Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 novembre 2002 et 14 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par l'ASSOCIATION A.C. !, dont le siège est ... ; l'ASSOCIATION A.C. ! demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêté du 30 août 2002 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité portant agrément de l'avenant n° 4 du 19 juin 2002 au règlement annexé à la convention du 1er janvier 2001 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme de Clausade, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Choucroy, avocat de l'union professionnelle artisanale et de la SCP Gatineau, avocat de la société Confédération générale des petites et moyennes entreprises,
- les conclusions de M. Devys, Commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et la Confédération générale des Petites et Moyennes entreprises (CGPME) :
Considérant que l'association requérante a pour objet la défense des demandeurs d'emploi et la lutte contre la précarité et contre l'exclusion ; que l'arrêté attaqué du ministre des affaires sociales, du travail et de l'emploi agrée 1'avenant n° 4 du 19 juin 2002 au règlement annexé à la convention assurance chômage du 1er janvier 2001, relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage ; que l'association requérante justifie, eu égard à son objet, d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre cet arrêté ; que par une délibération en date du 20 décembre 2002, le conseil d'administration de l'association désigne expressément Mme Claire Y..., signataire de la requête, pour engager la présente action ; que dès lors, la fin de non-recevoir opposée à cette requête par le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et la Confédération générale des Petites et Moyennes entreprises (CGPME) doit être écartée ;
Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :
Considérant, en premier lieu, que par arrêté du 21 mai 2002, publié au Journal officiel de la République française le 30 mai 2002, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a donné délégation à Mme X..., déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, à l'effet de signer, en son nom, tous actes, arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions ; que le moyen tiré de ce que Mme X... n'aurait pas été compétente pour signer l'arrêté attaqué doit donc être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 352-2 du code du travail : Les accords ayant pour objet exclusif le versement d'allocations spéciales aux travailleurs sans emploi et, éventuellement aux travailleurs partiellement privés d'emploi, peuvent être agréés par arrêté du ministre chargé du travail lorsqu'ils sont négociés et conclus sur le plan national et interprofessionnel, entre organisations syndicales les plus représentatives d'employeurs et de travailleurs au sens de l'article L. 133-2 du présent code, et qu'ils ne comportent aucune stipulation incompatible avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur... ; que, si l'article L. 352-4 du même code dispose que Un arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre chargé de l'emploi détermine les mesures propres à assurer la sécurité et la liquidité des fonds des organismes mentionnés aux articles L. 351-21 et L. 351-22. , il ressort des pièces du dossier que l'avenant n° 4, au règlement annexé à la convention du 1er janvier 2001 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage, agréé par l'arrêté attaqué, réforme les conditions d'indemnisation des travailleurs involontairement privés d'emploi ; que son agrément était par conséquent régi par les dispositions de l'article L. 352-2 précité et non par celles de l'article L. 352-4 ; que dès lors, le moyen tiré de ce qu'il aurait dû être pris et également signé par le ministre du budget ne peut qu'être écarté ;
Sur la légalité interne :
En ce qui concerne l'arrêté attaqué, en tant qu'il agrée l'article 1er de l'avenant du 19 juin 2002 :
Considérant que la légalité d'un arrêté ministériel pris sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 351-2 du code du travail est nécessairement subordonnée à la légalité des stipulations de l'accord en cause ; qu'eu égard à la nature particulière d'un tel accord qui, en vertu de l'article L. 351-8 du même code, détermine, lorsqu'il est agréé, les mesures d'application des articles L. 351-3 à L. 351-7 de ce code et ne produit d'effet que du fait de cet agrément, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un recours contre l'arrêté d'agrément, de se prononcer sur les moyens mettant en cause la légalité des clauses de l'accord, sauf à renvoyer à l'autorité judiciaire l'examen des seules questions soulevant une difficulté sérieuse relative soit aux conditions de conclusion de l'accord soit à l'interprétation de la commune intention de ses auteurs ;
Considérant que, selon le troisième alinéa de l'article L. 351-3 du code du travail, l'allocation d'assurance chômage attribuée aux travailleurs privés d'emploi est accordée pour des durées limitées compte tenu de l'âge des intéressés et de leurs conditions d'activité professionnelle. Ces durées ne peuvent être inférieures aux durées fixées par décret en Conseil d'Etat. ; que l'article R. 351-1 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 19 mars 1993, applicable à la date de l'arrêté attaqué, disposait que les durées pendant lesquelles les allocations d'assurance mentionnées à l'article L. 351-3 sont servies ne peuvent être inférieures à : ....e) soixante mois ou quarante cinq mois, selon qu'ils ont ou non cinquante cinq ans ou plus à la fin de leur contrat de travail, pour les salariés justifiant de vingt sept mois d'activité au cours des trente six derniers mois précédant la fin de ce contrat, si celle-ci se place après leur cinquantième anniversaire ;
Considérant que l'article 1er de l'avenant litigieux ajoute aux stipulations précédemment applicables de l'article 12, du règlement annexé à la convention du 1er janvier 2001 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage, une condition supplémentaire au bénéfice de l'allocation en prévoyant que le salarié privé d'emploi, âgé de cinquante cinq ans ou plus doit justifier de 100 trimestres validés par l'assurance vieillesse au titre des régimes obligatoires du régime général.. ; qu'une telle condition, qui n'était pas prévue par l'article R. 351-1 dans sa rédaction alors en vigueur, a pour effet de limiter la durée d'indemnisation pour tous les travailleurs involontairement privés d'emploi qui remplissent les conditions d'âge et de durée d'activité exigées par cet article, mais ne peuvent justifier des 100 trimestres d'assurance vieillesse exigés par l'article 1er de l'avenant ; qu'il en résulte que l'association requérante est fondée à soutenir que cet article méconnaît les dispositions des articles L. 351-3 et R. 351-1 du code du travail ; que l'arrêté attaqué doit dès lors être annulé en tant qu'il agrée cette stipulation, qui est divisible du reste de l'avenant ;
En ce qui concerne l'autre moyen dirigé contre l'arrêté attaqué :
Considérant que si le ministre, en agréant le 30 août 2002 l'avenant litigieux qui prévoit lui même que les articles 2, 4 et 5, relatifs aux conditions de l'indemnisation, s'appliquent aux salariés privés d'emploi dont la fin de contrat de travail est postérieure au 30 juin 2002 et antérieure au 1er janvier 2003 , a fait produire à son arrêté des effets antérieurs à son intervention, cette rétroactivité découle nécessairement des dispositions de l'article L. 352-2 du code du travail selon lesquelles l'agrément est donné pour la durée de validité de l'accord ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché de rétroactivité illégale doit être écarté ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de condamner l'Etat à verser à l'association requérante la somme de 100 euros, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces dispositions, en revanche, font obstacle à ce que l'association requérante, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser au Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et à la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêté du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, en date du 30 août 2002, est annulé en tant qu'il agrée les stipulations de l'article 1er de l'avenant n° 4 au règlement annexé à la convention du 1er janvier 2001 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage, conclu le 19 juin 2002.
Article 2 : L'Etat versera à l'association requérante la somme de 100 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION A.C. !, au Mouvement des entreprises de France (MEDEF.), à la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), à l'Union professionnelle artisanale (UPA), à la Confédération française démocratique du travail (CFDT), à la Confédération française de l'encadrement (CFE-CGC), à la Confédération française des Travailleurs chrétiens (CFTC) et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.