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03/11/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0674.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 novembre 2020, P.20.0674.N


N° P.20.0674.N
LUYCKX INTERNATIONAL, société anonyme,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
ÉTAT BELGE, spf Finances, représenté par le ministre des Finances,
partie poursuivante,
défendeur en cassation,
Me Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 28 mai 2020 par la cour d’appel d’Anvers, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présen

t arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L’avocat général ...

N° P.20.0674.N
LUYCKX INTERNATIONAL, société anonyme,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
ÉTAT BELGE, spf Finances, représenté par le ministre des Finances,
partie poursuivante,
défendeur en cassation,
Me Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 28 mai 2020 par la cour d’appel d’Anvers, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L’avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
1. Le moyen invoque la violation des articles 23 et 139 du Code d'instruction criminelle : les juges d’appel ont décidé, à tort, que le tribunal correctionnel d’Anvers, division Anvers, est territorialement compétent pour connaître des faits de la prévention 1 (la mise en libre pratique de panneaux solaires avec pour mention l’origine Taïwan au lieu de Chine, procédé par lequel les droits d’antidumping et de compensation ont été éludés) ; l’acte matériel de mise en libre pratique de panneaux solaires s’est produit à Beveren, dans l’arrondissement judiciaire de Flandre orientale ; là se situe effectivement l’entrepôt où les marchandises en provenance du port d’Anvers ont été acheminées et à partir duquel les marchandises étaient directement envoyées vers les destinataires dans différents pays de l’Union européenne.
2. Sur le fondement des articles 23 et 139 du Code d’instruction criminelle, la compétence territoriale du tribunal correctionnel est notamment déterminée par le lieu où l’infraction a été commise. Cela inclut tous les lieux où se produit un comportement formant un élément constitutif de l’infraction.
3. L’article 70/2 de la loi générale du 18 juillet 1977 sur les douanes et accises dispose : « Lorsqu'elles sont destinées à être mises en libre pratique dans le pays, les marchandises qui soit y sont introduites, soit y ont le statut de marchandises en dépôt temporaire, soit s'y trouvent placées sous un des régimes douaniers visés à l'article 1er, 7°, b à g, doivent faire l'objet d'une déclaration de mise en libre pratique dans un bureau compétent à cette fin, désigné conformément à l'article 5. »
L’article 70/4, § 1er, de la loi du 18 juillet 1977 dispose :
« La déclaration doit être faite sur [une formule] conforme au modèle déterminé par le Ministre des Finances.
Elle doit être signée par le déclarant. Elle comporte les énonciations nécessaires à l'identification des marchandises, au calcul des droits à l'importation ou des montants à octroyer à l'importation, et à l'application des dispositions régissant l'importation des marchandises. Doivent être joints à la déclaration tous les documents nécessaires aux mêmes fins. »
L’article 139, 2, a), de la loi du 18 juillet 1977 prévoit que la déclaration mentionnée à l'article 138 doit contenir expressément l’origine des marchandises importées.
4. Il résulte de ces dispositions que l’introduction d’une déclaration en douane mentionnant une origine erronée des marchandises mises en libre pratique constitue un acte matériel qui représente un élément constitutif des faits de la prévention 1. Par conséquent, la compétence territoriale du tribunal correctionnel pour connaître de ces faits est déterminée en fonction de la situation du bureau des douanes où la déclaration est introduite et contrôlée.
Le moyen, en cette branche, qui est déduit d’une autre prémisse juridique, manque en droit.
Quant à la deuxième branche :
5. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 23 et 139 du Code d’instruction criminelle : même si, pour déterminer la compétence territoriale du tribunal correctionnel, il y a lieu de tenir compte de la manière et du lieu choisis pour introduire les déclarations, les juges d’appel ont conclu, à tort, à la compétence territoriale du tribunal correctionnel d’Anvers, division Anvers ; les déclarations ont été introduites électroniquement par le biais du système PLDA (PaperLess Douanes et Accises) à partir d’un ordinateur à Beveren et ont été reçues au bureau unique des douanes et accises de Bruxelles, lequel est compétent pour l’acceptation de telles déclarations en douane ; par conséquent, les déclarations ont été introduites à Bruxelles et la désignation du bureau d’Anvers dans les déclarations doit uniquement être considérée comme une indication que le traitement ultérieur du dossier sera opéré à Anvers après l’acceptation de la déclaration électronique par le bureau unique de Bruxelles ; la décision critiquée ignore la compétence de ce bureau unique ; il ne résulte d’aucune disposition ayant force de loi que les compétences du bureau unique sont déléguées aux succursales ; d’ailleurs, pour appuyer cette position, les juges d’appel ont uniquement fait référence à un arrêté du président du comité de direction du 27 janvier 2015 (MB du 30 janvier 2015) ; ledit arrêté ne peut faire obstacle à la disposition précise de l’article 4 susmentionné, dont il ressort que les déclarations sont encodées électroniquement à Bruxelles.
6. L’arrêté ministériel du 19 juillet 2006 relatif à la création du bureau unique des douanes et des accises prévoit, à l’article 1er, qu’un bureau unique des douanes et des accises est créé dans la Région bruxelloise et, à l’article 2, que le bureau unique est compétent pour l'ensemble du territoire belge.
Sur la base de l’article 1er, § 1er, de l’arrêté ministériel du 22 juillet 1998 relatif aux déclarations en matière de douane et d'accises, modifié par l’article 1er de l’arrêté ministériel du 26 mars 2007 modifiant l'arrêté ministériel du 22 juillet 1998 relatif à la déclaration en matière de douane et d'accises, les déclarations en douane doivent, en principe, être introduites électroniquement en utilisant le système électronique paperless douane et accises (système électronique PLDA), au bureau unique des douanes et des accises. La succursale du bureau unique compétente pour l’endroit où les marchandises sont présentées est considérée comme étant le bureau des douanes où la déclaration est déposée.
L’article 2 dudit arrêté ministériel du 22 juillet 1998 précise les cas dans lesquels les déclarations précitées ne doivent pas être introduites en utilisant le système électronique PLDA, mais être déposées à une succursale du bureau unique des douanes et des accises.
L’article 4, § 1er, 1°, de l’arrêté ministériel du 26 mars 2007 relatif à la création des succursales du bureau unique des douanes et des accises et à la détermination des compétences du bureau unique des douanes et des accises et de ses succursales, tel qu’applicable, prévoit que le bureau unique des douanes et des accises est compétent pour l'acceptation des déclarations électroniques en matière de douanes et accises.
L’article 6, 2°, dudit arrêté ministériel du 26 mars 2007 prévoit que les succursales sont compétentes, dans la limite de leurs attributions, de leurs heures d’ouverture et de leurs circonscriptions, pour les opérations manuelles ayant trait aux régimes douaniers et accisiens et aux procédures douanières et accisiennes relatifs à des déclarations en matière de douanes et accises introduites dans le système électronique du bureau unique.
À l’annexe 3 dudit arrêté ministériel, il est prévu que la commune de Beveren ressortit au bureau des douanes d’Anvers D en ce qui concerne la zone douanière.
7. Il en résulte que la compétence attribuée au bureau unique des douanes et des accises pour l’acceptation des déclarations en douane introduites électroniquement ne fait pas obstacle à la compétence territoriale des tribunaux correctionnels des lieux où les bureaux des douanes sont établis et qui sont chargés du traitement de ces déclarations. En effet, ces lieux représentent les lieux de commission de l’infraction, dès lors qu’entre autres, la conformité des marchandises avec les déclarations est vérifiée et la destination ultérieure des marchandises est contrôlée.
Dans la mesure où il est déduit d’une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.
8. L’arrêt (…) fonde notamment la décision portant sur la compétence territoriale du tribunal correctionnel d’Anvers sur les motifs suivants : « Les déclarations dans lesquelles l’origine et le code tarifaire sont indiqués ont été introduites au bureau des douanes d’Anvers, ainsi qu’il est mentionné à la section A Bureau de Destination : Bureau des douanes d’Anvers. À la section 44, le code BE-ANR216000 de la succursale d’Anvers est mentionné. Les compétences du bureau unique ont été déléguées aux succursales. Les déclarations en question ont été traitées et examinées au bureau d’Anvers. » Cette décision est légalement justifiée.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
9. Pour le surplus, le moyen, en cette branche, critique un motif surabondant et est irrecevable.
(…)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Erwin Francis, Sidney Berneman et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du trois novembre deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Alain Winants, avec l’assistance du greffier Ayse Birant.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0674.N
Date de la décision : 03/11/2020
Type d'affaire : Droit pénal - Droit fiscal

Analyses

Sur le fondement des articles 23 et 139 du Code d'instruction criminelle, la compétence territoriale du tribunal correctionnel est notamment déterminée par le lieu où l'infraction a été commise et cela inclut tous les lieux où se produit un comportement formant un élément constitutif de l'infraction; il résulte des dispositions des articles 70/2, 70/4, § 1er, et 139, 2, a), de la loi générale du 18 juillet 1977 sur les douanes et accises que l'introduction d'une déclaration en douane mentionnant une origine erronée des marchandises mises en circulation constitue un acte matériel qui représente un élément constitutif de la prévention de mise en circulation de marchandises avec mention d'une origine erronée, de sorte que la compétence territoriale du tribunal correctionnel pour connaître de ces faits est déterminée en fonction de la situation du bureau des douanes où la déclaration est introduite et contrôlée.

COMPETENCE ET RESSORT - MATIERE REPRESSIVE - Compétence - Compétence territoriale - Tribunal correctionnel - Critères - Compétence territoriale - Tribunal correctionnel - Douanes et accises - Mise en circulation de marchandises - Introduction d'une déclaration en douane - Bureau des douanes compétent - Portée - Conséquence - DOUANES ET ACCISES - Mise en circulation de marchandises - Introduction d'une déclaration en douane - Compétence territoriale du tribunal correctionnel - Bureau des douanes compétent - Portée - Conséquence [notice1]

Il résulte des articles 1er et 2 de l'arrêté ministériel du 19 juillet 2006 relatif à la création du bureau unique des douanes et des accises, des articles 1er, § 1er, et 2 de l'arrêté ministériel du 22 juillet 1998 relatif aux déclarations en matière de douane et d'accises, et des articles 4, § 1er, 1°, et 6, 2°, de l'arrêté ministériel du 26 mars 2007 modifiant l'arrêté ministériel du 22 juillet 1998 relatif à la déclaration en matière de douane et d'accises, ainsi que son annexe 3, que la compétence attribuée au bureau unique des douanes et des accises pour l'acceptation des déclarations en douane introduites électroniquement ne fait pas obstacle à la compétence territoriale des tribunaux correctionnels des lieux où les bureaux des douanes sont établis et qui sont chargés du traitement de ces déclarations; en effet, ces lieux représentent les lieux de commission de l'infraction, dès lors qu'entre autres, la conformité des marchandises avec les déclarations est vérifiée et la destination ultérieure des marchandises est contrôlée.

COMPETENCE ET RESSORT - MATIERE REPRESSIVE - Compétence - Compétence territoriale - Tribunal correctionnel - Douanes et accises - Mise en circulation de marchandises - Introduction d'une déclaration en douane - Déclaration électronique - Bureau des douanes unique - Succursales du bureau unique - Portée - Conséquence - DOUANES ET ACCISES - Mise en circulation de marchandises - Introduction d'une déclaration en douane - Déclaration en douane électronique - Bureau des douanes unique - Succursales du bureau unique - Compétence territoriale du tribunal correctionnel - Portée - Conséquence [notice4]


Références :

[notice1]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 23 et 139 - 30 / No pub 1808111701 ;

L. générale du 18 juillet 1977 sur les douanes et accises - 18-07-1977 - Art. 70/2, 70/4, § 1er, e, et 139, 2, a) - 31 / No pub 1977071850

[notice4]

A.M. du 22 juillet 1998 - 22-07-1998 - Art. 1er, § 1er, et 2 - 33 / No pub 1998003395 ;

A.M. du 19 juillet 2006 - 19-07-2006 - Art. 1er et 2 - 37 / No pub 2006003353 ;

A.M. du 26 mars 2007 - 26-03-2007 - Art. 4, § 1er, 1°, et 6, 2° et l'annexe 3 - 34 / No pub 2007003167


Composition du Tribunal
Président : JOCQUE GEERT
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL, BIRANT AYSE
Ministère public : WINANTS ALAIN
Assesseurs : VAN VOLSEM FILIP, HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-11-03;p.20.0674.n ?

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