La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/01/2021 | BELGIQUE | N°C.18.0055.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 25 janvier 2021, C.18.0055.N


N° C.18.0055.N
LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D’APPEL DE GAND,
contre
1. B.V.,
2. K.T.,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 9 novembre 2017 par la cour d’appel de Gand.
Par ordonnance du 5 novembre 2020, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le président de section Koen Mestdagh a fait rapport.
L’avocat général Henri Vanderlinden a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requÃ

ªte en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente deux moyens.
...

N° C.18.0055.N
LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D’APPEL DE GAND,
contre
1. B.V.,
2. K.T.,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 9 novembre 2017 par la cour d’appel de Gand.
Par ordonnance du 5 novembre 2020, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le président de section Koen Mestdagh a fait rapport.
L’avocat général Henri Vanderlinden a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
1. La décision de refus de l’officier de l’état civil de célébrer un mariage est un acte administratif.
Dans la mesure où il soutient que cette décision est un acte de procédure auquel l’article 860 du Code judiciaire s’applique, le moyen repose sur une conception juridique erronée et manque en droit.
2. Le moyen n’explique pas comment et en quoi l’arrêt viole l’article 146bis du Code civil.
Dans la mesure où il invoque la violation de cette disposition légale, le moyen est imprécis, partant, irrecevable.
3. L’arrêt ne considère pas que la décision de refus de l’officier de l’état civil est tardive du fait qu’elle a été communiquée plus de deux mois après la date prévue pour le mariage, mais que cette décision est tardive, car elle a été prise plus de deux mois après la date prévue pour le mariage.
Dans cette mesure, le moyen repose sur une lecture inexacte de l’arrêt, partant, manque en fait.
4. En vertu de l’article 167, alinéa 1er, du Code civil, l’officier de l’état civil refuse de célébrer le mariage lorsqu’il apparaît qu’il n’est pas satisfait aux qualités et conditions prescrites pour contracter mariage ou s’il est d’avis que la célébration est contraire aux principes de l’ordre public.
L’article 167, alinéa 2, de ce code précise que, s’il existe une présomption sérieuse qu’il n’est pas satisfait aux conditions visées à l’alinéa précédent, l’officier de l’état civil peut surseoir à la célébration du mariage, le cas échéant après avoir recueilli l’avis du procureur du Roi de l’arrondissement judiciaire dans lequel les requérants ont l’intention de contracter mariage, pendant un délai de deux mois au plus à partir de la date de mariage choisie par les parties intéressées, afin de procéder à une enquête complémentaire. Le procureur du Roi peut prolonger ce délai de trois mois au maximum. Dans ce cas, il en informe l’officier de l’état civil qui en informe les parties intéressées.
L’article 167, alinéa 3, du même code prévoit que, s’il n’a pas pris de décision définitive dans le délai prévu à l’alinéa précédent, l’officier de l’état civil doit célébrer le mariage sans délai, même dans les cas où le délai de six mois visé à l’article 165, § 3, est expiré.
5. Il suit de ces dispositions que, si l’officier de l’état civil n’a pas pris de décision définitive dans le délai de deux mois au plus prorogé par lui à partir de la date du mariage, et éventuellement prolongé par le procureur du Roi d’une période de trois mois au maximum, il est tenu de célébrer le mariage sans délai, même dans les cas où le délai de six mois visé à l’article 165, § 3, du Code civil est expiré.
L’officier de l’état civil qui persiste dans son refus de célébrer le mariage après l’expiration du délai précité commet un excès de pouvoir. De ce fait, le juge saisi d’un appel interjeté contre la décision de refus tardive n’a pas à examiner la question de savoir si le mariage envisagé est un mariage simulé.
Dans la mesure où il repose sur un soutènement juridique inexact, le moyen manque en droit.
6. L’arrêt constate et considère que :
- par une lettre du 26 novembre 2015, l’officier de l’état civil a informé les défendeurs qu’il était sursis à la célébration du mariage pendant un délai de trois mois au maximum après la date de mariage choisie par les défendeurs, à savoir le 23 décembre 2015, afin de lui permettre de mener l’enquête nécessaire à cet égard ;
- en application de l’article 167, alinéa 2, du Code civil, l’officier de l’état civil ne peut surseoir à la célébration du mariage que pendant un délai de deux mois, en l’occurrence jusqu’au 23 février 2016, et non pendant un délai de trois mois, comme il l’indique dans sa lettre du 26 novembre 2015 ;
- le délai de deux mois n’a pas été prolongé d’un délai de trois mois par le procureur du Roi qui, du reste, avait déjà rendu son avis en la matière, de sorte qu’à son estime, une prolongation du délai ne s’imposait pas ;
- en conséquence, la décision de refus du 24 février 2016 est tardive ;
- la question se pose de savoir quelle suite il y a lieu d’y réserver, dès lors que le mariage doit être célébré dans les six mois et quatorze jours qui suivent la déclaration de mariage ;
- il peut cependant être dérogé à cette règle en application de l’article 167, alinéa 3, du Code civil, qui concerne la situation dans laquelle l’officier de l’état civil a sursis à la célébration du mariage pendant deux mois, sans prendre de décision dans ce délai ;
- le mariage doit alors être célébré, même si le délai de six mois et quatorze jours est entre-temps expiré, et la prolongation du délai ne doit pas même être requise ;
- par conséquent, l’officier de l’état civil doit célébrer le mariage entre les défendeurs, quand bien même le délai de six mois et quatorze jours serait manifestement expiré dans l’intervalle ;
- à cette fin, contrairement à ce que les défendeurs requièrent, le délai ne doit pas être prolongé en application de l’article 165, § 3, alinéa 2, du Code civil ;
- un examen visant à déterminer si le mariage envisagé est un mariage simulé n’a pas davantage lieu d’être, dès lors que la décision tardive de l’officier de l’état civil implique qu’il est tenu de célébrer le mariage entre les défendeurs.
Par ces motifs, l’arrêt justifie légalement sa décision.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
7. Le pouvoir judiciaire a tant le pouvoir de prévenir que de réparer toute atteinte illicitement portée à un droit subjectif.
En vertu du principe général du droit de la séparation des pouvoirs, le juge ne peut, à cette occasion, priver l’administration de sa liberté politique ni se substituer à celle-ci.
8. Le pouvoir conféré à l’officier de l’état civil de célébrer le mariage conformément à l’article 167, alinéa 3, du Code civil est une compétence liée.
L’arrêt peut ainsi, sans méconnaître le principe général du droit de la séparation des pouvoirs ni violer les articles 146bis et 167 du Code civil, ordonner à l’officier de l’état civil de célébrer le mariage.
Dans la mesure où il repose sur un soutènement juridique différent, le moyen manque en droit.
9. Pour le surplus, le moyen est déduit tout entier de l’illégalité vainement invoquée au premier moyen.
Dans cette mesure, le moyen est irrecevable.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Laisse les dépens à charge de l’État.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Koen Mestdagh, président, le président de section Geert Jocqué et les conseillers Antoine Lievens, Bart Wylleman et Ilse Couwenberg, et prononcé en audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt et un par le président de section Koen Mestdagh, en présence de l’avocat général Henri Vanderlinden, avec l’assistance du greffier Mike Van Beneden.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Mireille Delange et transcrite avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 3n - derde kamer
Numéro d'arrêt : C.18.0055.N
Date de la décision : 25/01/2021
Type d'affaire : Droit de la famille - Droit constitutionnel

Analyses

La décision de refus de l'officier de l'état civil de célébrer un mariage est un acte administratif.

MARIAGE - Officier de l'état civil - Célébration du mariage - Sursis - Délai - Expiration - Refus - Nature de l'acte juridique [notice1]

Il suit de l'article 167, alinéas 1er, 2 et 3, de l'ancien Code civil que, si l'officier de l'état civil n'a pas pris de décision définitive dans le délai de deux mois au plus prorogé par lui à partir de la date du mariage, et éventuellement prolongé par le procureur du Roi d'une période de trois mois au maximum, il est tenu de célébrer le mariage sans délai, même dans les cas où le délai de six mois visé à l'article 165, § 3, du Code civil est expiré; l'officier de l'état civil qui persiste dans son refus de célébrer le mariage après l'expiration du délai précité commet un excès de pouvoir.

MARIAGE - Officier de l'état civil - Célébration du mariage - Sursis - Délai - Expiration - Refus - Conséquence

Le pouvoir judiciaire a tant le pouvoir de prévenir que de réparer toute atteinte illicitement portée à un droit subjectif; en vertu du principe général du droit de la séparation des pouvoirs, le juge ne peut, à cette occasion, priver l'administration de sa liberté politique ni se substituer à celle-ci.

SEPARATION DES POUVOIRS - Acte administratif - Célébration du mariage - Compétence de l'officier de l'état civil - Contrôle - Pouvoir judiciaire - POUVOIRS - POUVOIR JUDICIAIRE - Compétence - Acte administratif - Droit subjectif - Atteinte [notice3]

Le pouvoir conféré à l'officier de l'état civil de célébrer le mariage conformément à l'article 167, alinéa 3, de l'ancien Code civil est une compétence liée.

MARIAGE - Officier de l'état civil - Célébration du mariage - Sursis - Délai - Expiration - Célébration du mariage - Nature de la compétence


Références :

[notice1]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 167, al. 1er - 30 / No pub 1804032150 ;

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 860 - 01 / No pub 1967101052

[notice3]

La Constitution coordonnée 1994 - 17-02-1994 - Art. 144 - 30 / No pub 1994021048


Composition du Tribunal
Président : MESTDAGH KOEN
Greffier : VAN BENEDEN MIKE
Ministère public : VANDERLINDEN HENRI
Assesseurs : JOCQUE GEERT, LIEVENS ANTOINE, WYLLEMAN BART, COUWENBERG ILSE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-01-25;c.18.0055.n ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award