N°. P.20.0637.N
K. V.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Mes Alexander Van Heeschvelde et Jesse Van Den Broeck, avocats au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi en cassation est dirigé contre des arrêts rendus les 1er octobre (ci-après le jugement I attaqué) et 19 mai 2020 (ci-après le jugement II attaqué) par le tribunal correctionnel de Flandre orientale, division Gand, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du pourvoi en cassation :
1. Le jugement II attaqué acquitte le demandeur du chef du fait qualifié sous la prévention B.
Dans la mesure où il est également dirigé contre cette décision, le pourvoi n’est pas recevable, à défaut d’intérêt.
Sur le moyen :
2. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et 211bis du Code d'instruction criminelle : le jugement I attaqué a ordonné une mesure d’instruction portant sur l’aptitude physique et psychique du demandeur à conduire un véhicule à moteur, sans que cette décision ait été prise à l’unanimité, alors que cette mesure ne pouvait entraîner qu’une aggravation de la peine ; en ordonnant, par le jugement I attaqué, la mesure d’instruction, unilatéralement et d’office, la juridiction d’appel méconnait le principe d’impartialité tel qu’énoncé à l’article 6 de la Convention ; en effet, pareille mesure ne peut entraîner qu’une aggravation de la peine et non une décision visant à établir la culpabilité ou l’innocence ; en outre, le jugement I attaqué comporte des considérations importantes concernant l’aptitude à la conduite du demandeur et émet des réserves à cet égard.
3. L’article 42, alinéa 1er, de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière dispose que la déchéance du droit de conduire doit être prononcée si, à l’occasion d’une condamnation ou d’une suspension de peine ou d’un internement pour infraction à la police de la circulation routière ou pour accident de roulage imputable au fait personnel de son auteur, le coupable est reconnu physiquement ou psychiquement incapable de conduire un véhicule à moteur. Aux termes de l’article 42, alinéa 2, de la loi du 16 mars 1968, cette déchéance peut être prononcée à chaque degré de condamnation, quelle que soit la personne qui a introduit le recours.
4. Le principe d’impartialité, tel qu’énoncé à l’article 6 de la Convention, ne s’oppose pas au fait qu’une juridiction d’appel saisie d’une action publique exercée du chef de faits susceptibles de donner lieu à une déchéance visée par l’article 42, alinéa 1er, de la loi du 16 mars 1968, vérifie d’initiative s’il existe des éléments indiquant une incapacité physique ou psychique de conduire un véhicule à moteur, qu’elle en fasse mention et que, sur leur fondement, elle ordonne une mesure d’instruction dont il peut résulter que la juridiction d’appel assortisse la sanction imposée par le premier juge de la mesure de sûreté prévue à l’article 42, alinéa 1er, de la loi du 16 mars 1968, et aggrave de la sorte la situation du prévenu. En procédant de la sorte, le juge d’appel applique légalement l’article 42, alinéa 1er, de la loi du 16 mars 1968.
Dans la mesure où il procède d’une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
5. Il découle de l’article 211bis, deuxième phrase, du Code d’instruction criminelle qu’une juridiction d'appel ne peut aggraver les peines prononcées contre le prévenu appelant que si elle constate que cette décision a été prise à l'unanimité. Il ne suit pas de cette disposition que la juridiction d’appel qui ordonne une mesure d’instruction en vue d’imposer éventuellement une déchéance telle que visée à l’article 42, alinéa 1er, de la loi du 16 mars 1968, doive adopter cette décision à l’unanimité. La circonstance que l’ajout par une juridiction d’appel d’une déchéance, telle que visée à l’article 42, alinéa 1er, de la du 16 mars 1968, aux peines imposées par le premier juge, constitue effectivement une aggravation de la peine au sens de l’article 211bis, deuxième phrase, du Code d'instruction criminelle, est sans effet à cet égard.
Dans la mesure où il procède d’une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
Le contrôle d’office
6. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Erwin Francis, Sidney Berneman et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt octobre deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Bart De Smet, avec l’assistance du greffier Ayse Birant.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Frédéric Lugentz et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.