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12/01/2021 | BELGIQUE | N°P.20.0970.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 janvier 2021, P.20.0970.N


N° P.20.0970.N
S. M.,
partie civile,
demanderesse en cassation,
Me Patrick Arnou, avocat au barreau de Flandre occidentale,
contre
T. D.,
prévenu,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 4 septembre 2020 par le tribunal correctionnel de Flandre occidentale, division Bruges, statuant en degré d’appel.
La demanderesse invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L’avocat g

énéral Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du pourvoi :
1. Dan...

N° P.20.0970.N
S. M.,
partie civile,
demanderesse en cassation,
Me Patrick Arnou, avocat au barreau de Flandre occidentale,
contre
T. D.,
prévenu,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 4 septembre 2020 par le tribunal correctionnel de Flandre occidentale, division Bruges, statuant en degré d’appel.
La demanderesse invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L’avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du pourvoi :
1. Dans la mesure où la demanderesse, qui n’est pas condamnée aux frais au pénal, critique la décision rendue sur l’action publique, son pourvoi est irrecevable à défaut de qualité.
Sur le premier moyen :
2. Le moyen est pris de la violation des articles 779, 782, alinéa 1er, 782bis, alinéa 2, et 785, alinéa 1er, du Code judiciaire, 10 de la loi du 1er mai 1849 sur les tribunaux de police simple et correctionnelle, 155, 189 et 190ter du Code d’instruction criminelle : le jugement attaqué indique que la chambre est présidée par le juge M. Desloover et comporte, sur sa dernière page, la mention « M. Desloover », suivie d’une signature illisible ; cette signature est identique à celle qui figure sous la mention « le Président » sur le procès-verbal de l’audience du 4 septembre 2020 ; lesdites signatures diffèrent tout à fait des signatures concordantes sous la mention « le Président » sur le procès-verbal de l’audience du 12 juin 2020 et sur les conclusions déposées lors de cette audience ; il n’est pas possible de déterminer si lesdites signatures, ni lesquelles desdites signatures, sont celles du président M. Desloover ; en conséquence, le jugement attaqué est nul ; à tout le moins, les procès-verbaux des audiences du 4 septembre 2020 et du 12 juin 2020 sont nuls, ou, en tout état de cause, celui du 12 juin 2020 ; la nullité du jugement attaqué en résulte, parce qu’il n’en ressort pas que toutes les formalités prescrites ont été observées ; il n’apparaît pas que les trois juges qui ont rendu le jugement attaqué étaient également présents à l’audience du 12 juin 2020 et qu’ils ont donc assisté au réquisitoire du ministère public et aux plaidoiries.
3. Les actes mentionnés, non argués de faux, constatent de manière authentique que les signatures ou les paraphes qui y figurent sont ceux du juge Marc Desloover, agissant en qualité de président de la chambre B.11 du tribunal correctionnel de Flandre occidentale, division Bruges.
Le moyen, qui critique ces constatations authentiques, est irrecevable.
Sur le quatrième moyen :
Quant à la première branche :
4. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation de l’article 10.1.3°, du code de la route : le jugement attaqué constate que le défendeur a, selon ses propres dires, « ralenti et tenté de passer sous le mât » et qu’il savait donc que le mât de la nacelle élévatrice placé au-dessus de la chaussée constituait pour lui un obstacle et qu’en continuant sa route, il s’exposait à un danger ou à un risque de collision ; sur la base de cette constatation, le jugement attaqué ne peut légalement considérer que le mât constituait pour le défendeur un obstacle imprévisible et que les prévisions normales du défendeur, selon lesquelles il pouvait passer sous le mât, ont été déjouées ; dans un tel cas, un conducteur ne peut partir du principe que, en l’absence de signalisation annonçant un danger ou d’avertissement, il peut poursuivre sa route sous l’obstacle en toute sécurité ; le principe selon lequel l’accès à la voie publique doit être libre de toute entrave, sur lequel se fonde le jugement attaqué, ne diminue en rien l’obligation légale de faire en sorte de pouvoir s’arrêter devant un obstacle prévisible ; l’absence de signalisation correcte pour avertir de la présence d’un véhicule entravant la circulation ne réduit pas davantage la prévisibilité de ce dernier.
5. L’article 10.1.3° du code de la route oblige tout conducteur à régler sa vitesse de manière à pouvoir s’arrêter devant un obstacle prévisible.
6. Un obstacle est imprévisible lorsque sa survenance ou son évaluation correcte est impossible pour toute personne normale, prudente et raisonnable.
7. L’obstacle qu’un conducteur a observé à l’avance et qui correspond à cette observation n’est, en principe, pas imprévisible. Le conducteur qui souhaite contourner un tel obstacle doit prendre toutes les mesures de précaution nécessaires pour pouvoir raisonnablement le faire sans causer d’accident. Il doit adapter son comportement au volant à la nature de l’obstacle observé et doit, si nécessaire, s’arrêter afin de s’assurer que le passage est sûr.
8. Le juge apprécie souverainement, sur la base des circonstances concrètes qu’il constate, si un obstacle est prévisible. La Cour vérifie cependant si le juge ne déduit pas de ses constatations des conséquences qui y sont étrangères ou qu’elles ne sauraient justifier.
9. Concernant la prévention B (infraction à l’article 10.1.3° du code de la route), le jugement attaqué considère que :
- le défendeur a déclaré avoir ralenti face au camion nacelle qui entravait son passage et avoir tenté de passer sous le mât, alors qu’il était également attentif à la circulation venant en sens inverse et que sa vision était entravée par le camion nacelle ;
- le mât de la nacelle élévatrice, plus précisément l’extrémité placée vers le bas, constituait un obstacle pour le véhicule du défendeur ;
- il n’est pas établi que, préalablement à la collision, le mât constituait pour le défendeur, en sa qualité de conducteur en approche, un obstacle prévisible nécessitant de s’arrêter ;
- il existe un principe selon lequel la voie publique est réputée adaptée à l’accès normal et libre de toute entrave par les usagers de la route qui sont autorisés à prendre part à la circulation routière ;
- en outre, une partie fixe du mât était placée suffisamment haut pour pouvoir passer en dessous, les exécutants des travaux n’avaient pas indiqué de hauteur maximale pour le passage en dessous du mât, aucun signal de danger n’avait par ailleurs été placé sur le chantier mobile pour avertir les conducteurs en approche que la hauteur du passage était limitée, la hauteur du véhicule du défendeur n’était pas anormale et le collègue de la victime, qui se trouvait au sol, n’a pas organisé la circulation ni averti les conducteurs en approche ;
- dans ces circonstances, les prévisions normales du défendeur, selon lesquelles il pouvait passer sous le mât comme l’avaient fait les véhicules qui l’ont précédé, ont été déjouées ; il ne devait pas considérer le mât comme un obstacle qui entraverait son passage et nécessiterait qu’il s’arrête ;
- le défendeur pouvait partir du principe que, à partir du moment où un obstacle avait été placé au-dessus du revêtement routier, celui-ci aurait été placé suffisamment haut pour permettre le passage de véhicules de dimensions normales et que, si tel n’était pas le cas, le responsable de l’entrave avertirait les conducteurs de l’obstacle et les informerait de la présence d’un passage d’une hauteur limitée ou de sa hauteur maximale exacte ;
- un conducteur normal et prudent peut, à cet égard, s’attendre à pouvoir circuler sans entrave, étant donné l’absence de toute indication que la hauteur du passage était très limitée ;
- dans les circonstances données, il ne peut être attendu d’un conducteur normal et prudent qu’il s’arrête juste devant le mât et qu’il prenne lui-même des mesures avant de poursuivre sa route.
Concernant la prévention A (infraction aux articles 418 et 419 du Code pénal), le jugement attaqué considère en outre que :
- les images indiquent que le défendeur est arrivé à une vitesse constante et modérée ;
- « [Le défendeur] s’est comporté comme un conducteur normal et prudent et est arrivé à une vitesse modérée d’environ 20 km/h (rapport d’expertise, p. 14), et il prêtait attention à la présence du mât et aux autres usagers de la route. »
Par ces motifs, le jugement attaqué ne peut légalement décider que le défendeur a été confronté à un obstacle imprévisible.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
(…)
Sur les autres griefs
12. Il n’y a pas lieu de répondre aux autres griefs.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse le jugement attaqué en tant qu’il déclare non fondée l’action civile de la demanderesse ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Condamne la demanderesse à la moitié des frais de son pourvoi ;
Réserve la décision sur le surplus des frais afin qu’il soit statué sur celui-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, au tribunal correctionnel de Flandre orientale, siégeant en degré d’appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Erwin Francis, Sidney Berneman et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du douze janvier deux mille vingt et un par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Alain Winants, avec l’assistance du greffier délégué Ayse Birant.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0970.N
Date de la décision : 12/01/2021
Type d'affaire : Autres - Droit pénal

Analyses

Sans inscription en faux, un moyen de cassation est irrecevable s'il est dirigé contre les constatations authentiques du procès-verbal d'audience (1). (1) Cass. 25 avril 1984, RG 3576, Pas. 1984, I, n° 494.

INSCRIPTION DE FAUX - Actes authentiques - Procès-verbal d'audience - Moyen de cassation - Recevabilité

Sans inscription en faux, un moyen de cassation est irrecevable s'il est dirigé contre les constatations authentiques du procès-verbal d'audience (1). (1) Cass. 25 avril 1984, RG 3576, Pas. 1984, n° 494.

MOYEN DE CASSATION - MATIERE REPRESSIVE - Généralités - Moyen fondé sur une allégation contredisant les constatations authentiques du procès-verbal de l'audience - Absence d'inscription de faux - Recevabilité

L'article 10.1.3° du code de la route oblige tout conducteur à régler sa vitesse de manière à pouvoir s'arrêter devant un obstacle prévisible, un obstacle étant imprévisible lorsque sa survenance ou son évaluation correcte est impossible pour toute personne normale, prudente et raisonnable; l'obstacle qu'un conducteur a observé à l'avance et qui correspond à cette observation n'est, en principe, pas imprévisible et le conducteur qui souhaite contourner un tel obstacle doit prendre toutes les mesures de précaution nécessaires pour pouvoir raisonnablement le faire sans causer d'accident, doit adapter son comportement au volant à la nature de l'obstacle observé et doit, si nécessaire, s'arrêter afin de s'assurer que le passage est sûr; le juge apprécie souverainement, sur la base des circonstances concrètes qu'il constate, si un obstacle est prévisible, mais la Cour vérifie cependant si le juge ne déduit pas de ses constatations des conséquences qui y sont étrangères ou qu'elles ne sauraient justifier.

ROULAGE - CODE DE LA ROUTE DU 01-12-1975 - DISPOSITIONS REGLEMENTAIRES - Article 10 - Article 10.1.3° - Vitesse - Obstacle prévisible - Notion - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - Roulage - Code de la route - Dispositions réglementaires - Article 10 - Article 10.1.3° - Vitesse - Obstacle prévisible - Notion [notice3]


Références :

[notice3]

A.R. du 1er décembre 1975 portant règlement général sur la police de la circulation routière et de l'usage de la voie publique - 01-12-1975 - Art. 10, § 1er, 3° - 31 / No pub 1975120109


Composition du Tribunal
Président : JOCQUE GEERT
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL, BIRANT AYSE
Ministère public : WINANTS ALAIN
Assesseurs : VAN VOLSEM FILIP, HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-01-12;p.20.0970.n ?

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