N° P.20.1041.N
ADVICES FOR TECHNICAL SYSTEMS, société anonyme,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 22 septembre 2020 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 4 janvier 2021, l’avocat général Bart De Smet a déposé des conclusions au greffe.
Le 13 janvier 2021, la demanderesse a déposé une note au greffe de la Cour, conformément à l’article 1107, alinéa 2, du Code judiciaire.
À l'audience du 19 janvier 2021, le conseiller Erwin Francis a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des articles 6, §§ 1 et 3, b, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 21ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense : après avoir constaté que le délai raisonnable pour que le prononcé intervienne dans la cause de la demanderesse a été dépassé en raison de la durée importante du délibéré, l’arrêt considère, sans offrir à la demanderesse de possibilité de contradiction, que son dommage restait « limité au fait de demeurer trop longtemps dans l’incertitude concernant le sort que connaîtrait finalement l’action publique en cours, de sorte qu’elle était exposée à une incertitude en restant trop longtemps sous la menace de poursuites » ; en énonçant ce motif d’ordre général, l’arrêt ne satisfait pas la condition selon laquelle les conséquences du dépassement du délai raisonnable doivent être appréciées au regard des circonstances concrètes de l’affaire ; de plus, le prévenu doit pouvoir s’exprimer sur les conséquences concrètes du dépassement du délai raisonnable sur sa situation propre et spécifique ; c’est d’autant plus le cas lorsque ce dépassement résulte de la durée importante du délibéré.
2. Lorsque le prévenu considère que le délai raisonnable est dépassé en raison de la durée importante du délibéré, il peut présenter un moyen de défense à ce propos au juge du fond en demandant la réouverture des débats. À cette occasion, le prévenu peut exposer une défense sur les conséquences concrètes résultant pour lui du dépassement du délai raisonnable.
3. Le juge du fond qui constate le dépassement du délai raisonnable doit certes toujours examiner l’impact de ce dépassement, au regard des circonstances concrètes de l’affaire, sur les droits de défense du prévenu ou, si ces droits ont été respectés, sur le taux de la peine, conformément à l’article 21ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
4. À défaut de conclusions en ce sens, le juge ne doit toutefois pas faire expressément mention de toutes les circonstances concrètes sur lesquelles il appuie la décision précitée. Il ne doit pas davantage rouvrir les débats d’office afin de permettre au prévenu d’exposer sa défense. Le fait que le dépassement du délai raisonnable soit imputable à un délibéré de longue durée est sans incidence à cet égard.
Dans la mesure où il procède d’une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
5. L’arrêt ne se borne pas à énoncer le motif critiqué, mais considère également ce qui suit :
- le droit de la demanderesse à un recours effectif en raison du dépassement constaté du délai raisonnable est respecté par la constatation de ce dépassement ;
- ni ce dépassement, ni aucune autre circonstance propre à la cause n’a engendré une autre méconnaissance des droits de défense de la demanderesse ;
- en effet, il s’est avéré possible de garantir à la demanderesse un procès équitable notamment parce que le dépassement du délai raisonnable n’a entraîné la déperdition d’aucun moyen de preuve, aucune atteinte n’a été portée aux moyens de preuve présentés et l’exercice des droits de la défense n’a aucunement été limité ou rendu plus difficile, et encore moins irrémédiablement entravé, de sorte que l’action publique ne doit pas être déclarée irrecevable ;
- la demanderesse peut obtenir réparation en fixant à 3 000,00 euros l’amende de 7 500,00 euros à laquelle elle aurait été condamnée si l’affaire avait été traitée dans un délai raisonnable.
Par ces motifs, la décision est légalement justifiée.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
(…)
Le contrôle d'office pour le surplus
12. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision ne comporte aucune illégalité qui puisse infliger grief à la demanderesse.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il condamne la demanderesse au paiement d’une contribution de 20,00 euros au Fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Condamne la demanderesse à neuf dixièmes des frais de son pourvoi ;
Laisse le surplus des frais à charge de l’État ;
Dit n’y avoir lieu à renvoi.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Erwin Francis, Sidney Berneman, Eric Van Dooren et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt et un par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Bart De Smet, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.