Vu la requête enregistrée le 10 septembre 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Georgette X..., demeurant ... ; Mme X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt du 11 juillet 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 8 juin 1994 du tribunal administratif de Paris, en tant que ledit jugement a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite opposée par le secrétaire d'Etat chargé des rapatriés à sa demande préalable sollicitant un complément d'indemnisation au titre de la perte d'un bien en Algérie et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 8 814 667 F avec les intérêts et les intérêts des intérêts ;
2°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 8 814 667 F, avec les intérêts et les intérêts des intérêts à compter de sa demande, actualisée selon l'indice INSEE de la valeur du franc au jour de la décision de justice à intervenir ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ainsi que son protocole additionnel n° 1 ;
Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 novembre 1966 ;
Vu les déclarations gouvernementales du 19 mars 1962, dites "accords d'Evian" ;
Vu le code civil et notamment son article 1154 ;
Vu la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 ;
Vu la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 ;
Vu la loi n° 78-1 du 2 janvier 1978 ;
Vu la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Gounin, Auditeur,
- les observations de Me Roger, avocat de Mme X...,
- les conclusions de Mme Daussun, Commissaire du gouvernement ;
Sur le moyen tiré de l'interprétation des déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l'Algérie dites "accords d'Evian" :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'examen de l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé, que, pour interpréter les stipulations invoquées des accords susmentionnés, la cour administrative d'appel ne s'est pas crue liée par l'interprétation qui a pu être donnée par le ministre des affaires étrangères, et n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni en tout état de cause, le premier alinéa de l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ; que, d'autre part, en jugeant que lesdites déclarations ne comportaient pas de clauses ou de promesses garantissant aux Français résidant en Algérie qu'au cas où ils seraient spoliés de leurs biens par l'Etat algérien, l'Etat français les indemniserait du préjudice en résultant, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'elle a pu légalement en déduire que la responsabilité de l'Etat ne pouvait être engagée pour avoir méconnu les stipulations desdites déclarations ;
Sur le moyen tiré de promesses de l'Etat :
Considérant que la cour n'a pas dénaturé la portée de la brochure intitulée "Les accords d'Evian et les pieds-noirs", éditée et distribuée en 1962 par le Haut-commissariat de la République en Algérie, en jugeant qu'elle ne contenait aucun engagement ni aucune promesse de l'Etat français relative, en cas de défaillance de l'Etat algérien, à l'indemnisation intégrale par la France des préjudices subis par les propriétaires français dépossédés de leurs biens en Algérie ;
Sur les moyens tirés de ce que l'indemnisation accordée à Mme X... méconnaîtrait divers principes ou engagements internationaux de la France :
Considérant, en premier lieu, que le préjudice subi par Mme X..., qui ne trouve pas son origine directe dans le fait de l'Etat français, ne saurait, ainsi que l'a jugé à bon droit la cour, engager la responsabilité de l'Etat français sur le fondement du principe de l'égalité devant les charges publiques ;
Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que l'indemnisation forfaitaire et partielle instituée par les lois susvisées des 15 juillet 1970, 2 janvier 1978 et 16 juillet 1987, méconnaîtrait des règles et principes de valeur constitutionnelle, n'est pas de nature à être discuté devant le juge administratif et a été écarté à bon droit par la cour ;
Considérant, en troisième lieu, que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en décidant que l'Etat français, qui n'était pas tenu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de se substituer à l'Etat algérien défaillant pour indemniser intégralement les propriétaires français dépossédés, n'a pu, en décidant d'accorder une indemnisation partielle à ces derniers, et dès lors que le dommage trouvait sa cause directe dans le fait d'un Etat étranger, méconnaître ni l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 14 de cette convention, ni en tout état de cause l'article 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Georgette X... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.