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13/10/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0254.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 octobre 2020, P.20.0254.N


N° P.20.0254.N
I. I.M.,
Me John Maes, avocat au barreau d’Anvers,
II. L.B.,
Me Omar Souidi, avocat au barreau d’Anvers,
prévenus,
demandeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre l'arrêt de la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle, du 5 février 2020.
Le demandeur I n’invoque aucun moyen.
Le demandeur II invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt.
Le conseiller Sidney Berneman a fait un rapport.
L'avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE L

A COUR
Sur le moyen du demandeur II :
1. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles ...

N° P.20.0254.N
I. I.M.,
Me John Maes, avocat au barreau d’Anvers,
II. L.B.,
Me Omar Souidi, avocat au barreau d’Anvers,
prévenus,
demandeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre l'arrêt de la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle, du 5 février 2020.
Le demandeur I n’invoque aucun moyen.
Le demandeur II invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt.
Le conseiller Sidney Berneman a fait un rapport.
L'avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen du demandeur II :
1. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6.1 et 6.3.d de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense : l'arrêt rejette à tort la demande du demandeur II d'entendre un témoin (ci-après "le témoin") dont la déclaration est prise en compte pour l'appréciation de sa culpabilité dans l'affaire II ; le demandeur II a demandé, à chaque stade de la procédure, une audition et une confrontation avec ce témoin ; le critère de la peur éventuelle des victimes et des témoins n'a pas été apprécié de manière concrète et individuelle en ce qui concerne le demandeur II, dont les droits ne peuvent pas être limités en raison d’une éventuelle intimidation par d'autres prévenus ; le témoin n'a pas déclaré qu'il ne voulait pas coopérer à une confrontation en raison d'une prétendue peur, mais il s'agit uniquement d'une stratégie de défense bien réfléchie de son avocat ; il ne semble pas que le témoin ait peur du demandeur II ; les motifs du rejet de la demande d'audition du témoin ne sont pas liés au demandeur II.
2. La question de savoir si le juge appelé à statuer sur le fond de la procédure pénale est tenu d'entendre comme témoin une personne qui a fait une déclaration incriminant un prévenu au cours de l'enquête préliminaire, si ce prévenu le demande, doit être appréciée à la lumière du droit à un procès équitable garanti par l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et du droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge, garanti par l'article 6.3.d de la Convention. L'essentiel est de savoir si la procédure pénale contre le prévenu est équitable dans son ensemble, ce qui n'exclut pas que le juge prenne en compte non seulement les droits de la défense de ce prévenu, mais aussi les intérêts de la société, des victimes et des témoins eux-mêmes.
3. De manière générale, il découle de l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que les preuves à l'encontre d'un prévenu lui sont présentées en audience publique et que le prévenu doit être en mesure de contredire ces preuves.
4. Les articles 6.1 et 6.3.d de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, tel qu'interprétés par la Cour européenne des droits de l'homme, exigent que pour prendre en compte comme preuve une déclaration incriminante faite par une personne entendue dans le cadre de l'enquête préliminaire, sans que le défendeur ait eu la possibilité d'interroger durant l’audience cette personne en tant que témoin, le juge examine si :
(i) il existe des raisons sérieuses de ne pas entendre le témoin, c'est-à-dire des motifs factuels ou juridiques qui pourraient justifier l'absence du témoin au procès. Lors de cette évaluation, le juge peut prendre en compte le risque d'intimidation, de représailles, de menaces ou de violence à l'égard du témoin ou de ses connaissances. Il est sans importance que ces intimidations, représailles, menaces ou violences émanent ou puissent émaner du défendeur qui demande l'audition du témoin ou d'autres défendeurs ou même de tiers ;
(ii) la déclaration à charge est l'élément unique ou décisif sur lequel repose la déclaration de culpabilité, le terme "décisif" désignant une preuve d'une importance telle qu'on peut supposer qu'elle a influencé l'issue de l'affaire ;
(iii) il existe des facteurs compensatoires suffisants à l’absence d’interrogatoire du témoin, notamment des garanties procédurales solides.
5. De manière générale, le juge évalue l'impact sur le procès équitable de la non-audition d'un témoin ayant fait une déclaration incriminante lors de la phase d'instruction en se référant aux trois critères énumérés ci-dessus et dans l'ordre indiqué, à moins que l'un des critères ne soit d'une importance tellement prédominante qu'il suffit à apprécier si la procédure pénale, prise dans son ensemble, est équitable ou non.
6. Le juge décide souverainement si, compte tenu des critères susmentionnés, le fait de ne pas entendre à l’audience un témoin qui a fourni des éléments de preuve incriminant le prévenu au cours de la procédure d'enquête préliminaire porte atteinte au droit de ce dernier à un procès équitable considéré dans son ensemble. Le juge doit fonder sa décision sur des circonstances concrètes qu'il identifie.
7. L'arrêt (p. (28) constate que la déclaration éventuellement incriminante du témoin pendant la phase d'instruction n'est pas le seul élément ou l'élément décisif sur lequel repose le verdict de culpabilité du demandeur II et énumère les autres éléments sur lesquels repose cette décision. L'arrêt (p. 28) relève également qu'il existe des facteurs compensatoires justifiant de ne pas entendre le témoin qu'il mentionne. L'arrêt justifie la décision selon laquelle il existe des raisons sérieuses de ne pas entendre le témoin à l’audience par les motifs suivants :
- il existe un risque d'influence, d'intimidation, de menaces, voire de violence, étant donné l'environnement de criminalité organisée dans lequel les actes en question ont eu lieu ;
- il existe un risque réel d'intimidation et de menaces, comme en témoigne la plainte déposée par le témoin le 14 décembre 2018, dont le procès-verbal a été ajouté au dossier pénal par le procureur du Roi pour information ;
- ce rapport montre que deux jeunes hommes ont crevé les pneus avant droit et arrière gauche de la voiture du témoin. Des voisins du témoin ont confirmé avoir vu ces jeunes hommes occupés au niveau des pneus du véhicule et ont pu les photographier de loin ;
- le témoin, sur les conseils de son avocat, a alors informé la police que, dans le cadre de l'enquête, il ne se rendrait pas à l'audience de confrontation prévue avec le demandeur II et F.B., compte tenu de ces faits du 14 décembre 2018.
L'arrêt (p. (29) décide, en outre, que la procédure menée a été équitable dans son ensemble, en tenant compte non seulement des droits de la défense du demandeur II, mais aussi des intérêts de la société et du témoin lui-même, qu'aucun élément ne permet de conclure que les droits de la défense et le droit à un procès équitable du demandeur II ont été méconnus ou qu'une quelconque irrégularité a été commise dans la constitution du dossier, et que le demandeur II a pu se livrer et s'est livré à une réfutation approfondie des preuves régulièrement soumises à la cour d'appel.
Il ressort de l'ensemble de ces raisons concrètes que les juges d'appel ont apprécié la demande d'audition du témoin présentée par le demandeur II au regard des critères susmentionnés et qu'ils pouvaient légalement rejeter cette demande pour ces motifs.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
8. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux frais de leur pourvoi ;
Fixe l'ensemble des frais à 225,50 euros, dont 112,75 euros à la charge de chacun des demandeurs I et II.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Erwin Francis, Sidney Berneman et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du treize octobre deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Alain Winants, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Frédéric Lugentz et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0254.N
Date de la décision : 13/10/2020
Type d'affaire : Droit pénal - Droit international public

Composition du Tribunal
Président : JOCQUE GEERT
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL, BIRANT AYSE
Ministère public : WINANTS ALAIN
Assesseurs : VAN VOLSEM FILIP, HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-10-13;p.20.0254.n ?

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