Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 mai et 9 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Louis X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 8 mars 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du tribunal administratif de Rennes du 31 mai 2000 déclarant l'Etat responsable du préjudice que lui a causé l'arrêté du 12 décembre 1989 fixant la liste des substances, compositions et formes pharmaceutiques mentionnées à l'article R. 163-1 du code de la sécurité sociale, annulé par décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 15 avril 1996 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 108 213,90 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 1996 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Boulouis, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, pour faire droit au recours introduit par le ministre de l'emploi et de la solidarité contre le jugement du tribunal administratif de Rennes du 31 mai 2000 reconnaissant la responsabilité de l'Etat et ordonnant une expertise pour évaluer le préjudice subi par M. X, la cour administrative d'appel de Nantes a estimé que l'illégalité de l'arrêté du 12 décembre 1989 fixant la liste des substances, compositions et formes pharmaceutiques mentionnées à l'article R. 163-1 du code de la sécurité sociale, annulé par décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 15 avril 1996 par voie de conséquence de l'annulation du décret modifiant l'article R. 163-1 du code de la sécurité sociale, ne pouvait engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de M. X dès lors que l'annulation prononcée ne faisait pas obstacle à ce que les mesures annulées soient reprises par l'autorité compétente ; qu'elle n'a ainsi pas répondu aux moyens présentés en défense par M. X et tirés de ce que l'arrêté était entaché d'autres vices que celui ayant conduit à son annulation et qui faisaient obstacle, selon lui, à ce qu'il puisse être légalement repris ; qu'elle a ainsi insuffisamment motivé son arrêt ; que M. X, qui, contrairement à ce que soutient le ministre, à intérêt à agir contre cet arrêt, est fondé à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Sur la responsabilité :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 163-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du décret du 12 juillet 1989, pris pour l'application de l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale : Les médicaments officinaux (...) ne sont pas remboursés par les organismes de sécurité sociale lorsqu'ils appartiennent à l'une des catégories ci-après : a) médicaments officinaux et préparations magistrales contenant au moins une substance ou au moins une composition ne figurant pas sur une liste fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ; b) préparations magistrales présentées sous une autre forme pharmaceutique que celles énumérées par l'arrêté mentionné au a) (...) et que selon l'annexe 2 de l'arrêté du 12 décembre 1989, pris pour l'application de ces dispositions, les produits homéopathiques mentionnés à l'annexe III de l'arrêté du 12 septembre 1984 sont remboursables aux assurés sociaux à condition qu'ils soient associés entre eux ; que le décret du 12 juillet 1989 a été annulé pour incompétence par une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 15 avril 1996 qui a également annulé, par voie de conséquence, l'arrêté du 12 décembre 1989 pris pour son application ; que la circonstance que d'autres textes réglementaires aient été repris ou auraient pu l'être sur le fondement de l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale est sans incidence sur l'existence d'un préjudice résultant de l'application d'une réglementation illégale pendant la période considérée ;
Considérant, d'autre part, que le non-remboursement des préparations homéopathiques unitaires a nécessairement eu pour effet de conduire les médecins prescripteurs et les patients à faire porter leur choix sur des médicaments remboursables, notamment les préparations unitaires commercialisées par les laboratoires pharmaceutiques ; qu'ainsi, le préjudice dont se prévaut M. X présente un lien direct avec les dispositions de l'arrêté du 12 décembre 1989 annulé par la décision susmentionnée ; que, dès lors, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 31 mai 2000 par lequel le tribunal administratif de Rennes a reconnu un droit à indemnité à M. X du fait de l'illégalité de l'arrêté du 12 décembre 1989 ;
Sur les conclusions d'appel incident de M. X aux fins d'indemnisation du préjudice :
Considérant que M. X demande, par la voie de l'appel incident, que soit fixé le montant de l'indemnité à laquelle il a droit du fait des illégalités susanalysées à la suite de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Rennes et du rapport déposé par l'expert postérieurement au jugement de ce tribunal ; que, contrairement à ce que soutient le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, le Conseil d'Etat statuant au contentieux est compétent pour en connaître ;
Considérant toutefois que les conclusions incidentes de M. X tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 108 213,90 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 1996 au titre du préjudice subi du fait de l'illégalité de l'arrêté du 12 décembre 1989 et à contester ainsi les articles 2 à 5 du jugement du tribunal administratif de Rennes ayant désigné un expert et fixé sa mission ne sont assorties d'aucun moyen dirigé contre ce jugement et ne peuvent donc qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à M. X la somme de 3 000 euros que demande celui-ci au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 8 mars 2002 est annulé.
Article 2 : Le recours du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité devant la cour administrative d'appel de Nantes et l'appel incident de M. X sont rejetés.
Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Louis X et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.