Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 29 août 1995 et 29 septembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Antonio X... demeurant via padre Y... à San Remo (Italie) ; M. X... demande l'annulation du décret du 15 juin 1995 accordant son extradition aux autorités italiennes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 10 mars 1927 ;
Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 modifiée relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Errera, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Antonio X...,
- les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité, en la forme, du décret attaqué :
Considérant que la circonstance que l'ampliation du décret du 15 juin 1995 accordant l'extradition du requérant aux autorités italiennes ne serait pas revêtue de la signature du Premier ministre et du contreseing du Garde des sceaux, ministre de la justice, est sans influence sur la régularité dudit décret, qui a été signé par le Premier Ministre et contresigné par le Garde des sceaux, ministre de la justice ;
Sur la régularité de la demande d'extradition des autorités italiennes :
Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 9 de la loi du 10 mars 1927 doit être rejeté comme inopérant, seule la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 s'appliquant en l'espèce ; qu'aux termes de l'article 12-2-a) de ladite convention : "Il sera produit à l'appui de la requête a) l'original ou l'expédition authentique soit d'une décision de condamnation exécutoire, soit d'un mandat d'arrêt ou de tout autre acte ayant la même force, délivré dans les formes prescrites par la loi de la partie requérante" ; qu'il résulte de l'instruction que ces prescriptions ont été respectées en l'espèce ;
Considérant que la demande d'extradition présentée par les autorités italiennes était fondée sur un ordre d'incarcération décerné le 10 janvier 1994, à la suite des condamnations prononcées contre M. X..., par le procureur de la République de Turin pour l'exécution d'un reliquat de peine de 7 ans et 12 jours d'emprisonnement ; que la circonstance que M. X... aurait été remis en liberté en 1992 par décision d'un juge du siège du tribunal de Gênes est sans influence sur la régularité de la demande d'extradition présentée par les autorités italiennes sur le fondement de l'ordre précité ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance des règles relatives au non cumul des peines :
Considérant qu'aux termes de l'article 132-4 du code pénal : "Lorsque, à l'occasion de procédures séparées, la personne poursuivie a été reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, les peines prononcées s'exécutent cumulativement dans la limite du maximum légal le plus élevé. Toutefois, la confusion totale ou partielle des peines de même nature peut être ordonnée soit par la dernière juridiction appelée à statuer, soit dans les conditions prévues par le code de procédure pénale" ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 132-5 : "Il est tenu compte, s'il y a lieu, de l'état de récidive" ; qu'il résulte des pièces du dossier que ces dispositions n'ont pas été méconnues par le décret attaqué accordant l'extradition de M. X... aux autorités italiennes pour l'exécution du reliquat d'emprisonnement restant à subir sur une peine de 18 ans dix mois et 10 jours d'emprisonnement résultant du cumul de leurs condamnations prononcées en 1987 et en 1991 contre M. X... par la cour d'appel de Turin ;
Sur le moyen tiré de la prescription en ce qui concerne l'une des deux condamnations prononcées contre M. X... par les tribunaux italiens :
Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 : "L'extradition ne sera pas accordée si la prescription de l'action ou de la peine est acquise d'après la législation soit de la partie requérante, soit de la partie requise" ; que la demande d'extradition de M. X... avait pour fondement l'ordre précité d'incarcération, décerné par le procureur de la République de Turin pour l'exécution des condamnations prononcées contre lui ; que, dès lors, le moyen tiré de la prescription de l'action est inopérant ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe de la double incrimination :
Considérant que M. X... a été condamné par la Cour d'appel de Turin le 9 mai 1991 pour banqueroute frauduleuse, infraction prévue et réprimée par l'article 197 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises; que le principe susmentionné a, dès lors été respecté ;
Sur le moyen tiré de l'état de santé de M. X... :
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 1er des réserves du gouvernement consignées dans l'instrument de ratification de la convention précitée déposé le 10 février 1986 : "L'extradition pourra être refusée si la remise est susceptible d'avoir des conséquences d'une gravité exceptionnelle pour la personne réclamée, notamment en raison de son âge ou de son état de santé" ; qu'en accordant l'extradition du requérant aux autorités italiennes les auteurs du décret attaqué n'ont pas commis en l'espèce une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué accordant son extradition aux autorités italiennes ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Antonio X..., au garde des sceaux, ministre de la justice et au Premier ministre.