Vu la requête et le mémoire ampliatif enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 23 novembre 1992 et 23 mars 1993 présentés pour la société à responsabilité limitée "Oeufs B.B." dont le siège est ..., représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège de ladite société ; la S.A.R.L. "Oeufs B.B." demande au Conseil d'Etat d'annuler sans renvoi l'arrêt du 21 septembre 1992 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant :
1°) à l'annulation du jugement du 15 mars 1991 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 000 F à titre de provision en réparation de son préjudice résultant de la disparition de son exploitation avicole, et d'autre part, à la désignation d'experts afin d'évaluer le montant des dommage subis ;
2°) à la condamnation de l'Etat à lui verser ladite somme à titre de provision, avec intérêts capitalisés ;
3°) à la désignation de deux experts aux fins d'évaluer le montant exact des dommages subis, de déclarer l'Etat entièrement responsable du préjudice subi par la S.A.R.L. "Oeufs B.B." du fait de la manifestation du 29 décembre 1986, de condamner l'Etat en conséquence à verser à la S.A.R.L. "Oeufs B.B." une somme de 1 500 000 F à titre de provision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Marchand, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société à responsabilité limitée "Oeufs B.B.",
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que pour rejeter l'appel formé par la société à responsabilité limitée "Oeufs B.B." contre le jugement du tribunal administratif de Basse-Terre rejetant ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à raison des dommages causés à son exploitation agricole, la Cour administrative d'appel de Paris, après avoir relevé qu'il n'était pas contesté que les dommages invoqués entraient dans le champ d'application de l'article 92 de la loi susvisée du 7 janvier 1983 aux termes duquel "l'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens", a considéré que les fautes commises par la société requérante et tenant à ce que l'implantation des installations et la poursuite de l'exploitation étaient intervenues en méconnaissance de la législation de l'urbanisme et de celle des installations classées, étaient de nature à exonérer totalement l'Etat de sa responsabilité ;
Considérant toutefois que les fautes ainsi imputées à la société à responsabilité limitée "Oeufs B.B." ne sont pas de la nature de celles susceptibles d'exonérer l'Etat de la responsabilité qui lui incombe en vertu de la loi du 7 janvier 1983 ; que la société requérante est, dès lors, fondée à soutenir qu'en se fondant sur de telles fautes, la Cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'erreur de droit ;
Considérant que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, la société à responsabilité limitée "Oeufs B.B." est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 21 septembre 1992 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la Cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée "Oeufs B.B.", au président de la cour administrative d'appel de Paris et au ministre de l'intérieur.