Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 mars 1990 et 5 juillet 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Saint-Etienne ; la commune de Saint-Etienne demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 22 décembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 4 octobre 1988 par lequel le préfet de la Loire a déclaré cessible la parcelle de terrain appartenant à M. X..., nécessaire à la réalisation du projet d'assainissement et d'agrandissement de la rue des Lilas sur le territoire de la commune requérante ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Lyon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de l'expropriation ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Nallet, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Le Prado, avocat de la commune de Saint-Etienne et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme X...,
- les conclusions de M. Vigouroux, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande devant le tribunal administratif de Lyon :
Considérant que la demande de Mme X..., qui devait être regardée comme tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 4 octobre 1988 ayant déclaré cessible au profit de la commune de Saint-Etienne une partie du terrain attenant à sa maison d'habitation sur le territoire de cette commune, contenait l'exposé des faits et des moyens invoqués au soutien de cette demande ; que si l'intéressée n'y avait pas joint une copie de l'arrêté attaqué, lequel a d'ailleurs été produit par la commune de Saint-Etienne, il est constant qu'elle n'avait pas été invitée à le faire ; qu'ainsi sa demande était recevable ;
Sur la légalité de l'arrêté de cessibilité :
Considérant que l'arrêté attaqué portant sur une bande de terrain d'une superficie de 197 m2, qui supportait un mur, deux hangars et plusieurs arbres, a été pris en application d'un précédent arrêté du 11 juillet 1988 déclarant d'utilité publique un projet d'assainissement, par la pose d'un collecteur d'eaux usées, et d'élargissement de la partie basse de la rue des Lilas située le long de la propriété de Mme X... ; que cette dernière était recevable, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté de cessibilité du 4 octobre 1988, à contester l'utilité publique de cet élargissement ;
Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée ou à des intérêts généraux, le coût financier et, éventuellement, les inconvénients d'ordre social qu'elle comporte, ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
Considérant que les premiers juges, après avoir relevé qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que la pose d'un collecteur de diamètre 300 mm dans le sous-sol de la partie basse de la rue des Lilas, d'une largeur moyenne de 4 mètres, nécessitait un élargissement de cette dernière, ont estimé que, si cet élargissement était par ailleurs destiné à faciliter l'accès pour les véhicules automobiles de l'impasse des Cèdres, ce dernier objectif, compte tenu de la voirie existante, ne présentait pas, à lui seul, un intérêt général suffisant pour compenser les atteintes portées à la propriété de Mme X... ; que la commune de Saint-Etienne ne conteste pas, sur ce dernier point, l'appréciation des premiers juges ; que si elle soutient, en revanche, que les travaux d'enfouissement du tuyau collecteur imposaient l'élargissement litigieux de la rue des Lilas, elle n'apporte aucun commencement de justification à l'appui de cette affirmation qui n'est pas corroborée par les pièces du dossier ; que la circonstance que l'intéressée a été indemnisée est sans influence sur la légalité de l'acte attaqué ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Etienne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 22 décembre 1989, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté préfectoral du 4 octobre 1988 ;
Sur les conclusions de Mme X... tendant à l'application des dispositions de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 :
Considérant que le décret du 2 septembre 1988 ayant été abrogé par le décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991, ces conclusions doivent être regardées comme demandant la condamnation de la commune de Saint-Etienne sur le fondement de l'article 75-I de ladite loi ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ..." ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Saint-Etienne à verser à Mme X... une somme de 10 000 F en application de ces dispositions ;
Article 1er : La requête de la commune de Saint-Etienne est rejetée.
Article 2 : La commune de Saint-Etienne est condamnée à verser à Mme X... une somme de 10 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saint-Etienne, à Mme X... et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.