Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 5 août 1997, présentée pour la S.A. MARIN, dont le siège est ... ; la requérante demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 9 juin 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête aux fins de réduction de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1988 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Bouthors, avocat de la S.A. MARIN,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances etde l'industrie :
Considérant que la requête introductive présentée par la S.A. MARIN a été régularisée par la production ultérieure d'un mémoire signé par l'avocat aux Conseils représentant ladite société ; que la fin de non-recevoir tirée par le ministre de ce que la requête serait irrecevable pour n'avoir pas été présentée par le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat doit dès lors, être écartée ;
Sur les conclusions de la requête :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales : "Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts directs locaux et aux taxes annexes doivent être présentées à l'administration des impôts au plus tard le 31 décembre de l'année suivant ... : a) L'année de la mise en recouvrement du rôle ...", et qu'aux termes de l'article R. 196-3 du même Livre : "Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de redressement de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations" ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 174 du même Livre : "Les omissions ou les erreurs concernant la taxe professionnelle peuvent être réparées par l'administration jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due" ; que le contribuable à l'égard duquel l'administration met en oeuvre le pouvoir de "réparation" qui lui est ainsi conféré en matière de taxe professionnelle doit être regardé comme faisant l'objet d'une "procédure de reprise" au sens de l'article R. 196-3 précité ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel qu'à l'issue d'une vérification de sa comptabilité, l'administration a adressé à la S.A. MARIN, le 18 décembre 1989, une notification de redressements dans laquelle, en outre, elle a informé cette société de son intention de l'assujettir à un supplément de cotisation de taxe professionnelle au titre de l'année 1988 ; que, par une réclamation présentée le 12 décembre 1991, la S.A. MARIN a sollicité une réduction de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle avait été primitivement assujettie au titre de ladite année, par application du plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée produite au cours de la période de référence prévu à l'article 1647 B sexies-I du code général des impôts ; que la cour administrative d'appel a, par l'arrêt attaqué, jugé cette réclamation tardive, en se fondant sur la circonstance que le rappel de taxe annoncé à la société le 18 décembre 1989 l'avait été à titre de simple information, et non dans le cadre d'une procédure contradictoire, expressément exclue en matière de taxe professionnelle en vertu de l'article L. 56-1° du livre des procédures fiscales ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de la notification faite à la société que celle-ci faisait l'objet d'une procédure de reprise de nature à l'autoriser, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, en application des dispositions de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, à présenter une réclamation jusqu'à l'expiration du délai de reprise dont disposait l'administration en vertu de l'article L. 174 précité de ce Livre, la cour administrative d'appel a entaché l'arrêt attaqué d'une erreur de droit ; que la S.A. MARIN est, par suite, fondée à demander que ledit arrêt soit annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en application des dispositions de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, la S.A. MARIN a vu, à compter de la notification du 18 décembre 1989, le délai dont elle disposait pour présenter une réclamation tendant à la réduction de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle avait primitivement été assujettie au titre de l'année 1988 prolongé jusqu'au terme du nouveau délai de reprise ouvert à l'administration par cet acte interruptif de la prescription, soit jusqu'au 31 décembre 1992 ; qu'ainsi, la réclamation qu'elle a présentée le 12 décembre 1991 était, contrairement à ce qu'ajugé le tribunal administratif, recevable ;
Considérant, en second lieu, que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ne conteste pas qu'en application des dispositions de l'article 1647 B sexies-I du code général des impôts, la S.A. MARIN est fondée à demander que la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1988 soit réduite de 708 914 F, somme à laquelle la société dans le dernier état de ses conclusions, limite sa prétention ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A. MARIN est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement dont elle fait appel, le tribunal administratif de Lyon ne lui a pas accordé la réduction, limitée toutefois à la somme de 708 914 F, de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1988 ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la S.A. MARIN, une somme de 20 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 9 juin 1997 est annulé.
Article 2 : Il est accordé à la S.A. MARIN une réduction de 708 914 F de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1988.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 juin 1995 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : L'Etat versera à la S.A. MARIN, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 20 000 F.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la S.A. MARIN et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.