Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 31 mars 1995 et 28 juillet 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Mohamed Mounir X..., demeurant au siège du "comité de lutte contre la répression" ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule la décision du 3 février 1995 par laquelle la commission des recours des réfugiés a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 août 1994 par laquelle le directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'admission au statut de réfugié ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocle signé à New York le 31 janvier 1967 ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 ;
Vu le décret n° 53-377 du 2 mai 1953 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lévy, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Monod, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que selon l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés signée le 11 septembre 1952, complétée par le protocole signé le 31 janvier 1957, "le terme "réfugié" s'applique à toute personne qui (...) craignant avec raison d'être persécutée du fait (...) de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut, se réclamer de la protection de ce pays ;
Considérant que, pour refuser de reconnaître à M. X..., de nationalité tunisienne, la qualité de réfugié politique, la commission des recours des réfugiés, après avoir rappelé certaines activités de l'intéressé et indiqué quelles conséquences elles avaient eu dans ses rapports avec les autorités de son pays, s'est fondée sur ce que "rien ne permettait d'établir que le requérant ait agi par conviction politique" ;
Considérant qu'il ne résulte pas des stipulations précitées de la convention de Genève que, pour ouvrir droit à la reconnaissance du statut de réfugié, les opinions ou activités en raison desquelles un étranger craint d'être persécuté dans le pays dont il a la nationalité doivent être inspirées par un mobile politique ; que, dans le cas où ces activités, même dépourvues de mobile politique, sont regardées par les autorités du pays comme une manifestation d'opposition politique susceptible d'entraîner des persécutions, elles peuvent, le cas échéant, ouvrir droit à la reconnaissance de la qualité de réfugié ; qu'il suit de là qu'en fondant son refus de reconnaître la qualité de réfugié à M. X... sur le fait qu'il n'était pas établi qu'il avait agi par conviction politique sans rechercher si ses activités n'étaient pas de nature à le faire regarder par les autorités de son pays comme un opposant politique et à l'exposer à des persécutions, la commission n'a pas légalement motivé sa décision ; que, dès lors, M. X... est fondé à en demander l'annulation ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de renvoyer l'affaire devant la commission des recours des réfugiés ;
Article 1er : La décision de la commission des recours des réfugiés en date du 3 février 1995 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la commission des recours des réfugiés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Mohamed Mounir X..., à l'office français de protection des réfugiés et apatrides et au ministre des affaires étrangères.