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26/03/1990 | FRANCE | N°71826

France | France, Conseil d'État, 9 / 7 ssr, 26 mars 1990, 71826


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 août 1985 et 30 décembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne), représentée par son maire en exercice dûment habilité et domicilié en l'hôtel de ville, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) réforme le jugement du 27 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Paris n'a fait que partiellement droit à ses demandes tendant d'une part à l'annulation de la décision en date du 24 février 1984, par laquelle le secré

taire d'Etat chargé du budget a rejeté sa demande tendant en premier lieu...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 août 1985 et 30 décembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne), représentée par son maire en exercice dûment habilité et domicilié en l'hôtel de ville, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) réforme le jugement du 27 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Paris n'a fait que partiellement droit à ses demandes tendant d'une part à l'annulation de la décision en date du 24 février 1984, par laquelle le secrétaire d'Etat chargé du budget a rejeté sa demande tendant en premier lieu à ce que les bases d'imposition de la taxe professionnelle de ladite commune soient régularisées au titre des années 1980 à 1984, en second lieu, à obtenir une indemnisation du préjudice subi au titre de la patente perçue pour l'année 1975 et de la taxe professionnelle perçue de 1976 à 1984, d'autre part à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme d'un montant de 36 216 403 F avec intérêts de droit,
2°) annule la décision attaquée,
3°) condamne l'Etat à lui verser une indemnité de 53 391 490 F au titre de son préjudice résultant du manque à gagner pour les années 1976 à 1984 et les intérêts de droit afférents à son préjudice pour l'année 1975,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. d' Harcourt, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune de Villeneuve-le-Roi,
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;

Sur le préjudice invoqué par la commune de Villeneuve-le-Roi au titre de l'année 1975 :
Considérant qu'aux termes de l'article 1636 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition : "En aucun cas, les majorations de loyers intervenues après le 31 décembre 1947 en ce qui concerne les locaux ou immeubles à usage commercial, industriel ou artisanal ne peuvent donner lieu ni pour les propriétaires, ni pour les locataires, à des majorations des impôts et taxes visés au titre Ier, II et III ci-dessus" ; que ce texte, qui dérogeait au principe général selon lequel la valeur locative servant de base au droit proportionnel de patente devait être déterminée eu égard à la situation de l'entreprise au 1er janvier de l'année d'imposition ne pouvait s'appliquer qu'aux loyers qu'il visait expressément, à savoir ceux des "locaux ou immeubles", et non à ceux du matériel mobile des entreprises ;
Considérant qu'il n'est pas sérieusement contesté que la valeur locative de l'outillage mobile de quinze entreprises situées sur le territoire de la commune de Villeneuve-le-Roi a été retenue, dans les matrices de la patente de l'année 1975, comme pour les années précédentes, en faisant abstraction des majorations de loyers postérieures au 31 décembre 1947 ; que l'illégalité des décisions ainsi prises par l'administration fiscale, illégalité qui a d'ailleurs été censurée par une décision du Conseil d'Etat du 10 juin 1983 intéressant les années 1973 et 1974, et qui est sans rapport avec ces difficultés de la mise en euvre, à l'égard des contribuables, des procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt, était constitutive d'une faute de nature à engager, vis-à-vis de la commune de Villeneuve-le-Roi, la responsabilité de l'Etat ; qu'à supposer que ladite commune eut été en mesure de compenser la réduction des ressources provenant du droit proportionnel de patente, par une augmentation globale de ses recettes fiscales ou par le recours à l'emprunt, cette circonstance ne saurait faire disparaître le préjudice que lui a causé la faute commise par l'Etat ;

Considérant qu'en le fixant à un montant de 2 500 000 F tous intérêts compris à la date de son jugement, le tribunal administratif de Paris a fait une juste appréciation du préjudice subi par la commune au titre de l'année 1975 ; que le ministre chargé du budget n'est, ainsi, et en tout état de cause, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a accordé une indemnité de 2 500 000 F tous intérêts compris à la date dudit jugement à la commune de Villeneuve-le-Roi ; que cette dernière n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif lui a accordé une indemnisation insuffisante ;
Sur le préjudice invoqué par la commune au titre des années 1976 à 1984 :
Considérant, en premier lieu, que l'assiette de la taxe professionnelle instituée par la loi du 29 juillet 1975 diffère de celle de la contribution des patentes qu'elle a remplacée à compter du 1er janvier 1976 ; qu'en ce qui concerne notamment l'outillage, elle repose sur le prix de revient comptable des éléments en cause ; que la commune de Villeneuve-le-Roi ne précise pas en quoi l'erreur susanalysée commise par l'administration pour le calcul de l'assiette de l'ancienne contribution des patentes en faisant abstraction des majorations de loyers postérieures au 31 décembre 1947 pour la détermination des valeurs locatives de l'outillage mobile de quinze entreprises situées sur son territoire aurait eu une incidence sur le prix de revient comptable de cet outillage retenu dans les bases de la taxe professionnelle de ces entreprises ; que si, pour la répartition du produit voté par la commune de 1976 à 1980 entre les quatre taxes communales la part de la taxe professionnelle déterminée à partir du montant produit en 1975 par l'ancienne contribution des patentes a pu être minorée comme la part de la patente à laquelle elle s'est substituée, la commune requérante n'établit pas que la modification de la clé de répartition entre les quatre taxes qui a pu en résulter ait eu, en l'espèce, un caractère substantiel et lui ait causé un préjudice direct et certain ;

Considérant, en second lieu, qu'en admettant que l'erreur commise pour le calcul des bases de l'ancienne contribution des patentes ait eu pour effet de diminuer les valeurs de référence des quinze entreprises considérées pour l'application des règles dites de l'"écrêtement prévues aux articles 1472 et 1472 A du code général des impôts, il ne résulte pas de l'instruction que cette erreur ait eu en l'espèce pour conséquence de diminuer de manière appréciable ses ressources fiscales provenant de la taxe professionnelle ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du secrétaire d'Etat, chargé du budget en tant qu'elle refuse de réviser les bases d'imposition de la taxe professionnelle de la commune pour les années 1980 à 1984 :
Considérant que la commune de Villeneuve-le-Roi n'établit pas que ces bases reposeraient sur des données inexactes ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par décision du 24 février 1984, le secrétaire d'Etat, chargé du budget a refusé de les régulariser ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Villeneuve-le-Roi n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif a rejeté ses demandes indemnitaires au titre des années 1976 à 1984, ainsi que sa demande d'annulation de la décision du secrétaire d'Etat, chargé du budget en date du 24 février 1984 ;
Article 1er : La requête de la commune de Villeneuve-le-Roi et le recours incident du ministre chargé du budget sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Villeneuve-le-Roi et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 9 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 71826
Date de la décision : 26/03/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE ET ILLEGALITE - ILLEGALITE ENGAGEANT LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - Finances publiques - Etablissement et recouvrement des impôts locaux par l'Etat - Erreur dans l'établissement de la valeur des biens imposables (1).

60-01-04-01, 60-02-02-01 La valeur locative de l'outillage mobile de quinze entreprises situées sur le territoire de la commune de Villeneuve-le-Roi a été retenue, dans les matrices de la patente de l'année 1975, comme pour les années précédentes, en faisant abstraction des majorations de loyers postérieures au 31 décembre 1947. L'illégalité des décisions ainsi prises par l'administration fiscale et qui est sans rapport avec les difficultés de la mise en oeuvre, à l'égard des contribuables, des procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt, était constitutive d'une faute de nature à engager, vis-à-vis de la commune de Villeneuve-le-Roi, la responsabilité de l'Etat. A supposer que ladite commune eut été en mesure de compenser la réduction des ressources provenant du droit proportionnel de patente, par une augmentation globale de ses recettes fiscales ou par le recours à l'emprunt, cette circonstance ne saurait faire disparaître le préjudice qui lui a causé la faute commise par l'Etat.

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES ECONOMIQUES - SERVICES FISCAUX - Etablissement et recouvrement des impôts locaux - Responsabilité de l'Etat à l'égard des collectivités publiques bénéficiaires - Erreurs commises par l'administration fiscale dans l'établissement des bases de la patente - Responsabilité pour faute simple.


Références :

CGI 1636, 1472, 1472 A
Loi 75-678 du 29 juillet 1975

1.

Cf. Section, 1986-02-07, Ministre c/ Commune de Tallard, p. 36 ;

1989-06-26, E.D.F., n° 67977


Publications
Proposition de citation : CE, 26 mar. 1990, n° 71826
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. d'Harcourt
Rapporteur public ?: M. Ph. Martin
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge, Hazan, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:71826.19900326
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