Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 25 mars 1986 et 24 juillet 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. MIGNOT, demeurant à Geruge Lons-Le-Saunier (39570), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 29 janvier 1986 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande dirigée contre la délibération du 2 décembre 1983 par laquelle le conseil municipal de la commune de Geruge a autorisé la construction d'une canalisation en bordure de la voie publique ;
2° annule cette délibération ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le décret n° 65-29 du 11 janvier 1965 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Falque-Pierrotin, Auditeur,
- les observations de Me Copper-Royer, avocat de M. Y...,
- les conclusions de M. de la Verpillière, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'article 1er, 1er alinéa, du décret susvisé du 11 janvier 1965 dispose que : "sauf en matière de travaux publics, la juridiction administrative ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée" ; qu'il résulte de cette disposition que le délai de deux mois qu'elle fixe ne s'applique pas aux demandes présentées en matière de travaux publics, même si ces demandes sont dirigées contre une décision administrative ayant fait l'objet d'une publication ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que par sa délibération du 2 décembre 1983, le conseil municipal de Geruge a accordé à MM. Z... et X... l'autorisation de construire à leurs frais une canalisation en bordure de la voie publique ; qu'il leur était toutefois imposé de relier cette canalisation à l'ouvrage public communal constitué par la canalisation située en aval, de capter une source située sur une propriété autre que celle des intéressés et de remettre en état la voie publique ; que, dans ces conditions et eu égard à l'intérêt général qu'ils présentent, les travaux dont s'agit ont le caractère de travaux publics ; qu'ainsi la demande de M. MIGNOT tendant à l'annulation de la délibération soulève un litige dont la juridiction administrative peut être saisie sans qu'ait été respecté le délai fixé par les dispositions précitées du décret du 11 janvier 1965 ; que, dès lors, le jugement attaqué, qui a rejeté cette demande comme tardive, doit être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. MIGNOT ;
Sur la légalité externe :
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'exige que la convocation adressée par le maire, en vertu des dispositions de l'article L. 121-10 du code des communes en vigueur à la date de la délibération attaquée, comporte un ordre du jour mentionnant toutes les questions sur lesquelles le conseil municipal est appelé à se prononcer ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. MIGNOT, conseiller municipal, a été régulièrement convoqué à la délibération du 2 décembre 1983 ; que son absence ne peut donc être imputée à la commune ; qu'il n'est, dès lors, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que, n'ayant pu présenter ses observations, la décision prise au cours de cette délibération serait illégale ;
Sur la légalité interne :
Considérant que la canalisation litigieuse a pour objet de recueillir les eaux de ruissellement provenant, d'une part, de la partie supérieure du village de Geruge par le chemin de Gevingey et, d'autre part, d'une source intermittente, puis de les évacuer dans le réseau d'assainissement existant qui déverse dans une faille ou "lésine", située en contrebas du village, sur une parcelle appartenant à M. MIGNOT, à la fois des eaux de ruissellement et des eaux usées ;
Considérant que, si l'article 42 du règlement sanitaire départemental interdit : "d'évacuer des eaux vannes dans les ouvrages d'évacuation d'eaux pluviales et réciproquement", cette disposition se rapporte aux locaux d'habitation qui doivent ou bien posséder des dispositifs particuliers de traitement des eaux usées ou bien évacuer celles-ci dans des égouts lorsqu'ils existent, mais ne fait pas obstacle au rejet dans un réseau unitaire des eaux de ruissellement ou de source dans les conditions définies par la délibération attaquée ;
Considérant que M. MIGNOT se prévaut des dispositions de l'article 640 du code civil qui, instituant une servitude d'écoulement des eaux au détriment des fonds inférieurs, interdisent au propriétaire supérieur de rien faire qui aggrave ladite servitude ; que ces dispositions ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'une délibération du conseil municipal autorisant des travaux publics ;
Considérant que la circonstance que les risques d'inondation des parcelles qui appartiennent à M. MIGNOT se trouveraient accrus du fait de l'existence de la canalisation autorisée par le conseil municipal ne peut être utilement invoquée à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. MIGNOT doit être rejetée ;
Article 1er : Le jugement du 29 janvier 1986 du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. MIGNOT devant le tribunal administratif de Besançon et le surplus des conclusions de sa requête devant le Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. MIGNOT, à la commune de Geruge et au ministre d'Etat, ministre de l'équipement et du logement.