Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er juillet et 4 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMPAGNIE DES ARCHITECTES CHARGES DE GESTION, DE TRANSACTION ET D'ENTRETIEN D'IMMEUBLES (CARGIM), dont le siège est ... ; la COMPAGNIE DES ARCHITECTES CHARGES DE GESTION, DE TRANSACTION ET D'ENTRETIEN D'IMMEUBLES demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'article 3 du décret n° 2002-642 du 29 avril 2002 modifiant le décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d'application de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;
Vu la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 ;
Vu le décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ;
Vu le décret n° 80-217 du 20 mars 1980 ;
Vu le décret n° 97-1096 du 27 novembre 1997 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Dacosta, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boullez, avocat de la COMPAGNIE DES ARCHITECTES CHARGES DE GESTION, DE TRANSACTION ET D'ENTRETIEN D'IMMEUBLES,
- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vertu de son article 1er, la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce s'applique aux personnes physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives à : 1° L'achat, la vente, l'échange, la location ou sous-location en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis ; 2° L'achat, la vente ou la location-gérance de fonds de commerce ; 3° La cession d'un cheptel mort ou vif ; 4° La souscription, l'achat, la vente d'actions ou de parts de sociétés immobilières donnant vocation à une attribution de locaux en jouissance ou en propriété ; 5° L'achat, la vente de parts sociales non négociables lorsque l'actif social comprend un immeuble ou un fonds de commerce ; 6° La gestion immobilière ; 7° A l'exclusion des publications par voie de presse, la vente de listes ou de fichiers relatifs à l'achat, la vente, la location ou sous-location en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis ; 8° La conclusion de tout contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé régi par les articles L. 121-60 et suivants du code de la consommation ; qu'aux termes de son article 2 : Les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables : aux membres des professions dont la liste sera fixée par décret, en considération du contrôle dont leur activité professionnelle fait l'objet ainsi que des garanties financières qu'ils offrent pour l'exercice de cette activité (...) ; qu'aux termes de son article 3 : les activités visées à l'article 1er ne peuvent être exercées que par les personnes physiques ou morales titulaires d'une carte professionnelle, délivrée par le préfet, précisant celles des opérations qu'elles peuvent accomplir ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 20 juillet 1972 fixant les conditions d'application de la loi du 2 janvier 1970 : La carte professionnelle délivrée aux personnes qui exercent une des activités visées à l'article 1er (1° à 5° et 7°) de la loi susvisée du 2 janvier 1970 porte la mention Transactions sur immeubles et fonds de commerce. Celle qui est délivrée aux personnes qui exercent l'activité visée à l'article 1er (6°) de cette loi porte la mention gestion immobilière ; qu'enfin le chapitre II du décret fixe les conditions dans lesquelles doivent justifier de leur aptitude professionnelle les personnes qui sollicitent la délivrance de l'une des cartes professionnelles prévues à son article 1er ;
Considérant que, dans sa rédaction antérieure au décret attaqué, le dernier alinéa de l'article 95 du décret du 20 juillet 1972 dispensait les architectes inscrits à l'ordre de la production des justifications prévues au chapitre II ; que, dans la rédaction issue de l'article 3 du décret attaqué dont la requérante demande l'annulation pour excès de pouvoir, il élargit le champ des personnes dispensées aux agréés en architecture et aux sociétés d'architecture, mais limite la dispense à l'exercice des seules activités de gestion immobilière ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution ; que, contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la requête, l'exécution du décret attaqué ne comporte nécessairement l'intervention d'aucune mesure que le ministre chargé de la culture aurait été compétent pour signer ou contresigner ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de contreseing du ministre chargé de la culture ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions combinées de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture et du décret du 20 mars 1980 portant code des devoirs professionnels des architectes que les architectes inscrits à l'ordre ne peuvent, en principe, exercer des activités commerciales ; que si l'article 31 dudit décret les autorise, par dérogation, à exercer une activité d'administrateurs de biens sur les immeubles dont les travaux d'entretien leur sont confiés, aucune autre disposition ne leur permet d'effectuer des transactions immobilières au sens des 1° à 5° et 7° de l'article 1er de la loi du 2 janvier 1970 ; qu'ainsi, en ne dispensant les architectes inscrits à l'ordre de produire les documents justifiant de leur aptitude professionnelle que pour les activités de gestion immobilière, le pouvoir réglementaire s'est borné à tirer les conséquences des règles régissant l'exercice de cette profession libérale réglementée ; qu'il suit de là que les moyens tirés, d'une part, de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché l'article 3 du décret attaqué et, d'autre part, de ce que celui-ci rendrait le régime applicable aux architectes plus restrictif que celui applicable aux géomètres experts et méconnaîtrait ainsi le principe d'égalité ne peuvent qu'être écartés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMPAGNIE DES ARCHITECTES CHARGES DE GESTION, DE TRANSACTION ET D'ENTRETIEN D'IMMEUBLES n'est pas fondée à demander l'annulation de l'article 3 du décret du 29 avril 2002 ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la COMPAGNIE DES ARCHITECTES CHARGES DE GESTION, DE TRANSACTION ET D'ENTRETIEN D'IMMEUBLES est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la COMPAGNIE DES ARCHITECTES CHARGES DE GESTION, DE TRANSACTION ET D'ENTRETIEN D'IMMEUBLES, au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.