Vu la requête, enregistrée le 18 octobre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSEURS D'ARTS MARTIAUX, dont le siège est ... Porte d'Eau à Dunkerque (59140), représenté par son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, et par l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT, dont le siège est ..., représentée par sa présidente en exercice, domiciliée en cette qualité audit siège ; le SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSEURS D'ARTS MARTIAUX et l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir les arrêtés du 10 août et du 10 septembre 1999 de la ministre de la jeunesse et des sports, relatifs à la délivrance des dans ou des grades équivalents ;
2°) condamne l'Etat à leur verser à chacune la somme de 2 000 F (304,90 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu la Déclaration universelle des droits de l'homme ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu la loi n° 83-122 du 22 janvier 1983 ;
Vu la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 modifiée par la loi n° 99-493 du 15 juin 1999 ;
Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, modifiée ;
Vu le décret n° 85-236 du 13 février 1985, modifié ;
Vu le décret n° 85-237 du 13 février 1985, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Jodeau-Grymberg, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Fédération française de judo, jujitsu, kendo et disciplines associées,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions présentées par l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT :
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la jeunesse et des sports :
Considérant qu'en raison de la généralité de son objet, l'association requérante ne justifie pas d'un intérêt suffisamment direct lui donnant qualité pour demander l'annulation des arrêtés du 10 août et du 10 septembre 1999 fixant la liste des fédérations sportives habilitées à délivrer des dans et grades équivalents ; que les conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par cette association ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions présentées par le SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSEURS D'ARTS MARTIAUX :
Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, dans sa rédaction issue de la loi du 15 juin 1999 relative à la délivrance des grades dans les disciplines relevant des arts martiaux, alors en vigueur : (...) Dans les disciplines relevant des arts martiaux, nul ne peut se prévaloir d'un dan ou d'un grade équivalent sanctionnant les qualités sportives et les connaissances techniques, et, le cas échéant, les performances en compétition s'il n'a pas été délivré par la commission spécialisée des dans et grades équivalents de la fédération délégataire ou, à défaut, de la fédération agréée consacrée exclusivement aux arts martiaux. / Un arrêté du ministre chargé des sports fixe la liste des fédérations mentionnées à l'alinéa précédent (...) ;
Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat de statuer sur la conformité de ces dispositions à la Constitution ; que ces dispositions renvoyant à un arrêté du ministre chargé des sports le soin de fixer la liste des fédérations habilitées à délivrer des dans et grades équivalents, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que cette liste devait être établie par décret en Conseil d'Etat ;
Considérant que si les arrêtés attaqués ne visent pas les décisions accordant l'agrément ou la délégation aux fédérations habilitées, par ces arrêtés, à délivrer des dans et grades équivalents, cette circonstance est, en tout état de cause, sans influence sur leur légalité ;
Considérant que la seule circonstance que le syndicat requérant ait formé un recours administratif contre l'agrément et la délégation accordés aux fédérations habilitées par les arrêtés attaqués et que le ministre de la jeunesse et des sports n'ait pas statué sur ce recours ne faisait pas obstacle à ce que le ministre prenne les arrêtés attaqués ;
Considérant que la circonstance, à la supposer établie, que les statuts de l'Union des fédérations d'aïkido ne soient pas conformes aux statuts types prévus par le décret du 13 février 1985 relatif aux statuts types des fédérations sportives, n'est pas de nature à entacher d'illégalité l'agrément délivré à cette fédération dès lors que le respect des statuts types prévus par ce décret n'est pas au nombre des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'un agrément ; que la circonstance que la déclaration en préfecture de l'Union des fédérations d'aïkido, intervenue le 20 octobre 1995, n'ait été publiée au Journal officiel que le 15 novembre suivant ne faisait pas obstacle à ce que le ministre accorde son agrément à cette fédération le 7 novembre 1995 ;
Considérant que la circonstance que l'agrément de la Fédération française de judo, juijitsu, kendo et disciplines associées (FFJDA) et l'approbation de ses statuts n'auraient pas fait l'objet d'une publication est sans influence sur la légalité de ces décisions ; que si le syndicat requérant soutient que le règlement intérieur de la Fédération française de judo, juijitsu, kendo et disciplines associées comporte des dispositions contraires à divers textes de droit national ou international et que cette circonstance, entachant la légalité de l'agrément et de la délégation accordés à ladite fédération, ferait obstacle à ce que cette dernière soit habilitée à délivrer des dans et grades équivalents, elle n'apporte aucune précision à l'appui de ses allégations ;
Considérant que si le syndicat requérant soutient que le monopole conféré aux fédérations sportives par l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984, dans sa rédaction issue de la loi du 15 juin 1999, porte atteinte au principe de non discrimination selon la nationalité garanti par le traité instituant la Communauté européenne, les dispositions législatives en cause, qui déterminent les conditions dans lesquelles les sportifs, professionnels ou amateurs, peuvent se voir attribuer des dans et grades équivalents en France n'ont ni pour objet ni pour effet d'exclure la reconnaissance des titres délivrés par les fédérations sportives d'autres Etats et ne créent ainsi, en elles-mêmes, aucune discrimination, même indirecte, selon la nationalité des titulaires de ces grades ; que le syndicat requérant ne saurait davantage se prévaloir à cet égard de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui ne figure pas au nombre des textes diplomatiques qui ont été ratifiés dans les conditions fixées par l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Considérant que la délégation accordée en application de l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984 n'étant pas une délégation de service public au sens des dispositions de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, le syndicat requérant ne saurait utilement invoquer les dispositions de cette dernière loi à l'encontre des arrêtés attaqués ;
Considérant que la circonstance que l'élection, le 1er février 1999, du président de la Fédération française de taekwondo et disciplines associées ait été annulée par un jugement du tribunal de grande instance de Lyon est sans influence sur la légalité de l'agrément ou de la délégation accordée à cette fédération ainsi que sur la légalité des arrêtés attaqués ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner les mesures d'instruction sollicitées, que le syndicat requérant n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêtés qu'il attaque ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le syndicat requérant réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT et du SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSEURS D'ARTS MARTIAUX la somme de 1 500 euros que demande la Fédération française de judo, juijitsu, kendo et disciplines associées au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT et du SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSEURS D'ARTS MARTIAUX est rejetée.
Article 2 : L'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT et le SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSEURS D'ARTS MARTIAUX verseront ensemble à la Fédération française de judo, juijitsu, kendo et disciplines associées la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSEURS D'ARTS MARTIAUX, à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT, à la Fédération française de judo, jujitsu, kendo et disciplines associées et au ministre des sports.