Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 novembre 2002 et 12 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat , présentés pour M. Abdelrachid X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 17 janvier 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen du 2 septembre 1999 ayant rejeté sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté en date du 22 février 1999 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 286,74 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Fanachi, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X, ressortissant marocain, est entré, en 1972, à l'âge de neuf ans en France, où il réside depuis lors, que son épouse avec laquelle il avait trois enfants à la date de la décision attaquée réside également en France avec ceux-ci et que tous quatre possèdent la nationalité française ; que s'il ressort également des pièces de ce dossier que M. X s'est rendu coupable d'infractions pour lesquelles il a été condamné à des peines d'emprisonnement d'une durée totale de dix ans et un mois, dont un an avec sursis, la cour administrative d'appel de Douai a inexactement qualifié les faits de l'espèce en estimant que la mesure d'expulsion prise à l'encontre de M. X n'avait pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi et n'avait, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, M. X est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut (...) régler l'affaire au fond, si l'intérêt d'une bonne justice le justifie ; qu'il y a lieu, en l'espèce, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'arrêté du ministre de l'intérieur du 22 février 1999, prononçant l'expulsion de M. X, a porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a, ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à payer à M. X la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 17 janvier 2002 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 2 septembre 1999 et l'arrêté du ministre de l'intérieur du 22 février 1999 sont annulés.
Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Abdelrachid X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.