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12/01/2021 | BELGIQUE | N°P.20.0937.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 janvier 2021, P.20.0937.N


N° P.20.0937.N
M. N.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
Me Jürgen Millen, avocat au barreau du Limbourg,
contre
H. D.,
partie civile,
défenderesse en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 26 août 2020 par la cour d’appel d’Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Peter Hoet a fait rapport.
L’avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA

COUR
Sur le moyen :
Sur la recevabilité du pourvoi :
1. Il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peu...

N° P.20.0937.N
M. N.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
Me Jürgen Millen, avocat au barreau du Limbourg,
contre
H. D.,
partie civile,
défenderesse en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 26 août 2020 par la cour d’appel d’Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Peter Hoet a fait rapport.
L’avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Sur la recevabilité du pourvoi :
1. Il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le pourvoi a été signifié à la défenderesse.
Dans la mesure où il est également dirigé contre la décision rendue sur l’action civile de la défenderesse, le pourvoi est irrecevable.
Sur le premier moyen :
2. Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 1353 de l’ancien Code civil, 2 et 870 du Code judiciaire : l’arrêt considère, à tort, qu’il n’est pas établi que le demandeur a interjeté appel en temps utile ; sur la base des éléments fournis par le demandeur, la juridiction d’appel n’avait pas d’autre choix que de considérer qu’il était question de présomptions graves, précises et concordantes dont il ressort que le demandeur a interjeté appel régulièrement et en temps utile ; aucune copie de la déclaration d’appeler, qui ne consiste qu’en la signature de l’acte déposé au greffe, n’a été fournie ; le demandeur a, par le biais de messages WhatsApp, démontré avoir donné la mission d’interjeter appel dans le délai d’appel et en avoir également informé la partie civile ; le demandeur n’était pas en mesure d’apporter davantage de preuves.
3. Les articles 870 du Code judiciaire et 1353 de l’ancien Code civil ne s’appliquent pas au régime de la preuve en matière répressive.
4. L’article 203, § 1er, du Code d’instruction criminelle dispose : « Il y aura, sauf l'exception portée en l'article 205 ci-après, déchéance de l'appel, si la déclaration d'appeler n'a pas été faite au greffe du tribunal qui a rendu le jugement, trente jours au plus tard après celui où il a été prononcé, et, si le jugement est rendu par défaut, trente jours au plus tard après celui de la signification qui en aura été faite à la partie condamnée ou à son domicile. (…) »
5. Il résulte de cette disposition que, hormis dans des cas non applicables en l’espèce, l’appel est interjeté par le biais d’une déclaration d’appeler, introduite par la personne concernée ou son avocat, au greffe du tribunal qui a rendu le jugement. Cette formalité est prescrite à peine de non-recevabilité et fournit la preuve de l’appel.
6. Lorsqu'une partie allègue avoir bel et bien fait une déclaration d’appeler, bien qu’il n'apparaisse pas des éléments disponibles au greffe de la juridiction qu’une telle déclaration a été faite, il appartient à cette partie de prouver cette allégation. Le juge d’appel se prononce souverainement sur ce point. Du seul fait qu’une partie démontre avoir donné la mission à un avocat d’interjeter appel et en avoir informé la partie civile, il ne résulte pas que le juge d’appel doit admettre que ce conseil a interjeté appel régulièrement et en temps utile. La Cour vérifie cependant si le juge ne tire pas de ses constatations des conséquences qu'elles ne sauraient justifier.
7. Dans la mesure où il procède d’autres prémisses juridiques, le moyen manque en droit.
8. L’arrêt considère que :
- la simple communication, par le conseil du demandeur, à son client et au conseil de la demanderesse qu’il a, en sa qualité de conseil du demandeur, interjeté appel contre le jugement du 20 janvier 2020 à une date non autrement précisée ne constitue pas une preuve suffisante qu’un appel a effectivement été interjeté dans le délai et dans les conditions prévus par la loi ;
- à la question de savoir à quelle date le conseil du demandeur aurait interjeté appel au greffe, posée par la cour d’appel à l’audience, le conseil du demandeur n’a rien pu répondre si ce n’est que cela aurait été le cas entre la date du jugement et le 27 janvier 2020 ;
- l’examen de la conversation Whatsapp entre le demandeur et son conseil révèle que le demandeur a également demandé à son conseil, le 3 février 2020, s’il avait déjà interjeté appel, question à laquelle le conseil répondait par l’affirmative, et la date à laquelle il l’avait fait, question restée sans réponse ;
- à l’audience, le conseil du demandeur n’a pas davantage pu répondre à la question de savoir à quelle date exactement le formulaire de griefs obligatoire avait été introduit au greffe et quels griefs étaient concrètement développés dans ce formulaire de griefs prétendument déposé ;
- le conseil du demandeur ne disposait pas d’un propre exemplaire du formulaire des griefs et n’avait manifestement pas pris note des griefs élevés dans le formulaire ;
- il ne ressort d’aucun élément qu’un cas de force majeure aurait causé la perte de l’acte d’appel prétendument dressé en temps utile, de même que celle du formulaire de griefs prétendument introduit en temps utile, et qu’en conséquence, ils ne figuraient pas dans le dossier de la procédure.
Par ces motifs, l’arrêt peut légalement considérer qu’il n’est pas démontré ni rendu plausible que le conseil du demandeur a interjeté appel et introduit un formulaire de griefs en temps utile.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
(...)
Sur le troisième moyen :
11. Le moyen est pris de la violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : l’arrêt limite le débat à la recevabilité de l’appel ; il en résulte, pour le demandeur, la présomption que les juges d’appel avaient, préalablement au débat, déjà pris une décision concernant la recevabilité de l’appel ; le droit à un procès équitable et à un juge indépendant et impartial requiert que le débat sur la recevabilité de l’appel soit mené lors de l’examen de la cause au fond.
12. Ni l’article 6 de la Convention ni le droit à un procès équitable n’empêchent le juge d’appel de scinder le débat sur la recevabilité de l’arrêt et le débat au fond. Il ne peut être déduit de cette scission que la juridiction d’appel aurait déjà pris une décision concernant la recevabilité.
Déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
Le contrôle d'office
13. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Erwin Francis, Sidney Berneman et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du douze janvier deux mille vingt et un par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Alain Winants, avec l’assistance du greffier délégué Ayse Birant.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Tamara Konsek et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0937.N
Date de la décision : 12/01/2021
Type d'affaire : Droit pénal - Autres - Droit international public

Analyses

Les articles 870 du Code judiciaire et 1353 de l'ancien Code civil ne s'appliquent pas au régime de la preuve en matière répressive (1). (1) Cass. 25 octobre 2000, RG P.00.1260.F, Pas. 2000, n° 575 (concernant l'art. 1353 du Code civil); Cass. 24 septembre 1999, RG D.98.0043.F, Pas. 1999, n° 483 (concernant l'art. 870 du Code judiciaire).

PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Présomptions - Dispositions légales applicables [notice1]

Il résulte de la disposition de l'article 203, § 1er, du Code d'instruction criminelle qu'en principe, l'appel est interjeté par le biais d'une déclaration d'appeler, introduite par la personne concernée ou son avocat, au greffe du tribunal qui a rendu le jugement et que cette formalité est prescrite à peine de non-recevabilité et fournit la preuve de l'appel; lorsqu'une partie allègue avoir bel et bien fait une déclaration d'appeler, bien qu'il n'apparaisse pas des éléments disponibles au greffe de la juridiction qu'une telle déclaration a été faite, il appartient à cette partie de prouver cette allégation, mais il ne résulte pas du seul fait qu'une partie démontre avoir donné la mission à un avocat d'interjeter appel et en avoir informé la partie civile, que le juge d'appel doit admettre que ce conseil a interjeté appel régulièrement et en temps utile; le juge d'appel se prononce souverainement sur ce point mais la Cour vérifie cependant si le juge ne tire pas de ses constatations des conséquences qu'elles ne sauraient justifier (1). (1) R. VERSTRAETEN et H. DEMETS, «De cassatieprocedure in strafzaken na de wet van 14 februari 2014: brengt vernieuwing ook verbetering?», N.C. 2015/5, pp. 347-389; J. VERBIST, «De hervorming van de cassatieprocedure in strafzaken», R.W. 2013-2014, pp. 1604-1614.

APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Appel principal. Forme. Délai - Preuve de l'appel - Portée - Conséquence - PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Charge de la preuve. Liberté d'appréciation - Appel en matière répressive - Preuve de l'appel - Portée - Conséquence - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - Juge d'appel - Appel en matière répressive - Preuve de l'appel - Portée [notice2]

Ni l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni le droit à un procès équitable n'empêchent le juge d'appel de scinder le débat sur la recevabilité de l'arrêt et le débat au fond et il ne peut être déduit de cette scission que la juridiction d'appel aurait déjà pris une décision concernant la recevabilité.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - Droit à un procès équitable - Appel en matière répressive - Débat sur la recevabilité de l'appel - Scission du débat sur le fond - Portée - Conséquence - APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Procédure en degré d'appel - Débat sur la recevabilité de l'appel - Scission du débat sur le fond - Droit à un procès équitable - Portée - Conséquence [notice5]


Références :

[notice1]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 870 - 01 / No pub 1967101052 ;

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1353 - 30 / No pub 1804032150

[notice2]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 203, § 1er - 30 / No pub 1808111701

[notice5]

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 - 04-11-1950 - Art. 6 - 30 / Lien DB Justel 19501104-30


Composition du Tribunal
Président : JOCQUE GEERT
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL, BIRANT AYSE
Ministère public : WINANTS ALAIN
Assesseurs : VAN VOLSEM FILIP, HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-01-12;p.20.0937.n ?

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