Vu le jugement en date du 26 janvier 1984, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le 30 janvier 1984 par lequel le tribunal administratif de Rennes a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R.74 du code des tribunaux administratifs, la demande présentée à ce tribunal par M. Jean X... demeurant à Plouha, côtes-du-Nord, au lieudit le Groasmeur ;
Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rennes le 4 août 1982, présentée pour M. X... agissant en exécution d'un jugement du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc en date du 8 juin 1982 et tendant à ce que le tribunal administratif de Rennes apprécie la légalité des arrêtés du 16 janvier 1970 et du 11 janvier 1974 par lesquels les ministre de l'agriculture, et de l'économie et des finances ont prorogé l'arrêté du 15 mars 1966 portant extension de certaines règles édictées par le comité économique agricole "fruits et légumes" de Bretagne et déclare que ces arrêtés sont nuls, ou à tout le moins entachés d'illégalité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu le règlement °n 23 du conseil de la communauté économique européenne en date du 4 avril 1962 ;
Vu le règlement °n 159/66 du conseil de la communauté économique européenne en date du 25 octobre 1966 ;
Vu le règlement °n 1035/72 du conseil des communautés européennes en date du 18 mai 1972 ;
Vu le code des tribunaux administratifs, et notamment l'article R.74 ;
Vu la loi °n 62-933 du 8 août 1962 modifiée par la loi du 6 juillet 1964, et par l'ordonnance du 22 septembre 1967 ;
Vu le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu le décret du 28 novembre 1953 ;
Vu le décret du 22 novembre 1962 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Stasse, Maître des requêtes,
- les observations de Me Copper-Royer, avocat du Comité Economique Agricole Régional Fruits et Légumes de Bretagne et de l'Association Française des Comités Economiques Agricoles de Fruits et Légumes,
- les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'intervention :
Considérant que le Comité économique agricole "fruits et légumes" de Bretagne et l'Association française des comités économiques agricoles de fruits et légumes ont intérêt au maintien des arrêtés du 16 janvier 1970 et du 11 janvier 1974 par lequels les ministres de l'agriculture et de l'économie et des finances ont prorogé l'arrêté du 27 juillet 1966 portant extension de certaines règles édictées par le Comité économique agricole "fruits et légumes" de Bretagne ; que, dès lors, leur intervention est recevable ;
Sur la compétence du Conseil d'Etat :
Considérant que les arrêtés interministériels susvisés du 16 janvier 1970 et du 11 janvier 1974 ont un caractère réglementaire ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2, °4 du décret du 30 septembre 1953, modifié par le décret du 13 juin1966, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort des recours pour excès de pouvoir dirigés contre les actes réglementaires des ministres ; qu'il suit de là que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 26 janvier 1984, le tribunal administratif de Rennes a transmis au Conseil d'Etat sa demande tendant à ce que soient déclarés illégaux lesdits arrêtés ;
Sur la légalité de l'arrêté du 16 janvier 1970 :
Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la loi °n 62-933 du 8 août 1962 modifiée : "Les comités économiques agricoles justifiant d'une expérience satisfaisante en certaines disciplines peuvent demander au ministre de l'agriculture que celles des règles acceptées par leurs membres concernant l'organisation des productions, la promotion des ventes et la mise en marché à l'exception de l'acte de vente, soient rendues obligatoires pour l'ensemble des producteurs de la région considérée... L'extension de tout ou partie de ces règles à l'ensemble des producteurs de la région est prononcée par arrêté interministériel pour des périodes triennales renouvelables et après consultation de l'ensemble des producteurs intéressés de cette région, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat" ; qu'il ressort de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance du 22 septembre 1967 qui a modifié la procédure d'extension, qu'à cette date, le législateur a entendu confirmer la compétence précédemment attribuée aux ministres intéressés pour étendre les règles acceptées par les membres des comités économiques agricoles ;
Considérant que, par un arrêté du 27 juillet 1966, les ministres intéressés avaient étendu certaines obligations édictées par le Comité économique agricole "fruits et légumes" de Bretagne aux producteurs de choux-fleurs et d'artichauts ; que la période triennale prévue par les dispositions législatives précitées était expirée au moment où est intervenu l'arrêté du 16 janvier 1970 déclarant proroger pour trois ans les dispositions de l'arrêté du 27 juillet 1966 ; que l'arrêté du 16 janvier 1970 doit être regardé, non comme une prorogation de l'arrêté précédent, mais comme un nouvel arrêté d'extension ; que si les ministres intéressés, quelle qu'ait été la portée, en ce qui concerne la compétence des autorités nationales, du règlement °n 159/66 du conseil de la communauté économique européenne du 25 octobre 1966, étaient habilités par les dispositions législatives précitées, confirmées par le législateur postérieurement à l'entrée en vigueur du règlement, à prendre un arrêté d'extension, l'intervention du règlement communautaire a modifié les circonstances de droit et de fait qui prévalaient lorsqu'avait été pris l'arrêté du 27 juillet 1966 ; qu'ainsi, les ministres ne pouvaient légalement se fonder sur la procédure de consultation qui avait précédé cet arrêté ni prononcer, par l'arrêté dont la légalité est critiquée, une nouvelle extension sans qu'une nouvelle procédure de consultation, conforme aux dispositions précitées de la loi du 8 août 1962, ait été menée à son terme ; que M. X... est fondé à soutenir que l'arrêté du 16 janvier 1970 a été pris sur une procédure irrégulière et est, de ce fait, entaché d'excès de pouvoir ;
Sur la légalité de l'arrêté du 11 janvier 1974 :
Considérant que ledit arrêté, intervenu alors que les effets du précédent arrêté d'extension étaient expirés, doit également être regardé comme un nouvel arrêté d'extension ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'interprétation donnée, dans sa décision 218/85 du 25 novembre 1986, par la Cour de justice des communautés européennes, statuant sur renvoi préjudiciel, que les dispositions du règlement °n 1035/72 du conseil des communautés européennes en date du 18 mai 1972, entré en vigueur postérieurement à l'ordonnance susvisée du 22 septembre 1967, ne donnent pas compétence aux autorités des Etats membres pour étendre les règles établies par une organisation de producteurs à l'ensemble des producteurs d'une région déterminée si ces règles concernent le triage, le calibrage, le poids et la présentation des produits ou si elles imposent l'obligation de présenter la totalité de la production à la vente publique sur les seuls marchés agréés par l'organisation de producteurs et de contribuer au fonctionnement du régime de retrait institué par cette organisation ; que, par suite, l'arrêté du 11 janvier 1974 doit être déclaré illégal en tant que, reconduisant les dispositions de l'article 1-°2, °3 et °6 de l'arrêté du 27 juillet 1966, il réglemente des domaines qui ne relèvent pas de la compétence des ministres intéressés ;
Considérant, en outre, que l'intervention, le 18 mai 1972, de ce nouveau règlement communautaire modifiait une nouvelle fois les circonstances de droit et de fait qui prévalaient lorsqu'avait été pris l'arrêté du 27 juillet 1966 ; qu'ainsi, les ministres ne pouvaient légalement, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, se fonder sur la procédure de consultation qui avait précédé cet arrêté pour étendre, par l'arrêté du 11 janvier 1974, les autres obligations visées par cet arrêté relevant de la compétence des autorités nationales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que l'arrêté du 11 janvier 1974 est, dans l'ensemble de ses dispositions, entaché d'illégalité ;
Article 1er : L'intervention du Comité économique agricole "fruits et légumes" de Bretagne et de l'Association française des comités économiques agricoles de fruits et légumes est admise.
Article 2 : Les arrêtés du 16 janvier 1970 et du 11 janvier 1974 sont déclarés illégaux.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au Comité économique agricole "fruits et légumes" de Bretagne, à l'Association française des comités économiques agricoles de fruits et légumes, au greffe du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation et au ministre de l'agriculture.