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28/11/2003 | FRANCE | N°234225

France | France, Conseil d'État, 8eme et 3eme sous-sections reunies, 28 novembre 2003, 234225


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mai et 24 septembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle Paulette X, demeurant ... ; Mlle X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 21 mars 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement du 10 juin 1997 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) jugeant l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, d'annuler

les décisions du directeur du centre hospitalier du Havre en date du 13 ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mai et 24 septembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle Paulette X, demeurant ... ; Mlle X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 21 mars 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement du 10 juin 1997 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) jugeant l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, d'annuler les décisions du directeur du centre hospitalier du Havre en date du 13 janvier 1994 la plaçant en congé exceptionnel, en date du 25 avril 1994, la reclassant sur un poste de surveillante de coordination des soins et, du 12 octobre 1995, l'admettant à faire valoir ses droits à la retraite ;

3°) d'ordonner sa réintégration aux grades et fonctions de surveillante à compter du 13 janvier 1994 et jusqu'à la date à laquelle aurait normalement dû intervenir son départ à la retraite ;

4°) de condamner le centre hospitalier du Havre à lui payer la somme de 121 259,49 F au titre du préjudice financier et 250 000 F au titre du préjudice moral subis, sommes à majorer des intérêts au taux légal à compter du jour d'introduction de la requête et de la capitalisation des intérêts, ainsi qu'à lui verser la prime d'encadrement dont elle a été privée du 2 mai 1994 au 1er février 1996 ;

5°) de condamner le centre hospitalier du Havre à lui verser la somme de 25 000 F en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 89-376 du 8 juin 1989 ;

Vu le décret n° 92-4 du 2 janvier 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Morellet-Steiner, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Balat, avocat de Mlle X et de Me Foussard, avocat du centre hospitalier du Havre,

- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par décision du directeur du centre hospitalier du Havre, Mlle X, surveillante au service de gériatrie, a été, successivement, placée, le 13 janvier 1994, en congé exceptionnel avec maintien de son traitement jusqu'à la consultation d'un médecin du travail sur son aptitude professionnelle, puis été reclassée à compter du 2 mai 1994, sur un poste de surveillante dans un service de coordination des soins, enfin, admise, le 12 octobre 1995, à faire valoir ses droits à la retraite ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt, en date du 21 mars 2001, par lequel la cour administrative d'appel de Douai a confirmé le jugement du 10 mai 1997 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant, en premier lieu, à l'annulation des décisions citées ci-dessus, en deuxième lieu, à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier du Havre de la réintégrer dans ses grades et fonctions du 13 janvier 1994 à la date normale de son départ à la retraite, en troisième lieu, à ce que celui-ci soit condamné à lui verser les sommes de 121 259,49 F au titre du préjudice financier et de 250 000 F au titre du préjudice moral résultant pour elle desdites décisions ;

En ce qui concerne les conclusions du pourvoi relatives à la décision du 13 janvier 1994 :

Considérant qu'en jugeant que le directeur du centre hospitalier pouvait légalement, même sans texte, éloigner provisoirement Mlle X du service où elle exerçait ses fonctions en raison de l'atteinte au fonctionnement normal du service et du risque pour la sécurité des personnes âgées qui y étaient soignées, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'en retenant qu'une telle mesure n'était pas, dans ces conditions, au nombre de celles pour lesquelles le fonctionnaire concerné doit être mis à même de consulter son dossier, la cour n'a pas non plus commis d'erreur de droit ; que son arrêt est, sur ces deux points, suffisamment motivé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à demander, sur ce point, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

En ce qui concerne les conclusions du pourvoi relatives à la décision procédant au reclassement de Mlle X :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 8 juin 1989 relatif au reclassement des fonctionnaires pour raison de santé : Lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en état d'exercer sa fonction, de manière temporaire ou permanente, et si les nécessités du service ne permettent pas un aménagement des conditions de travail, l'autorité investie du pouvoir de nomination, après avis du médecin du travail dans l'hypothèse où l'état du fonctionnaire n'a pas nécessité l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical si un tel congé a été accordé, peut affecter ce fonctionnaire dans un poste de travail correspondant à son grade dans lequel les conditions de service sont de nature à permettre à l'intéressé d'assurer ses fonctions ; qu'aux termes de l'article 2 du même décret : Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'intéressé peut présenter une demande de reclassement dans un emploi relevant d'un autre grade de son corps ou dans un emploi relevant d'un autre corps. L'autorité investie du pouvoir de nomination recueille l'avis du comité médical départemental ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue de la mesure de suspension susmentionnée, Mlle X a été réaffectée par le directeur du centre hospitalier, comme surveillante au service de coordination des soins infirmiers, à compter du 2 mai 1994 ; que pour rejeter les conclusions dirigées par Mlle X contre cette décision, la cour administrative d'appel de Douai, se fondant, à tort, sur la disposition précitée de l'article 2 du décret du 8 juin 1989, a écarté comme inopérants les moyens tirés par elle du défaut de consultation de son médecin traitant et du médecin du travail, sans se prononcer sur le moyen, qui était, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, soulevé dans les écritures d'appel, et qui n'était pas inopérant au regard desdites dispositions, tiré de ce qu'ayant été contrainte d'accepter sa nouvelle affectation, elle ne pouvait être regardée comme ayant formé la demande de reclassement à laquelle est subordonnée l'application de ces dispositions ; que, par suite, Mlle X est fondée à demander, sur ce point, l'annulation de l'arrêt attaqué qui est entaché d'erreur de droit ;

Considérant qu'il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler, sur ce point, l'affaire au fond ;

Considérant qu'il est constant que la mesure de reclassement litigieuse a consisté à affecter Mlle X dans un poste de travail correspondant à son grade, et non dans un emploi relevant d'un autre grade ou d'un autre corps ; qu'elle doit, dès lors, être regardée comme ayant été prise en application des dispositions précitées de l'article 1er du décret du 8 juin 1989, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Rouen, et non de celles de son article 2 ; qu'ainsi les moyens tirés par Mlle X de ce qu'elle n'aurait pas été reclassée sur sa demande, et que le directeur du centre hospitalier n'aurait consulté ni son médecin traitant, ni le comité médical départemental sont inopérants ; que le moyen tiré de ce que l'avis du médecin du travail n'aurait pas été recueilli manque en fait ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision procédant à son reclassement à compter du 2 mai 1994 ;

En ce qui concerne les conclusions relatives à la décision du 12 octobre 1995 :

Considérant que, pour rejeter les conclusions dirigées par Mlle X contre la décision du 12 octobre 1995 l'admettant à faire valoir ses droits à la retraite, la cour n'a pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que cette mesure serait entachée de détournement de pouvoir ; que, par suite, Mlle X est fondée à demander, sur ce point également, l'annulation de l'arrêté attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative de régler, sur ce point, l'affaire au fond ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué par Mlle X n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 12 octobre 1995 ;

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au directeur du centre hospitalier du Havre de la réintégrer dans ses fonctions et grade, pour la période allant du 13 janvier 1994, date de sa suspension, au 1er février 1996, date d'effet de son admission à la retraite :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant que la présente décision n'appelle pas la mesure d'exécution demandée ; que, par suite, les conclusions analysées ci-dessus ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Sur le préjudice né de la perte de la prime d'encadrement pendant la période du 2 mai 1994 au 1er février 1996 :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 2 janvier 1992 susvisé : Les personnels énumérés ci-après, en activité dans les établissements mentionnés à l'article 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires susvisé, perçoivent, à raison des fonctions qu'ils exercent, une prime d'encadrement dont le montant est fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé du budget : (...) 10°) surveillants (...) ;

Considérant qu'en retenant, pour rejeter les conclusions indemnitaires de la requérante liées à la perte de ladite prime, que celle-ci n'avait plus effectivement exercé, à compter du mois de mai 1994, les fonctions d'encadrement ouvrant droit à cette prime, alors même qu'elle avait été maintenue dans son grade, la cour n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis, ni commis d'inexactitude matérielle ; que, par suite, Mlle X n'est pas fondée à demander sur ce point l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur les autres conclusions indemnitaires présentées par Mlle X :

Considérant que la présente décision rejetant les conclusions du pourvoi dirigées contre l'arrêt en tant qu'il statue sur les conclusions d'excès de pouvoir, il n'y a pas lieu, comme le demande la requérante, d'annuler par voie de conséquence l'arrêt en tant qu'il rejette les prétentions indemnitaires de l'intéressée fondées sur l'illégalité fautive des décisions contestées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par le centre hospitalier du Havre et par Mlle X :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier du HavreX, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamné à verser à Mlle LUCCHINI la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner Mlle LUCCHINI à payer au centre hospitalier du Havre laX somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 21 mars 2001 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de Mlle X relatives aux décisions des 2 mai 1994 et 12 octobre 1995.

Article 2 : Les conclusions de Mlle X devant la cour administrative d'appel de Douai dirigées contre les décisions des 2 mai 1994 et 12 octobre 1995 et le surplus des conclusions de sa requête devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions du centre hospitalier du Havre présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mlle Paulette X, au centre hospitalier du Havre et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.


Synthèse
Formation : 8eme et 3eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 234225
Date de la décision : 28/11/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 nov. 2003, n° 234225
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme de Saint Pulgent
Rapporteur ?: Mme Morellet-Steiner
Rapporteur public ?: M. Collin
Avocat(s) : BALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:234225.20031128
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