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18/03/1998 | FRANCE | N°157607

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 18 mars 1998, 157607


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 avril 1994 et 25 juillet 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le comité d'entreprise de la société de bourse A. Ferri, B. Ferri ET C. Germe, dont le siège est ..., représenté par son secrétaire en exercice ; le comité d'entreprise de la société de bourse A. Ferri, B. Ferri ET C. Germe demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 9 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 29 décembre 1989 du

ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle qui ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 avril 1994 et 25 juillet 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le comité d'entreprise de la société de bourse A. Ferri, B. Ferri ET C. Germe, dont le siège est ..., représenté par son secrétaire en exercice ; le comité d'entreprise de la société de bourse A. Ferri, B. Ferri ET C. Germe demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 9 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 29 décembre 1989 du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle qui a rejeté son recours hiérarchique en ce qui concerne les articles 1-20 à 1-23 et 1-25 du règlement intérieur de la société de bourse, annulé les décisions du directeur régional du travail et de l'emploi d'Ile-de-France des 17 août et 27 septembre 1989 en ce qui concerne les articles 1-4, 1-6 et 1-7 du règlement intérieur, et a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 17 février 1989, en déclarant licite l'article 6-6 du règlement intérieur ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Forray, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Ryziger, avocat du comité d'entreprise de la société de bourse A. Ferri, B. Ferri ET C. Germe,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le règlement intérieur, dont l'article L. 122-33 du code du travail rend obligatoire l'établissement, notamment, dans les entreprises industrielles et commerciales, est, aux termes des dispositions, applicables en l'espèce, de l'article L. 122-34 du même code, "un document écrit par lequel l'employeur fixe exclusivement : - les mesures d'application de la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité dans l'établissement - les règles générales et permanentes relatives à la discipline, et notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur. Il énonce également les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés, tels qu'ils résultent de l'article L. 122-41 ou, le cas échéant, de la convention collective applicable" ; que, s'agissant des sociétés de bourse, régies par le chapitre premier de la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988, sur les bourses de valeur, alors en vigueur, l'article 19 de cette loi leur imposait, en outre, de prévoir dans leur règlement intérieur "les conditions dans lesquelles les salariés peuvent effectuer des opérations de bourse pour leur propre compte ; les conditions dans lesquelles ils doivent, dès lors, en informer leur employeur ; les obligations qui s'imposent à eux en vue d'éviter la circulation indue d'informations confidentielles" ; que l'article L. 122-35 du code du travail énonce que : "Le règlement intérieur ne peut contenir de clause contraire aux lois et règlements, ainsi qu'aux dispositions des conventions et accords collectifs de travail applicables dans l'entreprise ou l'établissement. Il ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnés au but recherché." ; que les articles L. 122-36 et L. 122-37 du même code disposent que le règlement intérieur est communiqué à l'inspecteur du travail et que celui-ci peut "à tout moment" exiger le retrait ou la modification des dispositions contraires aux articles L. 122-34 et L. 122-35 ; que l'article L. 122-38 ajoute que "la décision de l'inspecteur du travail ... peut faire l'objet dans les deux mois d'un recours auprès du directeur régional du travail et de l'emploi ..." ;

Considérant que ces dernières dispositions ne font pas obstacle à ce que, conformément aux principes généraux du droit, la décision prise par le directeur régional du travail et de l'emploi puisse faire l'objet d'un recours hiérarchique auprès du ministre chargé du travail ; que, saisi d'un tel recours ou agissant de sa propre autorité, le ministre peut, dans l'exercice de son pouvoir hiérarchique et sans que l'employeur, les salariés ou leurs institutions représentatives puissent invoquer le bénéfice de droits acquis au maintien de décisions émanant d'autorités subordonnées, contrôler aussi bien les dispositions du règlement intérieur jugéescontraires aux lois et règlements par le directeur régional du travail et de l'emploi, que celles que ce dernier a implicitement estimé légales en s'abstenant d'en exiger la modification ou le retrait ; qu'ainsi, le ministre chargé du travail, saisi des recours hiérarchiques formés les 13 octobre 1989 et 24 novembre 1989 par le comité d'entreprise de la société de bourse A. Ferri, B. Ferri ET C. Germe contre des décisions des 17 août 1989 et 27 septembre 1989 du directeur régional du travail et de l'emploi d'Ile-de-France, relatives à la légalité du règlement intérieur de cette société de bourse, ainsi que d'un recours hiérarchique émanant de cette dernière à l'encontre de la décision du directeur régional du 17 août 1989, était habilité à se prononcer sur l'ensemble des dispositions du règlement intérieur soumis à l'appréciation de ses services ; que le comité d'entreprise de la société de bourse A. Ferri, B. Ferri ET C. Germe n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que, par sa décision du 29 décembre 1989, qui réforme les décisions précédemment prises par le directeur régional, le ministre aurait porté atteinte aux droits qui seraient nés en sa faveur des décisions du directeur régional du travail et de l'emploi ou de celles de l'inspecteur du travail ;
En ce qui concerne l'article 1-4 du règlement intérieur :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi déjà citée du 22 janvier 1988 : "Le conseil des bourses de valeurs établit un règlement général homologué par le ministre chargé de l'économie après avis de la Commission des opérations de bourse et de la Banque de France ..." ; qu'aux termes de l'article 4 de la même loi : "Les sociétés de bourse sont agréées par le conseil des bourses de valeurs dans les conditions fixées par le règlement mentionné à l'article 6. - Elles doivent présenter des garanties suffisantes notamment en ce qui concerne la composition et le montant de leur capital, leur organisation, leurs moyens techniques et financiers, l'honorabilité et l'expérience de leurs dirigeants, ainsi que les dispositions propres à assurer la sécurité des opérations de la clientèle" ;
Considérant que l'article 2-6-5 du règlement général du conseil des bourses de valeur, homologué par arrêté du ministre chargé de l'économie du 22 septembre 1988, dispose, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée du ministre chargé du travail, que "toute personne agissant pour le compte d'une société de bourse ou de ses filiales, liée ou non par un contrat de travail, et autorisée à effectuer des opérations de bourse pour son propre compte, ne peut détenir de compte titres pour effectuer ces opérations que dans ladite société de bourse ou dans l'une de ses filiales, habilitée à tenir des comptes titres et désignée par la société de bourse" ;

Considérant que l'article 1-4 du règlement intérieur, selon lequel "tout collaborateur ne peut effectuer d'opérations pour son propre compte, directement ou par personne interposée, sur valeurs mobilières ou instruments financiers ou commerciaux, cotés sur des marchés officiels ou de gré à gré, que dans des comptes ouverts dans l'établissement employeur", ne fait que reprendre, en l'adaptant à la situation particulière de la société, la disposition précitée du règlement général du conseil des bourses de valeur, dont la société de bourse devait assurer le respect par ses salariés en vertu des dispositions combinées des articles 4 et 6 de la loi du 22 janvier 1988 ; que, si le comité d'entreprise de la société de bourse A. Ferri, B. Ferri ET C. Germe soutient que l'article 2-6-5 du règlement général serait entaché d'illégalité, il n'assortit cette affirmation d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien- fondé ; qu'ainsi le moyen invoqué ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne l'article 1-6 du règlement intérieur :
Considérant que l'article 1-6, qui rend obligatoire l'horodatage des ordres debourse de tous les collaborateurs, n'a pas pour effet d'apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché, alors même que les conditions dans lesquelles l'horodatage doit être effectué n'auraient pas encore été définies par le conseil des bourses de valeur ;
En ce qui concerne l'article 1-7 du règlement intérieur :
Considérant que l'article 1-7 interdit à un collaborateur d'effectuer une opération d'achat et de vente sur une même valeur, dans une même séance de bourse ; qu'une telle interdiction, édictée sur le fondement de l'article 19 de la loi du 22 janvier 1988, est justifiée par la nécessité d'éviter l'utilisation par les salariés de société de bourse, lorsqu'ils réalisent des opérations pour leur propre compte, d'informations privilégiées qu'ils détiennent du fait de l'exercice de leur profession ; qu'elle est ainsi proportionnée au but recherché ;
En ce qui concerne les articles 1-20 à 1-23 du règlement intérieur :
Considérant que les articles 1-20 et 1-21 instituent un service du contrôle, directement rattaché à la direction générale, chargé de veiller au respect des dispositions du règlement intérieur et qui, seul compétent en matière de déontologie, est à la disposition des membres du personnel pour les aider à résoudre tout problème d'ordre déontologique ;

Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, ces dispositions n'ont pas pour effet d'attribuer au service du contrôle l'exercice du pouvoir disciplinaire reconnu à l'employeur par les articles L. 122-40 et L. 122-41 du code du travail ; qu'elles n'ont pas davantage pour objet, en cas d'intervention du service du contrôle, de dispenser l'autorité investie du pouvoir disciplinaire de se conformer aux règles garantissant le respect des droits de la défense, telles qu'elles sont définies par l'article 6-8 du règlement intérieur ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les articles 1-20 et 1-21 auraient été édictés en méconnaissance de l'article L. 122-34 du code du travail, qui prévoit que le règlement intérieur doit contenir les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés, ne peut qu'être écarté ;
Considérant que l'article 1-22 énonce que : "Le service du contrôle a accès à toutes les informations nécessaires pour l'exercice de sa mission" ;
Considérant que de tels pouvoirs d'investigation ne peuvent être légalement prévus par le règlement intérieur que si celui-ci précise, d'une part, la nature des informations auxquelles le service de contrôle a accès et, d'autre part, définit les conditions de leur obtention, de manière à préserver la dignité et l'intimité de la personne ; que, faute de comporter ces précisions, les dispositions précitées l'article 1-22 méconnaissent les prescriptions de l'article L. 122-35 du code du travail ;
Considérant, en revanche, que le règlement intérieur pouvait légalement, comme il le fait par son article 1-23, imposer à tout collaborateur effectuant une opération qui s'écarte manifestement, par son volume ou son cours, des normes du marché, de fournir un compte-rendu écrit au service du contrôle ; que le comité d'entreprise n'est pas fondé à soutenir qu'une telle obligation serait trop générale ;
En ce qui concerne l'article 1-25 du règlement intérieur :
Considérant, ainsi qu'il a été dit, que l'article L. 122-34 du code du travail exigeque le règlement intérieur énonce "les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés", tels que ces derniers résultent de l'article L. 122-41 du même code ; qu'aux termes de l'article L. 122-40 : "Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération" ; que, selon l'article L. 122-44 : "Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales" ;
Considérant que l'article 1-25 du règlement intérieur dispose que : "Les manquements aux dispositions édictées dans le présente règlement, le nom du contrevenant et les sanctions qui ont été prises sont inscrits dans un registre tenu par le service du contrôle" ;

Considérant que, eu égard aux termes mêmes de l'article L. 122-40, l'inscription dans un registre d'un manquement du salarié aux dispositions du règlement intérieur constitue, par elle-même, une sanction ; qu'elle ne peut, dès lors, être légalement prévue par le règlement intérieur qu'à la condition de ne pas présenter un caractère automatique et d'être subordonnée au respect d'une procédure destinée à garantir le respect des droits des salariés et à permettre, notamment, aux intéressés de s'assurer que le délai de prescription, fixé par l'article L. 122-44 du code du travail, n'est pas méconnu ; que, faute de comporter ces précisions, l'article 1-25 du règlement intérieur contrevient aux prescriptions de l'article L. 122-34 du code du travail ;
En ce qui concerne l'article 6-6 du règlement intérieur :
Considérant que, selon cet article 6-6 : "L'établissement employeur peut interdire toute opération de bourse à un collaborateur qui n'aurait pas respecté le présent règlement" ;
Considérant que, si une telle sanction, qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'a pas le caractère d'une sanction pécuniaire prohibée par l'article L. 122-42 du code du travail, est au nombre de celles que le règlement intérieur d'une société de bourse peut prévoir sur le fondement de l'article 19 de la loi du 22 janvier 1988, c'est à la condition que sa portée soit ellemême précisée de manière à ce que son infliction soit en rapport avec la gravité du manquement reproché ; que les dispositions, précitées, de l'article 6-6 du règlement intérieur, qui omettent de préciser la nature des opérations de bourse qui seraient interdites au salarié, selon qu'elles sont effectuées pour son propre compte ou pour celui de la société, et qui, en outre, ne fixent pas la durée de l'interdiction encourue, ne satisfont pas à ces exigences ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le comité d'entreprise de la société de bourse A. Ferri, B. Ferri ET C. Germe est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du 29 décembre 1989, en tant qu'elle confirme les décisions du directeur régional du travail et de l'emploi d'Ile-de-France relatives à l'article 1-22 du règlement intérieur de cette société, qu'elle déclare licite l'article 1-25 du même règlement, sous réserve des dispositions de l'article L. 122-44 du code du travail, et en tant qu'elle admet la légalité de l'article 6-6 dudit règlement ;
Article 1er : La décision du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du 29 décembre 1989 est annulée, en tant qu'elle porte sur les articles 1-22, 1-25 et 6-6 du règlement intérieur de la société de bourse A. Ferri, B. Ferri ET C. Germe.
Article 2 : Le jugement du tribunal adminstratif de Paris du 9 juin 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du comité d'entreprise de la société de bourse A. Ferri, B. Ferri ET C. Germe est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au comité d'entreprise de la société de bourse A. Ferri, B. Ferri ET C. Germe et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

CAPITAUX - MONNAIE - BANQUES - CAISSES D'EPARGNE ET AUTRES ETABLISSEMENTS FINANCIERS - Sociétés de bourse - Règlement intérieur - a) Pouvoirs du ministre chargé du travail - Etendue de son contrôle - b) Pouvoirs d'investigation du service du contrôle insuffisamment encadrés - Illégalité - c) Inscription automatique à un registre des manquements au règlement intérieur - Illégalité - d) Interdiction de toute opération de bourse à un salarié n'ayant pas respecté le règlement intérieur - Sanction pécuniaire - Absence - Méconnaissance de l'exigence de proportionnalité - Illégalité.

13-05 a) Saisi d'un recours contre la décision du directeur régional du travail statuant sur la conformité aux lois et règlements du règlement intérieur d'une entreprise industrielle ou commerciale, ou agissant de sa propre autorité, le ministre chargé du travail peut, dans l'exercice de son pouvoir hiérarchique, et sans que l'employeur, les salariés ou leurs institutions représentatives puissent invoquer le bénéfice de droits acquis au maintien des décisions émanant d'autorités subordonnées, contrôler aussi bien les dispositions du règlement intérieur jugées contraires aux lois et règlements par le directeur régional du travail et de l'emploi, que celles que ce dernier a implicitement estimé légales en s'abstenant d'en exiger la modification ou le retrait. b) Les dispositions du règlement intérieur d'une société de bourse prévoyant que le service du contrôle chargé de veiller au respect de ce règlement, et qui a seule compétence en matière déontologique, "a accès à toutes les informations nécessaires pour l'exercice de sa mission", méconnaissent les prescriptions de l'article L.122-35 du code du travail dès lors qu'elles ne précisent pas, d'une part, la nature des informations auxquelles le service du contrôle a accès et qu'elles ne définissent pas, d'autre part, les conditions de leur obtention, de manière à préserver la dignité et l'intimité de la personne. c) Eu égard aux termes mêmes de l'article L.122-40 du code du travail, l'inscription dans un registre d'un manquement du salarié aux dispositions du règlement intérieur constitue, par elle-même, une sanction. Elle ne peut, dès lors, être légalement prévue par le règlement intérieur qu'à la condition de ne pas présenter un caractère automatique et d'être subordonnée au respect d'une procédure destinée à garantir le respect des droits des salariés et à permettre, notamment, aux intéressés de s'assurer que le délai de prescription fixé par l'article L.122-44 du code du travail n'est pas méconnu. d) Les dispositions du règlement intérieur d'une société de bourse prévoyant que "l'établissement employeur peut interdire toute opération de bourse à un collaborateur qui n'aurait pas respecté le présent règlement", qui n'instituent pas une sanction pécuniaire prohibée par l'article L.122-42 du code du travail, sont au nombre de celles qu'un tel règlement intérieur peut prévoir sur le fondement de l'article 19 de la loi du 22 janvier 1988, à la condition que la portée de cette sanction soit elle-même précisée de manière à ce que son infliction soit en rapport avec la gravité du manquement reproché. Illégalité de ces dispositions, dès lors qu'elles ne précisent pas la nature des opérations de bourse qui seraient interdites au salarié, selon qu'elles sont effectuées pour son propre compte ou pour celui de la société, et qu'elles ne fixent pas la durée de l'interdiction encourue.

TRAVAIL ET EMPLOI - CONDITIONS DE TRAVAIL - REGLEMENT INTERIEUR - Règlement intérieur d'une société de bourse - (1) Pouvoirs d'investigation du service du contrôle insuffisamment encadrés - Illégalité - (2) Inscription automatique à un registre des manquements au règlement intérieur - Illégalité - (3) Interdiction de toute opération de bourse à un salarié n'ayant pas respecté le règlement intérieur - Sanction pécuniaire - Absence - Méconnaissance de l'exigence de proportionnalité - Illégalité.

66-03-01(1) Les dispositions du règlement intérieur d'une société de bourse prévoyant que le service du contrôle chargé de veiller au respect de ce règlement, et qui a seule compétence en matière déontologique, "a accès à toutes les informations nécessaires pour l'exercice de sa mission", méconnaissent les prescriptions de l'article L.122-35 du code du travail dès lors qu'elles ne précisent pas, d'une part, la nature des informations auxquelles le service du contrôle a accès et qu'elles ne définissent pas, d'autre part, les conditions de leur obtention, de manière à préserver la dignité et l'intimité de la personne.

TRAVAIL ET EMPLOI - CONDITIONS DE TRAVAIL - REGLEMENT INTERIEUR - CONTROLE PAR L'ADMINISTRATION DU TRAVAIL - Pouvoirs du ministre chargé du travail - Etendue de son contrôle.

66-03-01(2) Eu égard aux termes mêmes de l'article L.122-40 du code du travail, l'inscription dans un registre d'un manquement du salarié aux dispositions du règlement intérieur constitue, par elle-même, une sanction. Elle ne peut, dès lors, être légalement prévue par le règlement intérieur qu'à la condition de ne pas présenter un caractère automatique et d'être subordonnée au respect d'une procédure destinée à garantir le respect des droits des salariés et à permettre, notamment, aux intéressés de s'assurer que le délai de prescription fixé par l'article L.122-44 du code du travail n'est pas méconnu.

66-03-01(3) Les dispositions du règlement intérieur d'une société de bourse prévoyant que "l'établissement employeur peut interdire toute opération de bourse à un collaborateur qui n'aurait pas respecté le présent règlement", qui n'instituent pas une sanction pécuniaire prohibée par l'article L.122-42 du code du travail, sont au nombre de celles qu'un tel règlement intérieur peut prévoir sur le fondement de l'article 19 de la loi du 22 janvier 1988, à la condition que la portée de cette sanction soit elle-même précisée de manière à ce que son infliction soit en rapport avec la gravité du manquement reproché. Illégalité de ces dispositions, dès lors qu'elles ne précisent pas la nature des opérations de bourse qui seraient interdites au salarié, selon qu'elles sont effectuées pour son propre compte ou pour celui de la société, et qu'elles ne fixent pas la durée de l'interdiction encourue.

66-03-01-01 Saisi d'un recours contre la décision du directeur régional du travail statuant sur la conformité aux lois et règlements du règlement intérieur d'une entreprise industrielle ou commerciale, ou agissant de sa propre autorité, le ministre chargé du travail peut, dans l'exercice de son pouvoir hiérarchique, et sans que l'employeur, les salariés ou leurs institutions représentatives puissent invoquer le bénéfice de droits acquis au maintien des décisions émanant d'autorités subordonnées, contrôler aussi bien les dispositions du règlement intérieur jugées contraires aux lois et règlements par le directeur régional du travail et de l'emploi, que celles que ce dernier a implicitement estimé légales en s'abstenant d'en exiger la modification ou le retrait.


Références :

Code du travail L122-33, L122-34, L122-35, L122-36, L122-37, L122-38, L122-40, L122-41, L122-44, L122-42
Loi 88-70 du 22 janvier 1988 art. 19, art. 6, art. 4


Publications
Proposition de citation: CE, 18 mar. 1998, n° 157607
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: Mme Forray
Rapporteur public ?: Mme Maugüé
Avocat(s) : Me Ryziger, Avocat

Origine de la décision
Formation : 1 / 4 ssr
Date de la décision : 18/03/1998
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 157607
Numéro NOR : CETATEXT000008013830 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1998-03-18;157607 ?
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