La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/07/2004 | FRANCE | N°252703

France | France, Conseil d'État, 9eme sous-section jugeant seule, 28 juillet 2004, 252703


Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Eric X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 10 juin 2002 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie portant certificat d'inscription de la pension civile de retraite en tant qu'il n'a pas reconnu à l'intéressé le bénéfice de la bonification d'ancienneté d'un an par enfant, ensemble la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de deux mois par le ministre de l'économie, des fina

nces et de l'industrie sur la demande qui lui a été adressée le 17 septem...

Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Eric X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 10 juin 2002 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie portant certificat d'inscription de la pension civile de retraite en tant qu'il n'a pas reconnu à l'intéressé le bénéfice de la bonification d'ancienneté d'un an par enfant, ensemble la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de deux mois par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la demande qui lui a été adressée le 17 septembre 2002 et tendant à la révision de cet arrêté ;

2°) d'enjoindre à l'administration de modifier, dans un délai de deux mois, les conditions dans lesquelles sa pension de retraite lui a été concédée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hugues Hourdin, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Guillaume Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne : 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail ; que les pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires entrent dans le champ d'application de ces stipulations ; que, nonobstant les stipulations de l'article 6, paragraphe 3, de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au traité sur l'Union européenne, le principe de l'égalité des rémunérations s'oppose à ce qu'une bonification, pour le calcul d'une pension de retraite, accordée aux personnes qui ont assuré l'éducation de leurs enfants, soit réservée aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l'éducation de leurs enfants seraient exclus du bénéfice de cette mesure ;

Considérant que le b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable à la présente affaire, institue, pour le calcul de la pension, une bonification d'ancienneté d'un an par enfant dont il réserve le bénéfice aux femmes fonctionnaires ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'une telle disposition est incompatible avec le principe de l'égalité des rémunérations tel qu'il est affirmé par le traité instituant la Communauté européenne et par l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au traité sur l'Union européenne ; qu'il suit de là qu'en tant qu'il ne prend pas en compte la bonification prévue par ce texte, alors même que M. X aurait assuré l'éducation de ses deux enfants, l'arrêté du 10 juin 2002 portant concession à l'intéressé de sa pension civile de retraite est entaché d'illégalité ; que, dès lors, M. X est fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué, en tant qu'il lui a refusé le bénéfice de cette bonification, ainsi que de la décision refusant la révision de sa pension ;

Considérant que, M. X demande qu'il soit ordonné au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de le faire bénéficier de la bonification d'ancienneté prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite alors applicable ;

Considérant que le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite est un contentieux de pleine juridiction ; qu'il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sauf à renvoyer à l'administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu'il lui appartient de lui fixer ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que M. X, qui a assuré la charge de ses deux enfants, en a assuré l'éducation ; que dans la mesure où sont maintenues des dispositions plus favorables aux fonctionnaires de sexe féminin ayant assuré l'éducation de leurs enfants, en ce qui concerne la bonification d'ancienneté retenue pour le calcul de la pension civile de retraite, M. X a droit, ainsi qu'il a été dit plus haut, au bénéfice de la bonification prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de modifier, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Sont annulés, d'une part, l'arrêté du 10 juin 2002 concédant à M. X sa pension de retraite en tant qu'il n'a pas reconnu à l'intéressé le bénéfice de la bonification d'ancienneté d'un an par enfant et, d'autre part, la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté la demande de révision en date du 17 septembre 2002.

Article 2 : Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie modifiera, dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Eric X, au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 9eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 252703
Date de la décision : 28/07/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2004, n° 252703
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Hugues Hourdin
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:252703.20040728
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award