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01/12/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0573.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 01 décembre 2020, P.20.0573.N


N° P.20.0573.N
INDUFIN, société anonyme,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Lieven Annaert, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
TRELLEBORG WHEEL SYSTEMS BELGIUM, société anonyme,
partie civile,
défenderesse en cassation,
Me Charlotte Ponchaut, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 24 avril 2020 par la cour d’appel de Gand, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.> Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rapport.
L’avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCI...

N° P.20.0573.N
INDUFIN, société anonyme,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Lieven Annaert, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
TRELLEBORG WHEEL SYSTEMS BELGIUM, société anonyme,
partie civile,
défenderesse en cassation,
Me Charlotte Ponchaut, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 24 avril 2020 par la cour d’appel de Gand, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rapport.
L’avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
(…)
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
3. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 6, § 1er, et 6, § 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 144 de la Constitution, 871, 876 et 877 du Code judiciaire, tels qu’applicables en l’espèce, 1319, 1320 et 1322 de l’ancien Code civil, devenus 8.17 et 8.18 du Code civil, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense, en ce compris le respect de l’égalité des armes : l’arrêt refuse, à tort, d’ordonner la production de pièces par la défenderesse ; les juges d’appel ont considéré que l’allégation de la demanderesse selon laquelle le prix d’achat a été réduit au vu de la pollution présente « n’est rendue plausible par aucun élément et (n’est) pas pertinente » sans effectuer de plus amples recherches sur la nature et la teneur de ces pièces ; la défenderesse n’a démenti ni la possession ni la pertinence de ces documents pour l’appréciation du litige ; dès lors, par cette considération, les juges d’appel ont méconnu la foi due aux conclusions de la demanderesse ainsi que de la défenderesse ; les pièces indiquées par la demanderesse, que la défenderesse ne produit pas et que la demanderesse ne peut donc pas contredire, sont pourtant pertinentes pour juger de l’existence et de l’ampleur du dommage allégué.
4. Le moyen, en cette branche, ne précise ni comment ni en quoi l’arrêt viole les articles 6, § 3 de la Convention, 144 de la Constitution et 876 du Code judiciaire.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est imprécis, partant, irrecevable.
5. En vertu de l’article 871 du Code judiciaire, le juge peut ordonner à toute partie litigante de produire les éléments de preuve dont elle dispose.
L’article 877 du Code judiciaire, tel qu’applicable en l’espèce, dispose que lorsqu’il existe des présomptions graves, précises et concordantes de la détention par une partie ou un tiers d’un document contenant la preuve d’un fait pertinent, le juge peut ordonner que ce document ou une copie de celui-ci certifiée conforme, soit déposé au dossier de la procédure.
Ces dispositions s’appliquent aux juridictions lorsque celles-ci statuent sur l’existence et l’ampleur du dommage.
6. Il résulte de ces dispositions que le juge a la possibilité, mais non l’obligation d’ordonner la production d’une pièce. Le juge apprécie souverainement si cette production est nécessaire pour sa prise de décision.
Dans la mesure où il critique cette appréciation souveraine, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
7. Le droit à un procès équitable, dont découle le droit à l’égalité des armes et qui est notamment consacré par l’article 6, § 1er, de la Convention, implique que chaque partie d’un procès puisse utiliser les mêmes moyens procéduraux et qu’elle puisse, dans les mêmes conditions, consulter et contredire librement les pièces et éléments soumis à l’appréciation du juge qui prend connaissance de l’affaire.
Dans la mesure où il est déduit d’une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.
8. Les juges d’appel ont considéré que :
- l’arrêt du 24 mars 2017 a déjà condamné la demanderesse au versement d’une provision de 200.000,00 euros et l’objet du litige restant pendant est la conséquence du seul fait que les éléments produits par la défenderesse ne permettaient pas à la cour d’appel de fixer les dommages-intérêts avec précision ;
- cet arrêt interlocutoire statue de manière définitive sur la recevabilité de l’action civile de la défenderesse, la faute de la demanderesse et le partage des responsabilités entre les deux parties pour le dommage causé par la pollution ;
- la demanderesse continue, à tort, d’invoquer une clause d’exonération dans le contrat de vente, étant donné que les dommages-intérêts sont fondés sur l’article 1382 du Code civil et trouvent leur origine dans une infraction pénalement sanctionnée que la demanderesse a commis volontairement ;
- la diminution alléguée du prix de vente constitue l’objet d’une assertion purement spéculative de la demanderesse, qui n’est rendue plausible par aucun élément et qui n’est pas pertinente ;
- le fait que la défenderesse était informée des activités de la demanderesse ainsi que de la pollution éventuelle du terrain n’empêche pas que la demanderesse soit (également) tenue à la réparation du dommage sur la base des infractions déclarées établies ;
- l’arrêt interlocutoire établit que la demanderesse est tenue à l’indemnisation de 50 p.c. du dommage causé par l’abandon de solvants et de 100 p.c. du dommage causé par l’abandon de déchets de caoutchouc ;
- il n’y a dès lors pas lieu d’ordonner à la défenderesse de produire les documents énumérés par la demanderesse, ni de désigner un expert à cet égard.
Ainsi, les juges d’appel n’ont pas fondé leur décision sur des pièces qui n’ont pas été soumises à contradiction.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
9. Par la considération reproduite au moyen, en cette branche, les juges d’appel n’ont pas interprété les conclusions de la demanderesse, ni les conclusions de la défenderesse et n’ont dès lors pu méconnaître la foi due à ces actes.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.
10. Pour le surplus, le moyen, en cette branche, requiert un examen des faits pour lequel la Cour est sans pouvoir et est irrecevable.
Quant à la seconde branche :
11. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 144 de la Constitution, 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de 1’homme et des libertés fondamentales, 962 du Code judiciaire, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense : l’arrêt refuse, à tort, d’ordonner la désignation d’un expert pour examiner, notamment au moyen des pièces désignées par la demanderesse, si la défenderesse avait connaissance de la pollution existante et si la clause d’exonération dans l’acte de vente notarié a eu un impact financier dans l’établissement du prix de vente, et méconnait, partant, son droit à la preuve ; les juges d’appel ont omis d’effectuer de plus amples recherches quant à la nature et la teneur de ces documents, bien que ces éléments rendent plausible la défense de la demanderesse et que l’affirmation de la défenderesse selon laquelle il n’existe aucune pièce attestant de la diminution du prix de vente repose sur ces documents.
12. Le moyen, en cette branche, ne précise pas comment ni en quoi l’arrêt viole l’article 144 de la Constitution.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est imprécis et, partant, irrecevable.
13. Dans la mesure où le moyen, en cette branche, a la même portée que le moyen, en sa première branche, il y a lieu de le rejeter par les mêmes motifs.
14. L’article 962, alinéa 1er, du Code judiciaire prévoit que le juge peut, en vue de la solution d’un litige porté devant lui ou en cas de menace objective et actuelle d’un litige, charger des experts de procéder à des constatations ou de donner un avis d’ordre technique.
En vertu de cette disposition, le juge peut refuser d’ordonner une expertise lorsque la partie au procès ne fonde sa demande sur aucun élément qui puisse rendre plausible les faits avancés à l’appui de sa demande ou lorsqu’il n’existe aucune raison utile d’ordonner ladite mesure.
15. Le droit à la preuve est le droit de chaque partie au procès de produire les éléments de preuve dont elle dispose et de demander au juge que les éléments de preuve dont elle ne dispose pas soient recueillis par l’exécution de certaines mesures d’instruction, quant auxquelles le juge est appelé à statuer. Le droit à la preuve n’est pas un droit illimité et n’exclut dès lors pas que le juge dispose de la liberté d’appréciation susmentionnée.
16. Dans la mesure où il procède d’autres prémisses juridiques, le moyen, en cette branche, manque en droit.
17. Par les motifs énoncés dans la réponse apportée au moyen, en sa première branche, les juges d’appel ont légalement justifié leur refus d’ordonner l’expertise sollicitée par la demanderesse.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
(…)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Erwin Francis, Sidney Berneman et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du premier décembre deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Bart De Smet, avec l’assistance du greffier délégué Ayse Birant.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Maxime Marchandise et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0573.N
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Droit pénal - Autres - Droit international public

Composition du Tribunal
Président : JOCQUE GEERT
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL, BIRANT AYSE
Ministère public : DE SMET BART
Assesseurs : VAN VOLSEM FILIP, HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-12-01;p.20.0573.n ?

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