La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/10/2013 | FRANCE | N°2013-676

France | France, Conseil constitutionnel, 09 octobre 2013, 2013-676


Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi relative à la transparence de la vie publique, le 18 septembre 2013, par MM. Jean-Claude GAUDIN, Pierre ANDRÉ, Gérard BAILLY, Philippe BAS, René BEAUMONT, Mme Françoise BOOG, MM. Pierre BORDIER, Joël BOURDIN, François-Noël BUFFET, François CALVET, Christian CAMBON, Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Mme Caroline CAYEUX, MM. Gérard CÉSAR, Pierre CHARON, Alain CHATILLON, Jean-Pierre CHAUVEAU, Marcel-Pierre CLÉACH, Gérard

CORNU, Raymond COUDERC, Jean-Patrick COURTOIS, Mme Isabelle DEBRÉ...

Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi relative à la transparence de la vie publique, le 18 septembre 2013, par MM. Jean-Claude GAUDIN, Pierre ANDRÉ, Gérard BAILLY, Philippe BAS, René BEAUMONT, Mme Françoise BOOG, MM. Pierre BORDIER, Joël BOURDIN, François-Noël BUFFET, François CALVET, Christian CAMBON, Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Mme Caroline CAYEUX, MM. Gérard CÉSAR, Pierre CHARON, Alain CHATILLON, Jean-Pierre CHAUVEAU, Marcel-Pierre CLÉACH, Gérard CORNU, Raymond COUDERC, Jean-Patrick COURTOIS, Mme Isabelle DEBRÉ, MM. Francis DELATTRE, Robert del PICCHIA, Gérard DÉRIOT , Mmes Catherine DEROCHE, Marie Hélène DES ESGAULX, MM. Éric DOLIGÉ, Philippe DOMINATI, Michel DOUBLET, Mme Marie-Annick DUCHÊNE, MM. Alain DUFAUT, André DULAIT, Ambroise DUPONT, Louis DUVERNOIS, Jean-Paul ÉMORINE, Hubert FALCO, André FERRAND, Bernard FOURNIER, Christophe FRASSA, Yann GAILLARD, René GARREC, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Jacques GAUTIER, Patrice GÉLARD, Bruno GILLES, Mme Colette GIUDICELLI, MM. Alain GOURNAC, Francis GRIGNON, François GROSDIDIER, Charles GUENÉ, Michel HOUEL, Alain HOUPERT, Jean-François HUMBERT, Benoît HURÉ, Jean-Jacques HYEST, Roger KAROUTCHI, Marc LAMÉNIE, Mme Elisabeth LAMURE, MM. Gérard LARCHER, Robert LAUFOAULU, Daniel LAURENT, Jean-René LECERF, Antoine LEFÈVRE, Jacques LEGENDRE, Dominique de LEGGE, Jean-Pierre LELEUX, Jean-Claude LENOIR, Gérard LONGUET, Roland du LUART, Michel MAGRAS, Philippe MARINI, Pierre MARTIN, Mme Hélène MASSON-MARET, M. Jean-François MAYET, Mme Colette MÉLOT, MM. Alain MILON, Philippe NACHBAR, Philippe PAUL, Jackie PIERRE, François PILLET, Rémy POINTEREAU, Christian PONCELET, Ladislas PONIATOWSKI, Hugues PORTELLI, Mmes Sophie PRIMAS, Catherine PROCACCIA, MM. Jean-Pierre RAFFARIN, Henri de RAINCOURT, André REICHARDT, Bruno RETAILLEAU, Charles REVET, Bernard SAUGEY, René-Paul SAVARY, Bruno SIDO, Mmes Esther SITTLER, Catherine TROENDLE, MM. François TRUCY et Jean-Pierre VIAL, sénateurs ;

Et le 20 septembre 2013, par MM. Christian JACOB, Elie ABOUD, Yves ALBARELLO, Benoist APPARU, Julien AUBERT, Olivier AUDIBERT TROIN, Patrick BALKANY, Jean-Pierre BARBIER, Sylvain BERRIOS, Xavier BERTRAND, Etienne BLANC, Mme Valérie BOYER, MM. Dominique BUSSEREAU, Gilles CARREZ, Yves CENSI, Luc CHATEL, Guillaume CHEVROLLIER, Alain CHRÉTIEN, Jean-Louis CHRIST, Dino CINIERI, Éric CIOTTI, Jean-François COPÉ, François CORNUT-GENTILLE, Edouard COURTIAL, Jean-Michel COUVE, Mme Marie-Christine DALLOZ, MM. Gérald DARMANIN, Olivier DASSAULT, Bernard DEFLESSELLES, Lucien DEGAUCHY, Patrick DEVEDJIAN, Nicolas DHUICQ, Jean Pierre DOOR, Dominique DORD, David DOUILLET, Mmes Marianne DUBOIS, Virginie DUBY-MULLER, MM. Christian ESTROSI, Daniel FASQUELLE, Georges FENECH, François FILLON, Yves FOULON, Marc FRANCINA, Laurent FURST, Claude de GANAY, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Hervé GAYMARD, Mme Annie GENEVARD, MM. Guy GEOFFROY, Bernard GÉRARD, Alain GEST, Franck GILARD, Claude GOASGUEN, Philippe GOSSELIN, Mmes Claude GREFF, Anne GROMMERCH, MM. Henri GUAINO, Jean-Claude GUIBAL, Christophe GUILLOTEAU, Philippe HOUILLON, Guénhaël HUET, Sébastien HUYGHE, Denis JACQUAT, Christian KERT, Jacques KOSSOWSKI, Mme Valérie LACROUTE, MM. Marc LAFFINEUR, Jacques LAMBLIN, Jean-François LAMOUR, Mme Laure de LA RAUDIÈRE, M. Alain LEBOEUF, Mme Isabelle LE CALLENNEC, MM. Pierre LELLOUCHE, Dominique LE MÈNER, Jean LEONETTI, Philippe LE RAY, Céleste LETT, Mme Véronique LOUWAGIE, MM. Gilles LURTON, Jean-François MANCEL, Laurent MARCANGELI, Thierry MARIANI, Olivier MARLEIX, Alain MARSAUD, Alain MARTY, François de MAZIÈRES, Damien MESLOT, Philippe MEUNIER, Pierre MORANGE, Pierre MOREL-A-L'HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Yves NICOLIN, Bernard PERRUT, Edouard PHILIPPE, Jean-Frédéric POISSON, Mmes Bérangère POLETTI, Josette PONS, MM. Didier QUENTIN, Bernard REYNÈS, Franck RIESTER, Camille de ROCCA-SERRA, Mmes Sophie ROHFRITSCH, Claudine SCHMID, MM. Jean-Marie SERMIER, Fernand SIRÉ, Michel SORDI, Éric STRAUMANN, Claude STURNI, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Guy TEISSIER, Michel TERROT, Jean-Marie TETART, Dominique TIAN, Mme Catherine VAUTRIN, MM. Patrice VERCHÈRE, Philippe VITEL, Michel VOISIN et Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, députés.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ;

Vu la loi organique relative à la transparence de la vie publique, adoptée par le Parlement le 17 septembre 2013, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-675 DC du 9 octobre 2013 ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 27 septembre 2013 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la transparence de la vie publique ; qu'ils mettent en cause la conformité à la Constitution de certaines dispositions de ses articles 2, 4, 5, 7, 10, 11, 12, 20, 23 et 26 ; qu'ils invoquent notamment la méconnaissance du droit au respect de la vie privée, de la liberté d'entreprendre, du principe d'égalité, des droits de la défense, de la légalité des délits et des peines et de la séparation des pouvoirs ainsi que de l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ;

- SUR LES DÉCLARATIONS DE SITUATION PATRIMONIALE ET LES DÉCLARATIONS D'INTÉRÊTS ET LEUR PUBLICITÉ :

2. Considérant que le paragraphe I de l'article 4 de la loi déférée institue, pour chacun des membres du Gouvernement, l'obligation d'adresser, dans les deux mois qui suivent sa nomination, d'une part, au président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration exhaustive, exacte et sincère de sa situation patrimoniale et, d'autre part, au président de cette autorité ainsi qu'au Premier ministre une déclaration faisant apparaître les intérêts détenus à la date de sa nomination et dans les cinq années précédant cette date ; que ce paragraphe prévoit également que l'intéressé déclare toute modification substantielle de sa situation patrimoniale ou des intérêts qu'il détient et qu'il dépose une nouvelle déclaration dans les deux mois qui suivent la cessation des fonctions pour une cause autre que le décès ; que le paragraphe I de l'article 11 soumet à l'obligation d'adresser au président de la Haute autorité une déclaration de situation patrimoniale ainsi qu'une déclaration d'intérêts, dans les deux mois qui suivent leur entrée en fonctions, les représentants français au Parlement européen, les titulaires de certaines fonctions exécutives locales, les membres des cabinets ministériels et les collaborateurs du Président de la République, du Président de l'Assemblée nationale et du Président du Sénat, les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ainsi que toute autre personne exerçant un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement pour lesquels elle a été nommée en conseil des ministres ; que ce même paragraphe prévoit qu'une nouvelle déclaration doit être déposée en cas de modification substantielle de la situation patrimoniale ou des intérêts détenus et qu'une nouvelle déclaration de situation patrimoniale est également exigée dans les deux mois qui suivent la fin des fonctions ou du mandat ; que le paragraphe III du même article 11 soumet à ces mêmes obligations les présidents et directeurs généraux des sociétés ou autres personnes morales dans lesquelles plus de la moitié du capital social est détenue directement par l'État, des établissements publics de l'État à caractère industriel et commercial ainsi que d'autres sociétés publiques ou établissements publics d'importance ;

3. Considérant que le paragraphe II de l'article 4 de la loi déférée énumère les éléments sur lesquels doit porter la déclaration de situation patrimoniale ; qu'il prévoit que doivent y figurer les immeubles bâtis et non bâtis, les valeurs mobilières, les assurances-vie, les comptes bancaires courants ou d'épargne, les livrets et les autres produits d'épargne, les biens mobiliers divers d'une valeur supérieure à un montant fixé par voie réglementaire, les véhicules terrestres à moteur, les bateaux et les avions, les fonds de commerce ou les clientèles et les charges et les offices, les biens mobiliers et immobiliers ainsi que les comptes détenus à l'étranger, les autres biens ainsi que le passif ;

4. Considérant que le paragraphe III de l'article 4 de la loi déférée énumère les éléments sur lesquels doit porter la déclaration d'intérêts ; qu'il prévoit que cette déclaration doit mentionner les activités professionnelles donnant lieu à rémunération ou gratification à la date de la nomination et celles ayant donné lieu à rémunération ou gratification au cours des cinq dernières années ; qu'il en va de même pour les activités de consultant exercées ainsi que les participations aux organes dirigeants d'un organisme public ou privé ou d'une société ; que cette déclaration doit aussi mentionner à la date de la nomination les participations financières directes dans le capital d'une société, les activités professionnelles exercées par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin, les enfants et les parents ainsi que les fonctions et mandats électifs exercés ; qu'enfin cette déclaration doit comporter les fonctions bénévoles susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts ainsi que les autres liens susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts ; que doit être mentionné le montant des rémunérations, indemnités ou gratifications perçues au titre des activités et participations personnelles non bénévoles ;

5. Considérant que le paragraphe I de l'article 5 de la loi déférée prévoit que la Haute autorité rend publiques les déclarations de situation patrimoniale et les déclarations d'intérêts des membres du Gouvernement ; que le paragraphe III du même article précise les éléments de ces déclarations qui ne peuvent être rendus publics ; que le paragraphe I de l'article 12 prévoit également que la Haute autorité rend publiques, dans les limites définies au paragraphe III de l'article 5, les déclarations d'intérêts des personnes visées aux paragraphes I et III de l'article 11 ; que le paragraphe II de l'article 12 prévoit que les déclarations de situation patrimoniale déposées par les titulaires de fonctions exécutives locales visés au 2° du paragraphe I de l'article 11 sont, aux seules fins de consultation, tenues à la disposition des électeurs inscrits sur les listes électorales ;

6. Considérant que, selon les sénateurs et les députés requérants, en permettant la publication de l'ensemble des déclarations d'intérêts ainsi que la publication des déclarations de situation patrimoniale des membres du Gouvernement et la consultation par les électeurs des déclarations de situation patrimoniale des titulaires de certaines fonctions exécutives locales, les dispositions des articles 5 et 12 de la loi déférée opèrent une conciliation manifestement déséquilibrée entre l'objectif de probité des responsables publics et le droit au respect de la vie privée ; que l'inclusion de certaines des informations dans ces déclarations en vertu de l'article 4 porterait également une atteinte inconstitutionnelle au droit au respect de la vie privée ; qu'en outre, en exigeant que la personne soumise à l'obligation de déposer une déclaration d'intérêts indique les activités professionnelles de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou de son concubin et de ses enfants et parents, il serait porté atteinte à la liberté d'entreprendre ;

7. Considérant que, selon les députés requérants, en définissant, à l'article 2 de la loi déférée, le conflit d'intérêts comme « toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction » et en exigeant, au 8° du paragraphe III de l'article 4, des personnes soumises à l'obligation de déposer une déclaration d'intérêts qu'elles mentionnent les liens « susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts », le législateur a retenu des définitions imprécises et équivoques qui portent atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ;

8. Considérant que, selon les sénateurs requérants, en imposant aux titulaires de certaines fonctions exécutives locales le dépôt de déclarations d'intérêts et de déclarations de situation patrimoniale auxquelles il est donné une forme de publicité, alors que ces personnes peuvent être candidates à l'occasion de futurs scrutins, les dispositions de l'article 12 portent également atteinte à l'égalité des candidats devant le suffrage ;

. En ce qui concerne l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi :

9. Considérant qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, lui impose d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droits contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi ;

10. Considérant, en premier lieu, qu'en définissant, à l'article 2 de la loi déférée, le conflit d'intérêts au sens de la loi comme « toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction », le législateur a retenu une définition du conflit d'intérêts incluant les situations d'interférence entre des intérêts publics ou privés non seulement lorsqu'elles sont de nature à influencer l'exercice d'une fonction mais également lorsqu'elles paraissent influencer l'exercice d'une fonction ; que, s'il appartient à la Haute autorité, sous le contrôle du juge, d'apprécier les situations de fait correspondant à cette influence ou cette apparence d'influence, le législateur, en étendant l'appréciation du conflit d'intérêts à ces cas d'apparence d'influence, a retenu une définition qui ne méconnaît pas l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ;

11. Considérant, en second lieu, que la déclaration de situation patrimoniale, qui doit par ailleurs mentionner les immeubles bâtis et non bâtis, les valeurs mobilières, les assurances-vie, les comptes bancaires courants ou d'épargne, les livrets et les autres produits d'épargne, les biens mobiliers divers d'une valeur supérieure à un montant fixé par voie réglementaire, les véhicules terrestres à moteur, les bateaux et les avions, les fonds de commerce ou les clientèles et les charges et les offices, les biens mobiliers et immobiliers ainsi que les comptes détenus à l'étranger, doit également mentionner « les autres biens » ; qu'en retenant la mention des « autres biens » qui ne figurent pas dans l'une des autres catégories de la déclaration de situation patrimoniale, le législateur a entendu inclure tous les éléments du patrimoine d'une valeur substantielle, avec en particulier les comptes courants de société et les options de souscription ou d'achat d'actions ; qu'il appartiendra au décret en Conseil d'État prévu par le paragraphe IV de l'article 4 de fixer la valeur minimale de ces autres biens devant figurer dans la déclaration ; que le législateur n'a donc pas méconnu l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ;

. En ce qui concerne le droit au respect de la vie privée :

12. Considérant qu'il appartient au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de fixer les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives et les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'État ; qu'il lui est à tout moment loisible d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ;

13. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Déclaration de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression » ; que la liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée ; que le dépôt de déclarations d'intérêts et de déclarations de situation patrimoniale contenant des données à caractère personnel relevant de la vie privée ainsi que la publicité dont peuvent faire l'objet de telles déclarations portent atteinte au respect de la vie privée ; que, pour être conformes à la Constitution, ces atteintes doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et mises en oeuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif ;

14. Considérant que l'instauration d'une obligation de dépôt, auprès d'une autorité administrative indépendante, de déclarations d'intérêts et de déclarations de situation patrimoniale par les titulaires de certaines fonctions publiques ou de certains emplois publics a pour objectif de renforcer les garanties de probité et d'intégrité de ces personnes, de prévention des conflits d'intérêts et de lutte contre ceux-ci ; qu'elle est ainsi justifiée par un motif d'intérêt général ;

15. Considérant, toutefois, que, si le législateur pouvait imposer la mention, dans ces déclarations, des activités professionnelles exercées à la date de la nomination par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin sans porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée compte tenu de la vie commune avec le déclarant, il n'en va pas de même de l'obligation de déclarer les activités professionnelles exercées par les enfants et les parents ; qu'il est ainsi porté une atteinte au droit au respect de la vie privée qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi ; qu'il en résulte que, au 6° du paragraphe III de l'article 4 de la loi déférée, les mots : « les enfants et les parents » doivent être déclarés contraires à la Constitution ; que, par voie de conséquence, doivent également être déclarés contraires à la Constitution les mots « ou d'un autre membre de sa famille » figurant aux sixième et onzième alinéas du paragraphe III de l'article 5 ;

- Quant aux déclarations des membres du Gouvernement :

16. Considérant que les dispositions de l'article 5 prévoient que les déclarations d'intérêts et les déclarations de situation patrimoniale des membres du Gouvernement font l'objet d'une publication par la Haute autorité qui peut assortir cette publication de toute appréciation qu'elle estime utile quant à l'exhaustivité, à l'exactitude et à la sincérité de l'une ou l'autre déclaration, après avoir mis l'intéressé à même de présenter ses observations ; qu'elles prévoient également que tout électeur peut adresser à la Haute autorité toute observation écrite relative à ces déclarations ; qu'en outre les noms et les adresses mentionnés dans les déclarations ne peuvent être rendus publics ;

17. Considérant que le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution prévoit que « les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice. . . de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle » ; qu'eu égard, d'une part, au statut et à la situation particulière des membres du Gouvernement et, d'autre part, à leur pouvoir, notamment dans l'exercice du pouvoir réglementaire et dans la détermination et la conduite de la politique de la Nation, le législateur, en prévoyant une publication de leurs déclarations d'intérêts ainsi que de leurs déclarations de situation patrimoniale par la Haute autorité, a porté au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne revêt pas un caractère disproportionné au regard de l'objectif poursuivi ;

- Quant aux déclarations des personnes titulaires de mandats électoraux :

18. Considérant que les dispositions du paragraphe I de l'article 12 prévoient que les déclarations d'intérêts des personnes visées aux 1° à 3° du paragraphe I de l'article 11 font l'objet d'une publication par la Haute autorité ; que les dispositions du paragraphe II de l'article 12 prévoient que les déclarations de situation patrimoniale des titulaires de fonctions exécutives locales visés au 2° du paragraphe I de l'article 11 sont, aux seules fins de consultation, tenues à la disposition des électeurs inscrits sur les listes électorales ; que ces deux dispositions prévoient également que tout électeur peut adresser à la Haute autorité toute observation écrite relative à ces déclarations ; que les noms et les adresses mentionnés dans les déclarations ne peuvent être rendus publics ;

19. Considérant, d'une part, qu'en prévoyant une publication des déclarations d'intérêts des personnes visées aux 1° à 3° du paragraphe I de l'article 11 par la Haute autorité, le législateur a entendu permettre à chaque citoyen de s'assurer par lui-même de la mise en oeuvre des garanties de probité et d'intégrité de ces élus, de prévention des conflits d'intérêts et de lutte contre ceux-ci ; que, s'agissant de personnes élues, l'atteinte portée au droit au respect de la vie privée ne revêt pas un caractère disproportionné au regard de l'objectif poursuivi ;

20. Considérant, d'autre part, qu'en prévoyant une forme de publicité relative au patrimoine des titulaires de fonctions exécutives locales visés au 2° du paragraphe I de l'article 11, le législateur a, s'agissant d'élus d'établissements publics et de collectivités territoriales qui règlent les affaires de leur compétence par des conseils élus, porté au droit au respect de la vie privée une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ; que, par suite, les sept premiers alinéas du paragraphe II de l'article 12 doivent être déclarés contraires à la Constitution ;

- Quant aux déclarations des personnes titulaires d'autres fonctions ou emplois publics :

21. Considérant que les dispositions du paragraphe I de l'article 12 prévoient que les déclarations d'intérêts des personnes visées aux 4° à 7° du paragraphe I de l'article 11 et de celles visées au paragraphe III de ce même article font l'objet d'une publication par la Haute autorité ; qu'elles prévoient également que tout électeur peut adresser à la Haute autorité toute observation écrite relative à celles-ci ; que les noms et les adresses mentionnés dans les déclarations ne peuvent être rendus publics ;

22. Considérant que, pour des personnes exerçant des responsabilités de nature administrative et n'étant pas élues par les citoyens, l'objectif de renforcer les garanties de probité et d'intégrité de ces personnes, de prévention des conflits d'intérêts et de lutte contre ceux-ci est directement assuré par le contrôle des déclarations d'intérêts par la Haute autorité et par l'autorité administrative compétente ; qu'en revanche, la publicité de ces déclarations d'intérêts, qui sont relatives à des personnes qui n'exercent pas de fonctions électives ou ministérielles mais des responsabilités de nature administrative, est sans lien direct avec l'objectif poursuivi et porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de ces personnes ; que, par suite, les dispositions du paragraphe I de l'article 12 ne sauraient avoir pour objet ni pour effet de permettre que soient rendues publiques les déclarations d'intérêts déposées par les personnes mentionnées aux 4° à 7° du paragraphe I de l'article 11 et au paragraphe III de ce même article ; que, sous cette réserve, les dispositions du paragraphe I de l'article 12 sont conformes à la Constitution ;

. En ce qui concerne le grief tiré de l'atteinte à la liberté d'entreprendre :

23. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;

24. Considérant que l'exercice des fonctions publiques ou emplois publics visés aux articles 4 et 11 ne relève pas de la liberté d'entreprendre ; que, par suite, le grief tiré de l'atteinte à l'article 4 de la Déclaration de 1789 est inopérant ;

. En ce qui concerne le grief tiré de l'atteinte au principe d'égalité :

25. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi : « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;

26. Considérant qu'en imposant aux titulaires de certaines fonctions publiques ou de certains emplois publics une obligation de dépôt d'une déclaration d'intérêts ainsi que d'une déclaration de situation patrimoniale et en prévoyant alors la publicité de certaines de ces déclarations, les dispositions contestées ont pour objet de traiter différemment des personnes placées dans une situation différente ; que cette différence de traitement est en rapport direct avec l'objectif poursuivi par le législateur ; qu'en conséquence, le grief tiré de la violation du principe d'égalité doit être écarté ;

. En ce qui concerne le grief tiré de l'atteinte au principe de la légalité des délits et des peines :

27. Considérant que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de la légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ;

28. Considérant que le 8° du paragraphe III de l'article 4 impose de renseigner dans la déclaration d'intérêts les « autres liens susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts », sans donner d'indication sur la nature de ces liens et les relations entretenues par le déclarant avec d'autres personnes qu'il conviendrait d'y mentionner ; qu'il résulte des dispositions de l'article 26 que le fait de ne pas avoir mentionné d'élément dans cette rubrique peut être punissable sans que les éléments constitutifs de l'infraction soient suffisamment définis : qu'ainsi, les dispositions du 8° du paragraphe III de l'article 4 méconnaissent le principe de la légalité des délits et des peines et doivent être déclarées contraires à la Constitution ; que doit également être déclarée contraire à la Constitution, par voie de conséquence, la référence « 8° » au dernier alinéa du paragraphe III de l'article 4 ;

29. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que doivent être déclarés contraires à la Constitution, au 6° du paragraphe III de l'article 4, les mots : « , les enfants et les parents », le 8° du même paragraphe III et la référence au « 8° » au dernier alinéa de ce paragraphe, aux sixième et onzième alinéas du paragraphe III de l'article 5, les mots : « ou d'un autre membre de sa famille » ainsi que les sept premiers alinéas du paragraphe II de l'article 12 ; que les articles 2 et 11 doivent être déclarés conformes à la Constitution ; qu'il en va de même du surplus des articles 4 et 5 et, sous la réserve énoncée au considérant 22, du surplus de l'article 12 ;

- SUR LA HAUTE AUTORITÉ POUR LA TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE :

30. Considérant que l'article 19 de la loi déférée institue la Haute autorité pour la transparence de la vie publique ; que l'article 20 détermine ses missions ; qu'en particulier le 1° du paragraphe I de cet article prévoit qu'elle reçoit les déclarations de situation patrimoniale et les déclarations d'intérêts des membres du Gouvernement, des députés ou des sénateurs et des personnes mentionnées à l'article 11 et en assure la vérification, le contrôle et le cas échéant la publicité dans les conditions prévues par les articles 4 à 12 de la loi déférée ; que le 2° de ce même paragraphe I dispose qu'elle se prononce sur les situations pouvant constituer un conflit d'intérêts dans lesquelles peuvent se trouver les membres du Gouvernement et les personnes mentionnées à l'article 11 et peut leur enjoindre d'y mettre fin, à l'exception des membres du Parlement européen ; que le 4° de ce paragraphe I prévoit qu'elle se prononce, en application de l'article 23, sur la compatibilité de l'exercice d'une activité libérale ou d'une activité rémunérée au sein d'un organisme ou d'une entreprise exerçant son activité dans un secteur concurrentiel conformément aux règles du droit privé, avec des fonctions gouvernementales ou des fonctions exécutives locales énumérées au 2° du paragraphe I de l'article 11 ;

31. Considérant, en outre, que l'article 7 de la loi prévoit que la Haute autorité contrôle la variation de la situation patrimoniale des membres du Gouvernement telle qu'elle résulte de leurs déclarations, des éventuelles observations et explications qu'ils ont pu formuler et des autres éléments dont elle dispose ; qu'aux termes du second alinéa de cet article : « Lorsqu'elle constate une évolution de la situation patrimoniale pour laquelle elle ne dispose pas d'explications suffisantes, après que le membre du Gouvernement a été mis en mesure de présenter ses observations, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique publie au Journal officiel un rapport spécial, assorti des observations de l'intéressé, et transmet le dossier au parquet » ; qu'en vertu du paragraphe V de l'article 11, l'article 7 est également applicable aux personnes mentionnées à l'article 11 ;

32. Considérant que le paragraphe II de l'article 20 dispose que la Haute autorité peut, en cas de manquement à ses obligations par une des personnes mentionnées aux articles 4 et 11, se saisir d'office ou être saisie par le Premier ministre, le Président de l'Assemblée nationale ou le Président du Sénat ainsi que par les associations agréées se proposant, par leur statut, de lutter contre la corruption ; que le troisième alinéa de ce paragraphe II dispose que la Haute autorité peut demander aux membres du Gouvernement et aux personnes mentionnées aux articles 11 et 23 toute explication ou tout document nécessaire à l'exercice de ses missions ;

33. Considérant que l'article 22 prévoit que lorsque la Haute autorité constate qu'un membre du Gouvernement ou une personne mentionnée à l'article 11 ne respecte pas les obligations prévues aux articles 1er, 2, 4 et 11 ou se trouve dans une situation prévue à l'article 7, elle en informe, selon le cas, l'autorité dont cette personne relève pour l'exercice de ses fonctions, le président de l'assemblée ou de l'autorité dont elle est membre ou son autorité de nomination ;

34. Considérant que le paragraphe I de l'article 23 dispose que la Haute autorité se prononce sur la compatibilité de l'exercice d'une activité libérale ou d'une activité rémunérée au sein d'un organisme ou d'une entreprise exerçant son activité dans un secteur concurrentiel conformément aux règles du droit privé, avec des fonctions gouvernementales ou des fonctions exécutives locales énumérées au 2° du paragraphe I de l'article 11 exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité ; qu'aux termes du paragraphe II de l'article 23 : « Les avis de compatibilité peuvent être assortis de réserves dont les effets peuvent s'imposer à la personne concernée pendant une période maximale expirant trois ans après la fin de l'exercice des fonctions gouvernementales ou des fonctions exécutives locales.

« Lorsque la Haute Autorité rend un avis d'incompatibilité, la personne concernée ne peut pas exercer l'activité envisagée pendant une période expirant trois ans après la fin de l'exercice des fonctions gouvernementales ou des fonctions exécutives locales.

« La Haute Autorité notifie sa décision à la personne concernée et, le cas échéant, à l'organisme ou à l'entreprise au sein duquel celle-ci exerce d'ores et déjà ses fonctions en violation du premier alinéa du I. Les actes et contrats conclus en vue de l'exercice de cette activité :

« 1° Cessent de produire leurs effets lorsque la Haute Autorité a été saisie dans les conditions fixées au 1° du I ;

« 2° Sont nuls de plein droit lorsque la Haute Autorité a été saisie dans les conditions fixées au 2° du I.

« Lorsqu'elle est saisie en application du même 2° et qu'elle rend un avis d'incompatibilité, la Haute Autorité le rend public.

« Elle peut rendre un avis d'incompatibilité lorsqu'elle estime ne pas avoir obtenu de la personne concernée les informations nécessaires » ;

35. Considérant qu'aux termes du paragraphe IV de l'article 23 : « Lorsqu'elle a connaissance de l'exercice, par une personne mentionnée au I, d'une activité exercée en violation d'un avis d'incompatibilité ou d'une activité exercée en violation des réserves prévues par un avis de compatibilité, et après que la personne concernée a été mise en mesure de produire des explications, la Haute autorité publie au Journal officiel un rapport spécial comprenant l'avis rendu et les observations écrites de la personne concernée » ;

36. Considérant que l'article 26 institue des infractions pénales ; que, notamment, son paragraphe I punit de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, pour un membre du Gouvernement ou une personne mentionnée à l'article 11 de ne pas déposer l'une des déclarations de situation patrimoniale ou d'intérêts, d'omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine ; que son paragraphe II punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, le fait pour ces mêmes personnes ainsi que pour les personnes mentionnées à l'article 23 de ne pas déférer aux injonctions de la Haute autorité ou de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission ;

37. Considérant que, selon les députés requérants, en confiant à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique le pouvoir de porter une appréciation sur les éventuelles situations de conflit d'intérêts de personnes élues, alors que cette autorité administrative est composée de personnes n'ayant pas exercé de mandat électoral et dont les garanties d'indépendance et d'impartialité ne sont pas assurées, le législateur a porté atteinte à la séparation des pouvoirs ; qu'il en irait ainsi en particulier compte tenu de l'inclusion dans le champ de compétence de la Haute autorité des députés et des sénateurs ainsi que des collaborateurs du Président de l'Assemblée nationale et du Président du Sénat ; qu'en outre, le respect des droits de la défense ne serait pas assuré à l'égard des décisions de cette autorité ;

38. Considérant que les sénateurs requérants font valoir, en premier lieu, que le pouvoir d'injonction confié à la Haute autorité pour faire cesser une situation de conflit d'intérêts peut avoir pour effet d'interdire l'exercice d'une activité professionnelle à une personne de l'entourage du destinataire de cette injonction ; qu'il en résulterait une atteinte à la liberté d'entreprendre ; que le pouvoir conféré à la Haute autorité par l'article 23 d'interdire l'exercice d'une activité professionnelle à un ancien titulaire d'une fonction gouvernementale ou d'une fonction exécutive locale porterait également atteinte à cette liberté ;

39. Considérant qu'ils soutiennent, en deuxième lieu, que le pouvoir confié à la Haute autorité par les articles 7, 10, 22 et 23, d'apprécier soit une évolution non justifiée de la situation patrimoniale, soit une situation de conflit d'intérêts ou une situation d'incompatibilité relative à un ancien membre du Gouvernement ou à un ancien titulaire d'une fonction exécutive locale à l'égard de l'exercice d'une activité professionnelle revêt un caractère arbitraire qui méconnaît le principe de la légalité des délits et des peines ; que serait en outre méconnu le droit à un recours juridictionnel des personnes intéressées compte tenu de l'inversion de la charge de la preuve que ces dispositions opèreraient et de l'absence de disposition prévoyant l'exercice de voies de recours contre les décisions ou injonctions de la Haute autorité ;

40. Considérant qu'ils soutiennent, en troisième lieu, que les dispositions organisant la saisine de l'autorité judiciaire par la Haute autorité ont pour effet de subordonner à l'accord d'une autorité administrative l'exercice de ses missions par l'autorité judiciaire ; qu'il en résulterait une atteinte à la séparation des pouvoirs ;

41. Considérant qu'ils soutiennent, en dernier lieu, que l'instauration d'un délit réprimant le fait de ne pas déférer aux injonctions d'une autorité administrative méconnaît le principe de la légalité des délits et des peines ;

. En ce qui concerne les griefs tirés de l'atteinte à la séparation des pouvoirs :

42. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;

43. Considérant, en premier lieu, que, si le 1° du paragraphe I de l'article 20 dispose que la Haute autorité reçoit des députés et des sénateurs leurs déclarations de situation patrimoniale et leurs déclarations d'intérêts et d'activités, en assure la vérification, le contrôle et la publicité, ces dispositions se bornent à rappeler, dans le cadre de la présentation générale des compétences de cette autorité, les pouvoirs qui lui sont conférés par les articles L.O. 135-1 et L.O. 135-2 du code électoral tels qu'ils résultent de l'article 1er de la loi organique relative à la transparence de la vie publique adoptée définitivement par le Parlement le 17 septembre 2013 ; que, dans sa décision n° 2013-675 DC susvisée, le Conseil constitutionnel a examiné la conformité à la Constitution de ces deux articles ; que, dirigé contre les dispositions de la loi, le grief tiré de ce que les pouvoirs de la Haute autorité à l'égard des députés et des sénateurs méconnaîtraient la séparation des pouvoirs doit être écarté ;

44. Considérant, en deuxième lieu, que le 5° du paragraphe I de l'article 11 a pour effet de soumettre aux obligations de déclaration de situation patrimoniale et de déclaration d'intérêts les collaborateurs du Président de l'Assemblée nationale et du Président du Sénat ; que le 2° du paragraphe I de l'article 20 permet à la Haute autorité de faire injonction aux personnes mentionnées à l'article 11 de mettre fin à une situation de conflit d'intérêts ; que la méconnaissance d'une telle injonction est pénalement réprimée par le paragraphe II de l'article 26 ;

45. Considérant que le principe de la séparation des pouvoirs ne fait obstacle ni à ce que la loi soumette les collaborateurs du Président de l'Assemblée nationale et du Président du Sénat à l'obligation de déclarer à une autorité administrative indépendante leur situation patrimoniale ainsi que leurs intérêts publics et privés ni à ce que cette autorité contrôle l'exactitude et la sincérité de ces déclarations, se prononce sur les situations pouvant constituer un conflit d'intérêts et porte à la connaissance du Président de l'Assemblée nationale ou du Président du Sénat les éventuels manquements ; que, toutefois, les dispositions du 2° du paragraphe I de l'article 20 de la loi ne sauraient, sans méconnaître les exigences de la séparation des pouvoirs, autoriser la Haute autorité à adresser aux personnes visées au 5° du paragraphe I de l'article 11, lesquelles relèvent de la seule autorité du Président de l'Assemblée nationale ou du Président du Sénat, une injonction de mettre fin à une situation de conflit d'intérêts ;

46. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article 16 de la Déclaration de 1789 impliquent, en outre, le respect du caractère spécifique des fonctions juridictionnelles, sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le Gouvernement, ainsi que le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif et le droit à un procès équitable ; que, toutefois, ni les dispositions de l'article 7, qui prévoient la saisine du parquet par la Haute autorité, ni celles de l'article 26, qui instituent des sanctions pénales, ne portent atteinte au principe de la séparation des pouvoirs ou à celui de l'indépendance de l'autorité judiciaire garantie par l'article 64 de la Constitution ;

47. Considérant, en quatrième lieu, que le paragraphe II de l'article 19 de la loi fixe la composition de cette autorité administrative indépendante et les modalités de nomination de ses membres ; qu'ainsi, elle est composée, outre son président nommé par décret du Président de la République, de deux conseillers d'État, deux conseillers à la Cour de cassation, deux conseillers-maîtres à la Cour des comptes et deux personnalités qualifiées ; que le paragraphe III de cet article 19 dispose que ses membres sont nommés pour une durée de six ans non renouvelable ; que le paragraphe IV fixe les incompatibilités et les obligations auxquelles sont soumis ses membres ; que le paragraphe V fixe les conditions dans lesquelles sont recrutées les personnes qui l'assistent dans l'exercice de ses missions ; que le paragraphe VI dispose notamment que le président de la Haute autorité est ordonnateur des crédits qui lui sont affectés ; que, par ces dispositions, sont instituées des garanties de nature à assurer l'indépendance et l'impartialité nécessaires pour que la Haute autorité pour la transparence de la vie publique puisse exercer les missions qui lui sont confiées ;

48. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au considérant 45, les dispositions précitées ne méconnaissent pas la séparation des pouvoirs ;

. En ce qui concerne le grief tiré de l'atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif et aux droits de la défense :

49. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, la décision de la Haute autorité, prévue par le deuxième alinéa du paragraphe I de l'article 5, d'assortir la publication d'une déclaration de situation patrimoniale ou d'une déclaration d'intérêts d'un membre du Gouvernement d'une appréciation quant à l'exhaustivité, à l'exactitude et à la sincérité de cette déclaration, la décision de cette autorité, prévue par le second alinéa de son article 7, de publier au Journal officiel un rapport spécial relatif à l'évolution de la situation patrimoniale, l'injonction prononcée par cette autorité, en application de l'article 10 ou du 2° du paragraphe I de l'article 20, tendant à faire cesser une situation de conflit d'intérêts et les avis d'incompatibilité prévus par l'article 23 ne constituent pas des sanctions ayant le caractère d'une punition ; que, d'autre part, aucune des dispositions qui prévoient ces décisions et avis et en organisent les modalités n'a pour objet ou pour effet d'inverser la charge de la preuve quant à l'existence des situations de fait dont ces décisions supposent le constat et à l'appréciation de ces situations au regard des règles relatives aux conflits d'intérêts et aux incompatibilités ;

50. Considérant, en second lieu, que la Haute autorité pour la transparence de la vie publique est une autorité administrative ; qu'aucune des dispositions contestées n'a pour effet de porter atteinte au droit de contester les décisions de cette autorité devant la juridiction compétente ;

51. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de l'atteinte aux droits de la défense et au droit à un recours juridictionnel effectif doivent être écartés ;

. En ce qui concerne le grief tiré de l'atteinte à la liberté d'entreprendre :

52. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la Déclaration de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi » ; qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;

53. Considérant, en premier lieu, que le 6° du paragraphe III de l'article 4 soumet les membres du Gouvernement et les personnes mentionnées à l'article 11 à l'obligation de mentionner, dans la déclaration d'intérêts qu'ils sont tenus de remettre à la Haute autorité, les activités professionnelles exercées à la date de la nomination par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin ; que le 2° du paragraphe I de l'article 20 dispose que la Haute autorité se prononce sur les situations pouvant constituer un conflit d'intérêts, au sens de l'article 2, dans lesquelles peuvent se trouver les membres du Gouvernement et les personnes mentionnées à l'article 11 et, le cas échéant, leur enjoint d'y mettre fin ;

54. Considérant que les obligations qui résultent de l'article 2 de la loi en matière de conflits d'intérêts et celles qui peuvent résulter des injonctions délivrées par la Haute autorité lorsqu'elle ordonne qu'il soit mis fin à un tel conflit d'intérêts ne s'appliquent qu'aux personnes soumises à l'obligation d'adresser une déclaration d'intérêts ; que, par suite, manque en fait le grief tiré de ce que ces dispositions pourraient porter atteinte à la liberté des membres de la famille de ces personnes d'exercer leur profession ;

55. Considérant, en second lieu, que, dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 23 de la loi, la Haute autorité peut interdire à certaines personnes d'exercer, pendant une durée de trois ans, une activité professionnelle jugée incompatible avec les fonctions qu'elles ont antérieurement exercées ; qu'en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu rendre applicables aux membres du Gouvernement et à certains élus des exigences comparables à celles qui sont applicables à tous les fonctionnaires ou agents d'une administration publique en application de l'article 87 de la loi du 29 janvier 1993 susvisée ; qu'il a ainsi entendu prévenir les situations de conflit d'intérêts ; qu'en soumettant à cette procédure les personnes ayant exercé des fonctions gouvernementales ou des fonctions exécutives locales il n'a pas porté à la liberté d'entreprendre une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi ;

56. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de l'atteinte à la liberté d'entreprendre doivent être écartés ;

. En ce qui concerne le grief tiré de l'atteinte au principe de la légalité des délits et des peines :

57. Considérant que le principe de la légalité des délits et des peines ne fait pas obstacle à l'institution d'un délit réprimant la méconnaissance, par une personne, d'une injonction qui lui est adressée par une autorité administrative ; que le grief tiré de ce que le paragraphe II de l'article 26 méconnaîtrait le principe de la légalité des délits et des peines doit être écarté ;

. En ce qui concerne les exigences tirées des articles 8, 13, 20, 23, 34 et 72 de la Constitution :

58. Considérant, en premier lieu, que l'article 8 de la Constitution dispose que le Président de la République nomme les membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions ; que son article 23 dispose : « Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle » ; que le constituant n'a pas habilité le législateur à compléter le régime des incompatibilités des membres du Gouvernement ;

59. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 20 de la Constitution prévoit que le Gouvernement dispose de l'administration et de la force armée ; que le troisième alinéa de l'article 13 de la Constitution prévoit notamment que les préfets, les représentants de l'État dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, les recteurs des académies et les directeurs des administrations centrales sont nommés en conseil des ministres ;

60. Considérant, en troisième lieu, que le troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution dispose que, dans les conditions prévues par la loi, les collectivités territoriales s'administrent librement « par des conseils élus » ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe notamment les règles concernant : « les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales » ; que tout texte édictant une incompatibilité et qui a donc pour effet de porter une atteinte à l'exercice d'un mandat électif doit être strictement interprété ;

61. Considérant que la Haute autorité a vocation à contrôler les situations de conflit d'intérêts des membres du Gouvernement et des personnes mentionnées à l'article 11 en se fondant notamment sur la déclaration d'intérêts que ces personnes ont déposées ; qu'au nombre des éléments qui doivent être déclarés, figurent non seulement des activités exercées, des participations à des organes dirigeants ou d'autres fonctions qui existent à la date de la déclaration mais également des activités exercées ou des participations à des organes dirigeants au cours des cinq années précédentes ;

62. Considérant que les dispositions constitutionnelles précitées ne font obstacle ni à ce que la loi soumette les membres du Gouvernement et les personnes visées à l'article 11 à l'obligation de déclarer à une autorité administrative indépendante leurs intérêts publics et privés ni à ce que cette autorité contrôle l'exactitude et la sincérité de ces déclarations, se prononce sur les situations pouvant constituer un conflit d'intérêts et porte les éventuels manquements à la connaissance de l'autorité compétente pour que, le cas échéant, celle-ci en tire les conséquences ; que, toutefois, les dispositions de l'article 10 et celles du 2° du paragraphe I de l'article 20 ne sauraient, sans méconnaître les principes constitutionnels précités, être interprétées comme habilitant la Haute autorité à instituer des règles d'incompatibilité qui ne sont pas prévues par la loi ; que la Haute autorité ne saurait davantage adresser et donc rendre publique une injonction tendant à ce qu'il soit mis fin à une situation de conflit d'intérêts que si la personne destinataire de cette injonction est en mesure de mettre fin à une telle situation sans démissionner de son mandat ou de ses fonctions ; que, sous ces réserves, l'article 10 et le 2° du paragraphe I de l'article 20 ne sont pas contraires à la Constitution ;

63. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les articles 7, 23 et 26, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarés conformes à la Constitution ; qu'il en va de même, sous les réserves énoncées aux considérants 45 et 62, des articles 20 et 10 ;

64. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de constitutionnalité,

D É C I D E :

Article 1er.- Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative à la transparence de la vie publique :

- au 6° du paragraphe III de l'article 4, les mots : « , les enfants et les parents » ;

- le 8° du paragraphe III de l'article 4 et, au dernier alinéa de ce paragraphe, la référence au « , 8° » ;

- au sixième alinéa et au onzième alinéa du paragraphe III de l'article 5, les mots : « ou d'un autre membre de sa famille : » ;

- les sept premiers alinéas du paragraphe II de l'article 12

Article 2.- Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la même loi :

- l'article 10, sous les réserves énoncées au considérant 62 ;

- le paragraphe I de l'article 12, sous la réserve énoncée au considérant 22 ;

- l'article 20, sous les réserves énoncées aux considérants 45 et 62

Article 3.- Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la même loi :

- l'article 2 ;

- le surplus de l'article 4 et de l'article 5 ;

- les articles 7 et 11 ;

- le surplus du paragraphe II de l'article 12 ;

- les articles 23 et 26.

Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 octobre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.

Rendu public le 9 octobre 2013.


Synthèse
Numéro de décision : 2013-676
Date de la décision : 09/10/2013
Loi relative à la transparence de la vie publique
Sens de l'arrêt : Non conformité partielle avec réserve
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs de deux recours dirigés contre la loi relative à la vie publique.

Le Gouvernement souhaite d'abord rappeler les principes qui fondent cette loi relative à la transparence de la vie publique.

Elle est guidée, comme la loi organique qui lui est associée, par le souci de conforter le respect des valeurs fondamentales que sont la probité, l'impartialité et la responsabilité, à même de garantir le caractère démocratique des institutions de la République.

La loi a d'abord un objet préventif. Elle vise à éviter que des personnes occupant des mandats ou des fonctions publiques se trouvent en situation de conflit d'intérêts. La déclaration que ces personnes devront remplir est un outil devant leur permettre d'apprécier si, en fonction des situations, elles doivent ou non s'abstenir - et si le champ des intérêts déclarés est plus large que celui des intérêts couverts par des prohibitions pénales, c'est précisément parce que l'objectif n'est pas le même. Dans ce cadre, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique peut jouer le rôle de conseil déontologique et inviter, le cas échéant, la personne concernée à s'abstenir d'intervenir dans un dossier particulier ou de prendre part à une décision.

La loi répond aussi à un souci de meilleur contrôle. S'inscrivant dans le prolongement de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique et la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, elle met en place un dispositif renforcé de déclarations de patrimoine pour assurer le contrôle de l'évolution du patrimoine des personnes occupant les fonctions publiques les plus importantes, dans le but d'écarter tout soupçon d'enrichissement illégitime.

Les obligations de déclaration créées ou précisées par la loi, les conditions dans lesquelles elles sont rendues publiques, l'étendue des compétences confiées à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, l'institution de sanctions pénales destinées à assurer l'effectivité des nouvelles obligations, l'extension des règles relatives au « pantouflage » constituent un ensemble de mesures qui concourent à la réalisation de l'objectif poursuivi par le législateur.

Il s'agit non seulement de créer des procédures propres à mieux garantir l'impartialité, la probité et l'objectivité des décideurs publics mais aussi de renforcer la confiance des citoyens dans les institutions. La transparence de ces procédures, qui passe par l'édiction de règles suffisamment claires et précises pour être connues de tous et par le droit reconnu au public de vérifier par lui-même les conditions de mise en œuvre de ces règles, permet à la fois de renforcer l'efficacité des contrôles et de la prévention, et de conforter la confiance des citoyens.

Les comparaisons internationales dont rend compte l'étude d'impact jointe au projet de loi témoignent de l'importance du lien établi, dans la plupart des grandes démocraties, entre l'existence de déclarations d'intérêts et de patrimoine, rendues publiques, et la confiance des citoyens dans la qualité du fonctionnement démocratique des institutions. Une grande majorité de pays de l'Union européenne ont adopté des règles imposant la publicité, au moins partielle, des déclarations d'intérêts, de patrimoine et de revenus des principaux responsables publics. De telles règles ont été adoptées au Royaume-Uni dès 1974 ; elles se sont généralisées dans l'Union européenne au cours des années 1990 - 2000 et la France fait aujourd'hui figure d'exception en étant un des seuls pays où la pratique des déclarations d'intérêts n'est pas généralisée et où la loi prévoit seulement une déclaration de patrimoine dont aucun élément n'est rendu public.

La loi permet ainsi de rapprocher le droit français des règles qui constituent désormais l'un des critères largement partagé de la qualité du fonctionnement des institutions d'une démocratie moderne.

Sur le fond, les recours appellent de la part du Gouvernement les observations suivantes.

I. - SUR LE RESPECT DES OBJECTIFS DE CLARTE ET D'INTELLIGIBILITE DE LA LOI.

L'article 2 de la loi déférée dispose que « constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction », tandis que le III de l'article 4 détermine les éléments que doit contenir la déclaration d'intérêts - au nombre desquels figurent les « autres liens susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts ».

Ces dispositions, contrairement à ce que soutiennent les députés auteurs du recours, ne méconnaissent pas l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la loi.

1. - Selon la définition de l'Organisme de coopération et de développement économiques (OCDE), formalisée dans ses Lignes directrices de 2005 et reprise par un grand nombre d'Etats, « un conflit d'intérêts implique un conflit entre la mission publique et les intérêts privés d'un agent public, dans lequel l'agent public possède à titre privé des intérêts qui pourraient influencer indûment la façon dont il s'acquitte de ses obligations et de ses responsabilités ». Cette approche intègre autant le conflit réel que le conflit potentiel ou apparent, c'est-à-dire la situation dans laquelle les intérêts privés de la personne sont susceptibles d'être regardés comme de nature à influencer sa manière de servir, sans que ce soit le cas effectivement.

De même, pour le Conseil de l'Europe, « un conflit d'intérêts naît d'une situation dans laquelle un agent public a un intérêt personnel de nature à influer ou à paraître influer sur l'exercice impartial et objectif de ses fonctions officielles. L'intérêt personnel de l'agent public englobe tout avantage pour lui-même ou elle-même ou en faveur de sa famille, de parents, d'amis ou de personnes proches, ou de personnes ou organisations avec lesquelles il ou elle a eu des relations d'affaires ou politiques. Il englobe également toute obligation financière ou civile à laquelle l'agent public est assujetti » (recommandation n° R (2000) 10 du comité des ministres aux Etats membres du 11 mai 2000)

La commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts, mise en place par le décret n° 2010-1072 du 10 septembre 2010, proposait de son côté de définir le conflit d'intérêts comme « une situation d'interférence entre une mission de service public et l'intérêt privé d'une personne qui concourt à l'exercice de cette mission, lorsque cet intérêt, par sa nature et son intensité, peut raisonnablement être regardé comme étant de nature à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions ».

2. - Le législateur s'est inspiré de ces précédents pour retenir une définition du conflit d'intérêts qui permette de saisir à la fois les situations dans lesquelles l'interférence entre l'intérêt public et un intérêt distinct est objectivement constituée et les situations qui pourraient faire naître un doute sur l'existence d'une telle interférence. Il ne suffit pas en effet que le décideur public soit intimement convaincu qu'il sait conserver son indépendance et son impartialité en dépit de ses intérêts personnels ; la lutte contre les conflits d'intérêts a également pour objet d'écarter les soupçons que pourrait susciter un conflit apparent.

Cette dernière dimension est importante, car la lutte contre les conflits d'intérêt nécessite une approche évolutive, en fonction des situations possibles et des attentes collectives à un moment donné. Il est difficile de définir a priori de façon exhaustive toutes les situations ou formes envisageables de conflits d'intérêts. La définition adoptée par le législateur invite ainsi chaque personne appelée à déclarer les intérêts qui, selon sa conscience et en tenant compte de la manière dont sa situation peut être perçue par les tiers, pourraient interférer avec son mandat ou son activité.

La définition retenue par la loi, notamment la référence, à l'article 2, aux situations d'interférence de nature « à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction » et les dispositions de l'article 4 invitant les personnes concernées à déclarer, au-delà de certains éléments précis, les « autres liens susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts » sont donc adaptés à la nature particulière d'un dispositif à visée déontologique.

Ce premier grief sera donc écarté.

II. - SUR L'ATTEINTE AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE.

1. - Les auteurs des recours estiment que les obligations de déclaration de situation patrimoniale et d'intérêts détenus à la date de nomination qu'imposent les articles 4 et 11 portent une atteinte excessive à la vie privée des intéressés et de leurs proches. Méconnaîtrait également ce principe le fait que des éléments de la déclaration tant patrimoniale que d'intérêts peuvent être rendus publics, selon les conditions fixées à l'article 5 de la loi.

2. - La loi déférée comporte plusieurs obligations.

La loi prévoit que les responsables publics auxquels elle s'applique doivent remettre deux déclarations : une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d'intérêts.

Selon le I de l'article 4, la déclaration de situation patrimoniale doit concerner la totalité des biens propres ainsi que, le cas échéant, ceux de la communauté ou les biens indivis tandis que la déclaration d'intérêts doit faire apparaître les intérêts détenus à la date de nomination et dans les cinq années précédant cette date. Le II de cet article énumère plus précisément les éléments sur lesquels doit porter la déclaration de patrimoine, le III ceux que doit comporter la déclaration d'intérêts.

Ces deux déclarations doivent être remplies par le membre du Gouvernement mais aussi, selon l'article 11, par les représentants français au Parlement européen, les présidents d'exécutifs locaux et certains élus locaux bénéficiant d'une délégation de signature, les membres de cabinets ministériels, les collaborateurs du Président de la République, du Président de l'Assemblée nationale et du Président du Sénat, les membres des autorités administratives ou publiques indépendantes ou toute autre personne exerçant un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement pour lesquels elle a été nommée en conseil des ministres (I de l'art. 11).

Doivent également fournir ces déclarations les présidents et directeurs généraux des sociétés ou autres personnes morales dans lesquelles plus de la moitié du capital social est détenue directement par l'Etat, des établissements publics de l'Etat à caractère industriel et commercial, ainsi que d'autres société publiques d'importance (III de l'art. 11).

Ces déclarations doivent être transmises à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique afin qu'elle exerce les missions de contrôle et de conseil que lui confie la loi (article 20).

Ces déclarations ont également vocation à être rendues publiques dans une mesure et selon des modalités qui varient en fonction des responsabilités exercées par les personnes concernées.

S'agissant des déclarations de situation patrimoniale, la loi ne prévoit de publicité que pour les ministres et pour les exécutifs des grandes collectivités territoriales.

La déclaration de situation patrimoniale des ministres est rendue publique, en même temps que leur déclaration d'intérêts, dans un format permettant d'assurer le respect des prescriptions du III de l'article 5 excluant toute communication de certaines données. Pour les titulaires des fonctions énumérées au 2° du I de l'article 11 (chef de l'exécutif d'une grande collectivité territoriale), il est prévu que les déclarations de situation patrimoniale sont mises à la disposition des électeurs à la préfecture du département d'élection de la personne concernée. Cette mise à disposition se fait également sous réserve des dispositions du III de l'article 5 qui précise la liste des informations qui ne peuvent être communiquées à des tiers. Cette mise à disposition est faite « aux seules fins de consultation » et la loi précise que, sauf si le déclarant a lui-même rendu publique sa déclaration de situation patrimoniale, le fait de public ou de divulguer, de quelque manière que ce soit, tout ou partie des déclarations de situation patrimoniale ou des observations relatives à ces déclarations est puni de 45 000 euros d'amende (II de l'art. 12).

S'agissant des déclarations d'intérêts, la loi prévoit qu'elles sont rendues publiques pour l'ensemble des personnes comprises dans son champ d'application, c'est-à-dire à la fois pour les membres du Gouvernement et pour les personnes mentionnées aux I et III de l'article 11. Plusieurs éléments ne pourront toutefois pas être rendus publics, notamment l'adresse personnelle de la personne soumise à déclaration, les noms du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin ainsi que les noms des autres membres de la famille (III. De l'art. 5).

La publication des déclarations d'intérêts correspond à une pratique qui s'est déjà répandue dans de nombreux milieux professionnels. Dans le secteur sanitaire, l'article L. 1451-1 du code de la santé publique prévoit que les membres des commissions et conseils siégeant auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, à l'occasion de leur nomination ou de leur entrée en fonction, adressent à ces ministres « une déclaration mentionnant leurs liens directs ou indirects avec les entreprises, établissements ou organismes dont les dossiers pourraient être soumis à l'instance dans laquelle ils siègent, ainsi qu'avec les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans ces secteurs. Cette déclaration est rendue publique et est actualisée à leur initiative dès qu'une modification intervient concernant ces liens ou que de nouveaux liens sont noués ». Cette disposition, qui s'impose à des déclarants non élus, trouve son fondement dans l'idée que la prévention des conflits d'intérêts passe par l'obligation faite à la personne concernée de révéler la situation de conflit, afin d'y faire face rapidement et d'en permettre la résolution. Cette révélation spontanée peut être facilitée par la publicité. Le législateur a entendu étendre cette publication à l'ensemble des déclarants selon des modalités définies par un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL.

3. - Ces dispositions poursuivent des objectifs d'intérêt général et contribuent à l'effectivité des exigences de nature constitutionnelle.

Comme il a été dit plus haut, la loi vise de manière générale à renforcer les garanties propres à assurer l'impartialité, la probité et l'exemplarité des responsables publics. Elle contribue à renforcer la confiance des citoyens, sans laquelle le principe même de la démocratie, garanti par les articles 1er et 3 de la Constitution, se trouve fragilisé. Elle contribue également à mettre en œuvre l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen aux termes duquel la société à le droit de demander compte à tout agent public de son administration.

Les déclarations de patrimoine et d'intérêts sont un élément essentiel de ce dispositif.

Les déclarations de situation patrimoniale permettent à la Haute Autorité d'exercer le contrôle qui lui est confié de l'évolution du patrimoine des principaux responsables publics. Leur publication (pour les ministres) ou leur mise à la disposition du public, aux seules fins de consultation, pour les chefs des exécutifs des grandes collectivités territoriales, contribue à l'efficacité du contrôle en ouvrant aux électeurs la possibilité d'adresser des observations à la Haute Autorité sur les éventuelles erreurs ou anomalies qui pourraient apparaître dans les déclarations des élus. Indépendamment de toute action des électeurs, le fait que la déclaration soit rendue accessible au public contribue par lui-même à améliorer la qualité de l'information communiquée à la Haute Autorité, de la même manière que la procédure d'accès aux données fiscales organisée par l'article L. 111 du livre des procédures fiscales est de nature, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 83-164 DC du 29 décembre 1983, « à améliorer la sincérité des déclarations fiscales ».

Les déclarations d'intérêts visent quant à elles à éviter que la personne exerçant un mandat électif ou une fonction publique soit influencée par ses intérêts personnels lorsqu'elle doit procéder à des choix qui devraient être guidés par la satisfaction de l'intérêt public dont elle a la charge. Il s'agit d'assurer la confiance mutuelle entre les citoyens et les agents qui incarnent l'autorité ou le service publics et de sécuriser l'action publique en protégeant ceux qui y participent des risques de conflits ou de soupçons de conflits d'intérêts, procédant de la même préoccupation que les incompatibilités dont le Conseil constitutionnel a jugé qu'elles étaient justifiées au regard de « la nécessité de protéger la liberté de choix de l'électeur (ou) l'indépendance de l'élu (. . .) contre les risques de confusion ou de conflits d'intérêts » (30 mars 2000, n° 2000-426 DC). Les déclarations d'intérêts constituent un procédé plus souple que les incompatibilités ; elles permettent de répondre de manière opérationnelle à des situations dans lesquelles le conflit d'intérêts n'est que partiel ou temporaire et pour lesquelles l'incompatibilité serait disproportionnée.

4. - Outre que l'atteinte portée à la vie privée des personnes devant déclarer le patrimoine et les intérêts qu'elles détiennent est justifiée par les objectifs d'intérêt général poursuivis, elle est proportionnée à ces objectifs.

4.1. - Le législateur a, en premier lieu, indiqué avec précision les éléments devant être déclarés.

A/ S'agissant de la déclaration de situation patrimoniale, aux termes du II de l'article 4, il s'agit des immeubles bâtis et non bâtis, des valeurs mobilières, des assurances-vie, des comptes bancaires courants ou d'épargne, des livrets et des autres produits d'épargne, des biens mobiliers divers d'une valeur supérieure à un montant fixé par voie réglementaire, des véhicules terrestres à moteur, bateaux et avions, des fonds de commerce ou clientèles et les charges et offices, des biens mobiliers, immobiliers et les comptes détenus à l'étranger, du passif et des autres biens.

Le législateur a choisi de définir un contenu des déclarations de situation patrimoniale qui serait identique pour l'ensemble des assujettis, à l'instar du modèle déjà existant, fixé par le décret n° 96-763 du 1er septembre 1996 relatif à la Commission pour la transparence financière de la vie politique. La catégorie « autres biens » pourrait ainsi comporter des biens qui n'entrent pas dans les catégories mobilières ou immobilières évoquées par ailleurs, comme les valeurs « comptes courants de société » dont les intérêts sont soumis à l'impôt sur le revenu ou « l'existence d'options de souscription ou d'achat d'actions ». Le pouvoir réglementaire pourrait intervenir pour préciser la valeur à compter de laquelle il conviendrait de les déclarer - en précisant, par exemple, pour les options d'achat, la date, le nombre et le prix des options attribuées.

B/ Pour ce qui est de la déclaration d'intérêts, le III de l'article 4 prévoit qu'elle porte sur : « 1° Les activités professionnelles donnant lieu à rémunération ou gratification exercées à la date de la nomination ; 2° Les activités professionnelles ayant donné lieu à rémunération ou gratification exercées au cours des cinq dernières années ; 3° Les activités de consultant exercées à la date de la nomination et au cours des cinq dernières années ; 4° Les participations aux organes dirigeants d'un organisme public ou privé ou d'une société à la date de la nomination ou lors des cinq dernières années ; 5° Les participations financières directes dans le capital d'une société, à la date de la nomination ; 6° Les activités professionnelles exercées à la date de la nomination par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin, les enfants et les parents ; 7° Les fonctions bénévoles susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts ; 8° Les autres liens susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts ; 9° Les fonctions et mandats électifs exercés à la date de la nomination ».

Ce mécanisme de la déclaration d'intérêts doit bien être distingué de celui de la déclaration de patrimoine. Les deux outils répondent à deux finalités distinctes. La déclaration d'intérêts ne vise pas à connaître l'étendue et le contenu du patrimoine de la personne concernée, mais à identifier les intérêts qu'elle détient en relation avec les fonctions exercées ou susceptibles de l'être, qui pourraient susciter un doute raisonnable sur son impartialité et son objectivité.

C'est ainsi qu'est requise la mention des intérêts professionnels de la personne, au travers des « participations aux organes dirigeants d'un organisme public ou privé ou d'une société à la date de la nomination ou lors des cinq dernières années » (4°), celle des intérêts liés à une action bénévole, c'est-à-dire non rémunérée mais de nature à influencer ou à paraitre influencer l'exercice indépendant et objectif de sa fonction (7°) ou encore celle des « autres liens susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts » (8°). Ces définitions reprennent les recommandations de la commission citée plus haut qui estimait que « devraient également, pour toutes les personnes concernées, être déclarés les intérêts matériels et professionnels actuels de la famille proche (conjoint, ascendants et descendants directs). En revanche, ne seraient pas déclarés les intérêts moraux, intellectuels, religieux, politiques, syndicaux ou associatifs. Par dérogation à ce principe, pourraient être indiqués par le déclarant, dans une rubrique générale relative aux « autres intérêts de nature à susciter un doute sur l'impartialité et l'objectivité », non de simples opinions, mais des mandats, fonctions ou responsabilités dans ces domaines qui pourraient avoir un impact sur l'exercice de la fonction publique. »

Le législateur n'a donc pas entendu soumettre à déclaration les intérêts moraux de l'assujetti qui ressortent de sa vie privée mais l'exercice de fonctions non rémunérées au sein de personnes morales ou associations que le déclarant considère comme étant de nature à influencer ou à paraitre influencer l'exercice indépendant et objectif de sa fonction.

4.2. - L'atteinte à la vie privée est, en second lieu, proportionnée.

D'une part, si, compte tenu des motifs poursuivis par la loi, la publication des déclarations d'intérêts concernera toutes les personnes ayant déposé une déclaration, celle de la déclaration de patrimoine sera limitée aux membres du Gouvernement et, eu égard à l'importance de leurs fonctions, aux présidents d'exécutifs locaux ainsi qu'aux maires et présidents d'EPCI de grandes collectivités - pour ces derniers, cependant, il s'agit d'un droit d'accès à la déclaration aux seules fins de consultation, sans autorisation de divulgation.

La publicité ou la mise à disposition des déclarations de situation patrimoniale a donc été réservée aux principaux responsables politiques qui sont investis des responsabilités les plus grandes et auxquels s'impose un devoir d'exemplarité d'autant plus grand qu'ils occupent une place particulière dans la relation que le citoyen entretient avec les institutions de la République.

D'autre part, le III de l'article 5 encadre les modalités de la publication. Les noms du conjoint, du partenaire ou du concubin concerné, ainsi que les noms des autres membres de la famille ne seront pas rendus publics.

Pour la déclaration de situation patrimoniale, ne pourront non plus être rendus publics, s'agissant des biens immobiliers : les indications, autres que le nom du département, relatives à la localisation des biens ; les noms de personnes qui possédaient auparavant les biens mentionnés dans la déclaration - et pour les biens qui sont en situation d'indivision, les noms des autres propriétaires indivis ; pour les biens en nue-propriété : les noms des usufruitiers ; pour les biens en usufruit : les noms des nus-propriétaires.

Pour la déclaration d'intérêts, ne pourront notamment être rendus publiques les indications, autres que le nom du département, relatives à la localisation des biens et, s'il s'agit du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité, du concubin ou d'un autre membre de sa famille les noms des personnes qui possédaient auparavant des biens mentionnés dans cette déclaration et pour les biens qui sont en situation d'indivision, les noms des autres propriétaires indivis.

Des limites existent aussi à la publication des biens mobiliers et des instruments financiers.

On doit enfin préciser que, s'agissant de la déclaration de patrimoine, il est prévu que dans le texte réglementaire qui en fixera le modèle, soit emprunté le même dispositif que celui valant pour les eurodéputés, soit une indication des patrimoines selon des « cases par tranche » plutôt qu'une liste de tous les éléments chiffrés de revenus et de patrimoine.

4.3. - En dernier lieu, il importe de préciser que, contrairement à ce que suggèrent les auteurs des recours, les éventuelles omissions de déclaration d'information relatives aux proches ne peuvent avoir un effet sur la situation de ce proche ni conduire à l'inéligibilité de la personne déclarante.

Seule la déclaration d'intérêts comporte des informations portant spécifiquement sur les proches du déclarant - et il ne s'agit que des activités professionnelles. La déclaration de patrimoine ne mentionne pour sa part que des biens détenus par l'assujetti (en propre, en communauté ou en indivision). Le caractère incomplet de la déclaration de patrimoine ne peut donc jamais découler de l'insuffisance d'informations fournies par des proches.

Il est vrai que l'omission de déclarer une partie substantielle de ses intérêts (dont ceux de ses proches) est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende (article 26-I) et que la peine complémentaire d'inéligibilité est encourue dans les conditions prévues aux articles 131-26 et 131-26-1. Cependant, la conjonction, dans la définition de l'infraction, d'un élément d'intensité (part "substantielle") et d'un élément intentionnel suppose que la personne déclarante ait été en mesure de connaître les activités professionnelles de ses proches qu'elle n'a pas déclarées, et que celles-ci soient suffisamment significatives par rapport à l'objectif poursuivi par la loi de permettre un contrôle sur l'indépendance de l'élu dans l'exercice de son mandat. La sanction n'a donc rien d'automatique, sa gravité étant appréciée autant par la Haute Autorité que par, le cas échéant, le juge pénal.

Pour ces motifs, ce grief sera écarté.

III. - SUR L'ATTEINTE A LA LIBERTE D'ENTREPRENDRE.

1. - Les sénateurs auteurs du recours estiment que les déclarations d'intérêt rendues obligatoires par la loi déférée portent atteinte à la liberté d'entreprendre dans la mesure où elles doivent comporter des informations relatives au conjoint, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité, au concubin, aux enfants et aux parents de la personne concernée en raison de ses fonctions (6° du III de l'article 4). Ce même principe serait méconnu par le fait que la Haute autorité pour la transparence de la vie publique puisse, d'une part, enjoindre à une personne se trouvant en situation de conflits d'intérêt de faire cesser cette situation (I de l'article 10), notamment en raison de l'activité d'un membre de son entourage et, d'autre part, déclarer incompatible l'exercice d'une activité libérale ou d'une activité rémunérée au sein d'un organisme ou d'une entreprise exerçant son activité dans un secteur concurrentiel après avoir exercé, pendant les trois années précédentes, des fonctions gouvernementales ou des fonctions exécutives locales (II de l'article 23).

2. - La liberté d'entreprendre, découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (27 juillet 1982, n° 82-141 DC, cons. 13), comprend « non seulement la liberté d'accéder à une profession ou à une activité économique mais également la liberté dans l'exercice de cette profession ou de cette activité » (30 novembre 2012, n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012, cons. 7). Il est jugé de manière constante qu'« il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi » (16 janvier 2001, n° 2000-439 DC, Loi relative à l'archéologie préventive, cons. 13. ; 13 juin 2013, n°2013-672, Loi relative à la sécurisation de l'emploi, cons. 6).

Ne relèvent cependant pas de cette liberté l'accomplissement de leurs mandats, fonctions ou emplois par les personnes mentionnées aux articles 4 et 11 de la loi. Les fonctions électives ou gouvernementales ne sauraient être regardées comme une « profession ou une activité économique » au sens de la jurisprudence précitée. De la même manière, l'exercice des fonctions de membre de cabinet, de titulaire d'un emploi à la discrétion du gouvernement ou de directeur d'un établissement public ou d'une société contrôlée par l'Etat ou par une collectivité territoriale ne se rattache pas à la liberté d'entreprendre.

A supposer même que les obligations instituées par la loi puissent être perçues comme des obstacles à l'exercice de ces fonctions, le grief tiré de ce qu'il en résulterait une atteinte à la liberté d'entreprendre ne peut qu'être écarté comme inopérant.

Il convient de souligner qu'en tout état de cause, les déclarations d'intérêts ne peuvent créer par elles-mêmes aucune contrainte pour les proches du déclarant. C'est à lui qu'il appartiendra de régler, dans les conditions d'exercice de ses fonctions, les éventuels conflits d'intérêts résultant des activités de ses proches.

S'agissant de la déclaration de situation patrimoniale, elle couvre les biens propres du déclarant ainsi que, le cas échéant, ceux la communauté ou les biens indivis et que la déclaration d'intérêt porte sur les activités professionnelles du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin, les enfants et les parents. Elle ne porte à elle seule, y compris dans le cas où elle est rendue accessible au public, aucune atteinte à la liberté d'entreprendre du proche.

3. - S'agissant de l'injonction que la Haute Autorité peut ordonner si elle constate une situation de conflit d'intérêts, elle ne concerne que la personne contrôlée, visée par les articles 4 ou 10 de la loi, et non un membre de son entourage proche. Les injonctions de la Haute Autorité n'ont pas de pouvoir contraignant à l'égard de ce dernier. Elles ne sauraient donc porter atteinte à sa liberté d'entreprendre.

Elles ont en revanche un effet sur les personnes soumises à l'obligation de déclaration d'intérêt.. Mais dans ce cas, l'atteinte portée à sa liberté d'entreprendre est similaire à un régime d'incompatibilité, dont le Conseil constitutionnel accepte, comme il été dit, qu'il ait pour motivation la « nécessité de protéger la liberté de choix de l'électeur, l'indépendance de l'élu ou l'indépendance des juridictions contre les risques de confusion ou de conflits d'intérêts » (n° 2000-426 DC précitée). Elle est justifiée par l'ensemble des motifs d'intérêt général déjà évoqués qui s'attachent à la transparence de la vie publique et à la prévention des conflits d'intérêt.

Les limitations ne revêtent de toute manière pas de caractère automatique. Elles sont décidées par une autorité administrative indépendante, en fonction de chaque situation, au terme d'une procédure qui garantit le contradictoire. Elles seront donc proportionnées à l'importance des situations de conflits d'intérêts que les dispositions cherchent à prévenir.

4. - Les mêmes motifs justifient la création, à l'article 23 de la loi, d'un dispositif de contrôle des conditions dans lesquelles un ministre ou le titulaire d'une des fonctions énumérées au 2° du I de l'article 11 entreprend, à l'expiration de son mandat, une activité susceptible de le placer dans une situation de conflit d'intérêts et de l'exposer aux sanctions prévues à l'article 432-13 du code pénal.

La procédure instituée à l'article 23 de la loi va en effet de pair avec la modification apportée à l'article 432-13 par l'article 28 de la loi. Le législateur a souhaité tirer les conséquences d'une interprétation de l'article 432-13 en vertu de laquelle, les ministres n'étant pas des « agents d'une administration publique » au sens de ces dispositions, les dispositions interdisant à tout agent public de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans une entreprise qu'il avait la charge de contrôler ou avec laquelle il avait passé des contrats ne leur étaient pas applicable.

Aucune raison objective ne pouvant justifier qu'une telle disposition s'applique à ses subordonnés mais pas au ministre ni au chef d'un exécutif local, l'article 28 a complété en ce sens l'article 432-13 du code pénal. L'article 23 complète le dispositif en organisant une procédure qui permet à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique de se prononcer sur la compatibilité d'une fonction nouvelle avec une fonction publique antérieure. Ce dispositif constitue une garantie pour les intéressés car elle leur permet d'obtenir une décision sur la compatibilité de leurs nouvelles fonctions sans les exposer directement au risque pénal.

La décision prise par la Haute Autorité est bien entendu susceptible d'un recours contentieux devant le juge administratif, le cas échéant en référé.

Ainsi, compte tenu à la fois de son objet et des garanties dont elle est assortie, la procédure instituée par l'article 23 de la loi ne peut être regardée comme portant atteinte à la liberté d'entreprendre.

IV. - SUR L'ATTEINTE AU PRINCIPE D'EGALITE.

Selon les sénateurs auteurs du recours, les conditions de la compétition électorale ne seront pas égales dès lors que les informations patrimoniales ou d'intérêt des élus sortants et cherchant à briguer de nouveaux mandats seront publiques ou consultables, à la différence de celles concernant les autres candidats.

Il faut d'abord noter que cette situation existe déjà, pour l'élection du Président de la République, des députés au Parlement européen et des Sénateurs depuis que le bureau du Sénat a décidé, le 14 décembre 2011, de mettre en place une obligation de déclarations d'intérêts, qui font l'objet d'une publication sur le site internet du Sénat.

En tout état de cause, à supposer que la circonstance que soient connues certaines informations de nature patrimoniale ou relatives aux intérêts détenues par un candidat ait un effet sur la campagne électorale, les élus sortants ne se trouvent pas dans la même situation que les nouveaux candidats. Ils sont tenus, en tant qu'élus, à des obligations particulières qui les différencient des candidats qui ne sont pas déjà élus. Le principe d'égalité n'est donc pas méconnu.

V. - SUR L'ATTEINTE A DES PRINCIPES ENCADRANT LA REPRESSION.

1. - Les sénateurs estiment que plusieurs dispositions relatives aux pouvoirs de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique méconnaissent des principes constitutionnels encadrant la répression par le juge ou l'administration :

- La réalisation d'un rapport spécial publié au Journal officiel en cas d'évolution inexpliquée de la situation patrimoniale (art. 7), le prononcé d'une injonction à ce membre de faire cesser une situation de conflit d'intérêt (I de l'art. 10) ainsi que d'un avis d'incompatibilité entre d'anciennes fonctions électives et une fonction dans le secteur concurrentiel, dont la méconnaissance peut donner lieu à la publication d'un rapport spécial et à la saisine du procureur de la République (II et IV. De l'art. 23) inverseraient la charge de la preuve ;

- L'absence de voie de recours contre les décisions prises par la Haute autorité méconnaîtrait les droits de la défense ;

- Les dispositions mentionnées avant des articles 7 et du II de l'article 23 ainsi que celles du II l'article 26 seraient contraires au principe de légalité des délits et des peines.

2. - La Haute autorité peut être appelée à intervenir de plusieurs manières.

Aux termes du I de l'article 20, elle assure la vérification, le contrôle et, le cas échéant, la publicité des déclarations de situation patrimoniale et des déclarations d'intérêts (1°). Elle se prononce également sur les situations pouvant constituer un conflit d'intérêts et peut enjoindre qu'il y soit mis fin (2°). Elle se prononce aussi sur la compatibilité d'une activité libérale ou d'une activité rémunérée au sein d'un organisme ou d'une entreprise exerçant son activité dans un secteur concurrentiel avec des fonctions gouvernementales ou des fonctions exécutives locales importantes exercées au cours des trois années précédent le début de cette activité (4°).

Pour mener à bien ces missions, elle dispose de plusieurs voies d'action :

- Au titre du contrôle de la situation patrimoniale, soit du membre du Gouvernement (art. 7) soit d'une personne mentionnée à l'article 11 (le V de cet article rendant l'art. 7 applicable), elle peut rendre un rapport spécial, assorti des observations de l'intéressé, publié au Journal officiel ;

- Si elle constate qu'un membre du Gouvernement ou une personne mentionnée à l'article 11 (sauf les représentants français au Parlement européen) se trouve en situation de conflit d'intérêts, il peut être enjoint à cette personne de faire cesser cette situation, l'injonction pouvant être rendue publique (art. 10 et V. de l'art. 11) ;

- Lorsqu'elle a connaissance de l'exercice, par des personnes ayant exercé des fonctions gouvernementales ou des fonctions exécutives locales importantes, de l'exercice d'une activité en violation d'un avis d'incompatibilité qu'elle a rendue antérieurement ou de réserves qu'elle a pu émettre (art. IV de l'article 23), elle établit un rapport spécial comprenant l'avis rendu et les observations écrites de la personne concernée.

3. - Ces décisions de la Haute autorité ne constituent ni des sanctions pénales ni des sanctions ayant le caractère de punition au sens du huitième alinéa de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. C'est en tant qu'autorité administrative que la Haute autorité dispose des pouvoirs de rendre un avis, d'établir des rapports ou de formuler des injonctions. Dès lors qu'elle se borne à rendre publique une situation qu'elle a constatée après une procédure contradictoire, sans attacher à cette publication une conséquence particulière ou une force contraignante, les décisions qu'elle prendra ne peuvent être regardées comme constituant une sanction ayant le caractère d'une punition. Les décisions qu'elle prend n'ont pas pour objet de punir mais de faire cesser une situation de conflits d'intérêts ou de permettre à la Haute Autorité d'exercer sa mission de contrôle. Si sanction il y a, elle sera prononcée par le juge pénal.

A cet égard, on ne peut notamment considérer que l'injonction que peut formuler la Haute Autorité constitue une sanction. Il est en effet de jurisprudence constante qu'une mise en demeure adressée par une autorité administrative, fût-elle indépendante, ne constitue pas une sanction (v. nt. CE, Ass., 11 mars 1994, S.A. « La Cinq », n° 115052, au R. faisant suite à la décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 du Conseil constitutionnel).

Par ailleurs, les pouvoirs de la Haute autorité présentent des similitudes avec ceux du Défenseur des droits. Ce dernier peut notamment adresser des injonctions et publier des rapports spéciaux en cas de méconnaissance d'une injonction qu'il a prise (article 25 de la loi organique n° 2011-333). Le Conseil constitutionnel n'a pas considéré que ces prérogatives dotaient le Défenseur d'un pouvoir de sanction (20 mars 2011, n° 2011-626 DC, 29 mars 2011.

Dans tous les cas, les décisions pourront, dans la mesure où elles feraient grief aux intéressés, être déférées au juge administratif, compétent pour connaître d'une décision rendue par une autorité publique.

Par conséquent, tant le principe de légalité des délits et des peines que celui de la présomption d'innocence ne trouve pas à s'appliquer au stade où la Haute autorité intervient en élaborant un rapport spécial ou en faisant injonction.

4. - Ce n'est qu'au stade où la Haute autorité transmet le dossier au parquet compétent que s'enclenche une procédure pénale durant laquelle les garanties entourant la répression seront respectées, notamment au regard des exigences des droits de la défense - il appartiendra en effet au parquet, au cours de l'enquête qu'il fera diligenter, d'apporter les preuves de la culpabilité de l'intéressé, et non au mis en cause de démontrer son innocence.

Cette procédure peut aboutir à une condamnation - soit, dans le premier des trois cas, s'il s'avère que l'enrichissement est la conséquence de pratiques prohibées par le code pénal, soit pour les autres hypothèses, en application du II de l'article 26 aux termes duquel « le fait (. . .) de ne pas déférer aux injonctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ou de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 EUR d'amende ».

Le contenu et la portée de cette dernière incrimination sont claires. Au demeurant, son principe n'est pas inédit. Ainsi, les articles L.1337-4 et L.1331-24 du code de la santé publique répriment comme un délit l'inexécution d'une injonction de mise en conformité de local ou installation présentant un danger pour la santé ou la sécurité des occupants et les articles L.163-2, L.131-73 et L.163-6 du code monétaire et financier l'émission de chèque par le titulaire d'un compte en violation d'une injonction bancaire.

Il est bien entendu que, dans le cadre de la procédure qui sera ouverte devant la juridiction pénale, la personne mise en cause pourra contester le bienfondé des injonctions qui lui auront été adressées par la Haute Autorité. Elle ne s'exposera à une sanction que si le juge estime, au terme du débat contradictoire organisé devant lui, que l'injonction était justifiée.

Les principes encadrant la répression, notamment le principe de légalité des délits et des peines, ne sont par conséquent pas méconnus.

VI. - SUR L'ATTEINTE A LA SEPARATION DES POUVOIRS.

1. - Selon les députés et sénateurs auteurs du recours, le principe de la séparation des pouvoirs serait méconnu du fait que, d'une part, l'intervention du juge pénal est subordonnée aux décisions de transmission de la Haute autorité (art. 7 et art. IV. De l'art. 23) et que, d'autre part, la Haute autorité peut exercer un contrôle sur des personnes ressortant du pouvoir législatif.

2. - Comme il a été dit, la Haute autorité peut prendre la décision de transmettre le dossier au parquet compétent en fonction de la personne en cause, dans le cas où est constatée une évolution de la situation patrimoniale pour laquelle aucune explication suffisante n'est apportée (art. 7) ou lorsqu'elle a connaissance de l'exercice, par des personnes ayant exercé des fonctions gouvernementales ou des fonctions exécutives locales importantes, de l'exercice d'une activité en violation d'un avis d'incompatibilité qu'elle a rendue antérieurement ou de réserves qu'elle a pu émettre (art. IV de l'article 23).

Ces dispositifs rejoignent l'obligation générale faite à toute autorité administrative, qui acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit dans l'exercice de ses fonctions, d'aviser le procureur sans délai et de lui transmettre les renseignements, procès-verbaux et actes relatifs à ce crime ou délit, en application de l'alinéa 2 de l'article 40 du code de procédure pénal. De nombreux autorités administratives indépendantes disposent de cette même compétence (v., entres autres, art. 11 de la loi du 6 janvier 1978, art. 42-11 de la loi du 30 septembre 1986 ou art. 42 de la loi du 12 mai 2010).

Ce pouvoir de transmission ne constitue pas une atteinte aux pouvoirs du parquet, et donc à la séparation des pouvoirs, dès lors que, une fois saisi, le parquet est libre de la décision qu'il prendra de poursuivre ou non l'intéressé en fonction des éléments transmis et de son appréciation. Au demeurant, son pouvoir de direction de la police judiciaire n'est pas subordonné à la réception des informations par la Haute autorité. Les pouvoirs du parquet ne sont donc pas subordonnés à ceux de la Haute autorité, contrairement à ce qui est soutenu.

3. - Cette dernière peut aussi assurer la vérification, le contrôle et, le cas échéant, la publicité des déclarations de situation patrimoniale et des déclarations d'intérêts des collaborateurs du Président de l'Assemblée nationale et du Président du Sénat (5° du I de l'art. 11). Elle peut leur enjoindre de mettre fin à une situation de conflits d'intérêt et rendre publique cette injonction (art. 10) - le fait de ne pas déférer à cette injonction constituant un délit, passible d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (II de l'art. 26).

Dans la mesure où ces collaborateurs occupent des fonctions de nature administrative, la séparation des pouvoirs n'est pas méconnue.

Le Gouvernement considère pour ces motifs que la loi déférée est conforme à la Constitution.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les conseillers,

Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi relative à la transparence de la vie publique.

Sur la méconnaissance des objectifs de clarté et d’intelligibilité de la loi

Votre Conseil a dégagé de l'article 34 de la Constitution le principe constitutionnel de clarté de la loi (cf. décisions n° 2000-435 DC 7 décembre 2000 cons. 53; 2001-455 DC 12 janvier 2002 cons. 8, 9, 29 et 30; 2004-494 DC 29 avril 2004 cons. 10 et 14; .2005-514 DC 28 avril 2005 cons. 14).

Des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, il a induit l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, considérant qu'il appartient au législateur « d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi. » (cf. les décisions n° 2005-530 DC 29 décembre 2005 cons. 77 à 89; 2006-535 DC 30 mars 2006 cons. 33; 2007-557 DC 15 novembre 2007 cons. 19; 2009-584 DC 16 juillet 2009 cons. 29 et 31; 2011-639 DC 28 juillet 2011 cons. 16; 2012-662 DC du 29 décembre 2012 cons. 82 à 84).

Dans la loi déférée, l'article 2 procède à une définition législative inédite du conflit d'intérêts, aujourd'hui absente de la législation, tandis que l'article 4 définit ensuite les éléments de la déclaration d'intérêts à fournir par les personnes soumises à cette obligation.

Or la définition du conflit d'intérêts retenue par l'article 2 de la loi déférée, à savoir: «Au sens de la présente loi, constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction », privilégie une définition tenant de la « théorie des apparences», qui laisse place à une subjectivité notoire, et fait reposer, in fine, sur le juge, un devoir d'interprétation excessif. De sorte que, faute de clarté, les personnes soumises à déclaration ne disposeront pas d'une connaissance suffisante des règles applicables, ni le juge d'éléments objectifs pour sanctionner le non-respect de ces règles.

La version retenue par la commission des Lois de l'Assemblée nationale, qui a ajouté les termes « ou paraître influencer », préserve non pas la vertu effective des élus et des agents publics, mais l'apparence de leur vertu.

Outre que la définition retenue instaure une forme de présomption dommageable de culpabilité sur les apparences, l'argument du rapporteur de l'Assemblée nationale, Jean-Jacques URVOAS, selon lequel « paraître influencer » reprendrait la définition proposée par le rapport dit « Sauvé » n'est pas tout à fait juste.

En effet, la commission Sauvé avait proposé de retenir la définition suivante : « un conflit d'intérêts est une situation d'interférence entre une mission de service public et l'intérêt privé d'une personne qui concourt à l'exercice de cette mission, lorsque cet intérêt, par sa nature et son intensité, peut raisonnablement être regardé comme étant de nature à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions ». Elle avait donc retenu une référence à l'«intensité» de l'intérêt en cause, ainsi que l'adverbe « raisonnablement », qui ne sont pas repris par la loi déférée.

La définition retenue rend ainsi quasi-impossible l'appréciation des élus et des agents publics qui devront prendre la décision de se déporter ou non.

Cette absence dommageable d'intelligibilité de la loi se trouve de nouveau à l'article 4 de la loi déférée, alinéa 29. En effet, l'article 4 dresse la liste des éléments à fournir dans la déclaration d'intérêts, mais cette liste s'achève par un alinéa d'une imprécision notoire, à savoir: « Les autres liens susceptibles de faire naitre un conflit d'intérêts ».

Il est clair que cette indication rend impossible au déclarant de connaître où commence, et surtout où finit la déclaration des intérêts qu'il est censé fournir. S'agit-t-il d'imposer une déclaration extensive, et sans cesse actualisée, de toutes les relations que le déclarant entretient, de fait, avec tous les acteurs de la vie économique et sociale du pays ou du territoire dans lequel il exerce son mandat ? Car il est évident que toute relation, dans l'absolu, est susceptible de faire naître un conflit d'intérêts à un moment donné.

Ce manque de clarté de loi contraindra au final le déclarant à produire des éléments qui outrepassent la volonté du législateur de prévenir les conflits d'intérêt.

Sur l'atteinte disproportionnée au respect de la vie privée

Votre Conseil a estimé, encore récemment dans sa décision du 22 mars 2012 concernant la loi relative à la protection de l'identité, que « la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 implique le droit au respect de la vie privée» et que, par suite, l'atteinte au respect de la vie privée devra être justifiée par un motif d'intérêt général , et « mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif » (CONS. N°8).

La loi déférée, aux articles 3 et 10, prévoit que des élus et diverses personnes publiques, dont le nombre a été estimé à plus de 8 000 personnes au cours des débats parlementaires, doivent adresser à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de situation patrimoniale ainsi qu'une déclaration d'intérêts. Il est également prévu que la Haute Autorité rende ces deux déclarations publiques, bien que la nature de cette publicité diffère : la déclaration d'intérêts sera publiée par la Haute Autorité, vraisemblablement, à terme, via son site Internet, tandis que la déclaration patrimoniale sera consultable en préfecture par les électeurs inscrits sur les listes électorales.

S'il est loisible au législateur d'entendre prévenir les conflits d'intérêts, et de vérifier que les élus et autres personnes publiques ne s'enrichissent pas illicitement, la publicité des éléments qui permettent de satisfaire ces objectifs n'est justifiée par aucun motif d'intérêt général.

Et si l'article 5 de la loi déférée prévoit la non publicité de divers éléments de la déclaration, en particulier l'adresse du déclarant, ou le nom de son conjoint, cette précaution est inopérante pour les personnes publiques. Chacun concède que les élus, notamment locaux, tiennent leur mandat de la proximité qu'ils établissent avec les électeurs, et qu'ainsi, ils sont connus de tous: leurs conjoints vivent dans la circonscription ou exercent une activité locale, leurs enfants fréquentent les écoles ou établissements d'enseignements locaux, etc ... Dès lors la publication de tous les autres éléments semble contraire au respect de leur vie privée, et surtout à celle de leurs proches.

Ainsi, à titre d'exemple, l'alinéa 27 de l'article 3 exige du déclarant qu'il fournisse « les activités professionnelles exercées par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ou le concubin, les enfants et les parents ». Outre la difficulté pratique que rencontrera le déclarant dans certains cas à fournir ces éléments, la loi a pour conséquence de le forcer à porter atteinte à la vie privée de ses parents proches.

Quant à l'alinéa 31 de l'article 3, il exige que soient précisés les montants des rémunérations, indemnités ou gratifications perçues au cours des cinq dernières années. Ainsi, une personne issue du secteur privé, nommée ministre, rendrait donc nécessairement publique la rémunération qu'elle percevait dans une entreprise, au mépris du fonctionnement normal de cette dernière, et de la liberté d'entreprendre.

Sur l'atteinte à la séparation des pouvoirs et au droit au recours effectif

L'instauration et la définition des missions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique sont prévues aux articles 19 à 23 de la loi déférée.

L'article 20 de la loi déférée soumet ainsi l'appréciation de la déontologie des élus, et autres personnalités nommées en conseil des ministres à des personnes n'ayant pas exercé de mandats, et leur demande de juger si une situation relève ou non du conflit d'intérêts. L'appréciation des déclarations d'intérêts par la Haute Autorité est constitutionnellement contestable. Car si la Haute autorité peut être compétente sur des déclarations de patrimoine qui ne comportent que des données objectives, le fait qu'elle interprète des déclarations d'intérêt méconnaît le principe de séparation des pouvoirs.

Au surplus, le président et le secrétaire général de la Haute Autorité seront nommés respectivement par décret du président de la République et du Premier Ministre, même si la candidature du Président sera soumise à une forme de ratification par le Parlement via le droit de veto aux deux tiers de la commission des Lois, conformément à la procédure décrite à l'article 13 de la Constitution.

Aucun mécanisme ne garantit véritablement que la Haute Autorité ne puisse pas faire l'objet de manipulations politiques. D'ailleurs, l'alinéa 9 de l'article 20, qui précise que la Haute Autorité agrée elle-même les associations anti-corruption qui pourront la saisir, et non, comme à l'accoutumé, le pouvoir réglementaire, ne vient en rien contredire ce risque, au contraire.

Au demeurant, force est de constater que par rapport à l'actuelle instance, c'est-à-dire la commission pour la transparence financière de la vie politique, la Haute Autorité cesse d'être une simple structure administrative destinée à enregistrer de façon quasi notariale les déclarations patrimoniales des parlementaires et des élus. Elle peut en effet apporter des appréciations, qui sont rendues publiques, sur les déclarations de patrimoine comme sur les déclarations d'intérêt, et s'implique donc au cœur de la vie parlementaire.

De façon plus générale, l'existence même de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et les pouvoirs d'injonction et de sanction à l'égard des personnes énoncées dans la loi soumise au contrôle du Conseil constitutionnel porte atteinte à la séparation des pouvoirs garantie par l'article 16 de la Déclaration de 1789.

Ce principe de séparation des pouvoirs dont la valeur constitutionnelle est reconnue par votre jurisprudence (n° 88-248 DC, 17 janvier 1989, cons. 24 et 27, Rec. P. 18; n° 89-258 DC, 8 juillet 1989, cons. 8, Rec. P. 48; n° 89-260 DC, 28 juillet 1989, cons. 6, Rec. P. 71; n° 89-268 DC, 29 décembre 1989, cons. 71, Rec. P. 110) conduit à protéger chacun des pouvoirs, Exécutif et Législatif, contre les intrusions de l'autre.

Or, la création de la Haute Autorité et les pouvoirs qui lui sont conférés conduisent à ce qu'une autorité de nature administrative exerce un contrôle sur certains éléments relevant du pouvoir législatif, tels que les collaborateurs des présidents des Assemblées parlementaires, sur des élus des collectivités territoriales, sur des membres de l'Exécutif, sans que des garanties suffisantes soient apportées au regard de la séparation des pouvoirs.

Le Conseil constitutionnel rappelle par exemple que le principe de séparation des pouvoirs interdit qu'un organe d'une des assemblées parlementaires chargé de l'évaluation des politiques publiques puisse, sur le fondement du seul règlement de cette assemblée, bénéficier du concours d'experts placés sous la responsabilité du Gouvernement. Il interdit également que les rapports de cet organe puissent adresser une injonction au Gouvernement (n° 2009-581 DC, 25 juin 2009, cons. 59, 61 et 62, Rec. P. 120).

De la même façon un organe extérieur au Gouvernement et au Parlement ne peut adresser d'injonctions qui auraient une incidence sur le fonctionnement des activités gouvernementales ou des Assemblées parlementaires (n° 2009-581 DC, précitée).

Enfin, le fonctionnement de la Haute autorité conduit à s'interroger sur le droit au recours effectif garanti également par l'article 16 de la Déclaration de 1789, et qui a valeur constitutionnelle, comme l'énonce le Conseil constitutionnel (n° 2011-129 QPC, 13 mai 2011 cons. 4, Rec. P. 239; no 2011-129 QPC, 13 mai 2011, cons. 4, Rec. P. 239). Ce droit doit être garanti à toute personne concernée par les pouvoirs et compétence de la Haute autorité, ce que ne prévoit pas nettement la loi contestée.

Souhaitant que ces questions soient tranchées en droit, les députés auteurs de la présente saisine demandent donc au Conseil Constitutionnel de se prononcer sur ces points et tous ceux qu'il estimera pertinents eu égard à la compétence et la fonction que lui confère la Constitution.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Conseillers,

Les Sénateurs soussignés ont l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi relative à la transparence de la vie publique.

Les sénateurs auteurs de la présente saisine considèrent en effet que les dispositions de cette loi contreviennent à des dispositions et principes de valeur constitutionnelle, telle que le droit au respect de la vie privée, la liberté d'entreprendre, le principe d'égalité, le droit de la défense, la légalité des délits et des peines et la séparation des pouvoirs.

I. Sur l'atteinte au respect de la vie privée

Votre conseil, par sa décision du 22 avril 1997 sur la loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration (1), a estimé que les méconnaissances graves du droit au respect de la vie privée affectent la liberté individuelle. Par suite, dans la décision du 23 juillet 1999 sur la loi portant création d'une couverture maladie universelle (2), votre Conseil a rattaché le respect de la vie privée à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui dispose que : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression », précisant ensuite que cet article 2 « implique le respect de la vie privée ».

A mesure que la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, en matière de respect de la vie privée s'est développée, le droit au respect de la vie privée a trouvé à s'appliquer à de nombreux domaines, parmi lesquels figure le traitement de données à caractère personnel (fichiers de police et de justice, inscriptions au casier judiciaire, protection des données médicales) comme le montre le commentaire de la décision du 30 mars 2012 sur les conditions de contestation par le procureur de la République de l'acquisition de la nationalité par mariage (3).

Après avoir identifié les dispositions constitutionnelles fondant le respect de la vie privée, et définissant le champ de son application, votre Conseil a progressivement détaillé la manière dont il entendait faire appliquer ce principe constitutionnel du droit au respect de la vie privée.

La décision du 10 juin 2009 sur la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet (4), met en lumière qu'il appartient au législateur « d'assurer la conciliation entre le respect de la vie privée et d'autres exigences constitutionnelles, telles que la protection du droit de propriété ».

C'est donc par une jurisprudence constante que votre Conseil a estimé que le législateur, dans le cadre du traitement de données à caractère personnel, devait concilier le respect de la vie privée avec les autres exigences constitutionnelles.

Or, la loi relative à la transparence de la vie publique dispose aux articles 3 et 10 que de nombreuses personnalités de la vie publique doivent adresser à la Haute Autorité de la transparence de la vie publique une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d'intérêts.

Ces articles permettent ainsi de dresser une liste de personnalités évoluant dans, ou à proximité de la sphère politique, dont les membres du Gouvernement, les représentants français au Parlement européen, les présidents des exécutifs locaux, les conseillers des collectivités territoriales, selon des critères démographiques, les membres des cabinets ministériels et les collaborateurs du Président de la République, du Président du Sénat, et du Président de l'Assemblée Nationale, ainsi que toute autre personne exerçant un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement pour lesquels elle a été nommée en conseil des ministres.

La déclaration de patrimoine susmentionnée devra comprendre les immeubles bâtis et non bâtis, les valeurs mobilières, les assurances-vie, les comptes bancaires courants ou d'épargne, les livrets et les autres produits d'épargne, les biens mobiliers divers, les véhicules terrestres à moteur, bateaux et avions, les fonds de commerce ou clientèles et les charges et offices, les biens mobiliers, immobiliers et les comptes détenus à l'étranger, les autres biens, et tout cadeau ou avantage reçu susceptible d'influencer le processus décisionnel.

La déclaration d'intérêts susmentionnée devra quant à elle comprendre les activités professionnelles donnant lieu à rémunération ou gratification exercées à la date de la déclaration, les activités professionnelles ayant donné lieu à rémunération ou gratification exercées au cours des cinq dernières années, les activités de consultant exercées à la date de la déclaration et au cours des cinq dernières années, les participations détenues à la date de la déclaration ou lors des cinq dernières années dans les organes dirigeants d'un organisme public ou privé ou d'une société, les participations financières directes dans le capital d'une société, à la date de la déclaration, les activités professionnelles exercées à la date de la déclaration par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin, les enfants et les parents, les fonctions bénévoles susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts, les autres liens susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts, et les fonctions et mandats électifs exercés à la date de la déclaration.

Enfin, il est prévu que la Haute Autorité rende publique la déclaration de situation patrimoniale et la déclaration d'intérêts.

En ce qui concerne les déclarations des membres du Gouvernement, prévues à l'article 3, elles seront rendues publiques dans un délai de trois mois suivant la réception par la Haute autorité de tous les éléments constitutifs du dossier.

En ce qui concerne les autres déclarations déposées, en application de l'article 10, elles seront rendues publiques, alors que les déclarations de situation patrimoniale sont, aux seules fins de consultation, tenues à la disposition des électeurs inscrits sur les listes électorales.

Par conséquent, l'énoncé de ces nouvelles obligations légales ne laisse aucun doute sur le fait que cette loi relative à la transparence de la vie publique est composée de nombreuses atteintes au respect de la vie privée.

Il convient donc de s'interroger, d'abord sur la conciliation par le législateur, du respect de la vie privée avec les autres exigences constitutionnelles, et ensuite sur la justification apportée par le législateur et sur la proportionnalité de l'atteinte au respect de la vie privée avec l'objectif poursuivi.

Votre conseil admet certaines atteintes au respect de la vie privée à la condition expresse que le législateur se trouve dans une situation où il lui est imposé de concilier deux impératifs constitutionnels. Cette conciliation, notamment en ce qui concerne le traitement de données à caractère personnel, se fait entre la sécurité (intégrée au principe constitutionnel de liberté), et le respect de la vie privée.

Or, dans le cas en l'espèce, l'atteinte au respect de la vie privée n'est nullement le fuit d'une conciliation avec un autre principe constitutionnel puisque l'exposé des motifs de la loi précise que celle-ci s'inscrit dans le cadre de la « lutte contre les conflits d'intérêts », et que l'ambition portée par cette loi est de « placer notre pays au rang des démocraties les plus avancées en matière de prévention des conflits d'intérêts, et d'utiliser le principe de transparence au service de cet objectif ».

En ce qui concerne les obligations de déclaration de patrimoine, prévues à l'article 3, l'exposé des motifs indique que ces dispositions ont pour objet de lutter contre un enrichissement inexpliqué. Il convient donc de rappeler que l'enrichissement inexpliqué n'est pas un délit pénal mais relève de considérations déontologiques, que ni la loi, ni la Constitution ne traduisent.

De la même manière, les déclarations d'intérêts, prévues à l'article 3, ont pour objet de prévenir les conflits d'intérêts ; là encore, il convient de rappeler que le conflit d'intérêts n'est pas un délit pénal et que par conséquent, si l'ambition est louable, celle-ci ne trouve aucune traduction dans la loi et dans la Constitution.

S'il est respectable pour le législateur de lutter contre les conflits d'intérêts ou les enrichissements inexpliqués, il ne lui est cependant pas permis de déroger à des principes constitutionnels dans le but d'atteindre ces objectifs, car ceux-ci ne sont nullement fondés sur un impératif constitutionnel. La lutte contre les conflits d'intérêts ou les enrichissements inexpliqués sont en effet le fruit d'une exigence déontologique qui ne peut donc en aucun cas justifier des atteintes aussi manifestes au respect de la vie privée.

Par conséquent, l'atteinte au respect de la vie privée ne s'imposant pas par la conciliation entre cet impératif constitutionnel et un autre impératif du même rang, les dispositions afférentes aux déclarations d'intérêts de l'article 3 ne sauraient satisfaire un contrôle de constitutionnalité.

De plus, afin d'apprécier l'atteinte au respect de la vie privée qu'introduit cette loi, et après avoir constaté que le législateur n'était nullement en situation de conciliation entre deux exigences constitutionnelles, il faut se pencher sur la justification apportée par le législateur de cette atteinte, et sur la proportionnalité de cette atteinte au respect de la vie privée avec l'objectif poursuivi.

Dans ce cas, le législateur peut légitimement invoquer la poursuite de l'intérêt général pour justifier cette loi. Cet intérêt général serait alors de s'assurer de la probité des élus et autres personnes concernées par ces déclarations de patrimoine, de la même manière que la déclaration d'intérêts doit permettre de prévenir d'éventuels conflits d'intérêts.

Il convient donc de s'interroger sur la proportionnalité des mesures adoptées aux objectifs poursuivis par la loi.

Or, la lecture concomitante de l'article 3, qui dresse la liste des éléments à fournir dans les déclarations de patrimoine et d'intérêts, et des articles 4 et 11, qui déterminent les modalités de la publication de ces éléments, laissent entrevoir une grave disproportion entre l'atteinte au respect de la vie privée et le but poursuivi par la loi.

En effet, le législateur justifie son œuvre législative par la poursuite de deux objectifs, s'assurer de la probité des élus en identifiant d'éventuels enrichissements inexpliqués, et prévenir des situations de conflits d'intérêts.

Pour ce faire, il apparait nécessaire que la Haute autorité d'abord, et la justice ensuite, disposent des déclarations de patrimoine et d'intérêts qui leur permettront d'identifier puis de sanctionner des enrichissements suspects ou de graves situations de conflits d'intérêts. Cependant, la Haute autorité, comme la justice, n'ont nullement besoin, pour faire la preuve d'un enrichissement inexpliqué induit par un manquement à la probité, ou d'un conflit d'intérêts, de communiquer aux électeurs le détail des biens d'une personne, la valeur de ceux-ci, ni-même la liste de ces intérêts parmi lesquels ses anciennes activités professionnelles ou celles de son entourage. Au contraire, la publicité qui sera faite autour de ces déclarations ne sera pas de nature à favoriser le travail de la justice.

La publication et la libre consultation de ces déclarations par les électeurs, comme les prévoient les articles 4 et 11, permettront une incursion injustifiée dans la vie privée de ces personnes et de leur entourage, en violation du principe de respect de la vie privée.

Par conséquent, la publicité faite des déclarations de patrimoine et les déclarations d'intérêts, prévues aux articles 4 et 11, des personnes mentionnées aux articles 3 et 10 est un manquement caractérisé au principe constitutionnel de respect de la vie privée car ce manquement manifeste ne saurait se justifier au regard de l'objectif poursuivi par la loi.

Mais l'atteinte au respect de la vie privée ne se limite pas à la publication des déclarations de patrimoine et d'intérêts. En effet, indépendamment de la publicité qui en sera faite, les déclarations d'intérêts, prévues à l'article 3, comporteront en elles-mêmes des dispositions qui mettent à mal le respect de la vie privée.

La principale disposition contestée se trouve être la présence dans les déclarations d'intérêts, des éléments suivants: « les activités professionnelles exercées à la date de la déclaration par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin, les enfants et les parents ».

En effet, rien ne peut justifier que des informations relevant de l'intimité, de la vie familiale puissent être exigées. Là encore, il semble qu'il y ait une disproportion manifeste entre l'atteinte profonde à la vie privée que la déclaration de ces informations entraine, et le but poursuivi qui ne les nécessite pas et qui ne saurait justifier de tels manquements.

II. Sur l'atteinte à la liberté d'entreprendre

A. Le principe de liberté d'entreprendre menacé par la déclaration d'intérêts

Le principe constitutionnel de liberté d'entreprendre est fondé par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui dispose que : «La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi ».

Dans sa jurisprudence, votre conseil a eu régulièrement l'occasion de rappeler comment cette liberté a trouvé à s'appliquer. Aussi, la décision du 7 décembre 2000 sur la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (5) précise que : « le législateur a apporté, en l'espèce, tant au droit de propriété qu'à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi ».

En conséquence de quoi, la liberté d'entreprendre, à l'instar de nombreux autres principes constitutionnels peut connaitre des limitations, mais à la condition que celles-ci se justifient par la poursuite de l'intérêt général, et que ses limitations soient proportionnées à l'objectif poursuivi.

Or, les déclarations d'intérêts, prévues à l'article 3 de la présente loi, conduisent les personnes mentionnées aux articles 3 et 10 à fournir à la Haute autorité les activités professionnelles exercées à la date de la déclaration par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin, les enfants et les parents.

Or, ces informations sur les activités professionnelles exercées à la date de la déclaration par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin, les enfants et les parents sont personnelles et non publiques. Aussi, malgré la proximité entre les personnes mentionnées aux articles 3 et 10 et leur entourage, les personnes soumises à la déclaration d'intérêts ne sont de fait pas en possession de ces informations.

En conséquence, l'entourage de ces personnalités devra transmettre les activités professionnelles exercées à la date de la déclaration, ce qui revient à imposer une obligation légale à l'entourage de ces élus, au motif de leur proximité familiale et ou affective supposée avec ces-derniers.

Dans ce cas, l'obligation légale sera la conséquence directe du choix d'un des membres de leur famille ou de leur entourage d'exercer une des activités professionnelles, ou de briguer un des mandats, mentionnés aux articles 3 et 10.

En d'autres termes, le libre choix d'un citoyen d'exercer les mandats, fonctions et emplois qui lui est assuré par l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, entrainera une obligation légale pour un membre de son entourage qui ne sera pas lié à ce choix puisque celui-ci est personnel et individuel.

Pour conclure, les déclarations d'intérêts, telles que définis à l'article 3, contreviennent à l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789, ce qui implique que le 6° du I ter de l'article 3 soit déclaré contraire à la Constitution.

B. Le principe de liberté d'entreprendre menacé par le pouvoir d'injonction de la Haute autorité.

Comme les requérants l'ont rappelé précédemment, la liberté d'entreprendre se fonde sur l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Or, en ce qui concerne les situations de conflit d'intérêts pour les membres du Gouvernement, le II de l'article 9 dispose que : « Lorsqu'elle constate qu'une personne soumise aux obligations de déclaration prévues à l'article 3 se trouve en situation de conflit d'intérêts, la Haute Autorité lui enjoint de faire cesser cette situation ».

De la même manière, mais pour les conflits d'intérêts des personnes mentionnées à l'article 10, le II de l'article 15 dispose que : « Lorsque la Haute Autorité rend un avis d'incompatibilité, la personne concernée ne peut pas exercer l'activité envisagée ».

Mais ces dispositions doivent être analysées à l'aune de l'article 3, et des informations qui y figurent. En effet l'article 3 prévoit que les déclarations d'intérêts mentionnent : « les activités professionnelles exercées à la date de la déclaration par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin, les enfants et les parents ».

De cette manière, lorsque la Haute autorité rendra un avis d'incompatibilité, que cela soit pour un membre du Gouvernement ou une autre personne mentionnée à l'article 10, la Haute autorité fondera aussi sa décision sur les activités professionnelles de l'entourage de ces personnalités.

Ainsi, les situations d'incompatibilités que la Haute autorité découvrira concerneront également les activités professionnelles de l'entourage. Aussi, la cessation de ce conflit d'intérêts passera par la cessation de l'activité professionnelle qu'exerce le membre de l'entourage.

De cette manière, les injonctions de la Haute autorité, énoncées aux articles 9 et 15, devront mécaniquement porter sur les membres de l'entourage des élus et autres personnes mentionnées aux articles 3 et 10.

Il résulte de cette situation que des personnes se verront imposer une obligation légale, non du fait d'un choix dont ils sont responsables, mais du choix d'un tiers pour lequel ils ne sont liés d'aucune manière en terme de responsabilité.

En conséquence, il convient de déclarer le II de l'article 9 et le II de l'article 15 contraires au principe constitutionnel de liberté d'entreprendre.

C. Le principe de liberté d'entreprendre menacé par les conséquences des avis de compatibilités rendus par la Haute autorité de la transparence de la vie publique.

La présente loi dispose, dans son article 15, qu'à partir des déclarations d'intérêts prévues à l'article 3, la Haute autorité de la transparence de la vie publique rendra des avis de compatibilités.

Ces avis, lorsqu'ils seront négatifs, devront être respectés de telle manière que le fait d'exercer une « activité en violation d'un avis d'incompatibilité ou d'une activité exercée en violation des réserves prévues par un avis de compatibilité », amène la Haute Autorité à publier au Journal officiel un rapport spécial qui sera ensuite transmis au procureur de la République comme le dispose l'article 15.

Enfin, l'article 18 prévoit dans son alinéa 4 que « Le fait, pour une personne mentionnée aux articles 3, 10 ou 15, de ne pas déférer aux injonctions de la Haute Autorité de la transparence de la vie publique ou de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 EUR d'amende ».

Ainsi, l'exercice d'une activité professionnelle que la Haute autorité aura jugé incompatible avec une fonction, un mandat, ou une autre activité professionnelle au service de l'Etat deviendra un délit pénal.

Conséquence directe de ce texte, les personnes mentionnés aux articles 3 et 10 se verront limiter l'exercice de leur liberté d'entreprendre car leur activité professionnelle pourra entrainer un délit pénal.

Or, si le Conseil Constitutionnel admet que la liberté d'entreprendre puisse être limitée, cette limitation doit être strictement proportionnée à l'objectif poursuivi, ici la prévention des conflits d'intérêts.

En l'espèce, il apparait donc illégitime d'empêcher certaines personnes d'exercer librement une activité professionnelle au motif que cette activité pourrait induire un conflit d'intérêts, alors même que la définition des conflits d'intérêts présentée à l'article 2 n'est pas de nature à identifier précisément des activités manifestement incompatibles avec l'exercice des mandats fonctions, ou activités professionnelles mentionnées aux articles 3 et 10.

Par conséquent, les avis de compatibilités rendus par la Haute autorité, prévus aux II et IV de l'article 15 et la qualification, en délit pénal, du fait de ne pas déférer aux injonctions de cette haute autorité, prévues au III de l'article 18, méconnaissent la principe constitutionnel de liberté d'entreprendre, et doivent donc être déclaré contraire à la Constitution.

III. Sur l'atteinte au principe d'égalité

Le principe d'égalité se fonde sur l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui dispose que la loi : « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».

Ce principe constitutionnel s'applique dans de très diverses matières, et notamment en matière électorale dans laquelle le principe d'égalité devient l'égalité des conditions de la compétition, c'est-à-dire une déclinaison de la sincérité du scrutin.

Cette exigence constitutionnelle d'égalité des conditions de la compétition est résumée dans les cahiers du Conseil Constitutionnel (6) comme l'exigence : « que toutes les candidatures (individuelles ou collectives) doivent être soumises au même traitement. Cela concerne surtout les campagnes électorales aussi bien à travers leur financement qu'à travers l'accès aux médias audiovisuels ».

Or, la loi déférée introduit des déclarations de patrimoine et des déclarations d'intérêts qui seront publiques ou librement consultables par les électeurs. Ces déclarations concernent bon nombre de présidents d'exécutifs locaux, ainsi que leurs adjoints ou conseillers, et bon nombre d'autres élus.

Ces élus seront donc dans l'obligation de fournir le détail de leur patrimoine et de leurs intérêts, au début et à la fin de leur mandat, ainsi qu'en cas de modification substantielle de leur patrimoine ou de leurs intérêts.

Or, ces élus, seront dans de nombreux cas appelés à briguer de nouveaux mandats. Par conséquent, dans le cadre des campagnes électorales qu'ils seront amenés à réaliser, les électeurs de leur circonscription d'élection auront toute la liberté de consulter leurs déclarations de patrimoine et d'intérêts. Ces consultations libres ne seront bien-sûr pas neutres d'un point de vue électoral.

En d'autres termes, avec la libre consultation des déclarations, prévue à l'article 3, les candidats sortants, soumis à ces obligations de déclaration, ne seront pas traités de la même manière dans la compétition électorale que leurs concurrents non sortants, qui eux ne seront pas soumis à ces obligations déclaratives.

Il en résulte donc une inégalité des conditions de la compétition électorales selon que l'on soit candidat sortant ou non sortant.

Par conséquent, la publication et la libre consultation des déclarations par les électeurs prévues aux articles 4 et 11, parce qu'elles entrainent une rupture d'égalité entre les candidats, doivent être déclarées comme contraire à la Constitution.

IV. Sur l'inversion de la charge de la preuve

Le principe constitutionnel de respect de la charge de la preuve se fonde sur l'article 9 de la Déclaration de 1789 qui dispose que : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ».

Ce principe a trouvé à s'appliquer dans de nombreuses situations comme dans la décision du 20 janvier 1981 sur la loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes (7), puis par la décision du 16 juin 1999 sur la loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs (8). Dans cette dernière décision, votre Conseil a estimé « qu'en principe le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière répressive ; que, toutefois, à titre exceptionnel, de telles présomptions peuvent être établies, notamment en matière contraventionnelle, dès lors qu'elles ne revêtent pas de caractère irréfragable, qu'est assuré le respect des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l'imputabilité ».

Or, l'article 6 de la loi déférée dispose que « Lorsqu'elle constate une évolution de la situation patrimoniale pour laquelle elle ne dispose pas d'explications suffisantes, après que le membre du Gouvernement a été mis en mesure de présenter ses observations, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique publie au Journal officiel un rapport spécial, assorti des observations de l'intéressé, et transmet le dossier au parquet ». Dans ce cas, il est dit explicitement que c'est au membre du Gouvernement de fournir des observations afin de justifier l'évolution de sa situation patrimoniale.

De la même manière, le II de l'article 9 dispose que « Lorsqu'elle constate qu'un membre du Gouvernement se trouve en situation de conflit d'intérêts, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique lui enjoint de faire cesser cette situation. Après avoir mis à même l'intéressé de faire valoir ses observations dans un délai d'un mois, elle peut décider de rendre publique cette injonction ». Dans ce cas, une fois encore, il revient au membre du Gouvernement de fournir les observations qui lui permettront d'échapper à cette injonction.

Quant à l'article 15, il est sans doute encore plus éclairant sur l'inversion de la charge de la preuve puisqu'il dispose, à propos de la Haute autorité que celle-ci « peut rendre un avis d'incompatibilité lorsqu'elle estime ne pas avoir obtenu de la personne concernée les informations nécessaires ». Le II de ce même article 15 dispose ensuite que : « lorsque la Haute Autorité rend un avis d'incompatibilité, la personne concernée ne peut pas exercer l'activité envisagée pour une durée maximale de trois ans », le IV de l'article 15 disposant enfin qu'en cas de non-respect de cette injonction, la Haute autorité : « transmet au procureur de la République le rapport spécial mentionné au premier alinéa du présent IV et les pièces en sa possession relatives à cette violation de son avis ». Avec ces dispositions, les personnes soumises aux obligations déclaratives n'auront d'autres choix que de se mettre en mouvement pour prouver de leur non culpabilité.

Ainsi, puisque le II de l'article 6, le II de l'article 9 et les II et IV de l'article 15 inversent la charge de la preuve, sans que cette inversion rentre dans le cadre des inversions tolérées au sens de la décision du 16 juin 1999 susmentionnée, il convient de déclarer le II de l'article 6, le II de l'article 9 et les II et IV de l'article 15, contraires à la Constitution.

V. Sur l'atteinte aux droits de la défense

Les droits de la défense sont, depuis la décision du 2 décembre 19769 sur la loi relative au développement de la prévention des accidents du travail, un des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ».

Ce principe constitutionnel du droit de la défense a été par la suite rattaché au bloc de constitutionnalité puisque le Conseil Constitutionnel « a donc donné aux droits de la défense un nouvel ancrage, textuel cette fois, à savoir l'article 16 de la Déclaration de 1789, qui dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution », comme le précise le Président Pierre Mazaud (10).

Mais le droit de la défense est vaste, il trouve donc à s'appliquer de manières très diverses, et parmi elles on compte le droit des personnes intéressées d'exercer un recours juridictionnel effectif (11).

Cette exigence de recours juridictionnel fut consacrée par votre Conseil dans sa du 23 janvier 1987 (12) sur la loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence, qui précisa que « compte tenu de la nature non juridictionnelle du conseil de la concurrence, de l'étendue des injonctions et de la gravité des sanctions pécuniaires qu'il peut prononcer, le droit pour le justiciable formant un recours contre une décision de cet organisme de demander et d'obtenir, le cas échéant, un sursis à l'exécution de la décision attaquée constitue une garantie essentielle des droits de la défense ».

De plus, comme le précise une nouvelle fois le Président Pierre Mazaud : « dans la décision du 27 juillet 2006 sur les droits d'auteur, les droits de la défense s'appliquent lorsqu'est en cause une sanction ayant le caractère d'une punition qu'elle soit de nature pénale, administrative ou disciplinaire » (13).

En d'autres termes, « le recours contre la décision d'un organe non juridictionnel doit être assorti d'un sursis à exécution » (14), et cela même si la punition n'est pas pénale.

Or, la Haute autorité de la transparence de la vie publique, parce qu'elle est un organe non juridictionnel, doit impérativement prévoir un droit pour le justiciable de former un recours, un sursis à exécution, pour que ses prérogatives puissent satisfaire les exigences constitutionnelles entourant les droits de la défense.

Or, la lecture de l'article 15 de la loi relative à la transparence de la vie publique montre qu'une fois son avis d'incompatibilité rendu, les personnes soumises à son contrôle, par les articles 3 et 10, n'ont aucune voie de recours à l'encontre des décisions de la Haute autorité de la transparence de la vie publique.

Or, il ne peut être répondu à cette affirmation que la Haute autorité ne sanctionne pas elle- même parce qu'elle ne ferait que transmettre son rapport spécial au Procureur de la République après avoir constaté le non-respect de ses injonctions, comme il est possible de le lire aux articles 6 et 15.

En effet, le II de l'article 9 dispose que : « Lorsqu'elle constate qu'un membre du Gouvernement se trouve en situation de conflit d'intérêts, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique lui enjoint de faire cesser cette situation ».

Ensuite, le II de l'article 15 dispose que : « Lorsque la Haute Autorité rend un avis d'incompatibilité, la personne concernée ne peut pas exercer l'activité envisagée pendant une période expirant trois ans après la fin de l'exercice des fonctions gouvernementales ou des fonctions exécutives locales.

La Haute Autorité notifie sa décision à la personne concernée et, le cas échéant, à l'organisme ou à l'entreprise au sein duquel celle-ci exerce d'ores et déjà ses fonctions en violation du premier alinéa du I. Les actes et contrats conclus en vue de l'exercice de cette activité :

1° Cessent de produire leurs effets lorsque la Haute Autorité a été saisie dans les conditions fixées au 1° du I ;

2° Sont nuls de plein droit lorsque la Haute Autorité a été saisie dans les conditions fixées au 2° du I. »

Il ne peut donc être entendu que la Haute autorité pour la transparence de la vie publique ne sanctionne pas elle-même, puisqu'elle peut unilatéralement interdire l'exercice de l'activité envisagée par les personnes mentionnées aux articles 3, 10 et 15.

Aussi, la Haute autorité est implicitement reconnue comme un organe non juridictionnel émetteur de sanctions. Par conséquent, la Haute autorité doit impérativement prévoir un droit pour le justiciable de former un recours, un sursis à exécution.

Ces recours ou sursis n'étant pas prévus par la loi déférée, les requérants estiment qu'il convient de déclarer contraire à la Constitution le II de l'article 9, et le II de l'article 15 de la présente loi.

VI. Sur l'atteinte au principe de légalité des délits et des peines

Le principe de légalité des délits et des peines est issu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui dispose que : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».

Ce principe de légalité des délits et des peines se fonde également sur l'article 34 de la Constitution qui dispose que la loi fixe les règles concernant : « la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l'amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ».

Le principe de légalité des délits et des peines est donc voisin du grief d'incompétence négative qui veut que le législateur ne méconnaisse pas ses propres compétences qu'il tient de l'article 34 de la Constitution. Aussi, le législateur doit rédiger une loi complète, dont l'application ne peut pas faire l'objet d'interprétation différente ou contraire.

Dans le cas du respect du principe de légalité des délits et des peines, le législateur doit adopter une loi dont les délits et les peines qui lui sont applicables sont compréhensibles par tous, cela afin de prévenir l'arbitraire.

Cette analyse est celle que votre Conseil réalisa à l'occasion de la décision du 4 mai 2012 sur la constitutionnalité de l'article 222-33 du code pénal (15), dans laquelle il est précisé que le législateur doit : « fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ».

Cette exigence doit donc se comprendre comme le devoir pour le législateur de définir des délits suffisamment clairs et précis pour que chacun puisse connaitre par avance le caractère légal de son comportement.

Or, il semble que la présente loi contrevienne à ce principe à travers plusieurs dispositions. L'article 6 dispose en effet qu'en ce qui concerne la variation de la situation patrimoniale des membres du Gouvernement : « Lorsqu'elle constate une évolution de la situation patrimoniale pour laquelle elle ne dispose pas d'explications suffisantes, après que le membre du Gouvernement a été mis en mesure de présenter ses observations, la Haute

Autorité pour la transparence de la vie publique publie au Journal officiel un rapport spécial, assorti des observations de l'intéressé, et transmet le dossier au parquet ».

Dans ce cas, les membres du Gouvernement pourront être poursuivis car ils n'auront pas fournis d'explications satisfaisantes à la variation de leur patrimoine, ou du moins, les explications qu'ils auront fournies auront été jugées insatisfaisantes par la Haute autorité de la transparence de la vie publique. Les membres du Gouvernement seront donc soumis à l'arbitraire puisque rien ne leur permettra de savoir à l'avance si leurs explications seront satisfaisantes. Ils pourront donc être condamnés pour des motifs qu'ils ignorent puisqu'ils ne sont pas en mesure de juger du caractère légal de leur comportement.

Le II de l'article 15 dispose ensuite que : « Lorsque la Haute Autorité rend un avis d'incompatibilité, la personne concernée ne peut pas exercer l'activité envisagée pendant une période expirant trois ans après la fin de l'exercice des fonctions gouvernementales ou des fonctions exécutives locales ». Ce même article dispose ensuite que : « les actes et contrats conclus en vue de l'exercice de cette activité : 1° Cessent de produire leurs effets lorsque la Haute Autorité a été saisie dans les conditions fixées au 1° du I ; 2° Sont nuls de plein droit lorsque la Haute Autorité a été saisie dans les conditions fixées au 2° du I. »

En l'espèce, la Haute autorité pourra unilatéralement interdire l'exercice de l'activité envisagée par un membre du Gouvernement ou le titulaire d'une fonction exécutive locale, suite à un avis d'incompatibilité. Cette décision se fondera uniquement sur l'appréciation que la Haute autorité aura faite de la compatibilité entre l'activité envisagée avec l'exercice des fonctions gouvernementales ou des fonctions exécutives locales. Les personnes soumises à ce contrôle seront là encore soumises à l'arbitraire puisqu'elles ne seront pas en mesure de juger du caractère légal de leur comportement, en l'occurrence de la comptabilité entre l'activité qu'elles envisagent d'exercer et leurs fonctions ou mandats.

Enfin, le III de l'article 18 dispose que : « Le fait, pour une personne mentionnée aux articles 3, 10 ou 15, de ne pas déférer aux injonctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ou de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 EUR d'amende ».

Si ne pas répondre à une injonction semble être un délit clair, encore faut-il connaitre la nature de cette injonction. Or, l'article 13 dispose que : « La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique peut demander aux personnes mentionnées aux articles 3, 10 et 15 toute explication ou tout document nécessaire à l'exercice de ses missions prévues au I du présent article. Elle peut entendre ou consulter toute personne dont le concours lui paraît utile ». Ces injonctions peuvent donc prendre la forme de demande d'explication. En d'autres termes, les personnes mentionnées aux articles 3, 10 ou 15 pourront être poursuivies et condamnées faute d'avoir fournies des explications que la Haute autorité aura jugées satisfaisantes. Ces personnes seront donc soumises à une décision unilatérale et arbitraire de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Là encore, les personnes soumises à ce contrôle ne seront pas en mesure de juger du caractère légal de leur comportement puisqu'elles ne pourront pas savoir par avance dans quelle mesure la Haute autorité se satisfait de leurs explications.

Pour toutes ces raisons, il convient de déclarer contraire à la Constitution l'article 6, le II de l'article 15, et le III de l'article 18 au motif qu'ils ne respectent pas le principe de légalité des délits et des peines.

VII. Sur l'atteinte à la séparation des pouvoirs

Le principe de séparation des pouvoirs est une exigence constitutionnelle qui se fonde sur l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui dispose que : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ».

Cette séparation des pouvoirs trouve à s'appliquer dans les relations qu'entretiennent le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, et enfin l'autorité judiciaire. Elle implique donc que chacun de ces pouvoirs et autorité puissent exercer ses prérogatives en toute indépendance.

Cette exigence d'indépendance est consacrée par l'article 64 de la Constitution en ce qui concerne le pouvoir judiciaire puisqu'il y est écrit que : «Le Président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire ».

C'est donc par sa décision du 9 juillet 1970 (16) sur la loi organique relative au statut des magistrats que votre conseil censura pour la première fois les dispositions d'une loi pour non-respect du principe de séparation des pouvoirs, et notamment pour non-respect de l'indépendance de l'autorité judiciaire.

Par suite, votre Conseil précisa ce principe d'indépendance de l'autorité judiciaire grâce notamment à sa décision du 21 février 2008 (17) sur la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ou il disposa que : « Considérant qu'en subordonnant à l'avis favorable d'une commission administrative le pouvoir du tribunal de l'application des peines d'accorder la libération conditionnelle, le législateur a méconnu tant le principe de la séparation des pouvoirs que celui de l'indépendance de l'autorité judiciaire ; qu'il s'ensuit qu'il y a lieu de déclarer contraire à la Constitution le mot : « favorable » à l'article 12 de la loi déférée ».

Cette décision réaffirma l'indépendance de la justice en précisant qu'on ne peut pas subordonner le pouvoir de la justice à un organe administratif.

Or, avec la loi déférée, il est justement prévu, à l'article 15, que la capacité de poursuivre, et donc de sanctionner, de la justice sera subordonné aux décisions de la Haute autorité de transparence de la vie publique.

En effet, l'article 6 dispose que la Haute autorité : « Lorsqu'elle constate une évolution de la situation patrimoniale pour laquelle elle ne dispose pas d'explications suffisantes, après que le membre du Gouvernement a été mis en mesure de présenter ses observations, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique publie au Journal officiel un rapport spécial, assorti des observations de l'intéressé, et transmet le dossier au parquet ».

De plus, c'est la Haute autorité qui sera chargée de transmettre « au procureur de la République le rapport spécial mentionné au premier alinéa du présent IV et les pièces en sa possession relatives à cette violation de son avis ». Ces rapports étant la conséquence directe des avis que la haute autorité rend en toute indépendance.

En conséquence, l'article 6 et le IV de l'article 15 de la présente loi empêchent la justice d'exercer les compétences qu'elle tient de la Constitution, et doit donc être considéré comme contraire à la Constitution.

************************************************************************

(1) Décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 sur la loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration, Considérant n°44.

(2) Décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999 sur la loi portant création d'une couverture maladie universelle. Considérant n°45.

(3) Commentaire de la décision n°2012-227 QPC du 30 mars 2012 sur les conditions de contestation par le procureur de la République de l'acquisition de la nationalité par mariage. Page 6.

(4) Décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 sur la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet. Considérant n°23.

(5) Décision n° 2000-436 DC du 07 décembre 2000 sur la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, considérant n°20.

(6) Richard GHEVONTIAN - Cahiers du Conseil constitutionnel n° 13 (Dossier : La sincérité du scrutin) - janvier 2003.

(7) Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 sur la loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes. Considérant n°5.

(8) Décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999 sur la loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs

(9) Décision n° 76-70 DC du 02 décembre 1976 sur la loi relative au développement de la prévention des accidents du travail.

(10) Discours prononcé par le Président Mazeaud le 3 janvier 2007à l'occasion de la rentrée solennelle de l'Ecole de formation des barreaux de la cour d'appel de Paris. Page n°5.

(11) Ibid.

(12) Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 sur la loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence. Considérant n°22.

(13) Discours prononcé par le Président Mazeaud le 3 janvier 2007à l'occasion de la rentrée solennelle de l'Ecole de formation des barreaux de la cour d'appel de Paris. Page n°6.

(14) Paul MARTENS - Cahiers du Conseil constitutionnel n° 14 (Dossier : La justice dans la constitution) - mai 2003

(15) Décision n° 2012-240 QPC du 04 mai 2012. Considérant n°3.

(16) Décision n° 70-40 DC du 9 juillet 1970 sur la loi organique relative au statut des magistrats. Considérant n° 4.

(17) Décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008 sur la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Considérant n°34.


Références :

DC du 09 octobre 2013 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 09 octobre 2013 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : LOI n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2013-676 DC du 09 octobre 2013
Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2013:2013.676.DC
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award