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12/05/2011 | CANADA | N°2011_CSC_24

Canada | Alberta c. Elder Advocates of Alberta Society, 2011 CSC 24 (12 mai 2011)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Alberta c. Elder Advocates of Alberta Society, 2011 CSC 24, [2011] 2 R.C.S. 261

Date : 20110512

Dossier : 33551

Entre :

Sa Majesté la Reine du chef de l’Alberta

Appelant

et

Elder Advocates of Alberta Society et James O. Darwish,

représentant personnel de la succession de Johanna H. Darwish, décédée

Intimés

- et -

Procureur général du Canada et

procureur général de la Colombie-Britannique

Intervenants

Traduction française officielle

C

oram : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell

Motifs de jugement :

(par. 1 à 103)

La ...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Alberta c. Elder Advocates of Alberta Society, 2011 CSC 24, [2011] 2 R.C.S. 261

Date : 20110512

Dossier : 33551

Entre :

Sa Majesté la Reine du chef de l’Alberta

Appelant

et

Elder Advocates of Alberta Society et James O. Darwish,

représentant personnel de la succession de Johanna H. Darwish, décédée

Intimés

- et -

Procureur général du Canada et

procureur général de la Colombie-Britannique

Intervenants

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell

Motifs de jugement :

(par. 1 à 103)

La juge en chef McLachlin (avec l’accord des juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell)

Alberta c. Elder Advocates of Alberta Society, 2011 CSC 24, [2011] 2 R.C.S. 261

Sa Majesté la Reine du chef de l’Alberta Appelante

c.

Elder Advocates of Alberta Society et

James O. Darwish, représentant personnel de

la succession de Johanna H. Darwish, décédée Intimés

et

Procureur général du Canada et

procureur général de la Colombie‑Britannique Intervenants

Répertorié : Alberta c. Elder Advocates of Alberta Society

2011 CSC 24

No du greffe : 33551.

2011 : 27 janvier; 2011 : 12 mai.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell.

en appel de la cour d’appel de l’alberta

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Alberta (les juges Conrad, Berger et Rowbotham), 2009 ABCA 403, 16 Alta. L.R. (5th) 1, 469 A.R. 270, 315 D.L.R. (4th) 59, [2010] 2 W.W.R. 197, 203 C.R.R. (2d) 344, 79 C.P.C. (6th) 19, 70 C.C.L.T. (3d) 30, 470 W.A.C. 270, [2009] A.J. No. 1336 (QL), 2009 CarswellAlta 1986, qui a infirmé en partie une décision de la juge Greckol, 2008 ABQB 490, 94 Alta. L.R. (4th) 10, 453 A.R. 1, [2008] 11 W.W.R. 70, 59 C.C.L.T. (3d) 23, 59 C.P.C. (6th) 243, [2008] A.J. No. 909 (QL), 2008 CarswellAlta 1104. Pourvoi accueilli en partie.

G. Alan Meikle, c.r., Ward K. Branch et Michael Sobkin, pour l’appelante.

Allan A. Garber et Nathan J. Whitling, pour les intimés.

Christine Mohr, pour l’intervenant le procureur général du Canada.

Anthony Fraser, pour l’intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique.

Version française du jugement de la Cour rendu par

[1] La Juge en chef — Une triste réalité sociale attend les personnes qui, lorsqu’elles avancent en âge, deviennent incapables de prendre soin d’elles‑mêmes et doivent vivre dans des établissements spéciaux qui fournissent, dans une mesure plus ou moins grande, de l’aide et des soins de santé. En Alberta, des soins de longue durée sont prodigués aux personnes âgées dans des foyers de soins infirmiers et des hôpitaux de soins prolongés. En principe, le gouvernement de l’Alberta prend à sa charge les frais médicaux des pensionnaires, mais on peut demander aux pensionnaires de payer des frais d’hébergement pour défrayer le coût de leur logement et de leurs repas. En l’espèce, 12 500 pensionnaires d’établissements de soins de longue durée (« ESLD ») de l’Alberta intentent un recours collectif et allèguent que le gouvernement a artificiellement augmenté la contribution des pensionnaires en vue de financer les frais médicaux qui relèvent normalement du gouvernement.

[2] Le groupe a déposé une déclaration dans laquelle il allègue que, par sa conduite, le gouvernement a manqué à son obligation fiduciaire, a fait preuve de négligence et de mauvaise foi dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ou s’est enrichi de façon injustifiée. Le groupe demande le remboursement des sommes payées en sus des frais d’hébergement permis, ou des dommages‑intérêts équivalant à ces sommes. L’action a été autorisée sur le fondement de ces allégations. Le groupe présente également une demande fondée sur le droit à l’égalité garanti par l’art. 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. L’Alberta ne sollicite pas la radiation de cette dernière demande, mais prétend que le groupe n’est pas justifié de présenter cette demande dans le cadre d’un recours collectif.

[3] À l’étape de l’autorisation du recours collectif, la province de l’Alberta a contesté les allégations d’obligation fiduciaire, de négligence et de mauvaise foi dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. La juge saisie de la demande d’autorisation du recours a radié l’allégation relative au manquement à l’obligation fiduciaire, et a partiellement limité l’application de l’obligation de diligence procédant du droit de la négligence (2008 ABQB 490, 94 Alta. L.R. (4th) 10). La Cour d’appel a confirmé le droit du groupe de demandeurs d’invoquer les trois causes d’action (2009 ABCA 403, 16 Alta. L.R. (5th) 1). La Couronne du chef de l’Alberta forme maintenant un appel devant notre Cour et prétend que toutes les allégations devraient être radiées et que l’autorisation accordée devrait être annulée.

[4] La présente décision ne tranche pas le bien‑fondé de l’action mais examine le caractère justifiable en droit des causes d’action invoquées. La question est celle de savoir si les actes de procédure, à supposer que les faits invoqués soient vrais, révèlent une cause d’action défendable. S’il est évident et manifeste que la demande ne peut être accueillie, elle devrait être radiée.

[5] Je conclus que les allégations relatives à l’obligation fiduciaire, à la négligence et à la mauvaise foi dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ne révèlent aucune cause d’action et devraient être radiées en entier, mais que l’allégation d’enrichissement injustifié devrait subsister. Ainsi, l’autorisation du recours collectif est confirmée et la réclamation fondée sur l’enrichissement injustifié peut être instruite conjointement avec la demande relative à la discrimination fondée sur le par. 15(1) de la Charte.

I. Contexte

[6] Puisque la présente action en est à l’étape préliminaire et que, pour les besoins du présent pourvoi, les faits invoqués sont tenus pour avérés, il est inutile d’examiner exhaustivement le contexte factuel et législatif. Un bref aperçu est néanmoins opportun pour comprendre le contexte des demandes.

[7] Lorsque cette action a été intentée, la province de l’Alberta et neuf autorités régionales de la santé (« ARS ») administraient le régime de soins de santé de l’Alberta et en assuraient la mise en œuvre en application de certaines lois et règlements interdépendants, dont la Alberta Health Care Insurance Act, R.S.A. 2000, ch. A‑20, la Nursing Homes Act, R.S.A. 2000, ch. N‑7, et la Hospitals Act, R.S.A. 2000, ch. H‑12. Les ARS recevaient de la province du financement de base afin d’assurer des services de soins de santé, et il leur incombait de gérer la prestation de services de santé : Regional Health Authorities Act, R.S.A. 2000, ch. R‑10, art. 5. Alberta Health Services est le successeur des neuf anciennes ARS. La présente action a été intentée contre les ARS et la Couronne du chef de l’Alberta, mais les ARS n’ont pas participé au présent pourvoi et font l’objet d’une action actuellement en instance. La réparation sollicitée devant notre Cour vise uniquement la Couronne du chef de l’Alberta.

[8] Selon la Loi canadienne sur la santé, L.R.C. 1985, ch. C‑6, une province n’a pas droit à la contribution du gouvernement fédéral pour des dépenses relatives aux soins de santé si elle permet l’imposition de frais modérateurs en vertu de son régime d’assurance‑santé, sous réserve de certaines exceptions. Par exemple, les frais modérateurs « imposés pour l’hébergement ou les repas fournis à une personne hospitalisée qui [. . .] souffre d’une maladie chronique et séjourne de façon plus ou moins permanente à l’hôpital ou dans une autre institution » sont autorisés : Loi canadienne sur la santé, par. 19(2). Le financement est accordé pour les soins de longue durée s’ils sont prodigués à titre de service hospitalier assuré : Loi canadienne sur la santé, art. 2.

[9] En Alberta, la province doit payer pour [traduction] « les prestations à l’égard des services de soins de santé offerts aux résidents [de la province] », sauf disposition contraire d’une loi ou d’un règlement : Alberta Health Care Insurance Act, par. 4(1). En général, les personnes soignées dans des hôpitaux en Alberta n’ont pas à payer les services assurés en vertu de la Loi canadienne sur la santé. Des frais modérateurs peuvent être imposés pour l’hébergement et les repas : Hospitals Act, par. 38(1) et 43(l).

[10] Les foyers de soins infirmiers, ou les ESLD, sont régis par la Nursing Homes Act et reçoivent du financement tant du gouvernement de l’Alberta, par l’intermédiaire des ARS, que des pensionnaires. Ces foyers — tenus par des exploitants privés ou les ARS et non par la province — peuvent imposer aux pensionnaires des frais d’hébergement pour le logement et les repas, sans dépasser le montant quotidien maximal prescrit par règlement : Nursing Homes Act, art. 8 et 24; Nursing Homes Operation Regulation, Alta. Reg. 258/85, par. 3(1). Les [traduction] « frais d’hébergement » s’entendent des « frais relatifs aux soins de santé imposés aux pensionnaires pour l’hébergement et les repas offerts dans un foyer de soins infirmiers ou dans un [hôpital approuvé qui prodigue des soins infirmiers] » : Nursing Homes Act, al. 1a) et par. 10(2). Les frais relatifs aux « soins de base » relèvent de la province : Alberta Health Care Insurance Act, art. 3 et 4.

[11] Les hôpitaux de soins prolongés, qui dispensent également des soins de longue durée aux patients qui souffrent d’une malade chronique, sont subventionnés et gérés de la même façon : Hospitals Act, al. 1c), par. 28(2) et art. 37, et Ministerial Order #1/2006. Les frais d’hébergement payés par les pensionnaires des hôpitaux de soins prolongés sont régis par l’art. 41 de la Hospitals Act et par l’al. 5(1)d) du Hospitalization Benefits Regulation, Alta. Reg. 244/90.

[12] Collectivement, ces frais d’hébergement font l’objet du présent litige.

[13] Les représentants des demandeurs sont James Darwish, en sa qualité de représentant personnel de la succession de sa mère, Johanna Darwish, et la Elder Advocates of Alberta Society, un organisme à but non lucratif. M. Darwish était le tuteur et le fiduciaire de sa mère lorsqu’elle vivait dans un ESLD; il est maintenant son exécuteur. Lorsqu’il a préparé pour sa mère la déclaration d’impôt sur les biens transmis par décès, l’ARS de la région l’a informé qu’environ les deux tiers des frais d’hébergement mensuels que sa mère payait visaient une [traduction] « partie des soins ». Il a conclu que le dernier tiers avait été alloué à l’hébergement et aux repas. M. Darwish prétend que l’allocation pour l’hébergement et les repas que les pensionnaires doivent payer excède le montant prescrit et oblige les pensionnaires à financer les frais médicaux qui relèvent entièrement de la province. Il prétend également que le régime législatif n’autorise pas l’Alberta à facturer ces frais médicaux aux pensionnaires. Conjointement avec la société Elder Advocates, M. Darwish a intenté une action pour recouvrer le versement excédentaire.

[14] Le 1er août 2003, le ministre de la Santé et du Bien‑être de l’Alberta a édicté l’art. 2 du Nursing Homes Operation Amendment Regulation, Alta. Reg. 260/2003, lequel a augmenté le montant maximum des frais d’hébergement que doivent payer les pensionnaires des foyers de soins infirmiers et des hôpitaux de soins prolongés de la province. Les demandeurs prétendent que le ministre a augmenté les frais admissibles même s’il savait que les ESLD avaient [traduction] « pris l’habitude » d’appliquer les frais d’hébergement « pour financer les soins de santé et pour compenser le financement pour les soins » et que, malgré cela, la province a enjoint aux exploitants de facturer le montant maximal permis.

[15] Les représentants des demandeurs ont sollicité l’autorisation d’un recours collectif en vertu de la Class Proceedings Act, S.A. 2003, ch. C‑16.5, affirmant que la province et les ARS n’ont pas veillé à ce que les sommes payées par les pensionnaires des ESLD pour [traduction] « l’hébergement et les repas » soient utilisées exclusivement à cette fin. Les demandeurs allèguent que la province est uniquement autorisée à facturer le coût réel de l’hébergement et des repas, et non à utiliser les montants perçus au taux maximal afin de financer le coût des soins de base. Ils affirment que les pensionnaires des établissements de soins de longue durée de l’Alberta ont été facturés en trop et sollicitent le remboursement du versement excédentaire ou des dommages‑intérêts.

II. Les décisions des tribunaux de l’Alberta

[16] Le groupe est composé d’environ 12 500 pensionnaires placés dans des ESLD en Alberta. Plus de la moitié sont âgés de 85 ans ou plus, et tous sont atteints d’une quelconque forme de maladie chronique ou d’une invalidité permanente. Ils ne sont pas en mesure de vivre seuls et nécessitent différents niveaux de soins, notamment de l’aide pour se nourrir, pour aller aux toilettes et pour d’autres aspects fondamentaux de la vie quotidienne.

[17] Les représentants des demandeurs ont invoqué de nombreuses causes d’action : (i) manquement à l’obligation fiduciaire; (ii) manquement à l’obligation de diligence; (iii) rupture de contrat; (iv) enrichissement injustifié; (v) mesure ultra vires; (vi) taxe ultra vires; et (vii) violation du par. 15(1) de la Charte. Ils ont également plaidé la [traduction] « mauvaise foi dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ». Je renvoie tout au long des présents motifs aux allégations figurant dans la deuxième nouvelle déclaration des demandeurs, déposée le 1er mars 2010.

[18] La juge saisie de la demande d’autorisation du recours collectif a approuvé la définition du groupe ainsi que 67 questions communes (2008 ABQB 490, 94 Alta. L.R. (4th) 10). Lorsqu’elle a décidé d’autoriser ces questions, la juge Greckol a refusé d’autoriser celles fondées sur l’obligation fiduciaire et sur la taxe ultra vires, les radiant de la demande parce que vouées à l’échec. Elle a également radié l’allégation d’obligation de diligence à l’égard de la fixation des frais d’hébergement, mais a autorisé l’allégation de négligence dans le contrôle de la perception et de la gestion des frais d’hébergement. En statuant que les demandeurs avaient respecté les exigences de l’autorisation, la juge Greckol a conclu qu’un recours collectif était la procédure qui convenait le mieux.

[19] La Cour d’appel a rejeté l’appel interjeté par la province et a accueilli un appel incident des représentants des demandeurs (2009 ABCA 403, 16 Alta. L.R. (5th) 1). À l’unanimité, la cour a rétabli l’allégation des demandeurs selon laquelle l’Alberta avait, envers le groupe, une obligation fiduciaire et ne l’a pas respectée. La province se pourvoit maintenant en appel devant notre Cour.

III. Analyse

[20] Le critère applicable à la radiation des actes de procédure n’est pas en litige. La question en litige est celle de savoir si les allégations contestées révèlent une cause d’action, à supposer que les faits invoqués soient vrais. S’il est manifeste et évident qu’une demande ne peut être accueillie, elle devrait être radiée : voir Hollick c. Toronto (Ville), 2001 CSC 68, [2001] 3 R.C.S. 158, par. 25; Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, p. 980.

[21] La question que nous devons trancher relativement à chaque allégation contestée est celle de savoir si ce critère est respecté, puis s’il y a lieu d’annuler le recours collectif.

A. L’allégation de manquement à une obligation fiduciaire

[22] La question est celle de savoir si l’allégation de manquement à une obligation fiduciaire révèle une cause d’action justifiable, si l’on considère que tous les faits invoqués sont vrais : Hollick, par. 25; Hunt, p. 991. L’obligation fiduciaire est une notion issue du droit des fiducies. Elle exige qu’une partie, le fiduciaire, fasse preuve de loyauté absolue envers une autre partie, le bénéficiaire ou le cestui que trust, dans la gestion des affaires de ce dernier.

[23] Le groupe de demandeurs prétend que les catégories d’obligations fiduciaires ne sont pas exhaustives et que ce principe fondamental appuie leur demande. Les représentants des demandeurs prétendent qu’ils ont invoqué suffisamment de faits pour faire valoir à tout le moins que l’obligation en question existe envers les membres vulnérables du groupe. À leur avis, l’obligation fiduciaire est un principe souple conçu pour la protection des personnes vulnérables contre l’abus de pouvoir et ne devrait pas présenter des obstacles insurmontables ni se confiner à des catégories limitées.

[24] À l’opposé, l’Alberta fait valoir qu’au vu des faits invoqués, elle n’a pas d’obligation fiduciaire envers le groupe de demandeurs. Selon elle, la doctrine qui permet l’imposition d’une obligation fiduciaire au gouvernement est étroitement circonscrite et ne s’applique pas à une demande comme celle visée en l’espèce. Conjointement avec les intervenants, le procureur général du Canada et le procureur général de la Colombie‑Britannique, l’Alberta prie notre Cour de préciser la démarche permettant de reconnaître l’existence d’obligations fiduciaires du gouvernement envers ses citoyens et de conclure que le gouvernement n’a aucune obligation dans les circonstances de l’espèce.

[25] Cette affaire soulève ainsi la question de savoir à quel moment les gouvernements, par opposition aux personnes physiques, peuvent être liés par une obligation fiduciaire. L’obligation fiduciaire est issue d’une doctrine de droit privé. Dans le passé, on a conclu à l’existence d’une obligation fiduciaire des représentants de l’État dans des circonstances restreintes, à savoir lorsqu’ils s’acquittent des responsabilités particulières de l’État envers les peuples autochtones et lorsque l’État agit en son nom personnel, comme dans son rôle de tuteur et de curateur public. La présente allégation ne fait pas partie de l’une ou l’autre de ces situations.

[26] À mon avis, les mêmes principes généraux s’appliquent aux entités privées et aux gouvernements, bien qu’ils puissent produire des effets différents lorsque la partie que l’on dit être le fiduciaire est une autorité publique. Par conséquent, je procéderai à l’examen des conditions nécessaires à l’imposition d’une obligation fiduciaire en général, et j’examinerai ensuite comment ces conditions s’appliquent dans le contexte gouvernemental.

(1) Les conditions générales d’une obligation fiduciaire

[27] Le groupe de demandeurs prétend que, en plus des catégories traditionnellement reconnues, comme la relation fiduciaire ou la relation avocat‑client, une obligation fiduciaire peut, en général, naître lorsqu’une personne exerce un pouvoir sur une autre personne « vulnérable ». Il s’appuie sur l’arrêt Frame c. Smith, [1987] 2 R.C.S. 99, où la juge Wilson, dont les motifs dissidents ont plus tard été adoptés et appliqués dans Lac Minerals Ltd. c. International Corona Resources Ltd., [1989] 2 R.C.S. 574, a énoncé les caractéristiques d’une obligation fiduciaire :

Les rapports dans lesquels une obligation fiduciaire a été imposée semblent posséder trois caractéristiques générales :

(1) le fiduciaire peut exercer un certain pouvoir discrétionnaire.

(2) le fiduciaire peut unilatéralement exercer ce pouvoir discrétionnaire de manière à avoir un effet sur les intérêts juridiques ou pratiques du bénéficiaire.

(3) le bénéficiaire est particulièrement vulnérable ou à la merci du fiduciaire qui détient le pouvoir discrétionnaire. [p. 136]

[28] Il est désormais clair que la vulnérabilité, à elle seule, ne suffit pas à justifier l’existence d’une obligation fiduciaire. Le juge Cromwell a donné l’explication qui suit au par. 67 de l’arrêt Galambos c. Perez, 2009 CSC 48, [2009] 3 R.C.S. 247 :

Le droit des fiducies se préoccupe notamment de la protection d’une partie contre l’exercice abusif du pouvoir par une autre partie dans certains types de relations ou dans des circonstances particulières. Toutefois, on donne une portée trop large au droit des fiducies si on affirme qu’il vise à protéger la partie ou les personnes vulnérables. Le droit vise à protéger les personnes vulnérables dans divers contextes et grâce à différentes doctrines.

Le juge Cromwell a conclu ce qui suit au par. 68 :

. . . bien que la vulnérabilité au sens large découlant de facteurs étrangers à la relation soit une considération pertinente, il importe avant tout de savoir dans quelle mesure elle résulte de la relation : Hodgkinson, p. 406. [Je souligne.]

[29] Si utiles que puissent être les trois « caractéristiques » mentionnées dans l’arrêt Frame pour expliquer la source des obligations fiduciaires, elles ne constituent pas un code complet permettant de reconnaître les obligations fiduciaires. Il ressort maintenant clairement des principes fondamentaux énoncés dans les arrêts Guerin c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 335, Hodgkinson c. Simms, [1994] 3 R.C.S. 377, et Galambos, que les éléments indiqués dans les paragraphes qui suivent sont ceux qui permettent de reconnaître l’existence d’une obligation fiduciaire dans les cas non visés par une catégorie existante de cas dans lesquels l’existence d’une obligation fiduciaire a été reconnue.

[30] D’abord, la preuve doit démontrer que le fiduciaire s’est engagé délibérément à agir au mieux des intérêts du bénéficiaire : Galambos, par. 66, 71 et 77‑78, et Hodgkinson, le juge La Forest, p. 409‑410. Comme le juge Cromwell l’a écrit dans Galambos, au par. 75 : « . . . il faut, dans tous les cas, un engagement du fiducial, exprès ou implicite, d’agir dans le respect du devoir de loyauté qui lui incombe. »

[31] L’existence et la nature de l’engagement reposent sur les normes relatives au rapport particulier : Galambos, par. 77. La partie invoquant l’obligation doit pouvoir démontrer que, relativement à l’intérêt juridique particulier en jeu, le fiduciaire a renoncé aux intérêts de toutes les autres parties en faveur de ceux du bénéficiaire.

[32] L’engagement peut découler de la relation entre les parties, d’une responsabilité imposée par une loi, ou d’une entente expresse que le fiduciaire agira en tant que fiduciaire des intérêts du bénéficiaire. Suivant l’arrêt Galambos au par. 77 :

L’engagement du fiducial peut résulter de l’exercice de pouvoirs conférés par la loi, des conditions — expresses ou implicites — d’une entente, ou, peut‑être, simplement de l’engagement d’agir ainsi. Lorsque la relation est en soi fiduciale, cet engagement sera fonction de la nature de la catégorie à laquelle la relation en question appartient. Le point central demeure qu’il y aura, tant dans les relations fiduciales en soi que dans les relations fiduciales ad hoc, un engagement du fiducial d’agir loyalement. [Je souligne.]

[33] Ensuite, l’obligation doit exister envers une personne ou un groupe de personnes définies, qui doivent être vulnérables par rapport au fiduciaire en ce sens que ce dernier exerce un pouvoir discrétionnaire sur eux. Les obligations fiduciaires n’existent pas en général; elles sont limitées à des relations précises entre des parties précises. En soi, les relations fiduciaires, historiquement reconnues, existent systématiquement dans les catégories de relations habituelles, comme celles entre le fiduciaire et le cestui que trust, l’exécuteur et le bénéficiaire, l’avocat et son client, le mandataire et le mandant, l’administrateur et la société, ainsi que le tuteur et le pupille ou le parent et l’enfant. À l’opposé, les relations fiduciaires ad hoc doivent être établies selon les circonstances de chaque cas.

[34] Enfin, pour établir l’existence d’une obligation fiduciaire, le demandeur doit démontrer que le pouvoir du fiduciaire peut avoir un effet sur les intérêts juridiques du bénéficiaire ou sur ses intérêts pratiques essentiels : Frame, la juge Wilson, p. 142.

[35] Dans les catégories habituelles de relation fiduciaire, la nature de la relation même définit l’intérêt en jeu. Toutefois, la partie cherchant à établir une obligation ad hoc doit être en mesure d’indiquer qu’un intérêt juridique ou un intérêt pratique essentiel identifiable est en jeu. L’exemple le plus évident est celui de l’intérêt à l’égard des biens, bien que d’autres intérêts reconnus par la loi puissent également être protégés.

[36] En bref, pour prouver l’existence d’une obligation fiduciaire ad hoc, le demandeur doit démontrer, en plus de la vulnérabilité découlant du rapport décrit par la juge Wilson dans l’arrêt Frame : (1) un engagement de la part du fiduciaire à agir au mieux des intérêts du bénéficiaire ou des bénéficiaires; (2) l’existence d’une personne ou d’un groupe de personnes définies vulnérables au contrôle du fiduciaire (le bénéficiaire ou les bénéficiaires); et (3) un intérêt juridique ou un intérêt pratique important du bénéficiaire ou des bénéficiaires sur lequel l’exercice, par le fiduciaire, de son pouvoir discrétionnaire ou de son contrôle pourrait avoir une incidence défavorable.

(2) Les obligations fiduciaires dans le contexte gouvernemental

[37] Les principes généraux précédemment analysés s’appliquent non seulement aux relations entre des particuliers, mais aussi dans les cas où il est allégué que le gouvernement a une obligation fiduciaire envers une personne ou un groupe de personnes. Or, les caractéristiques précises des responsabilités et des fonctions du gouvernement signifient que le gouvernement aura des obligations fiduciaires seulement dans des circonstances restreintes et particulières. Comme le juge Dickson (plus tard Juge en chef) l’a écrit au nom des juges majoritaires dans l’arrêt Guerin, à la p. 385 :

Il nous faut remarquer que, de façon générale, il n’existe d’obligations de fiduciaire que dans le cas d’obligations prenant naissance dans un contexte de droit privé. Les obligations de droit public dont l’acquittement nécessite l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ne créent normalement aucun rapport fiduciaire. Comme il se dégage d’ailleurs des décisions portant sur les « fiducies politiques », on ne prête pas généralement à Sa Majesté la qualité de fiduciaire lorsque celle‑ci exerce ses fonctions législatives ou administratives. [Je souligne.]

[38] Au nom de la Cour, le juge Binnie a réitéré ce principe dans Bande indienne Wewaykum c. Canada, 2002 CSC 79, [2002] 4 R.C.S. 245, au par. 96 : « La Couronne ne saurait être un fiduciaire ordinaire; elle agit en plusieurs qualités et représente de nombreux intérêts, dont certains sont immanquablement opposés ». L’arrêt Guerin a exceptionnellement reconnu une obligation fiduciaire de Sa Majesté lorsqu’elle gère les terres des Indiens pour leur bénéfice. Or, dans cette affaire, la Cour a indiqué à la p. 385 que l’obligation fiduciaire envers les peuples autochtones du Canada est unique et fondée par analogie sur le droit privé :

Cependant, ce n’est pas parce que c’est à Sa Majesté qu’incombe l’obligation d’agir pour le compte des Indiens que cette obligation échappe à la portée du principe fiduciaire. Comme nous l’avons souligné plus haut, le droit des Indiens sur leurs terres a une existence juridique indépendante. Il ne doit son existence ni au pouvoir législatif ni au pouvoir exécutif. L’obligation qu’a Sa Majesté envers les Indiens en ce qui concerne ce droit n’est donc pas une obligation de droit public. Bien qu’il ne s’agisse pas non plus d’une obligation de droit privé au sens strict, elle tient néanmoins de la nature d’une obligation de droit privé. En conséquence, on peut à bon droit, dans le contexte de ce rapport sui generis, considérer Sa Majesté comme un fiduciaire. [Je souligne.]

Soulignant la nature unique de l’obligation fiduciaire de Sa Majesté dans le contexte autochtone, les tribunaux ont indiqué qu’il faut établir une distinction entre cette obligation et d’autres rapports : Hogan c. Newfoundland (Attorney General) (2000), 183 D.L.R. (4th) 225 (C.A.T.‑N.), par. 66‑67.

[39] Dans R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075, la Cour a confirmé que l’obligation fiduciaire de Sa Majesté envers les peuples autochtones à l’égard de leurs terres est sui generis, à la p. 1108 :

La nature sui generis du titre indien de même que les pouvoirs et la responsabilité historiques de Sa Majesté constituent la source de cette obligation de fiduciaire. À notre avis, l’arrêt Guerin, conjugué avec l’arrêt R. v. Taylor and Williams (1981), 34 O.R. (2d) 360, justifie un principe directeur général d’interprétation du par. 35(1), savoir, le gouvernement a la responsabilité d’agir en qualité de fiduciaire à l’égard des peuples autochtones. Les rapports entre le gouvernement et les Autochtones sont de nature fiduciaire plutôt que contradictoire et la reconnaissance et la confirmation contemporaines des droits ancestraux doivent être définies en fonction de ces rapports historiques. [Je souligne.]

De même, dans Wewaykum, le juge Binnie a indiqué que l’obligation fiduciaire de Sa Majesté envers les peuples autochtones n’est pas restreinte aux cas où les faits soulèvent des « considérations participant “de la nature d’une obligation de droit privé” » (par. 74).

[40] La nature unique et historique des relations entre Sa Majesté et les peuples autochtones décrites dans ces arrêts annule la prétention du groupe de demandeurs selon laquelle elles servent de modèle quant à l’obligation du gouvernement envers ses citoyens dans d’autres contextes. Il en est de même à l’égard de la seule autre situation où une obligation fiduciaire de l’État a été reconnue — soit lorsque celui‑ci agit en qualité de tuteur et de curateur public.

[41] La nature particulière du contexte gouvernemental a une incidence sur les conditions d’une relation fiduciaire dont on vient de discuter.

[42] D’abord, la condition selon laquelle le fiduciaire doit s’engager à agir dans l’intérêt du bénéficiaire sera généralement absente si l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire du gouvernement est en cause.

[43] L’obligation est une obligation de loyauté absolue envers le bénéficiaire. Comme l’indique Finn, le principe fiduciaire [traduction] « n’a pas pour fonction de concilier les intérêts. Il doit garantir la suprématie des intérêts de l’une des parties [. . .] Les intérêts du bénéficiaire doivent être protégés. Pour ce faire, il faut appliquer un régime conçu pour garantir que ces intérêts seront servis avec loyauté » (P. D. Finn, « The Fiduciary Principle », dans T. G. Youdan, dir., Equity, Fiduciaries and Trusts (1989), 1, p. 27 (je souligne); voir également l’arrêt Hodgkinson, p. 468, les juges Sopinka et McLachlin (maintenant Juge en chef), dissidents).

[44] Obliger un fiduciaire à faire passer les intérêts du bénéficiaire avant les siens est donc essentiel à la relation. Imposer un tel fardeau à l’État va naturellement à l’encontre de son obligation d’agir au mieux des intérêts de la société dans son ensemble et de répartir les ressources limitées entre les groupes opposés dont les demandes d’aide sont tout aussi valables : Sagharian (Litigation Guardian of) c. Ontario (Minister of Education), 2008 ONCA 411, 172 C.R.R. (2d) 105, par. 47‑49. Cela ne se produira que dans de rares circonstances. Vu la responsabilité générale de l’État d’agir dans l’intérêt public, son obligation de loyauté envers une personne ou un groupe en particulier ne sera démontrée que dans de rares cas : voir Harris c. Canada, 2001 CFPI 1408, [2002] 2 C.F. 484, par. 178.

[45] S’il est allégué que l’engagement découle d’une loi, le libellé de la loi doit manifestement l’appuyer : K.L.B. c. Colombie‑Britannique, 2003 CSC 51, [2003] 2 R.C.S. 403, par. 40; Authorson c. Canada (Attorney General) (2000), 53 O.R. (3d) 221 (C.S.J.), par. 28, conf. (2002), 58 O.R. (3d) 417 (C.A.), par. 73, inf. pour d’autres motifs, 2003 CSC 39, [2003] 2 R.C.S. 40. Il ne suffit pas simplement de conférer à une autorité publique un pouvoir discrétionnaire ayant une incidence sur les intérêts d’une personne. Un examen minutieux des dispositions en litige est nécessaire : dans Guerin, les cours ont analysé le par. 18(1) de la Loi sur les Indiens, S.R.C. 1952, ch. 149 (lequel confirme l’obligation de Sa Majesté de gérer les terres indiennes à l’usage et au profit des Indiens); dans Authorson, les cours ont examiné la Loi sur les pensions, L.R.C. 1970, ch. P‑7, le par. 15(2) de la Loi sur les allocations aux anciens combattants, L.R.C. 1985, ch. W‑3, et la Loi des pensions, L.R.C. 1927, ch. 157 (laquelle énonce l’obligation du gouvernement de détenir et de gérer les fonds au nom et dans l’intérêt des anciens combattants inaptes et de leurs personnes à charge); et dans l’arrêt K.L.B., la Cour a conclu que la Protection of Children Act, R.S.B.C. 1960, ch. 303, ne prévoyait pas l’obligation invoquée.

[46] Si l’engagement allégué découle, par déduction, de la relation entre les parties, le contenu de l’obligation de l’État variera en fonction de la nature de la relation et devrait être fixé en nous intéressant à des cas analogues : K.L.B., par. 41.

[47] En règle générale, un lien étroit avec l’une des catégories habituelles de relation fiduciaire — entre le fiduciaire et le cestui que trust, l’exécuteur et le bénéficiaire, l’avocat et son client, le mandataire et le mandant, l’administrateur et la société, le tuteur et le pupille ou le parent et l’enfant — constitue une condition préalable pour pouvoir conclure à l’existence d’une obligation fiduciaire implicite de l’État.

[48] En somme, bien qu’il ne soit pas impossible pour un représentant de l’État de remplir les conditions d’un engagement qu’il a pris, ce sera rarement le cas. Ces conditions sont remplies à l’égard des peuples autochtones compte tenu des obligations que la Proclamation royale de 1763 (reproduite dans L.R.C. 1985, app. II, no 1) et la Loi constitutionnelle de 1982 imposent au gouvernement et des facteurs semblables à ceux que l’on trouve dans le secteur privé. Elles peuvent également l’être lorsque la relation est semblable à l’une de celles où l’obligation fiduciaire a été reconnue à l’égard des entités privées. Mais une obligation générale envers le public ou des secteurs du public ne peut remplir les conditions d’un engagement.

[49] Pour les mêmes raisons, lorsque le prétendu fiduciaire est l’État, il pourrait être difficile d’établir la deuxième condition, celle relative à la personne ou au groupe de personne définies qui sont vulnérables par rapport à l’exercice, par le fiduciaire, de son pouvoir discrétionnaire. En règle générale, le gouvernement doit agir dans l’intérêt de tous les citoyens : Bennett c. British Columbia, 2009 BCSC 1358 (CanLII), par. 61 et 71; et Drady c. Canada, 2007 CanLII 27970 (C.S.J. Ont.), par. 28, conf. 2008 ONCA 659, 300 D.L.R. (4th) 443, autorisation d’appel refusée, [2009] 1 R.C.S. viii. Il a le droit d’établir des distinctions entre différents groupes lorsqu’il impose un fardeau ou offre des prestations, sous réserve de l’art. 15 de la Charte, lequel interdit la discrimination. Comme l’indique l’arrêt Galambos, le demandeur doit démontrer que le fiduciaire a renoncé délibérément aux intérêts de toutes les autres parties en sa faveur ou en faveur de son groupe. Dans le contexte autochtone, une obligation exclusive relativement aux terres indiennes est établie par les responsabilités particulières de Sa Majesté envers cette partie de la population et aucune autre. De même, lorsque l’obligation de l’État est effectivement une obligation privée dont il s’acquitte, cette condition peut être établie. Sauf dans ces cas, il est difficile de démontrer l’existence d’un groupe de personnes précis envers qui le gouvernement a une obligation de loyauté exclusive.

[50] Il n’existe aucune obligation fiduciaire envers le public dans son ensemble et, généralement, il faut examiner chaque cas séparément pour établir l’existence d’une obligation fiduciaire envers une personne ou un groupe en particulier. Une obligation fiduciaire peut exister envers un groupe — par exemple, les adultes qui ont besoin d’un tuteur ou d’un curateur, ou les enfants qui ont besoin d’un tuteur — mais pour que l’on puisse reconnaître l’existence d’une obligation envers une personne, celle‑ci doit établir son appartenance au groupe en raison de sa situation unique. On n’a pas souvent conclu à l’existence d’obligations envers des groupes; jusqu’à maintenant, la seule obligation reconnue collectivement est celle de Sa Majesté envers les peuples autochtones à l’égard des terres détenues en fiducie pour eux.

[51] Enfin, lorsque l’on affirme que le gouvernement est le fiduciaire, il peut être difficile d’établir la condition selon laquelle le pouvoir contesté du gouvernement a une incidence sur un intérêt juridique ou un intérêt pratique important. Il ne suffit pas que les mesures qu’aurait prises le fiduciaire aient une incidence d’un caractère général sur le bien‑être, les biens ou la sécurité d’une personne. L’intérêt touché doit être un intérêt de droit privé précis sur lequel la personne exerçait déjà un droit distinct et absolu. À titre d’exemples de tels intérêts, mentionnons les droits de propriété, les intérêts analogues aux droits de propriété et les intérêts humains fondamentaux ou personnels du genre de ceux qui entrent en jeu lorsque l’État assume la tutelle d’un enfant ou d’une personne incapable. Le droit ne doit pas dépendre d’une mesure ultérieure de l’État. Par exemple, dans Authorson, le droit aux fonds avait entièrement été dévolu aux anciens combattants avant que Sa Majesté n’assume la responsabilité de l’administration de ces fonds : Authorson (C.A.), par. 60, 73b) et 73h); dans le contexte autochtone, voir Guerin, p. 385. Dans d’autres circonstances, une loi créant un droit absolu pourrait également donner naissance à une obligation fiduciaire de l’État relativement à l’administration de l’intérêt.

[52] L’accès à un régime de prestations à lui seul ne constituera pas un intérêt susceptible de donner naissance à une obligation fiduciaire. Bien qu’une prestation prévue par la loi puisse avoir une incidence sur le bien‑être financier de la personne qui la reçoit, en l’absence de preuve d’une intention autre du législateur, le droit à une telle prestation est une création du droit public et est assujetti aux obligations de droit public du gouvernement dans l’administration du régime.

[53] De plus, avant que l’on puisse conclure à l’existence d’une relation fiduciaire, le niveau de contrôle exercé par le gouvernement sur l’intérêt en question doit être équivalent ou semblable à l’administration directe de cet intérêt. Relativement aux prestations prévues par la loi, il ne suffit pas que le type de contrôle juridique sur un intérêt soit celui qui découle de l’exercice habituel de pouvoirs conférés par la loi. Sinon, le gouvernement serait tenu à des obligations fiduciaires dans la plupart de ses fonctions quotidiennes, ce qui rendrait difficile ou presque impossible la prise de mesures générales pour le bien public.

[54] Il appert donc qu’une application rigoureuse des conditions générales pour imposer une obligation fiduciaire limitera forcément les cas où l’on peut conclure à l’existence d’une obligation fiduciaire de l’État. Les demandes présentées contre le gouvernement qui ne respectent pas les conditions juridiques d’une obligation fiduciaire ne devraient pas être jugées recevables dans l’espoir qu’elles puissent finalement être accueillies. Le truisme selon lequel les catégories d’obligation fiduciaire ne sont pas exhaustives (comme l’a indiqué le juge Dickson dans l’arrêt Guerin, p. 384) ne justifie pas que l’on autorise l’instruction des demandes vouées à l’échec : voir M. V. Ellis, Fiduciary Duties in Canada (feuilles mobiles), p. 19‑3 et 19‑24.10. Dans les poursuites pour manquement à une obligation fiduciaire, les demandeurs doivent être prêts à accepter que leur réclamation soit examinée au stade du dépôt des actes de procédure, comme pour toute cause d’action.

(3) Application à l’espèce

[55] J’aborde maintenant l’application de ces principes au pourvoi dont nous sommes saisis. L’allégation d’obligation fiduciaire des demandeurs se trouve pour l’essentiel au par. 40 de la deuxième nouvelle déclaration :

[traduction] Sa Majesté avait envers les membres du groupe une obligation fiduciaire relativement à la mise en œuvre et à l’administration des frais d’hébergement afin de s’assurer que ces frais soient justes, raisonnables et justifiables, qu’ils reflètent le coût de l’hébergement et des repas et qu’ils servent au mieux leurs intérêts, ainsi que de veiller à ce que les sommes versées au titre des frais d’hébergement ne servent pas à financer le coût des soins de santé. [Je souligne.]

Voir également les par. 32‑42.

[56] Dans leurs allégations, les demandeurs mettent l’accent sur la vulnérabilité des membres du groupe :

[traduction] 34. Les membres du groupe sont frêles, âgés et ont des affections chroniques. Ils ne sont pas capables de prendre soin d’eux‑mêmes ou de vivre seuls. Ils comptent parmi les membres les plus vulnérables de notre société. Un médecin a déterminé que chaque membre du groupe requiert des soins de longue durée.

[57] Or, comme nous l’avons vu, la vulnérabilité à elle seule ne suffit pas pour établir une obligation fiduciaire. En l’espèce, la vulnérabilité des membres du groupe ne résulte pas de leur relation avec l’Alberta : Galambos, par. 67‑68. De plus, comme le souligne l’Alberta, les membres du groupe seront généralement encore capables de gérer leurs propres affaires ou seront bénéficiaires des obligations de leurs propres tuteurs et fiduciaires; la province n’est pas responsable d’eux. Les soins ne leur sont pas refusés et bien que leur situation financière puisse être touchée par l’imposition des frais d’hébergement, ce facteur, à lui seul, ne suffit pas pour justifier une obligation fiduciaire.

[58] Les demandeurs ne renvoient pas à une disposition législative, ni à quoi que ce soit dans les rapports de fait invoqués, qui étaye un engagement de l’Alberta de faire preuve, envers les membres du groupe de demandeurs, d’une loyauté exclusive pour ce qui est de la fixation, de la perception et de l’administration des frais d’hébergement. La Alberta Health Care Insurance Act oblige la province à fournir des soins de santé, dont des soins de longue durée, mais ne l’oblige pas à s’engager à agir au mieux des intérêts des résidents de l’Alberta en général, ou au mieux des intérêts des pensionnaires d’un ESLD en particulier. La loi n’oblige pas non plus le gouvernement à tenir compte des intérêts de quiconque lorsqu’il détermine la contribution qui peut être demandée aux pensionnaires. Il peut exister une relation fiduciaire entre les exploitants et les pensionnaires en ce qui a trait aux biens de ces derniers, mais aucune relation semblable n’est établie entre la province et les pensionnaires : Nursing Homes Act, par. 8(1); Nursing Homes General Regulation, Alta. Reg. 232/85, art. 4; Nursing Homes Operation Regulation, art. 8 et 9.

[59] Les demandeurs n’ont pas non plus invoqué suffisamment de faits pour établir que l’Alberta s’est engagée implicitement, envers les pensionnaires d’un ESLD, à agir avec une loyauté exclusive. Ils ne font référence à aucune obligation analogue en droit privé. Les faits invoqués n’établissent aucun engagement ni aucun fondement sur lequel un tel engagement pourrait être établi.

[60] En effet, les allégations n’indiquent pas clairement que l’État, par opposition à une personne physique, a une obligation fiduciaire. Bien que l’action ait été intentée contre Sa Majesté la Reine du chef de l’Alberta, les allégations dans les actes de procédure visent le ministre du Soutien aux aînés et aux collectivités ainsi que le ministère de la Santé et du Bien‑être de l’Alberta. Ainsi, il est difficile de déterminer les deuxième et troisième conditions d’un engagement envers un groupe défini à l’égard d’un intérêt juridique ou d’un intérêt pratique essentiel. Les allégations distinctes contre les ARS peuvent soutenir une cause d’action pour manquement à une obligation fiduciaire, une question dont nous ne sommes pas saisis, mais pas les allégations contre l’État. En l’absence d’allégations établissant que l’État a pris un engagement précis, comment pouvons‑nous savoir qui bénéficierait d’une telle obligation ou même connaître la nature de l’obligation? Autrement dit, les allégations contre l’État sont trop vagues pour permettre d’inférer qu’il a une obligation fiduciaire envers les demandeurs.

[61] Outre ces difficultés, l’intérêt juridique ou l’intérêt pratique essentiel, que les demandeurs décrivent dans les actes de procédures comme étant touché par l’exercice du pouvoir de l’État n’est pas suffisant pour faire naître une obligation fiduciaire. Les allégations portent sur le droit à des soins de longue durée et sur le droit d’être facturé à un prix raisonnable pour recevoir des soins. Le droit aux soins de longue durée découle exclusivement des textes législatifs, et nul ne conteste que l’Alberta continue de prodiguer ces soins. À la base, les demandeurs allèguent qu’ils paient un montant supérieur aux frais de repas et d’hébergement, de sorte que la province compense son obligation de payer les frais médicaux et empoche ainsi de l’argent auquel elle n’a pas droit. La situation n’est pas différente de celle dans Gorecki c. Canada (Attorney General) (2006), 208 O.A.C. 368, où le juge Sharpe s’est exprimé ainsi au par. 6 :

[traduction] Je conviens avec le juge des requêtes qu’il est évident et manifeste que l’action ne peut être accueillie sur le fondement des allégations de manquement à une obligation fiduciaire. La relation entre l’État et l’appelant découle entièrement des modalités du [Régime de pension du Canada], et la définition de cette relation prévue dans ses dispositions ne contient aucune caractéristique d’une obligation fiduciaire. Le RPC ne confère à l’État aucun pouvoir discrétionnaire d’agir dans l’intérêt de l’appelant. L’État ne s’engage pas à gérer les fonds du RPC dans l’intérêt de l’appelant. La seule obligation que le RPC impose à l’État ou que l’État assume est l’obligation de droit public de respecter les modalités du RPC. Cette obligation ne peut être à l’origine d’une obligation fiduciaire envers l’appelant.

[62] Enfin, je souligne que l’obligation fiduciaire précise que les demandeurs cherchent à établir se rapporte principalement à la fixation par règlement des frais d’hébergement. Il s’agit d’une fonction législative du gouvernement. Lorsque le gouvernement agit dans l’exercice de ses fonctions législatives, les tribunaux ont systématiquement conclu que cela ne donne lieu à aucune obligation fiduciaire : Guerin, p. 385; Wewaykum, par. 74. Les décisions quant à la façon de financer et de mettre en œuvre des services de soins de santé assurés exigent le maintien constant de l’équilibre des intérêts opposés des différentes parties de la population, puisque tous ont droit aux soins de santé. L’État ne serait pas en mesure de remplir ses obligations envers l’ensemble de la population si nous devions lui imposer une norme de conduite de nature fiduciaire envers un seul groupe parmi tant d’autres. Cet aspect de la demande est voué à l’échec.

[63] À mon avis, les faits tels qu’ils sont invoqués, et qui sont tenus pour avérés pour les besoins de la requête en cause, n’établissent pas une obligation fiduciaire de l’État. Par conséquent, je suis d’avis de radier l’allégation de manquement à une obligation fiduciaire.

B. L’allégation de négligence

[64] Le groupe de demandeurs plaide que l’Alberta a manqué à son obligation envers les membres du groupe d’agir avec la diligence requise, c’est‑à‑dire sans négligence. Il allègue ce qui suit :

[traduction] 43. Les défendeurs ont envers les membres du groupe une obligation de faire preuve de diligence, d’habileté et de prudence raisonnables à l’égard de la vérification, de la supervision, du contrôle et de la gestion (i) des prestations pour soins de santé versées par l’État aux autorités de la santé, (ii) des prestations pour soins de santé fournies par les autorités de la santé à des établissements de soins de longue durée et (iii) des frais d’hébergement payés par les membres du groupe, pour s’assurer que les frais d’hébergement soient équitables, justes et raisonnables, qu’ils reflètent les coûts réels de l’hébergement et des repas et qu’ils ne servent pas à financer en partie le coût des soins de santé. [Je souligne.]

[65] Je fais remarquer d’emblée que l’allégation de négligence s’accorde mal avec la portée générale du grief des demandeurs. Ce grief, considéré dans son ensemble, semble porter principalement sur des décisions législatives délibérées et des décisions de politique générale. La façon dont l’allégation de négligence est formulée le laisse entendre, car il est indiqué que l’obligation impose à l’État de « s’assurer » plutôt que de simplement agir avec diligence raisonnable. Cela dit, on pourrait soutenir que l’allégation évoque la négligence dans « la vérification, la supervision, le contrôle et la gestion des prestations de soins de santé ». L’obligation de diligence invoquée à l’égard de la fixation des frais d’hébergement a été radiée et cette décision n’a pas été portée en appel. Par conséquent, il est inutile d’examiner si cette allégation de négligence soulève une cause d’action donnant matière à procès.

[66] La question initiale et primordiale est celle de savoir si les allégations, à supposer que les faits invoqués soient vrais, emportent une obligation de diligence de la part de l’Alberta envers les membres du groupe de demandeurs. Il faut d’abord se demander si l’Alberta et les membres du groupe entretenaient une relation ayant donné lieu à une obligation de diligence prima facie, fondée sur la prévisibilité et la proximité. Si une obligation de diligence prima facie est établie, la deuxième étape consiste à se demander si elle est écartée par des considérations de politique générale : voir Anns c. Merton London Borough Council, [1978] A.C. 728 (H.L.); Ville de Kamloops c. Nielsen, [1984] 2 R.C.S. 2; Cooper c. Hobart, 2001 CSC 79, [2001] 3 R.C.S. 537, par. 30; et Renvoi relatif à Broome c. Île‑du‑Prince‑Édouard, 2010 CSC 11, [2010] 1 R.C.S. 360, par. 14.

[67] L’allégation soulevée en l’espèce n’a pas été reconnue précédemment comme donnant naissance à une obligation de diligence. Par conséquent, il nous faut examiner si elle remplit les conditions susmentionnées pour qu’une obligation de diligence soit reconnue : Childs c. Desormeaux, 2006 CSC 18, [2006] 1 R.C.S. 643, par. 15.

[68] En l’espèce, comme dans l’arrêt Broome, le groupe de demandeurs s’appuie sur les obligations que la loi impose à la province pour établir l’existence d’une obligation de diligence de droit privé. Essentiellement, ils allèguent que les obligations d’origine législative et réglementaire ont fait en sorte que l’Alberta entretient une relation de proximité avec les membres du groupe, et qu’il était raisonnablement prévisible que ces derniers soient touchés par le défaut du gouvernement de s’acquitter de ces obligations sans négligence. L’analyse prévue dans l’arrêt Cooper s’applique aux demandes fondées sur des obligations d’origine législative. Comme le juge Cromwell l’a affirmé au nom de notre Cour dans Broome, au par. 13 :

C’est [le critère Anns/Kamloops] qu’il convient d’appliquer en l’espèce, même si les appelants invoquent principalement des obligations d’origine législative. De telles obligations n’engendrent généralement pas, à elles seules, des obligations de diligence de droit privé. Le critère Anns/Kamloops sert à déterminer si des entités publiques, comme des entités privées, ont envers des particuliers une obligation de diligence de droit privé habilitant ces derniers à poursuivre les entités publiques au civil . . .

[69] Pour déterminer si une obligation de diligence repose sur le gouvernement, il faut procéder à un « examen des attributions pertinentes que la Loi confère » à l’entité gouvernementale : Cooper, par. 45. Voir également Broome, par. 20; Syl Apps Secure Treatment Centre c. B.D., 2007 CSC 38, [2007] 3 R.C.S. 83, par. 27.

[70] En l’espèce, le régime législatif n’impose pas à l’État l’obligation d’agir pour le bénéfice des membres du groupe à l’égard des frais d’hébergement. Un examen des dispositions pertinentes révèle que le ministre a l’obligation générale de fournir des services de soins de santé assurés : Alberta Health Care Insurance Act, art. 3. Or, les demandeurs n’ont pu appuyer sur les dispositions l’existence d’une obligation de vérifier, de superviser, de contrôler ou de gérer les fonds liés aux frais d’hébergement. La Nursing Homes Act n’impose à l’État aucune obligation positive, elle ne lui confère que des pouvoirs de contrôle facultatifs. Les exigences de rendre compte sont discrétionnaires (c.‑à‑d. à la demande du ministre). Bien que ces exigences remontent la voie hiérarchique (c.‑à‑d. que l’ARS ou l’exploitant doit rendre compte au ministre), le ministre n’est pas tenu de répondre : Nursing Homes Act, art. 12 et 19. Il en va de même pour les règlements d’application de cette Loi (le Nursing Homes General Regulation et le Nursing Homes Operation Regulation), pour la Regional Health Authorities Act, art. 9, 13, 14 et 21, et ses règlements d’application, ainsi que pour la Hospitals Act, art. 25‑27 et 29, et ses règlements d’application. Il y a lieu d’établir une distinction entre l’espèce et Brewer Bros. c. Canada (Procureur général), [1992] 1 C.F. 25 (C.A.), sur lequel s’appuient les demandeurs, où la loi en question imposait à l’autorité publique une obligation positive d’agir.

[71] Pour ces motifs, je conclus que le régime législatif n’impose pas une obligation de diligence à l’Alberta. Toutefois, le groupe de demandeurs prétend également que par sa conduite, l’Alberta a établi un rapport suffisamment étroit pour donner naissance à une obligation de diligence. Les demandeurs invoquent, d’une façon générale, le fait que l’Alberta supervisait, contrôlait et gérait les frais d’hébergement. Plus précisément, ils insistent sur le fait que l’Alberta a ordonné aux autorités de la santé de facturer aux membres du groupe le montant maximum des frais d’hébergement, sans tenir compte des coûts réels de l’hébergement et des repas, et que les renseignements concernant les taux ont été transmis par les autorités de la santé directement aux membres du groupe sur l’ordre de l’Alberta. Selon eux, ces éléments sont suffisants pour faire naître une relation de proximité.

[72] En l’absence d’une obligation d’origine législative, le fait que l’Alberta peut avoir vérifié, supervisé, contrôlé et généralement géré les frais d’hébergement contestés ne crée pas un lien de proximité suffisant pour imposer une obligation de diligence prima facie. Comme la Cour l’a affirmé dans Broome, au par. 40 :

Même dans l’hypothèse où il y aurait lieu de retenir l’interprétation selon laquelle il existait une obligation d’inspecter le Children’s Home, la loi ne donne, d’après le dossier dont je suis saisi, aucune indication quant à l’objet ou à la portée de telles inspections, elle ne prescrit aucune norme à appliquer et elle n’exige la prise d’aucune mesure à la suite de l’inspection. Aucune source n’est invoquée à l’appui de la proposition suivant laquelle une obligation d’inspection ainsi réduite au minimum pourrait permettre de conclure à l’existence d’un lien de proximité entre le directeur et les enfants. [Je souligne.]

Les actes allégués, à savoir que l’Alberta a fixé les frais et que les autorités de la santé ont transmis ce renseignement aux membres du groupe de demandeurs, relèvent de l’administration du régime. Comme dans l’arrêt Broome, la simple prestation d’un service ne suffit pas, à elle seule, pour établir une relation de proximité entre le gouvernement et les demandeurs.

[73] Par conséquent, à supposer que les faits invoqués soient vrais, je conclus que l’allégation de négligence est vouée à l’échec à la première étape du critère retenu dans les arrêts Anns et Cooper. En l’absence d’une obligation d’origine législative de prendre les mesures qui, selon les demandeurs, ont été prises négligemment, la relation de proximité nécessaire entre l’Alberta et les demandeurs ne peut être établie.

[74] Si les allégations franchissaient avec succès la première étape du critère Anns/Cooper, elles devraient être rejetées à la deuxième étape, où il faut se demander si l’obligation de diligence prima facie est écartée par des considérations de politique générale. Si le défendeur est une entité publique, il peut être difficile d’inférer une obligation de diligence de droit privé en se fondant sur des obligations d’origine législative. Cette inférence doit respecter le rôle constitutionnel particulier de ces institutions : Welbridge Holdings Ltd. c. Greater Winnipeg, [1971] R.C.S. 957, le juge Laskin (plus tard Juge en chef), s’exprimant au nom de la Cour. Se rattache à cette préoccupation la crainte que le gouvernement soit constamment exposé à des recours privés, ce qui peut grever les ressources publiques et freiner l’intervention du gouvernement. Il est possible de soutenir que l’imposition d’une obligation de diligence envers le groupe de demandeurs, au vu des faits allégués, autorisait à invoquer la négligence tout patient du système de santé ayant droit au financement des services de santé, qu’ils soient primaires ou complémentaires. Cela évoque le risque d’une responsabilité illimitée envers un groupe indéterminé, ce que déplorait le juge en chef Cardozo dans Ultramares Corp. c. Touche, 174 N.E. 441 (N.Y. 1931), p. 444 : voir Design Services Ltd. c. Canada, 2008 CSC 22, [2008] 1 R.C.S. 737, par. 59‑66.

[75] Pour ces motifs, je suis d’avis que les allégations ne révèlent pas une obligation de diligence et que la cause d’action telle qu’elle a été plaidée est vouée à l’échec. Par conséquent, je suis d’avis de radier en totalité l’allégation de négligence.

C. L’allégation de mauvaise foi

[76] Le groupe de demandeurs fait valoir qu’en demandant aux exploitants des ESLD de facturer, relativement à l’hébergement et aux repas, le montant maximum que permettaient les règlements, le ministre de la Santé et du Bien‑être a fait preuve de mauvaise foi dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Les demandeurs affirment que le ministre a donné ses directives en sachant très bien que certains exploitants des ESLD avaient l’habitude d’employer le surplus des frais d’hébergement pour financer les soins de base et les frais d’exploitation qui sont normalement la responsabilité de l’exploitant et de la province. Selon eux, cette insouciance et ce dérèglement dans l’exercice du pouvoir est suffisant pour établir une cause d’action distincte fondée sur la mauvaise foi.

[77] Je souscris aux observations de la province selon lesquelles l’allégation de mauvaise foi, telle qu’elle est invoquée, est liée au manquement allégué à l’obligation de diligence et doit être écartée si l’allégation de négligence est radiée. Les allégations révèlent le lien explicite entre la mauvaise foi et la négligence :

[traduction]

Négligence : manquement à l’obligation de diligence et mauvaise foi

. . .

44. En violation de leur obligation de diligence et en agissant de façon imprudente, arbitraire et de mauvaise foi, les défendeurs n’ont fait aucunement preuve, ou n’ont pas fait suffisamment preuve, de diligence, d’habileté et de prudence dans la vérification, la supervision, le contrôle et la gestion (i) des prestations pour soins de santé versées par l’État aux autorités de la santé, (ii) des prestations pour soins de santé fournies par les autorités de la santé à des établissements de soins de longue durée et (iii) des frais d’hébergement payés par les membres du groupe. En particulier, les manquements suivants sont reprochés aux défendeurs, lesquels ont agi imprudemment, arbitrairement et de mauvaise foi :

a) ils ne se sont appuyés sur aucun fondement rationnel pour déterminer en quoi consistent l’hébergement et les repas;

b) ils ne se sont appuyés sur aucun fondement rationnel pour calculer le coût réel de l’hébergement et des repas ou les frais d’hébergement;

c) ils ne se sont appuyés sur aucun fondement rationnel pour séparer ou distinguer le coût de soins de santé, lesquels relèvent des défendeurs, des frais d’hébergement, lesquels relèvent des membres du groupe;

d) ils n’ont effectué aucune analyse pour déterminer le coût réel de l’hébergement et des repas et ont perçu, directement ou par l’intermédiaire de leurs mandataires, le montant maximum des frais d’hébergement dans la province de l’Alberta (à quelques exceptions près[)];

e) ils n’ont pas rendu compte ni exigé qu’on rende compte aux membres du groupe de l’utilisation faite des sommes payées par les membres du groupe à titre de frais d’hébergement;

f) ils n’ont mis en place aucun dossier ou système de déclaration, de comptabilité ou financier, ou n’ont pas mis en place un dossier ou système de déclaration, de comptabilité ou financier adéquat;

g) ils ont permis que l’on réclame aux membres du groupe le coût de soins de santé qui relèvent des défendeurs, y compris notamment [une liste détaillée suit] ou, subsidiairement, n’ont pas empêché que ces coûts leurs soient réclamés;

h) par lettre datée du 1er août 2003, l’État, par l’intermédiaire de son ministre du Soutien aux aînés et aux collectivités, a illégalement [liste des mesures particulières omise].

Décisions de politique générale : manquement à une obligation de diligence et mauvaise foi

. . .

49. En violation de son obligation de diligence et en agissant de façon imprudente, arbitraire et de mauvaise foi, l’État a, conformément à ces lettres, illégalement et indûment demandé aux autorités de la santé prédécesseures et à leurs mandataires d’exiger le montant maximum des frais d’hébergement, malgré le libellé facultatif et discrétionnaire du par. 3(1) du Nursing Homes Operation Regulation et du par. 8(2) de la Nursing Homes Act, de sorte que les membres du groupe, à quelques exceptions près, ont dû payer le montant maximum des frais d’hébergement sans égard au coût réel de l’hébergement et des repas.

50. De plus, en violation de son obligation de diligence et en agissant de façon imprudente, arbitraire et de mauvaise foi, l’État a, conformément à ces lettres, illégalement et indûment demandé aux autorités de la santé prédécesseures et à leurs mandataires de facturer aux membres du groupe le coût des soins de santé fixés à l’alinéa 44g) ci‑dessus dans les cas suivants :

a) lorsque ces coûts constituent des coûts de soins de santé prévus par la Nursing Homes Act et ses règlements d’application, par la Hospitals Act et ses règlements d’application, ainsi que par la directive ministérielle D‑317;

b) lorsque, selon l’État — lequel l’a depuis reconnu — , ces coûts et services relevaient des défendeurs;

c) lorsque, selon l’État — lequel l’a depuis reconnu — , ces coûts faisaient partie du financement de base pour les soins de santé qu’il fournissait aux autorités de la santé.

51. En raison de la négligence, de la prise de mesures ultra vires et de la mauvaise foi des défendeurs :

a) il n’existait aucun lien raisonnable entre les frais d’hébergement et le coût de l’hébergement et des repas;

b) les membres du groupe ont payé des frais d’hébergement contraires à la Hospitals Act et à la Nursing Homes Act;

c) le droit des membres du groupe aux services de soins de santé et aux avantages en matière de santé financés par l’État a été enfreint;

d) sous le couvert des frais d’hébergement, les membres du groupe ont payé des frais d’hébergement comprenant le coût des services de soin de santé et des avantages en matière de santé qu’ils avaient le droit de recevoir gratuitement, comme l’indique l’alinéa 41i) ci‑dessus.

52. En raison de la négligence et de la mauvaise foi des défendeurs, les membres du groupe ont subi des dommages et des pertes. [Je souligne.]

[78] Le droit ne reconnaît pas la possibilité d’intenter une action indépendante pour mauvaise foi. Comme la juge saisie de la demande d’autorisation du recours collectif l’a indiqué au par. 408, lorsqu’une autorité gouvernementale fait preuve de mauvaise foi dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, cet exercice peut, à juste titre, faire l’objet d’un contrôle judiciaire. En matière de responsabilité délictuelle, cet exercice constitue une faute dans l’exercice d’une charge publique et, en droit du travail, il est pertinent aux circonstances du congédiement. Le simple fait d’avoir agi de mauvaise foi ne donne pas lui‑même ouverture à un droit d’action.

[79] À l’audience, l’avocat des demandeurs a cherché à plaider que nous devrions interpréter l’allégation de mauvaise foi comme révélant l’existence du délit de faute dans l’exercice d’une charge publique : Succession Odhavji c. Woodhouse, 2003 CSC 69, [2003] 3 R.C.S. 263. Malgré la difficulté que comporte le fait d’avoir soulevé cette interprétation des allégations pour la première fois en réponse durant l’audition, je ne vois pas comment cette demande peut être accueillie en droit : les faits nécessaires pour étayer une telle allégation ne peuvent se dégager des allégations de négligence et d’obligation fiduciaire, et le tribunal n’est pas obligé de deviner des causes d’action autres que celles délibérément invoquées et plaidées par une partie. La faute dans l’exercice d’une charge publique n’a pas été soulevée devant les tribunaux inférieurs, et je n’accepterais pas d’examiner une telle prétention aujourd’hui.

[80] Pour ces motifs, l’allégation de mauvaise foi devrait être radiée.

D. L’allégation d’enrichissement injustifié

[81] Les représentants des demandeurs ont présenté une demande de restitution. Essentiellement, ils allèguent qu’en les facturant en trop pour l’hébergement et les repas, le gouvernement s’est servi de leur argent pour compenser partiellement ses obligations en vertu du régime de la santé, ce qu’il n’avait pas le droit de faire. Ils ont affirmé que le gouvernement s’était donc injustement enrichi et qu’on devrait lui ordonner de rembourser le surplus d’argent ainsi obtenu. Voici ce qu’ils ont invoqué à l’égard de l’enrichissement injustifié :

[traduction]

Restitution

. . .

54. Les membres du groupe, à de rares exceptions près, ont payé le montant maximal permis par le par. 3(1) du Nursing Homes Operation Regulation, A.R. 258/85 et ses modifications, de sorte que les membres du groupe ont subi un appauvrissement égal au montant des frais d’hébergement.

55. Le paiement des frais d’hébergement constituait un avantage correspondant pour les défendeurs en ce que les paiements leur ont permis de ne pas payer les dépenses qu’ils devaient inévitablement payer conformément à la Hospitals Act, à la Nursing Homes Act et à la Ministerial Directive D‑317.

56. Aucun motif juridique ne justifie l’appauvrissement des membres du groupe et l’avantage correspondant qu’ont tiré les défendeurs, et ce, pour les raisons suivantes :

a) Le paragraphe 19(2) de la Loi canadienne sur la santé, L.R. 1985, ch. C‑6, le par. 3(1) du Nursing Homes Operation Regulation, le par. 8(2) de la Nursing Homes Act, l’al. 5(1)d) et le par. 5(8) du Hospitalization Benefits Regulation, et les lettres, sont inopérants en ce qu’ils contreviennent à l’art. 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »), puisqu’ils permettent l’imposition aux membres du groupe de frais d’hébergement qui ne peuvent pas être imposés à d’autres patients uniquement sur le fondement de l’âge ou des incapacités mentales ou physiques des membres du groupe, qui ne sont pas justifiables au regard de l’article premier de la Charte et qui sont inopérants par application de l’art. 52 de la Loi constitutionnelle de 1982;

b) Le paragraphe 3(1) du Nursing Homes Operation Regulation, l’al. 5(1)d) et le par. 5(8) du Hospitalization Benefits Regulation, et les lettres, sont ultra vires et inopérants en ce qu’ils sont contraires à la Nursing Homes Act et à la Hospitals Act, ils visent à autoriser l’imposition aux membres du groupe de frais pour des produits et services autres que l’hébergement et les repas, y compris notamment [liste des produits et services omise], qui relèvent tous des défendeurs;

c) Les lettres sont ultra vires et inopérantes en ce que les établissements de soins de longue durée n’avaient aucunement l’obligation d’exiger le montant maximal des frais d’hébergement, et les membres du groupe n’avait aucunement l’obligation de payer le montant maximal;

d) En août 2003, aucune loi n’accordait au ministre du Soutien aux aînés et aux collectivités un pouvoir à l’égard de la fixation et du contrôle des frais d’hébergement; . . . [Je souligne.]

[82] Ces allégations reflètent le critère applicable en matière d’enrichissement injuste énoncé au par. 30 de l’arrêt Garland c. Consumers’ Gas Co., 2004 CSC 25, [2004] 1 R.C.S. 629 :

En général, le critère applicable en matière d’enrichissement sans cause est bien établi au Canada. La cause d’action comporte trois éléments : (1) l’enrichissement du défendeur, (2) l’appauvrissement correspondant du demandeur et (3) l’absence de motif juridique justifiant l’enrichissement . . .

Les économies réalisées en ne payant pas une dépense inévitable peuvent constituer un enrichissement du défendeur : Garland, par. 31.

[83] À cet égard, l’Alberta affirme essentiellement que l’allégation d’enrichissement injuste est vouée à l’échec parce que la doctrine ne s’applique pas à une autorité publique dans un cas comme celui en l’espèce. Les gouvernements édictent des lois et des règlements qui obligent les citoyens à verser de l’argent au gouvernement dans diverses situations et, en règle générale, le citoyen ne devrait pas avoir le droit de recouvrer ces versements. L’Alberta prétend que cette position est justifiée eu égard à la politique générale de l’État; les gouvernements ne devraient pas être tenus de justifier indéfiniment la perception des frais effectuée conformément à des lois ou des règlements valides.

[84] En réalité, la situation n’est pas si simple. Comme l’indique habilement un auteur, au Canada, l’application aux autorités publiques des principes en matière de restitution [traduction] « est une question de subtilité » : P. D. Maddaugh et J. D. McCamus, The Law of Restitution (feuilles mobiles), p. 22‑1. Selon la règle classique de la common law, le recouvrement d’une somme auprès des autorités publiques n’a été reconnu que sur le fondement du colore officii (les représentants du gouvernement demandent illégalement aux citoyens de payer des sommes pour recevoir des avantages auxquels ils ont légalement droit) ou de la contrainte (réelle ou implicite). Les paiements effectués conformément à des textes législatifs valides étaient potentiellement recouvrables; ceux effectués conformément à des lois ultra vires ne l’étaient pas nécessairement.

[85] La doctrine traditionnelle, bien qu’elle s’applique dans certaines circonstances, a suscité des critiques parce qu’elle engendre des résultats incohérents et inéquitables. En réponse à ces préoccupations, une série de décisions judiciaires a restreint la portée de la doctrine.

[86] Ainsi, notre Cour a conclu que les avantages dont profite le gouvernement en raison d’une erreur de droit peuvent être recouvrés, pourvu que le paiement en question soit attribuable à l’erreur : Air Canada c. Colombie‑Britannique, [1989] 1 R.C.S. 1161, p. 1200‑1201, le juge La Forest, au nom de trois des six membres de la Cour, en obiter. Le gouvernement peut donc être tenu de restituer les paiements qu’il a illégalement exigés en raison d’une mauvaise interprétation d’une loi valide.

[87] Notre Cour a également statué que les avantages reçus par le gouvernement conformément à une loi invalide peuvent être recouvrables si le paiement résulte d’une obligation pratique ou de la contrainte : Succession Eurig (Re), [1998] 2 R.C.S. 565, p. 587, le juge Major, au nom des juges majoritaires. Dans cet arrêt, la Cour ne s’est pas prononcée sur la possibilité de recouvrer des paiements effectués en vertu d’une loi valide en l’absence de contrainte : Succession Eurig.

[88] En outre, les tribunaux ont statué que les avantages conférés en vertu d’un accord conclu avec une autorité publique sont recouvrables dans une demande de restitution si cet accord outrepasse les pouvoirs de l’institution publique : Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville), 2004 CSC 75, [2004] 3 R.C.S. 575.

[89] Tout récemment, dans Kingstreet Investments Ltd. c. Nouveau‑Brunswick (Finances), 2007 CSC 1, [2007] 1 R.C.S. 3, le juge Bastarache a conclu au nom de notre Cour que les taxes perçues par les autorités publiques sur le fondement d’une loi ultra vires sont recouvrables lorsque la loi est jugée inconstitutionnelle. Il est généralement possible « d’invoquer les règles relatives à la restitution pour recouvrer des sommes perçues en vertu de dispositions législatives ultérieurement déclarées ultra vires » : par. 12. Le juge Bastarache a indiqué que si la demande vise des taxes inconstitutionnelles, elle doit être intentée sur le fondement des principes de droit public et non des règles de droit privé en matière d’enrichissement injuste. Toutefois, il a ajouté que les « actions en enrichissement sans cause contre le gouvernement peuvent tout de même être indiquées dans certains cas » : par. 34. Bien que la Cour ait rejeté l’obiter du juge La Forest dans Air Canada, p. 1203‑1204, selon lequel il ne devrait jamais être possible de recouvrer des sommes versées en vertu d’une loi ultra vires, le juge Bastarache n’est pas allé jusqu’à faire siens les motifs dissidents de la juge Wilson à cet égard (p. 1214‑1215), qui aurait permis le recouvrement dans les cas d’enrichissement injustifié.

[90] L’Alberta prétend que selon l’arrêt Kingstreet, une action en enrichissement injustifié ne peut être intentée contre le gouvernement. Selon la province, la seule voie de recours relève des principes de droit public, par exemple une demande fondée sur la faute dans l’exercice d’une charge publique. Le groupe de demandeurs rétorque que l’Alberta interprète l’arrêt Kingstreet de manière trop restrictive. Il se fonde sur la déclaration du juge Bastarache selon laquelle les « actions en enrichissement sans cause contre le gouvernement peuvent tout de même être indiquées dans certains cas ».

[91] À mon sens, la Cour a indiqué dans l’arrêt Kingstreet que les recours de droit public, plutôt que l’action en enrichissement injustifié, constituent la démarche à suivre pour présenter une demande de restitution de taxes perçues en vertu d’une loi ultra vires parce que le cadre de l’enrichissement injustifié n’est pas approprié s’il faut traiter les questions que soulève le caractère ultra vires d’une mesure. Toutefois, l’arrêt Kingstreet n’écarte pas la possibilité d’une action en enrichissement injustifié dans d’autres circonstances. En l’espèce, on ne réclame pas des taxes payées en vertu d’une loi ultra vires. La décision de notre Cour dans l’arrêt Kingstreet ne fait donc pas obstacle à la demande. Il y a lieu de permettre que la demande fasse l’objet d’un procès, et le bien‑fondé de l’allégation d’enrichissement injustifié pourra y être examiné de façon plus approfondie en fonction de la preuve présentée.

[92] Pour la question de savoir s’il existe un motif juridique, l’Alberta prétend que le règlement fixant le montant maximum des frais d’hébergement permis répond entièrement à toute demande de restitution. Toutefois, la prétention selon laquelle le règlement est lui‑même invalide est fondée sur la Charte et assujettie aux réparations que prévoit la Charte.

[93] L’Alberta prétend que la cause d’action pour enrichissement injustifié doit être rejetée parce qu’il existe un lien entre la perception et ce qu’il en coûte pour fournir les services ou les avantages. La province prétend que les règlements applicables ne sont donc pas ultra vires. Toutefois, le caractère suffisant du lien est une question de raisonnabilité : voir 620 Connaught Ltd. c. Canada (Procureur général), 2008 CSC 7, [2008] 1 R.C.S. 131, par. 19, le juge Rothstein au nom de la Cour. Il convient mieux d’examiner cette question au procès plutôt que dans le cadre d’une requête en radiation.

[94] Enfin, l’Alberta plaide que la réclamation pour enrichissement injustifié constitue simplement une autre façon d’invoquer le manquement à l’obligation fiduciaire et la négligence, et devrait donc être radiée. Je ne puis accepter cet argument. L’allégation d’enrichissement injustifié repose sur un fondement juridique différent des allégations de manquement à l’obligation fiduciaire ou de négligence et selon les principes de droit que nous venons d’examiner, elle devrait être conservée. Je signale en outre que les restrictions énoncées dans Welbridge en ce qui concerne les poursuites en responsabilité délictuelle contre les gouvernements (par opposition aux acteurs gouvernementaux) ne s’appliquent pas aux actions en restitution : Peel (Municipalité régionale) c. Canada, [1992] 3 R.C.S. 762.

[95] En résumé, les demandeurs plaident les trois éléments de l’enrichissement injustifié — l’avantage, l’appauvrissement et l’absence de motifs juridiques justifiant l’appauvrissement. Peu importe si la demande a des chances d’être accueillie ou non, il n’est pas clair et évident qu’elle ne révèle aucune cause d’action et il faudrait permettre qu’elle soit instruite. Comme la juge de première instance l’a fait observer à juste titre au par. 443 :

[traduction] Je suis convaincue que la cause d’action fondée sur l’enrichissement injustifié ainsi que la demande de restitution ne sont pas vouées à l’échec; elles sont plutôt analytiquement défendables, bien que novatrices, voire discutables. Je ne saurais affirmer qu’il est « évident et manifeste » qu’il n’y a lieu à aucune réclamation, ni que les allégations ne révèlent aucune cause d’action fondée sur l’enrichissement injustifié qui pourrait être accueillie. [En italique dans l’original.]

[96] Je suis d’avis que l’allégation d’enrichissement injustifié peut être instruite.

E. L’allégation de discrimination fondée sur le par. 15(1)

[97] Les demandeurs font valoir que l’obligation faite aux membres du groupe de payer les frais de soins de santé contrevient au par. 15(1) de la Charte. Ils affirment que les frais ont été imposés uniquement sur le fondement de l’âge, de l’incapacité mentale et de la déficience physique des membres du groupe, ou d’une combinaison de ces facteurs, et que la violation de leur droit à l’égalité ne peut se justifier au regard de l’article premier de la Charte. Ils cherchent à obtenir le remboursement des frais d’hébergement ainsi que des dommages‑intérêts sur le fondement du par. 24(1) de la Charte et sollicitent un jugement déclarant que les dispositions susmentionnées sont inopérantes dans la mesure où elles sont incompatibles avec le par. 15(1).

[98] Je crois comprendre que la province ne conteste pas directement la réparation sollicitée sur le fondement du par. 15(1). Bien que la province prétende qu’un recours collectif n’est pas la meilleure façon de procéder pour invoquer la Charte ou demander une réparation fondée sur la Charte, la province ne demande pas la radiation de l’allégation de discrimination elle‑même; elle nous demande plutôt d’ordonner aux demandeurs de présenter leur demande sous une autre forme. Compte tenu de mes autres conclusions, en particulier le maintien de l’allégation d’enrichissement injustifié, et sans commenter sur le bien‑fondé de l’allégation fondée sur l’art. 15, je suis d’avis de permettre que cette allégation soit examinée dans le cadre du recours collectif.

F. Le recours doit‑il être annulé?

[99] Bien que les allégations d’enrichissement injustifié et de violation du par. 15(1) de la Charte subsistent, l’Alberta prétend que le recours doit être annulé parce qu’un recours collectif n’est pas la procédure qui convient le mieux. L’Alberta prétend qu’un examen des coûts devrait être effectué pour chacun des membres du groupe afin de déterminer si des frais particuliers réclamés à des résidents de certains ESLD ne reflétaient pas les coûts réels de l’hébergement et des repas. L’Alberta prétend que les frais varient selon l’époque, les régions, l’exploitant et le résident et, selon la thèse des demandeurs, aucun tort n’a été causé sauf s’il peut être démontré que les coûts de l’hébergement et des repas pour un pensionnaire donné ne reflétaient pas les coûts réels de la prestation de ces services.

[100] Je suis d’avis de rejeter l’argument de l’Alberta. Les questions communes autorisées par la juge en première instance portaient sur la question de savoir si les frais d’hébergement, à titre de pratique appliquée dans l’ensemble du groupe, ont occasionné un enrichissement injustifié. L’allégation, telle que formulée, n’exige pas que l’on apprécie individuellement le lien entre des frais d’hébergement et de repas précis pour qu’il soit possible de conclure à une quelconque responsabilité envers le groupe. La Class Proceedings Act prévoit, en matière de réparation, suffisamment de souplesse — grâce à l’évaluation globale des dommages (art. 30‑33) — pour régler tout problème éventuel dans l’appréciation, l’octroi et la répartition des dommages‑intérêts.

[101] Pour ces motifs, je conclus qu’un recours collectif demeure la meilleure procédure et je refuse d’annuler le recours.

IV. Conclusion

[102] Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi en partie et de radier les allégations relatives au manquement à l’obligation fiduciaire, à la négligence et à la mauvaise foi. Sans les approuver, je laisserais telles quelles l’allégation relative à la discrimination fondée sur le par. 15(1) de la Charte et l’allégation relative à l’enrichissement injustifié, ainsi que toute autre allégation qui n’a pas été radiée par les tribunaux inférieurs et n’a pas été portée en appel devant notre Cour. La détermination de la composition du groupe et les questions communes qui n’ont pas été touchées subsisteront, puisque l’action, bien que tronquée, subsiste.

[103] Les dépens suivront l’issue de la cause.

Pourvoi accueilli en partie.

Procureur de l’appelante : Procureur général de l’Alberta, Edmonton.

Procureurs des intimés : Parlee McLaws, Edmonton.

Procureur de l’intervenant le procureur général du Canada : Procureur général du Canada, Toronto.

Procureur de l’intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique : Procureur général de la Colombie‑Britannique, Vancouver.


Synthèse
Référence neutre : 2011 CSC 24 ?
Date de la décision : 12/05/2011
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli en partie. Les allégations de manquement à une obligation fiduciaire, de négligence et de mauvaise foi dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire sont radiées de la déclaration. L’autorisation d’instruire l’allégation d’enrichissement injustifié et la demande fondée sur le par. 15(1) de la Charte est accordée

Analyses

Procédure civile - Actes de procédure - Requête en radiation - Allégation que le gouvernement a artificiellement augmenté les frais d’hébergement imposés aux pensionnaires âgés des établissements de soins de longue durée en vue de financer les frais médicaux qui relèvent normalement du gouvernement - Déclaration alléguant le manquement à une obligation fiduciaire, la négligence, l’enrichissement injustifié, la mauvaise foi dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire et la violation de l’art. 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés - Les allégations contestées révèlent‑elles une cause d’action?.

Obligation fiduciaire — Gouvernement — Allégation que le gouvernement a artificiellement augmenté les frais d’hébergement imposés aux pensionnaires âgés des établissements de soins de longue durée en vue de financer les frais médicaux qui relèvent normalement du gouvernement — Les principes relatifs à l’obligation fiduciaire qui régissent les entités privées s’appliquent‑ils aux gouvernements? — Le gouvernement a‑t‑il une obligation fiduciaire envers les patients?

L’Alberta prend à sa charge les frais des soins de santé prodigués aux pensionnaires des foyers de soins infirmiers et des hôpitaux de soins prolongés, mais on peut demander aux pensionnaires de payer des frais d’hébergement pour défrayer le coût de leur logement et de leurs repas. Un groupe important de pensionnaires âgés des établissements de soins de longue durée de l’Alberta allègue que le gouvernement a artificiellement augmenté les frais d’hébergement en vue de financer les frais médicaux. Ils ont intenté un recours collectif et allégué que la province de l’Alberta et les neuf autorités régionales de la santé qui administraient le régime de soins de santé de l’Alberta et en assuraient la mise en œuvre à l’époque en cause n’ont pas veillé à ce que les frais d’hébergement soient utilisés exclusivement à cette fin. Ils ont allégué que cela constituait un manquement à une obligation fiduciaire, de la négligence, de la mauvaise foi et de l’enrichissement injustifié, et ils ont présenté une demande fondée sur le droit à l’égalité garanti par le par. 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés. À l’étape de l’autorisation du recours collectif, l’Alberta a contesté les allégations d’obligation fiduciaire et de négligence. La juge saisie de la demande d’autorisation du recours a radié l’allégation relative au manquement à l’obligation fiduciaire, et a partiellement limité l’application de l’obligation de diligence procédant du droit de la négligence. La Cour d’appel a confirmé le droit du groupe d’invoquer les causes d’action.

Arrêt : Le pourvoi est accueilli en partie. Les allégations de manquement à une obligation fiduciaire, de négligence et de mauvaise foi dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire sont radiées de la déclaration. L’autorisation d’instruire l’allégation d’enrichissement injustifié et la demande fondée sur le par. 15(1) de la Charte est accordée.

Dans une situation non visée par une catégorie existante de cas dans lesquels l’existence d’une obligation fiduciaire a été reconnue, le demandeur doit démontrer (1) que le fiduciaire s’est engagé à agir au mieux des intérêts du bénéficiaire ou des bénéficiaires; (2) qu’il existe une personne ou un groupe de personnes définies vulnérables au contrôle du fiduciaire; et (3) que l’exercice, par le fiduciaire, de son pouvoir discrétionnaire ou de son contrôle aura une incidence défavorable sur un intérêt juridique ou un intérêt pratique important du bénéficiaire ou des bénéficiaires. La vulnérabilité, à elle seule, ne suffit pas à justifier l’existence d’une obligation fiduciaire.

Puisqu’en règle générale le gouvernement doit agir dans l’intérêt de tous les citoyens, il aura des obligations fiduciaires seulement dans des circonstances retreintes et particulières. L’intérêt touché doit être un intérêt de droit privé précis sur lequel la personne exerçait déjà un droit distinct et absolu, et le niveau de contrôle exercé par le gouvernement sur l’intérêt en question doit être équivalent ou semblable à l’administration directe de cet intérêt. En règle générale, un lien étroit avec l’une des catégories habituelles de relation fiduciaire constitue une condition préalable pour conclure à l’existence d’une obligation fiduciaire implicite de l’État. Une obligation générale envers le public ou des secteurs du public ne saurait établir l’existence d’un engagement d’agir dans l’intérêt du bénéficiaire, et peut faire en sorte qu’il soit difficile de démontrer qu’une personne ou un groupe de personnes définies est vulnérable à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire du fiduciaire. Les conditions ne peuvent pas non plus être remplies simplement lorsqu’une autorité publique a été investie du pouvoir discrétionnaire d’influer sur les intérêts d’une personne lorsqu’il y a une incidence générale sur le bien‑être, les biens ou la sécurité de cette dernière, lorsqu’un droit dépend d’une mesure ultérieure de l’État, ou lorsqu’il y a seulement un accès à un régime de prestations. S’il est allégué que l’engagement découle d’une loi, le libellé de la loi doit manifestement l’appuyer.

En l’espèce, si l’on considère que tous les faits invoqués sont vrais, l’allégation de manquement à une obligation fiduciaire ne révèle pas une cause d’action justifiable. La vulnérabilité des demandeurs, telle qu’alléguée dans leurs actes de procédure, ne résulte pas de leur relation avec l’Alberta. Bien que leur situation financière puisse être touchée par l’imposition des frais d’hébergement, ce facteur, à lui seul, ne suffit pas pour justifier une obligation fiduciaire. Aucune disposition législative ni quoi que ce soit dans les rapports de fait invoqués n’étaye un engagement de l’Alberta de faire preuve, envers les membres du groupe de demandeurs, d’une loyauté exclusive pour ce qui est de la fixation, de la perception et de l’administration des frais d’hébergement, et les demandeurs ne font référence à aucune obligation analogue en droit privé. La Alberta Health Care Insurance Act oblige la province à fournir des soins de santé, mais ne l’oblige pas à s’engager à agir au mieux des intérêts des résidents de l’Alberta en général, ou au mieux des intérêts des pensionnaires d’un établissement de soins de longue durée en particulier. La loi n’oblige pas non plus le gouvernement à tenir compte des intérêts de quiconque lorsqu’il détermine la contribution qui peut être demandée aux pensionnaires. L’intérêt juridique ou l’intérêt pratique essentiel, qui est décrit comme étant touché par l’exercice du pouvoir de l’État — le droit à des soins de longue durée et le droit d’être facturé à un prix raisonnable pour recevoir des soins — n’est pas suffisant pour faire naître une obligation fiduciaire. Les décisions quant à la façon de financer et de mettre en œuvre des services de soins de santé assurés exigent le maintien constant de l’équilibre des intérêts opposés des différentes parties de la population. L’État ne serait pas en mesure de remplir ses obligations envers l’ensemble de la population s’il était astreint à une norme de conduite de nature fiduciaire envers un seul groupe parmi tant d’autres. Qui plus est, la province n’est pas responsable des membres du groupe, qui sont généralement encore capables de gérer leurs propres affaires ou seront bénéficiaires des obligations de leurs propres tuteurs et fiduciaires. L’allégation de manquement à une obligation fiduciaire doit être radiée de la déclaration.

Les actes de procédure n’étayent pas une allégation de négligence. Bien qu’on puisse soutenir que les actes de procédure évoquent la négligence dans la vérification, la supervision, le contrôle et la gestion des fonds associés aux frais d’hébergement, le régime législatif n’impose pas une obligation de diligence à l’Alberta. La Alberta Health Care Insurance Act impose au ministre l’obligation générale de fournir des services de soins de santé assurés, mais les demandeurs n’ont pu établir l’existence d’une obligation de vérifier, de superviser, de contrôler ou de gérer les fonds associés aux frais d’hébergement. Dans la même veine, la Nursing Homes Act et ses règlements d’application n’imposent à l’État aucune obligation positive, elle ne lui confère que des pouvoirs de contrôle facultatifs. Il en va de même pour la Regional Health Authorities Act, la Hospitals Act et leurs règlements d’application. De plus, en l’absence d’une obligation d’origine législative, le fait que l’Alberta peut avoir vérifié, supervisé, contrôlé et généralement géré les frais d’hébergement contestés ne crée pas un lien de proximité suffisant pour imposer une obligation de diligence prima facie. Les actes allégués relèvent de l’administration du régime. La simple prestation d’un service ne suffit pas, à elle seule, pour établir une relation de proximité entre le gouvernement et les demandeurs.

L’allégation de mauvaise foi, telle qu’elle est invoquée, est liée au manquement allégué à l’obligation de diligence et doit être écartée si l’allégation de négligence est radiée. Les faits nécessaires pour étayer l’argument que l’allégation de mauvaise foi révèle l’existence du délit de faute dans l’exercice d’une charge publique ne peuvent se dégager des allégations de négligence et d’obligation fiduciaire, et la question n’a pas été soulevée devant les tribunaux inférieurs.

Il n’est pas clair et évident que l’allégation d’enrichissement injustifié ne révèle aucune cause d’action. L’allégation repose sur un fondement juridique différent des allégations de manquement à l’obligation fiduciaire ou de négligence. Bien que les recours de droit public constituent la démarche à suivre pour présenter une demande de restitution de taxes perçues en vertu d’une loi ultra vires, il est possible d’intenter une action en enrichissement injustifié dans d’autres circonstances. En l’espèce, on ne réclame pas des taxes payées en vertu d’une loi ultra vires, et il faudrait permettre que la demande fasse l’objet d’un procès où son bien‑fondé pourra être examiné de façon plus approfondie en fonction de la preuve présentée.

La province ne conteste pas directement l’allégation que l’obligation faite aux membres du groupe de payer les frais de soins de santé contrevient au par. 15(1) de la Charte. Compte tenu du maintien de l’allégation d’enrichissement injustifié en particulier, il faut permettre que l’allégation fondée sur l’art. 15 soit examinée dans le cadre du recours collectif.

On ne doit pas annuler le recours parce qu’un recours collectif demeure la meilleure procédure. L’allégation, telle que formulée, n’exige pas que l’on apprécie individuellement le lien entre des frais d’hébergement et de repas précis pour qu’il soit possible de conclure à une quelconque responsabilité envers le groupe dans son ensemble, et la Class Proceedings Act prévoit, en matière de réparation, suffisamment de souplesse pour régler tout problème éventuel dans l’appréciation, l’octroi et la répartition des dommages‑intérêts.


Parties
Demandeurs : Alberta
Défendeurs : Elder Advocates of Alberta Society

Références :

Jurisprudence
Distinction d’avec les arrêts : Guerin c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 335
Authorson c. Canada (Attorney General) (2000), 53 O.R. (3d) 221, conf. par (2002), 58 O.R. (3d) 417, inf. pour d’autres motifs, 2003 CSC 39, [2003] 2 R.C.S. 40
Brewer Bros. c. Canada (Procureur général), [1992] 1 C.F. 25
Succession Odhavji c. Woodhouse, 2003 CSC 69, [2003] 3 R.C.S. 263
Kingstreet Investments Ltd. c. Nouveau‑Brunswick (Finances), 2007 CSC 1, [2007] 1 R.C.S. 3
arrêts mentionnés : Hollick c. Toronto (Ville), 2001 CSC 68, [2001] 3 R.C.S. 158
Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959
Frame c. Smith, [1987] 2 R.C.S. 99
Lac Minerals Ltd. c. International Corona Resources Ltd., [1989] 2 R.C.S. 574
Galambos c. Perez, 2009 CSC 48, [2009] 3 R.C.S. 247
Hodgkinson c. Simms, [1994] 3 R.C.S. 377
Bande indienne Wewaykum c. Canada, 2002 CSC 79, [2002] 4 R.C.S. 245
Hogan c. Newfoundland (Attorney General) (2000), 183 D.L.R. (4th) 225
R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075
Sagharian (Litigation Guardian of) c. Ontario (Minister of Education), 2008 ONCA 411, 172 C.R.R. (2d) 105
Harris c. Canada, 2001 CFPI 1408, [2002] 2 C.F. 484
K.L.B. c. Colombie‑Britannique, 2003 CSC 51, [2003] 2 R.C.S. 403
Bennett c. British Columbia, 2009 BCSC 1358 (CanLII)
Drady c. Canada, 2007 CanLII 27970, conf. par 2008 ONCA 659, 300 D.L.R. (4th) 443, autorisation d’appel refusée, [2009] 1 R.C.S. viii
Gorecki c. Canada (Attorney General) (2006), 208 O.A.C. 368
Anns c. Merton London Borough Council, [1978] A.C. 728
Ville de Kamloops c. Nielsen, [1984] 2 R.C.S. 2
Cooper c. Hobart, 2001 CSC 79, [2001] 3 R.C.S. 537
Renvoi relatif à Broome c. Île‑du‑Prince‑Édouard, 2010 CSC 11, [2010] 1 R.C.S. 360
Childs c. Desormeaux, 2006 CSC 18, [2006] 1 R.C.S. 643
Syl Apps Secure Treatment Centre c. B.D., 2007 CSC 38, [2007] 3 R.C.S. 83
Welbridge Holdings Ltd. c. Greater Winnipeg, [1971] R.C.S. 957
Ultramares Corp. c. Touche, 174 N.E. 441 (1931)
Design Services Ltd. c. Canada, 2008 CSC 22, [2008] 1 R.C.S. 737
Garland c. Consumers’ Gas Co., 2004 CSC 25, [2004] 1 R.C.S. 629
Air Canada c. Colombie‑Britannique, [1989] 1 R.C.S. 1161
Succession Eurig (Re), [1998] 2 R.C.S. 565
Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville), 2004 CSC 75, [2004] 3 R.C.S. 575
620 Connaught Ltd. c. Canada (Procureur général), 2008 CSC 7, [2008] 1 R.C.S. 131
Peel (Municipalité régionale) c. Canada, [1992] 3 R.C.S. 762.
Lois et règlements cités
Alberta Health Care Insurance Act, R.S.A. 2000, ch. A‑20, art. 3, 4.
Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 15, 24(1).
Class Proceedings Act, S.A. 2003, ch. C‑16.5. art. 30 à 33.
Hospitalization Benefits Regulation, Alta. Reg. 244/90, art. 5(1)d).
Hospitals Act, R.S.A. 2000, ch. H‑12, art. 1c), 25 à 27, 28(2), 29, 37, 38(1), 41, 43(l).
Loi canadienne sur la santé, L.R.C. 1985, ch. C‑6, art. 2, 19(2).
Loi constitutionnelle de 1982.
Nursing Homes Act, R.S.A. 2000, ch. N‑7, art. 1a) « accommodation charge », 8, 10(2), 12, 19, 24.
Nursing Homes General Regulation, Alta. Reg. 232/85, art. 4.
Nursing Homes Operation Amendment Regulation, Alta. Reg. 260/2003, art. 2.
Nursing Homes Operation Regulation, Alta. Reg. 258/85, art. 3(1), 8, 9.
Proclamation royale (1763), L.R.C. 1985, app. II, no 1.
Regional Health Authorities Act, R.S.A. 2000, ch. R‑10, art. 5, 9, 13, 14, 21.
Doctrine citée
Ellis, Mark Vincent. Fiduciary Duties in Canada. Toronto : Carswell, 1993 (loose‑leaf updated 2011, release 1).
Finn, P. D. « The Fiduciary Principle », in T. G. Youdan, ed., Equity, Fiduciaries and Trusts. Toronto : Carswell, 1989, 1.
Maddaugh, Peter D., and John D. McCamus. The Law of Restitution. Aurora, Ont. : Canada Law Book, 2004 (loose‑leaf updated August 2010, release 6).

Proposition de citation de la décision: Alberta c. Elder Advocates of Alberta Society, 2011 CSC 24 (12 mai 2011)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2011-05-12;2011.csc.24 ?
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