Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 4 juillet et le 6 novembre 2000, présentés pour la société REFLEXIONS, MEDIATIONS, RIPOSTES, dont le siège social est ..., agissant par la voix de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège ; la société REFLEXIONS, MEDIATIONS, RIPOSTES demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 27 janvier 2000 par lequel la Cour des comptes a rejeté son appel dirigé contre le jugement de la chambre régionale des comptes d'Alsace l'ayant déclarée, conjointement et solidairement avec une autre personne, débitrice des deniers de la région Alsace pour la somme de 944 280 F et l'ayant condamnée à une amende de 20 000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l'article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;
Vu le décret n° 64-1022 du 29 septembre 1964 ;
Vu le décret n° 66-850 du 15 novembre 1966 ;
Vu le décret n° 85-199 du 11 février 1985 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Legras, Auditeur,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société REFLEXIONS, MEDIATIONS, RIPOSTES,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite de la vérification des comptes de la région Alsace, des opérations constitutives de gestion de fait ont été mises en évidence ; que, par un arrêt du 28 avril 1997 devenu définitif, la Cour des comptes a confirmé le jugement des 7 avril et 13 octobre 1995 de la chambre régionale des comptes d'Alsace déclarant la société REFLEXIONS, MEDIATIONS, RIPOSTES, conjointement et solidairement avec une autre personne, comptable de fait des deniers de la région Alsace ; que, par l'arrêt attaqué, la Cour des comptes a rejeté la requête de cette société tendant à l'annulation du jugement, en date du 10 juin 1999, la déclarant solidairement débitrice envers la région Alsace de la somme de 944 280 F augmentée des intérêts légaux à compter du 31 décembre 1991 et la condamnant à payer une amende de 20 000 F ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'il ressort de l'ensemble des dispositions du code des juridictions financières que la procédure à l'issue de laquelle la Cour des comptes se prononce sur les comptes des comptables patents ou sur ceux des personnes qu'elle a déclarées comptables de fait et, le cas échéant, prononce à leur encontre, pour l'un ou l'autre des motifs prévus par la loi, une amende, constitue, alors même qu'elle implique nécessairement l'intervention de plusieurs arrêts, une procédure unique ; que la garantie des droits du comptable patent ou du comptable de fait y est assurée, d'une part, par un apurement des comptes par voie juridictionnelle et non administrative, d'autre part, par la règle, remontant à l'arrêté des consuls du 29 frimaire de l'an IX, du double arrêt, qui a pour objet, d'une part, d'identifier et de limiter les points en litige, d'autre part, de permettre au comptable d'apporter à la Cour des explications ou des justifications ; que la société REFLEXIONS, MEDIATIONS, RIPOSTES n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que l'arrêt attaqué serait irrégulier au motif que des mêmes juges ont connu de l'affaire aux différents stades de la procédure d'apurement de la gestion de fait ;
Considérant, que le rapport du rapporteur ne constitue pas une pièce de la procédure d'instruction mais participe à la fonction de juger dévolue à la formation collégiale dont ce magistrat est membre ; que par suite, et pas plus d'ailleurs que pour celui du contre rapporteur, il ne saurait être soutenu qu'il aurait dû être communiqué à la société requérante préalablement au jugement de l'affaire ;
Considérant que selon l'article R. 112-8 du code des juridictions financières, le procureur général près la cour des comptes : "( ...) exerce le ministère public par voie de réquisitions ou de conclusions" ; que si dans les cas - tel celui où il interjette lui-même appel du jugement d'une chambre régionale des comptes - où le procureur général près la Cour des comptes doit être regardé, alors même qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne lui donne le pouvoir de former un pourvoi en cassation contre l'arrêt qui sera rendu, comme ayant la qualité de partie au litige sur les comptes soumis à la Cour, ses réquisitions doivent être communiquées au comptable afin que celui-ci soit mis en mesure de discuter l'ensemble des éléments soumis à l'appréciation de la juridiction, il en va autrement, eu égard à la nature des activités juridictionnelles de la Cour, à la procédure suivie devant elle et au rôle qu'y joue le procureur général, des conclusions ayant la nature d'un avis qu'il donne sur les rapports qui lui sont communiqués ; qu'ainsi la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'absence de communication des conclusions écrites du procureur général aurait constitué une méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure ou des autres principes rappelés par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que si le principe général d'impartialité fait obstacle à ce que le rapporteur devant la Cour des comptes participe au jugement de comptes dont il aurait eu à connaître à l'occasion d'une vérification, il ressort des pièces de la procédure suivie devant la Cour que, dans les circonstances de l'espèce, le rapporteur de l'affaire devant la Cour des comptes, qui statuait en appel, n'a exercé aucun des pouvoirs d'investigation prévus aux articles R. 141-2 et R. 141-3 du code des juridictions financières ; qu'il suit de là que sa participation au délibéré n'a pas entaché l'arrêt attaqué d'un manquement au principe d'impartialité ;
Sur la légalité de l'arrêt attaqué :
Considérant que, pour rejeter le moyen tiré par la société REFLEXIONS, MEDIATIONS, RIPOSTES de ce que la formation de jugement de la chambre régionale des comptes d'Alsace qui s'est prononcée à titre définitif n'avait pas une composition identique à celle de la formation qui avait assisté à l'audition des parties et à l'audience publique, la Cour des comptes a relevé que la règle de l'imparité et le quorum fixés par l'article 16 du décret du 23 août 1995 avaient été respectés et qu'aucun magistrat absent lors des séances antérieures n'avait pris part au délibéré du jugement définitif ; qu'elle n'a ainsi entaché son arrêt d'aucune d'erreur de droit ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces de la procédure suivie devant la Cour des comptes que le membre de la chambre régionale des comptes d'Alsace qui a mené, pour le compte de cette chambre, la vérification des comptes et de la gestion de la région Alsace ait ensuite occupé les fonctions de rapporteur devant la formation de jugement de cette chambre qui a fixé la ligne du compte de la gestion de fait et a condamné la société requérante au paiement d'une amende pour immixtion dans les fonctions de comptable public ; qu'ainsi la requérante n'est pas fondée à soutenir que la Cour des comptes aurait commis une erreur de droit en ne relevant pas d'office l'irrégularité qui serait résultée de la participation de ce rapporteur au délibéré de la formation de jugement qui a adopté le jugement définitif de déclaration de gestion de fait ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société REFLEXIONS, MEDIATIONS, RIPOSTES n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 27 janvier 2000 de la Cour des comptes ;
Article 1er : La requête de la société REFLEXIONS, MEDIATIONS, RIPOSTES est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société REFLEXIONS, MEDIATIONS, RIPOSTES, à M. X..., à la région Alsace, au procureur général près la Cour des comptes et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.