce, été à l'origine de la saisine du Conseil des marchés financiers ; que, dès lors, la présence, sans voix délibérative, de ce représentant du ministre des finances au délibéré de la formation disciplinaire du Conseil des marchés financiers qui a pris la décision attaquée n'a pas méconnu le principe d'impartialité ;
Considérant que la décision attaquée, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles le Conseil des marchés financiers s'est fondé pour prononcer une sanction à l'encontre de Mme X, est suffisamment motivée ;
Sur le bien-fondé de la décision attaquée :
Considérant que si Mme X conteste être responsable de certains des manquements mis en évidence par le rapport d'inspection, ceux-ci étant, selon elle, exclusivement imputables à une défaillance du contrôle interne de la société ODB Equities, il résulte de l'instruction que la requérante, qui occupait une fonction de directeur au moment des faits, est intervenue directement dans la réalisation d'un certain nombre d'opérations pratiquées sans agrément par la société ODB Equities pour son compte propre, sous couvert de positions prises sur les comptes des clients ; qu'elle s'est rendue personnellement coupable de manipulations sur des ventes et des achats de titres effectués dans des conditions non conformes aux procédures ainsi que d'un manquement à l'obligation d'informer son employeur de la détention d'un compte d'instrument financier ouvert en son nom auprès de l'un des clients de la société ODB Equities ; qu'eu égard à la gravité des faits reprochés, le Conseil des marchés financiers n'a pas prononcé une sanction excessive en infligeant à Mme X un blâme et une sanction pécuniaire de 60 000 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du Conseil des marchés financiers en tant qu'elle lui inflige un blâme et une sanction financière ; que, par suite, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
Article 2 : la présente décision sera notifiée à Mme Soudabeh-Kimy X, à l'Autorité des marchés financiers et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.