La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/07/2004 | FRANCE | N°256154

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 28 juillet 2004, 256154


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 avril 2003 et 1er août 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société THOMAS, dont le siège est aux Vincents à Montrond-les-Bains (42210) ; la société THOMAS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 18 février 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 6 mars 2002 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé, à la demande de la commune de Saint-Georges-de-Baroille,

l'arrêté du 31 juillet 2000 du préfet de la Loire l'ayant autorisée à pour...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 avril 2003 et 1er août 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société THOMAS, dont le siège est aux Vincents à Montrond-les-Bains (42210) ; la société THOMAS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 18 février 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 6 mars 2002 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé, à la demande de la commune de Saint-Georges-de-Baroille, l'arrêté du 31 juillet 2000 du préfet de la Loire l'ayant autorisée à poursuivre l'exploitation d'une carrière sur le territoire de la commune de Saint-Marcel-de-Félines ;

2°) statuant comme juge du fond d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon et de rejeter la demande présentée par la commune de Saint-Georges-de-Baroille devant le tribunal administratif de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Georges-de-Baroille la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Richard, avocat de la Société THOMAS et de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la commune de Saint-Georges-de-Baroille,

- les conclusions de M. Francis Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 145-5 du code de l'urbanisme applicable, en vertu du dernier alinéa du même article, aux communes riveraines des plans d'eau situés partiellement ou totalement en zone de montagne : Les parties naturelles des rives des plans d'eau naturels ou artificiels d'une superficie inférieure à mille hectares sont protégées sur une distance de trois cent mètres à compter de la rive ; y sont interdits toutes constructions, installations et routes nouvelles ainsi que toutes extractions et tous affouillements ; que la reconnaissance du caractère naturel d'une partie des rives d'un plan d'eau relève de l'appréciation souveraine des juges du fond et ne peut donc, en l'absence de dénaturation, être discutée devant le juge de cassation ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Thomas a exploité de 1984 à 1999, sur la rive de la retenue du barrage de Villerest, une carrière d'une superficie globale de 3,6 hectares, séparée du plan d'eau par une route départementale ; qu'en estimant que la présence de l'excavation résultant de l'exploitation de la carrière ainsi que des installations nécessaires à celle-ci n'avait pas eu pour effet de retirer à cette partie de la rive son caractère naturel, et que les dispositions de l'article L. 145-5 du code de l'urbanisme s'opposaient dès lors à la demande de renouvellement de l'autorisation d'exploiter la carrière, la cour administrative d'appel a dénaturé les faits de l'espèce ; que, par suite, la société THOMAS est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, l'article L. 145-5 du code de l'urbanisme n'était pas applicable à la demande de renouvellement de l'autorisation d'exploiter une carrière présentée par la société THOMAS, la rive du plan d'eau ayant perdu son caractère naturel ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article pour annuler l'arrêté du 31 juillet 2000 du préfet de la Loire ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la commune de Saint-Georges-de-Baroille devant le tribunal administratif de Lyon ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 515-1 et L. 512-2 du code de l'environnement que l'autorisation d'exploiter une carrière est renouvelable dans les formes prévues pour l'autorisation initiale ; qu'il n'est pas allégué que ces dispositions auraient été en l'espèce méconnues ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que la première autorisation d'exploiter une carrière sur le territoire de la commune de Saint-Marcel-de-Félines, accordée pour une durée de quinze ans à la société THOMAS, était expirée à la date de l'arrêté attaqué est sans incidence sur la légalité de celui-ci ;

Considérant, en deuxième lieu, que si les prescriptions contenues dans l'arrêté attaqué prévoient, au cas où surviendraient certains types de nuisances, la réalisation d'études complémentaires, cette seule circonstance n'est de nature à établir ni que le dossier d'enquête aurait été insuffisant ni que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa compétence ;

Considérant, enfin, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la carrière dont le renouvellement de l'exploitation a été autorisé par l'arrêté attaqué afin de terminer dans de bonnes conditions l'exploitation de la carrière et de conduire à une remise en état cohérente du site présente, eu égard notamment aux prescriptions dont cette autorisation est assortie, des inconvénients excessifs pour le voisinage et le caractère des lieux ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société THOMAS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du préfet de la Loire du 30 juillet 2000 renouvelant l'autorisation dont elle était titulaire en vue d'exploiter une carrière sur le territoire de la commune de Saint-Marcel-de-Félines

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Saint-Georges-de-Baroille la somme que demande la société THOMAS au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les dispositions du même article font en revanche obstacle à ce que la Société THOMAS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la commune de Saint-Georges-de-Baroille la somme que celle-ci demande à ce titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative de Lyon du 18 février 2003 et le jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 mars 2002 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la commune de Saint-Georges-de-Baroille devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : La commune de Saint-Georges-de-Baroille versera une somme de 3 500 euros à la société THOMAS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Georges-de-Baroille sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société THOMAS, à la commune de Saint-Georges-de-Baroille, au ministre de l'écologie et du développement durable et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 256154
Date de la décision : 28/07/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - RÉGULARITÉ INTERNE - APPRÉCIATION SOUVERAINE DES JUGES DU FOND - RECONNAISSANCE DU CARACTÈRE NATUREL DES PARTIES DE RIVES DE PLANS D'EAU PROTÉGÉES EN VERTU DE L'ARTICLE L - 145-5 DU CODE DE L'URBANISME.

54-08-02-02-01-03 Aux termes du premier alinéa de l'article L. 145-5 du code de l'urbanisme applicable, en vertu du dernier alinéa du même article, aux communes riveraines des plans d'eau situés partiellement ou totalement en zone de montagne : « Les parties naturelles des rives des plans d'eau naturels ou artificiels d'une superficie inférieure à mille hectares sont protégées sur une distance de trois cents mètres à compter de la rive ; y sont interdits toutes constructions, installations et routes nouvelles ainsi que toutes extractions et tous affouillements ». La reconnaissance du caractère naturel d'une partie des rives d'un plan d'eau relève de l'appréciation souveraine des juges du fond et ne peut donc, en l'absence de dénaturation, être discutée devant le juge de cassation.

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - RÈGLES GÉNÉRALES D'UTILISATION DU SOL - RÈGLES GÉNÉRALES DE L'URBANISME - PRESCRIPTIONS D'AMÉNAGEMENT ET D'URBANISME - LOI DU 9 JANVIER 1985 SUR LA MONTAGNE - PROTECTION DES PARTIES NATURELLES DES RIVES DES PLANS D'EAU (ART - L - 145-5 DU CODE DE L'URBANISME) - CONTENTIEUX - APPRÉCIATION SOUVERAINE DES JUGES DU FOND SUR LE CARACTÈRE NATUREL.

68-001-01-02-01 Aux termes du premier alinéa de l'article L. 145-5 du code de l'urbanisme applicable, en vertu du dernier alinéa du même article, aux communes riveraines des plans d'eau situés partiellement ou totalement en zone de montagne : « Les parties naturelles des rives des plans d'eau naturels ou artificiels d'une superficie inférieure à mille hectares sont protégées sur une distance de trois cents mètres à compter de la rive ; y sont interdits toutes constructions, installations et routes nouvelles ainsi que toutes extractions et tous affouillements ». La reconnaissance du caractère naturel d'une partie des rives d'un plan d'eau relève de l'appréciation souveraine des juges du fond et ne peut donc, en l'absence de dénaturation, être discutée devant le juge de cassation.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2004, n° 256154
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: M. Lamy
Avocat(s) : SCP RICHARD ; SCP PARMENTIER, DIDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:256154.20040728
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award