Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 15 mars 2011, par le Premier ministre, conformément aux articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1er, de la Constitution, de la loi organique relative au Défenseur des droits.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution, dans sa rédaction résultant de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que la loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a été adoptée dans le respect des règles de procédure fixées par les trois premiers alinéas de l'article 46 de la Constitution ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 71-1 de la Constitution : « Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d'une mission de service public, ou à l'égard duquel la loi organique lui attribue des compétences.
« Il peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne s'estimant lésée par le fonctionnement d'un service public ou d'un organisme visé au premier alinéa. Il peut se saisir d'office.
« La loi organique définit les attributions et les modalités d'intervention du Défenseur des droits. Elle détermine les conditions dans lesquelles il peut être assisté par un collège pour l'exercice de certaines de ses attributions.
« Le Défenseur des droits est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13._ Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement et de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par la loi organique.
« Le Défenseur des droits rend compte de son activité au Président de la République et au Parlement » ;
- SUR LE TITRE Ier :
3. Considérant que le titre Ier de la loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel comporte les articles 1er à 3 qui précisent les modalités de nomination du Défenseur des droits, garantissent son indépendance pour l'exercice de ses fonctions et fixent la liste des incompatibilités qui lui sont applicables ;
4. Considérant, en particulier, qu'aux termes de l'article 2 de la loi organique : « Le Défenseur des droits, autorité constitutionnelle indépendante, ne reçoit, dans l'exercice de ses attributions, aucune instruction.
« Le Défenseur des droits et ses adjoints ne peuvent être poursuivis, recherchés, arrêtés, détenus ou jugés à l'occasion des opinions qu'ils émettent ou des actes qu'ils accomplissent dans l'exercice de leurs fonctions » ;
5. Considérant, d'une part, qu'en érigeant le Défenseur des droits en « autorité constitutionnelle indépendante », le premier alinéa de l'article 2 rappelle qu'il constitue une autorité administrative dont l'indépendance trouve son fondement dans la Constitution ; que cette disposition n'a pas pour effet de faire figurer le Défenseur des droits au nombre des pouvoirs publics constitutionnels ;
6. Considérant, d'autre part, que nul ne saurait, par une disposition générale de la loi, être exonéré de toute responsabilité personnelle quelle que soit la nature ou la gravité de l'acte qui lui est imputé ; que, si le législateur organique pouvait, pour garantir l'indépendance du Défenseur des droits et de ses adjoints, prévoir qu'ils bénéficient d'une immunité pénale, il devait, dans la définition de l'étendue de cette immunité, concilier le but ainsi poursuivi avec le respect des autres règles et principes de valeur constitutionnelle et, en particulier, le principe d'égalité ; que, dès lors, l'immunité pénale reconnue au Défenseur des droits et à ses adjoints ne saurait s'appliquer qu'aux opinions qu'ils émettent et aux actes qu'ils accomplissent pour l'exercice de leurs fonctions ; qu'elle ne saurait exonérer le Défenseur des droits et ses adjoints des sanctions encourues en cas de méconnaissance des règles prévues par les articles 20 et 29 de la loi organique, sur les secrets protégés par la loi, et par son article 22, sur la protection des lieux privés ; que, sous ces réserves, les dispositions de l'article 2 sont conformes à la Constitution ;
7. Considérant que les autres dispositions du titre Ier, qui a été adopté sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 71-1 de la Constitution, sont conformes à la Constitution ;
- SUR LE TITRE II :
8. Considérant que le titre II de la loi organique, relatif aux compétences et à la saisine du Défenseur des droits, comprend les articles 4 à 10 ; qu'il précise les missions du Défenseur des droits ; qu'il fixe la liste des personnes physiques ou morales qui peuvent le saisir ainsi que les conditions dans lesquelles il peut être saisi par l'intermédiaire d'un membre du Parlement ou se saisir d'office ; qu'il définit les conditions et les effets de sa saisine ; qu'il a été adopté sur le fondement des deux premiers alinéas de l'article 71 1 de la Constitution ; qu'il est conforme à la Constitution ;
- SUR LE TITRE III :
9. Considérant que le titre III de la loi organique, relatif à l'intervention du Défenseur des droits, composé de trois chapitres, comprend les articles 11 à 36 ;
10. Considérant que le chapitre Ier comprend les articles 11 à 17 ; qu'il institue les trois collèges qui assistent le Défenseur des droits pour l'exercice de certaines de ses attributions respectivement en matière « de défense et de promotion des droits de l'enfant », « de déontologie dans le domaine de la sécurité » et « de lutte contre les discriminations et de promotion de l'égalité » ; qu'il définit leur composition et les conditions de nomination de leurs membres ; qu'en particulier, l'article 11 institue trois adjoints du Défenseur des droits, respectivement membre et vice-président de l'un des trois collèges précités ; que ces adjoints, nommés sur proposition du Défenseur des droits et placés sous son autorité, peuvent recevoir certaines délégations dans leur domaine de compétence ; que ces délégations n'ont pas pour effet de dessaisir le Défenseur des droits de ses attributions ;
11. Considérant qu'en vertu du deuxième alinéa du paragraphe I de l'article 11, le Premier ministre nomme les adjoints du Défenseur des droits sur proposition de ce dernier ; que ces dispositions assurent l'indépendance du Défenseur des droits ; que cette indépendance implique que le Premier ministre mette fin aux fonctions des adjoints sur la proposition du Défenseur des droits ; que, sous cette réserve, l'article 11 est conforme à la Constitution ;
12. Considérant que le premier alinéa des articles 13, 14 et 15 précise que le Défenseur des droits « consulte » chacun des collèges « sur toute question nouvelle » ; que, dès lors que ces collèges assistent le Défenseur des droits pour certaines de ses attributions, cette consultation n'a ni pour objet ni pour effet de limiter les attributions du Défenseur des droits seul compétent pour convoquer les collèges, fixer leur ordre du jour et apprécier les questions nouvelles qu'il doit soumettre à leur avis ; qu'en outre, le Défenseur des droits n'est pas lié par les délibérations des collèges ; que, dans ces conditions, ces dispositions ne méconnaissent pas la seconde phrase du troisième alinéa de l'article 71 1 de la Constitution selon laquelle le Défenseur des droits est assisté d'un collège pour l'exercice de certaines de ses attributions ;
13. Considérant que le chapitre II, relatif aux moyens d'information du Défenseur des droits, comprend les articles 18 à 23 ; qu'il reconnaît au Défenseur des droits le pouvoir de demander des explications à toute personne qui, ainsi requise, doit lui communiquer toutes informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission ; qu'il définit les limites de ce droit de communication en matière de secrets protégés par la loi ou en cas d'enquête ou d'instruction pénale ; qu'il détermine enfin les conditions dans lesquelles le Défenseur des droits peut procéder à des vérifications sur place ;
14. Considérant que le chapitre III, relatif aux pouvoirs du Défenseur des droits, comprend les articles 24 à 36 ; qu'il fixe les conditions dans lesquelles le Défenseur des droits décide de donner suite à une réclamation et peut, pour l'accomplissement de sa mission, formuler des recommandations, engager des actions de communication ou d'information, rechercher la résolution amiable de différends, proposer une transaction, notamment en matière de discrimination, ou saisir l'autorité compétente pour engager des poursuites disciplinaires ou pénales ;
15. Considérant, en particulier, qu'aux termes de l'article 29 de la loi organique : « Le Défenseur des droits peut saisir l'autorité investie du pouvoir d'engager les poursuites disciplinaires des faits dont il a connaissance et qui lui paraissent de nature à justifier une sanction.
« Cette autorité informe le Défenseur des droits des suites réservées à sa saisine et, si elle n'a pas engagé de procédure disciplinaire, des motifs de sa décision.
« À défaut d'information dans le délai qu'il a fixé ou s'il estime, au vu des informations reçues, que sa saisine n'a pas été suivie des mesures nécessaires, le Défenseur des droits peut établir un rapport spécial qui est communiqué à l'autorité mentionnée au premier alinéa. Il peut rendre publics ce rapport et, le cas échéant, la réponse de cette autorité selon des modalités qu'il détermine.
« L'alinéa précédent ne s'applique pas à la personne susceptible de faire l'objet de la saisine du Conseil supérieur de la magistrature prévue à l'avant-dernier alinéa de l'article 65 de la Constitution » ;
16. Considérant que l'article 16 de la Déclaration de 1789 et l'article 64 de la Constitution garantissent l'indépendance de l'ensemble des juridictions ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions, sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur, ni le Gouvernement, non plus qu'aucune autorité administrative ; que les attributions du Défenseur des droits en matière disciplinaire ne sauraient le conduire à remettre en cause cette indépendance qui, dans ce domaine, est garantie par les procédures particulières qui leur sont propres ; que, notamment, les conditions dans lesquelles la responsabilité disciplinaire des magistrats de l'ordre judiciaire peut être engagée sont prévues par l'article 65 de la Constitution ; que, dès lors, les dispositions de l'article 29 ne sauraient autoriser le Défenseur des droits à donner suite aux réclamations des justiciables portant sur le comportement d'un magistrat dans l'exercice de ses fonctions ; qu'elles ont pour seul effet de lui permettre d'aviser le ministre de la justice de faits découverts à l'occasion de l'accomplissement de ses missions et susceptibles de conduire à la mise en œuvre d'une procédure disciplinaire à l'encontre d'un magistrat ; que, sous ces réserves, les dispositions de l'article 29 ne sont pas contraires aux exigences constitutionnelles précitées ;
17. Considérant que les autres dispositions du titre III, qui ont été adoptées sur le fondement du troisième alinéa de l'article 71-1 de la Constitution, sont conformes à la Constitution ;
- SUR LES TITRES IV ET V :
18. Considérant que le titre IV de la loi organique, relatif à l'organisation et au fonctionnement du Défenseur des droits, comprend les articles 37 à 39 ; qu'il est relatif aux services administratifs dont dispose le Défenseur des droits pour l'exercice de sa mission, aux règles de secret qui lui sont applicables ainsi qu'aux membres des collèges et aux personnels travaillant sous son autorité ; qu'il est conforme à la Constitution ; que toutefois, les dispositions de l'article 37, relatives aux services du Défenseur des droits, et celles de l'article 39, qui prévoient qu'il établit et rend public un règlement intérieur et un code de déontologie applicable aux personnels et aux collèges du Défenseur des droits, n'ont pas le caractère organique ;
19. Considérant que le titre V de la loi organique comprend les articles 40 à 44 ; que les articles 40 et 41 rendent incompatibles les fonctions de Défenseur des droits avec celles de membre du Conseil constitutionnel et de membre du Conseil supérieur de la magistrature ; que l'article 42 traite des inéligibilités applicables au Défenseur des droits ; que l'article 43 porte abrogation des textes auxquels la loi organique se substitue ; qu'il supprime notamment, dans diverses lois organiques, les dispositions relatives à la Commission nationale de déontologie de la sécurité, au Défenseur des enfants, à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et au Médiateur de la République ; que l'article 44 fixe les conditions d'entrée en vigueur de la loi organique ; que ces dispositions sont conformes à la Constitution ;
20. Considérant qu'à l'exception des articles 37 et 39, les dispositions de la loi examinée ont le caractère organique,
DÉCIDE :
Article 1er. - Sous les réserves énoncées aux considérants 6, 11 et 16, les articles 2, 11 et 29 de la loi organique relative au Défenseur des droits sont conformes à la Constitution.
Article 2. - Les autres dispositions de la même loi organique sont conformes à la Constitution.
Article 3. - Les articles 37 et 39 de la même loi organique n'ont pas le caractère organique.
Article 4. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 mars 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.