Vu, 1°) sous le n° 173295, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 octobre 1995 et 2 novembre 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Collectif alternative pyrénéenne à l'axe européen, représenté par ses représentants légaux, dont le siège est ... et pour le Comité des habitants pour la vie en vallée d'Aspe, représenté par ses représentants légaux, dont le siège est à la mairie d'Accous (64490) ; ils demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 6 septembre 1995 déclarant d'utilité publique les travaux d'aménagement de la route nationale RN 134 entre Urdos et les Forges d'Abel sur la commune d'Urdos (Pyrénées Atlantiques) ;
2°) de prononcer le sursis à l'exécution de ce décret ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu, 2°) sous le n° 174816, la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 13 novembre 1985, présentée par le Comité pour la réouverture de la ligne Oloron-Canfranc, représenté par son président, dont le siège social est Mairie de Bedous à Bedous (64490) ; le Comité demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 6 septembre 1995 déclarant d'utilité publique les travaux d'aménagement de la route nationale RN 134 entre Urdos et les Forges d'Abel sur la commune d'Urdos (Pyrénées Atlantiques) ;
2°) de condamner l'Etat à verser à l'association requérante la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu, 3°) sous le n° 174836, la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 14 novembre 1985, présentée par la Fédération nationale des associations d'usagers des transports, représentée par son président, dont le siège social est ... ; la Fédération demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 6 septembre 1995 déclarant d'utilité publique les travaux d'aménagement de la route nationale RN 134 entre Urdos et les Forges d'Abel sur la commune d'Urdos (Pyrénées Atlantiques) ;
2°) de condamner l'Etat à verser à l'association requérante la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu la loi n° 82-653 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs et le décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 pris pour son application ;
Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 modifié par le décret n° 93-245 du 25 février 1993 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Mitjavile, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du Collectif alternative pyrénéenne à l'axe européen et du Comité des habitants pour la vie en vallée d'Aspe,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par une même décision ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :
Considérant que selon les dispositions du deuxième alinéa de l'article 14 de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 : "Les grands projets d'infrastructures et les grands choix technologiques sont évalués sur la base de critères homogènes permettant de procéder à des comparaisons à l'intérieur d'un même mode de transport et entre différents modes ou combinaisons de modes. Ces évaluations sont rendues publiques avant l'adoption définitive des projets concernés ..." ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 17 juillet 1984 pris pour l'application de la loi du 30 décembre 1982 : "Sont considérés comme grands projets d'infrastructures de transports : ... 3. Les projets d'infrastructures de transports dont le coût est égal ou supérieur à 545 millions de francs" ; qu'aux termes de l'article 3 du même décret : "Lorsqu'un projet est susceptible d'être réalisé par tranches successives, les conditions prévues à l'article 2 s'apprécient au regard de la totalité dudit projet et non de chacune de ces tranches ; l'évaluation (...) doit être préalable à la réalisation de la première tranche ..." ; qu'aux termes enfin de l'article 6 du même décret : " ... le dossier d'évaluation (...) est inséré dans les dossiers soumis à enquête publique" ;
Considérant que les travaux prévus sur la RN 134 entre Urdos et les Forges d'Abel pour un montant prévisionnel de 98 millions de francs, et déclarés d'utilité publique par le décret attaqué, constituent un élément du projet de réaménagement de cette voie entre Oloron et les Forges d'Abel, qui a fait l'objet d'une décision ministérielle du 8 novembre 1994 ; que cette décision a estimé à 750 millions de francs le coût des travaux restant à exécuter pour ce réaménagement destiné à améliorer la liaison entre la France et l'Espagne, par le tunnel du Somport ; que ce coût est supérieur au seuil de 545 millions de francs fixé par l'article 2 précité du décret du 17 juillet 1984 ; qu'ainsi, et alors même qu'il se décomposait en plusieurs opérations distinctes, le projet de réaménagement de la RN 134 entre Oloron et les Forges d'Abel devait être regardé comme un grand projet d'infrastructure au sens des dispositions précitées de la loi du 30 décembre 1982 et du décret du 17 juillet 1984 ; que cependant l'évaluation prescrite par ces dispositions n'a pas été jointe au dossier soumis à l'enquête publique qui, pour les travaux à exécuter entre Urdos et les Forges d'Abel, s'est déroulée du 1er septembre au 8 novembre 1994 ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que la procédure a été irrégulière et à demander en conséquence l'annulation du décret attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer la somme globale de 10 000 F au Collectif alternative pyrénéenne à l'axe européen et au Comité des habitants pour la vie en vallée d'Aspe, la somme de 5 000 F au Comité pour la réouverture de la ligne Oloron-Canfranc, et la somme de 5 000 F à la Fédération nationale des usagers des transports, au titre des sommes exposées par les associations requérantes et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le décret du 6 septembre 1995 déclarant d'utilité publique les travaux d'aménagement de la RN 134 entre Urdos et les Forges d'Abel est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer la somme globale de 10 000 F au Collectif alternative pyrénéenne à l'axe européen et au Comité des habitants pour la vie en vallée d'Aspe, la somme de 5 000 F au Comité pour la réouverture de la ligne Oloron-Canfranc, et la somme de 5 000 F à la Fédération nationale des usagers des transports.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Collectif alternative pyrénéenne à l'axe européen, au Comité des habitants pour la vie en vallée d'Aspe, au Comité pour la réouverture de la ligne Oloron-Canfranc, à la Fédération nationale des usagers des transports, au Premier ministre et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.