Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN AUX TRAVAILLEURS IMMIGRES, représenté par son président en exercice et domicilié au siège de l'association, 3, villa Marcès à Paris (75011) ; le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN AUX TRAVAILLEURS IMMIGRES demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 99-352 du 5 mai 1999 modifiant le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 réglementant les conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 22 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code du travail ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Verot, Auditeur,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du GROUPEMENT D'INFORMATION ET DE SOUTIEN AUX TRAVAILLEURS IMMIGRES,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité externe :
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : "Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution" ;
Considérant qu'il ressort des visas du décret attaqué que celui-ci a été pris sur le rapport du ministre de l'intérieur, du ministre de l'emploi et de la solidarité et du ministre des affaires étrangères ; qu'ainsi le moyen tiré de l'absence de rapport des ministres concernés manque en fait ;
Considérant que les dispositions du décret attaqué, selon lesquelles le préfet met en place la commission du titre de séjour par un arrêté constatant la désignation par le président du tribunal administratif d'un conseiller délégué et d'un suppléant, et par l'assemblée générale du tribunal de grande instance du chef-lieu du département d'un magistrat et de son suppléant, n'impliquent pas nécessairement l'intervention de mesures réglementaires ou individuelles que le garde des Sceaux, ministre de la justice, serait compétent pour signer ou contresigner ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce qu'il n'a pas contresigné le décret attaqué doit être écarté ;
Sur la légalité interne :
En ce qui concerne l'article 7-1 ajouté au décret du 30 juin 1946 par l'article 10 du décret attaqué :
Considérant que le décret attaqué introduit dans le décret du 30 juin 1946 un article 7-1 en vertu duquel l'étranger autorisé à exercer à titre temporaire, en application de l'article R. 341-7 du code du travail, une activité salariée chez un employeur déterminé reçoit une carte de séjour temporaire portant la mention "travailleur temporaire", faisant référence à l'autorisation provisoire de travail dont il bénéficie et de même durée de validité ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 341-7 du code du travail : "Une autorisation provisoire de travail peut être délivrée à l'étranger qui ne peut prétendre ni à la carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ni à la carte de résident et qui est appelé à exercer chez un employeur déterminé, pendant une période dont la durée initialement prévue n'excède pas un an, une activité présentant par sa nature ou les circonstances de son exercice un caractère temporaire. La durée de validité de cette autorisation ( ...) ne peut dépasser neuf mois. Elle est renouvelable" ; que l'article R. 351-25 du même code prévoit que les travailleurs étrangers bénéficient du revenu de remplacement auquel ont droit les travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi, dans les mêmes conditions que les travailleurs français s'ils se trouvent en situation régulière au regard des dispositions réglementant l'exercice par eux des activités professionnelles salariées ;
Considérant que le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN AUXTRAVAILLEURS IMMIGRES soutient que le décret attaqué, en empêchant les intéressés de faire valoir leurs droits aux prestations d'assurance chômage à l'issue de leur contrat de travail temporaire, crée une différence de traitement entre étrangers et nationaux concernant l'accès à ces prestations qui serait contraire au principe d'égalité garanti tant par le droit interne que par les engagements internationaux de la France ; qu'il ressort toutefois des dispositions précitées que la possibilité, pour les étrangers séjournant en France, de faire valoir des droits aux prestations d'assurance chômage est subordonnée à la possession par ceux-ci d'une autorisation pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée en France ; que les étrangers bénéficiant d'une autorisation provisoire de travail sont seulement autorisés à exercer une activité professionnelle par nature temporaire et chez un employeur déterminé, et ne peuvent être considérés en principe, à l'expiration de leur contrat, comme autorisés à procéder à la recherche d'un nouvel emploi sur le marché du travail en France ; qu'ainsi la différence de traitement alléguée ne saurait en tout état de cause procéder des dispositions du décret attaqué, qui se bornent à prévoir les conditions de séjour en France des étrangers bénéficiant d'une telle autorisation provisoire de travail ;
En ce qui concerne l'article 13-1 ajouté au décret du 30 juin 1946 par l'article 26 du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour ( ...). L'étranger ( ...) peut être assisté d'un conseil ou de toute personne de son choix et être entendu avec un interprète" ; que la circonstance que l'article 26 du décret attaqué n'ait pas rappelé la possibilité pour l'étranger d'être assisté d'un interprète ou d'un conseil de son choix n'a pas pour effet de faire obstacle à l'application des dispositions législatives précitées ; que le moyen tiré de ce qu'il aurait méconnu ces garanties ne peut qu'être écarté ;
Considérant enfin que les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peuvent être utilement invoquées pour contester la légalité de la procédure suivie devant la commission du titre de séjour, laquelle est saisie, à titre consultatif, par le préfet lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; qu'aucun texte ni aucun principe général n'impose la publicité des débats devant une telle commission ;
Article 1er : La requête du GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN AUX TRAVAILLEURS IMMIGRES est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN AUX TRAVAILLEURS IMMIGRES, au Premier ministre, au ministre de l'intérieur, au ministre de l'emploi et de la solidarité et au ministre des affaires étrangères.