Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 avril 1993 et 4 août 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Promogil, dont le siège social est ..., représentée par son président-directeur-général ; la société Promogil demande que le Conseil d'Etat ;
1°) annule le jugement du 31 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 13 mai 1992 par laquelle le directeur régional du travail et de l'emploi de la région Rhône-Alpes a confirmé la mise en demeure qui lui avait été adressée le 23 mars 1992 par l'inspecteur du travail de la direction départementale du travail du Rhône d'avoir à mettre les locaux du cirque X... Jean Richard en conformité avec les dispositions du code du travail relatives à l'hébergement et à la restauration des travailleurs ;
2°) annule pour excès de pouvoir les décisions du directeur régional du travail et de l'emploi et de l'inspecteur du travail ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail, notamment ses articles L. 231-1, L. 231-4, L. 611-1, L. 611-10, R. 232-10 et suivants, R. 232-11 et suivants ;
Vu le décret n° 77-1228 du 24 novembre 1977 portant organisation des services extérieurs du travail et de l'emploi ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Gaeremynck, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Monod, avocat de la société Promogil,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Sur la compétence territoriale du service de la direction départementale du travail et de l'emploi du Rhône :
Considérant que suivant les dispositions du décret n° 77-1288 du 24 novembre 1977 portant organisation des services extérieurs du travail et de l'emploi, ces services extérieurs sont organisés au niveau des départements et des régions, chaque direction départementale comprenant une section d'inspection, échelon territorial d'intervention dans l'entreprise, placé sous la responsabilité directe d'un inspecteur du travail ou d'un directeur adjoint, et chargée d'assurer le respect de la législation du travail et de constater, le cas échéant, les infractions à celle-ci ; que ces dispositions donnent compétence aux services départementaux du travail pour constater les infractions au code du travail relatives à l'hygiène et à la sécurité commises à l'intérieur de leur ressort géographique ; que par suite l'inspecteur du travail relevant de la direction départementale du travail et de l'emploi du Rhône a pu valablement contrôler l'application par le cirque X... Jean Richard des dispositions du code du travail relatives à l'hygiène et à la sécurité lors du séjour effectué par ce cirque dans le département du Rhône en mars 1992, et alors même que ce séjour n'était que temporaire ;
Sur la compétence des autorités signataires de la mise en demeure en date du 23 mars 1992 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 611-10 du code du travail : "Les inspecteurs du travail, les contrôleurs du travail et les fonctionnaires de contrôle assimilés constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire" et qu'aux termes de l'article L. 231-4 du même code ; "lorsque cette procédure est prévue, les inspecteurs et les contrôleurs du travail, avant de dresser procès-verbal, doivent mettre les chefs d'établissements en demeure de se conformer aux prescriptions des règlements mentionnés à l'article L. 231-2" ; qu'il résulte des dispositions ci-dessus qu'alors même qu'ils exercent leur compétence sous l'autorité des inspecteurs du travail comme le précise l'article L. 611-12 du code du travail, les contrôleurs du travail et de la main-d'oeuvre ont qualité pour mettre les chefs d'établissement en demeure de se conformer à la législation du travail et, le cas échéant, pour dresser constat des infractions à cette législation ; qu'en l'espèce la mise en demeure adressée le 23 mars 1992 au directeur du cirque X... Jean Richard portait la signature du contrôleur du travail ; que par suite et en tout état de cause cette mise en demeure n'est pas entachée d'incompétence ;
Sur la légalité interne des décisions attaquées :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 231-1 du code du travail : "Sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 231-1-1, sont soumis aux dispositions du présent titre les établissements industriels, commerciaux et agricoles et leurs dépendances, de quelque nature que ce soit ..." ;
Considérant d'une part, que les dispositions des articles R. 232-10, R. 232-10-1 et R. 232-11 et suivants du même code, relatives respectivement à la restauration et à l'hébergement des travailleurs s'appliquent aux tentes, remorques et caravanes d'un cirque, dès lors que ces équipements et installations sont affectés à la restauration et à l'hébergement de travailleurs ; qu'en l'absence de toute disposition spécifique relative à ce type d'activité, leur caractère d'installations mobiles n'a pas pour effet de les soustraire au champ d'application des articles du code du travail précités ;
Considérant d'autre part, que la mise en demeure contestée, confirmée par la décision du directeur régional du travail et de la main-d'oeuvre a relevé que la surface et le volume habitables des locaux affectés à l'hébergement des employés du cirque en cause étaient inférieurs aux normes de 6 mètres carrés et 15 mètres cubes par personne, fixées par l'article R. 232-11 du code du travail ; qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que ces constatations soient inexactes ; que la même mise en demeure constate qu'aucun local n'est installé, qui permette au personnel de prendre ses repas, contrairement aux prescriptions de l'article R. 232-10-1 du code du travail suivant lesquelles dans les établissements où le nombre de travailleurs désirant prendre habituellement leur repas sur les lieux de travail est au moins égal à vingt-cinq, l'employeur est tenu de mettre à leur disposition un local de restauration ; qu'il ressort des pièces du dossier que la société requérante, eu égard au nombre des salariés employés par le cirque X... Jean Richard était tenue de respecter ces dispositions ;
Considérant qu'il ressort de ce qui précède que la société Promogil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en annulation de la décision du 13 mai 1992 par laquelle le directeur régional du travail et de l'emploi du Rhône a confirmé la mise en demeure de l'inspecteur du travail en date du 23 mars 1992 ;
Article 1er : La requête de la société Promogil est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Promogil et au ministre du travail et des affaires sociales.