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13/10/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0999.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 octobre 2020, P.20.0999.N


N° P.20.0999.N
S. E. M.,
personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen
demandeur en cassation,
Me Sanne De Clerck, avocat au barreau d’Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 1er octobre 2020 par la cour d’appel d’Anvers, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L’avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
S

ur le premier moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des articles 6, § 1er, de la Convention de sauve...

N° P.20.0999.N
S. E. M.,
personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen
demandeur en cassation,
Me Sanne De Clerck, avocat au barreau d’Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 1er octobre 2020 par la cour d’appel d’Anvers, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L’avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et 4, 5°, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d’arrêt européen : l’arrêt considère que la chambre des mises en accusation qui statue sur l’exécution d’un mandat d’arrêt européen ne peut pas examiner la méconnaissance du droit à l’examen du bien-fondé des poursuites dans un délai raisonnable parce que cette chambre ne peut connaître de l’action publique ; les juridictions d’instruction doivent toutefois refuser la remise dans le cas où il existe des raisons sérieuses de penser que l’exécution du mandat d’arrêt européen pourrait entraîner une violation du droit à un procès équitable du suspect, notamment du droit à l’examen de sa cause dans un délai raisonnable ; dès lors que le délai raisonnable en la matière a pris cours le 2 mars 2011, que le mandat d’arrêt européen ne date que du 3 novembre 2017 et qu’à l’heure actuelle le demandeur vit dans l’incertitude depuis neuf ans déjà alors que cette situation n'est pas due à son fait personnel mais aux autorités espagnoles, le délai raisonnable est, en l’espèce, déjà dépassé, même prima facie ; lorsque, de surcroît, le risque de violation des droits fondamentaux du suspect a été constaté, l'autorité judiciaire d'exécution doit examiner la question avec précision, de façon concrète et dans le cadre d'un dialogue avec l'autorité judiciaire d’émission.
2. Dans la mesure où il requiert un examen des faits, pour laquelle la cour est sans pouvoir, le moyen est irrecevable.
3. L'article 4, 5°, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d’arrêt européen dispose que l'exécution du mandat d'arrêt européen peut être refusée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu’elle aurait pour effet de porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne concernée, tels qu'ils sont consacrés par l'article 6 du traité sur l'Union européenne.
Conformément à l'article 6, alinéa 3, du traité sur l'Union européenne, ce motif de refus relève de l'article 6.1 de la Convention, qui dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable lorsqu'il s'agit de décider du bien-fondé de poursuites engagées à sa charge.
4. Il n'existe pas de délai abstrait dont le dépassement entraîne nécessairement le dépassement du délai raisonnable pour l'examen d'une cause. Le caractère raisonnable de ce délai doit être apprécié en fonction du déroulement concret des poursuites dans chaque affaire prise séparément. Par conséquent, du simple fait qu'un certain délai s’est écoulé, il ne peut se déduire qu’il existe un risque manifeste de violation du droit de la personne devant faire l'objet de la remise, à l'examen de sa cause dans un délai raisonnable.
5. Une instance nationale ne peut dès lors examiner la méconnaissance du droit à l’examen du bien-fondé des poursuites dans un délai raisonnable que dans la mesure où cette instance peut connaître des poursuites. Tel n'est pas le cas de l'autorité judiciaire d'exécution qui se prononce relativement à l'exécution d'un mandat d'arrêt européen. Dans ce cas, en effet, seule l‘autorité judiciaire d’émission est saisie de l’action publique et est donc compétente pour statuer sur les poursuites.
6. Il s’ensuit que l’obligation pour la juridiction d’instruction d’examiner le motif de refus prévu à l’article 4, 5°, de la loi du 19 décembre 2003 n’implique pas que celle-ci doive également examiner l’éventuel dépassement du délai raisonnable au cours duquel il doit avoir été statué sur les poursuites.
7. Le moyen qui, en cette branche, procède d'une autre prémisse juridique, manque en droit.
8. Pour le surplus, vainement déduit de l’illégalité invoquée ci-dessus, le moyen est irrecevable.
Sur le deuxième moyen :
9. Le moyen est tiré de la violation de l’article 13 de la Convention : l’arrêt méconnaît le droit un recours effectif devant une instance nationale en considérant que seule l’autorité judiciaire d’émission peut connaître d’une méconnaissance du délai raisonnable et ne pas faire application pour cette raison du motif de refus prévu à l’article 4, 5°, de la loi du 19 décembre 2003 ; de cette façon, le demandeur ne peut faire valoir en cours de procédure ses critiques relatives au délai raisonnable.
10. Dans la mesure où il est déduit de l’illégalité invoquée en vain dans le premier moyen, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
11. La personne devant faire l’objet de la remise peut exposer sa défense relative à la méconnaissance du délai raisonnable devant l’autorité nationale qui apprécie le bien-fondé des poursuites après sa remise. Ne constitue pas une violation de l’article 13 de la Convention le fait que cette défense ne conduise pas à l’application du motif de refus prévu à l’article 4, 5°, de la loi du 19 décembre 2003, par la juridiction d’instruction qui statue sur l’exécution du mandat d’arrêt européen, compte tenu de la durée limitée de la procédure en question et de la compétence limitée dont dispose cette juridiction dans le cadre de cette procédure.
Le moyen qui, en cette branche, procède d'une autre prémisse juridique, manque en droit.
(…)
Le contrôle d’office
21. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Erwin Francis, Sidney Berneman et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du treize octobre deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Alain Winants, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l’assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0999.N
Date de la décision : 13/10/2020
Type d'affaire : Droit international public - Droit pénal

Composition du Tribunal
Président : JOCQUE GEERT
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL, BIRANT AYSE
Ministère public : WINANTS ALAIN
Assesseurs : VAN VOLSEM FILIP, HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-10-13;p.20.0999.n ?

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