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10/11/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0694.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 novembre 2020, P.20.0694.N


N° P.20.0694.N
C. B.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Bram Van Den Bunder, avocat au barreau de Flandre occidentale.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 28 mai 2020 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait un rapport.
L'avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen inv

oque la violation de l'article 9, § 2, de la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement, ainsi q...

N° P.20.0694.N
C. B.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Bram Van Den Bunder, avocat au barreau de Flandre occidentale.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 28 mai 2020 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait un rapport.
L'avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen invoque la violation de l'article 9, § 2, de la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement, ainsi que la méconnaissance du principe général du droit relatif à la motivation des décisions judiciaires : l'arrêt décide, à tort et sans motivation suffisante, que l’actualisation de l'examen psychiatrique médicolégal n’est pas nécessaire ; le demandeur soutient qu’il a pourtant été démontré qu’il ne se trouvait plus dans un état psychotique ; de plus, l'expert relativise son propre rapport et, ensuite de l’internement forcé le 24 décembre 2019, le centre psychiatrique de Menin (CPM) n'a plus demandé à prolonger cet internement forcé ; ces éléments attestent de l'évolution positive de l'état du demandeur et révèlent que le CPM a lui-même considéré qu'il n’était plus question de maladie mentale ; le demandeur n'a pas suffisamment pu étudier le rapport préliminaire de l'expert, de sorte que l'absence de réponse du demandeur ne peut pas justifier la décision.
2. Dans la mesure où il impose un examen des faits pour lequel la Cour est sans compétence, le moyen est irrecevable.
3. En vertu de l'article 5, § 1er, de la loi du 5 mai 2014, lorsqu'il y a des raisons de considérer qu'une personne se trouve dans une situation visée à l'article 9 de cette loi, le juge ordonne une expertise psychiatrique médicolégale. En vertu de l'article 9, § 2, de la loi du 5 mai 2014, le juge prend sa décision quant à l'internement après la réalisation de l'expertise psychiatrique médicolégale visée à l'article 5, ou après l'actualisation d'une expertise antérieure.
4. Le juge apprécie souverainement la nécessité de procéder à l’actualisation d’une expertise effectuée antérieurement, conformément à l'article 9 § 2 de la loi du 5 mai 2014. La Cour se borne à vérifier si le juge ne déduit pas de ses constatations des conséquences qui leur sont étrangères ou qu’elles ne sauraient justifier.
5. L’arrêt se prononce ainsi qu’il suit :
- contrairement à l’allégation du demandeur, il s’avère que le rapport préliminaire de psychiatrie médicolégale est daté du 22 novembre 2019, et que le demandeur avait jusqu'au 7 décembre 2019 pour formuler des remarques ;
- à défaut de remarques, l'expert a rédigé son rapport psychiatrique médicolégal définitif le 7 décembre 2019 ;
- moins de cinq mois se sont écoulés depuis cette date et jusqu'à la date de l'audience du 22 avril 2020 au cours de laquelle l'affaire a été examinée, de sorte que le rapport final est suffisamment actuel et ne nécessite pas d'être actualisé ;
- le fait que l’internement forcé du demandeur n'a plus été prolongé après le 25 janvier 2020 et qu'il a quitté le CPM le 18 février 2020 et vit depuis lors à nouveau seul à Courtrai ne fait pas obstacle à ce qui précède et à la valeur du rapport final.
Par ces motifs, l'arrêt peut légalement considérer qu'il n'y a pas lieu d’actualiser le rapport d'expertise médicolégal et cette décision est régulièrement motivée.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
6. Le moyen invoque la violation de l'article 9, § 1er, de la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement, ainsi que la méconnaissance du principe général du droit relatif à la motivation des décisions judiciaires : l'arrêt considère, à tort et sans motivation suffisante, que le demandeur souffrait d'un trouble mental au moment de la décision ; l'arrêt tient compte, pour apprécier l'état mental du demandeur, de l'absence de consultation d'un psychiatre depuis la sortie du CPM, ainsi que du fait que le suivi par le médecin généraliste s'est limité au contrôle des valeurs sanguines et des injections, alors qu'un suivi plus poussé n'était plus possible compte tenu de la pandémie du coronavirus ; une telle décision est dénuée de tout sens de la réalité et atteste d’une motivation manifestement déraisonnable ; l'arrêt est contradictoire en ce qu'il découle ipso facto de la non prolongation de l’internement forcé que le demandeur n'est plus malade mentalement.
7. Dans la mesure où il impose un examen de faits pour lequel la Cour est sans compétence, le moyen est irrecevable.
8. Une contradiction comme défaut de motivation d'une décision judiciaire suppose que des motifs ou des dispositions d’une même décision s'annulent ou se neutralisent. Une contradiction entre les éléments du dossier et une décision du juge ne constitue pas un tel défaut de motivation.
Dans la mesure où il procède d’une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
9. En vertu de l'article 9, § 1er, alinéa 1, 2°, de la loi du 5 mai 2014, le juge peut ordonner l'internement d'une personne qui, au moment de la décision, est atteinte d'un trouble mental qui abolit ou altère gravement sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes.
10. Le juge apprécie souverainement si, au moment de la décision, une personne qui a commis un crime ou un délit est atteinte d'un trouble mental visé à l'article 9, § 1er, alinéa 1, 2°, de la loi du 5 mai 2014. La Cour se borne à vérifier si le juge ne déduit pas de ses constatations des conséquences qui leur sont étrangères ou qu’elles ne peuvent justifier.
11. Par l'ensemble des motifs contenus dans l'arrêt (…), l’arrêt peut légalement considérer qu’au moment de la décision, le demandeur est atteint d'un trouble mental tel que visé à l'article 9, § 1er, alinéa 1, 2°, de la loi du 5 mai 2014, et cette décision est régulièrement motivée.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
12. Les formes substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Erwin Francis, Eric Van Dooren et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du dix novembre deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Bart De Smet, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Françoise Roggen et transcrite avec l’assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0694.N
Date de la décision : 10/11/2020
Type d'affaire : Droit pénal - Droit civil - Autres

Analyses

Le juge apprécie souverainement la nécessité de faire procéder à l'actualisation d'une expertise effectuée antérieurement, conformément à l'article 9, § 2, de la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement; la Cour se borne à vérifier si le juge ne déduit pas de ses constatations des conséquences qui leur sont étrangères ou qu'elles ne sauraient justifier (1). (1) Cass. 11 octobre 2017, RG P.17.0784.F, Pas. 2017, n° 550 ; Cass. 21 juin 2017, RG P.17.0343.F, Pas. 2017, n° 409. Voir H. HANOUILLE, Internering en toerekeningsvatbaarheid, Intersentia, 2018, 283-285.

DEFENSE SOCIALE - INTERNEMENT - Expertise - Examen psychiatrique - Demande d'actualisation de l'expertise - Appréciation par le juge du fond - Etendue - MALADE MENTAL - Matière répressive - Internement - Expertise - Examen psychiatrique - Demande d'actualisation de l'expertise - Appréciation par le juge du fond - Etendue - EXPERTISE - Matière répressive - Malade mental - Internement - Examen psychiatrique - Demande d'actualisation de l'expertise - Appréciation - Etendue - MOYEN DE CASSATION - MATIERE REPRESSIVE - Appréciation souveraine par le juge du fond - Malade mental - Internement - Expertise - Examen psychiatrique - Demande d'actualisation de l'expertise - Application - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - Matière répressive - Expertise - Examen psychiatrique - Demande d'actualisation de l'expertise - Application [notice1]

Le juge apprécie souverainement si, au moment de la décision, une personne qui a commis un crime ou un délit est atteinte d'un trouble mental visé à l'article 9, alinéa 1er, 2°, de la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement; la Cour se borne à vérifier si le juge ne déduit pas de ses constatations des conséquences qui leur sont étrangères ou qu'elles ne peuvent justifier (1). (1) Cass. 11 octobre 2017, RG P.17.0784.F, Pas. 2017, n° 550. Voir H. HANOUILLE, ‘Internering en toerekeningsvatbaarheid', Intersentia, 2018, 283-285.

DEFENSE SOCIALE - INTERNEMENT - Preuve d'un crime ou d'un délit - Trouble mental - Appréciation par le juge du fond - Etendue - MALADE MENTAL - Matière répressive - Internement - Preuve d'un crime ou d'un délit - Trouble mental - Appréciation par le juge du fond - Etendue - MOYEN DE CASSATION - MATIERE REPRESSIVE - Appréciation souveraine par le juge du fond - Malade mental - Internement - Preuve d'un crime ou d'un délit - Trouble mental - Appréciation par le juge du fond - Application - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - Matière répressive - Malade mental - Internement - Preuve d'un crime ou d'un délit - Trouble mental - Application [notice6]


Références :

[notice1]

L. du 5 mai 2014 relative à l'internement - 05-05-2014 - Art. 9, § 2 - 11 / No pub 2014009316

[notice6]

L. du 5 mai 2014 relative à l'internement - 05-05-2014 - Art. 9, § 2 - 11 / No pub 2014009316


Composition du Tribunal
Président : JOCQUE GEERT
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL, BIRANT AYSE
Ministère public : DE SMET BART
Assesseurs : VAN VOLSEM FILIP, HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-11-10;p.20.0694.n ?

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