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29/09/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0918.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 septembre 2020, P.20.0918.N


N° P.20.0918.N
S. Z.,
condamné à une peine privative de liberté, détenu,
demandeur en cassation,
Me Emily De Ceuninck, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 31 août 2020 par le tribunal de l’application des peines de Flandre orientale, division Gand.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L’avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
S

ur la recevabilité du pourvoi :
1. Le jugement constate la recevabilité de la demande de mise en l...

N° P.20.0918.N
S. Z.,
condamné à une peine privative de liberté, détenu,
demandeur en cassation,
Me Emily De Ceuninck, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 31 août 2020 par le tribunal de l’application des peines de Flandre orientale, division Gand.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L’avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du pourvoi :
1. Le jugement constate la recevabilité de la demande de mise en liberté provisoire en vue de l’éloignement du territoire ou de la remise.
Dans la mesure où il est également dirigé contre cette décision, le pourvoi du demandeur est irrecevable.
Sur le moyen pris d’office :
Dispositions légales violées :
- article 149 de la Constitution ;
- article 47, § 2, de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées.
2. Aux termes de l’article 47, § 2, de la loi du 17 mai 2006, la mise en liberté provisoire en vue de l'éloignement du territoire ou de la remise peut être accordée au condamné pour autant qu'il n'existe pas de contre-indications dans le chef de celui-ci auxquelles la fixation de conditions particulières ne puisse répondre. Ces contre-indications portent sur : 1) le risque de perpétration de nouvelles infractions graves ; 2) le risque que le condamné importune les victimes ; 3) les efforts fournis par le condamné pour indemniser les parties civiles, compte tenu de la situation patrimoniale du condamné telle qu'elle a évolué par son fait depuis la perpétration des faits pour lesquels il a été condamné.
3. Le tribunal de l’application des peines ne peut rejeter une demande recevable visant à obtenir la modalité d’exécution de la peine visée que s’il constate qu’il existe des contre-indications portant sur au moins l’un des trois motifs énoncés. Le rejet d’une demande visant à obtenir cette modalité d’exécution de la peine n’est ainsi régulièrement motivée que lorsque le tribunal de l’application des peines constate clairement qu’il existe des contre-indications qui portent sur un ou plusieurs des motifs énoncés à l’article 47, § 2, de la loi du 17 mai 2006 et qu’il mentionne en outre expressément les motifs qui sont d’application.
4. Le jugement se prononce ainsi qu’il suit :
- le demandeur a été condamné à une peine d’emprisonnement de 7 ans et à une amende de 840.000,00 euros du chef de son implication dans un trafic d’êtres humains ;
- ensuite de sa remise par le Royaume-Uni, il est en prison depuis le 7 janvier 2016 ;
- il n’a pas de permis de séjour en Belgique ;
- une précédente demande visant à obtenir cette modalité d’exécution de la peine a été rejetée le 25 juin 2019 ;
- le demandeur voulait s’établir au Royaume-Uni, où vivent sa femme et ses enfants, ce qui lui a été refusé par les autorités britanniques ;
- il déclare actuellement vouloir retourner en Irak, où il pourrait séjourner chez son frère et où il aurait des perspectives de travail ;
- le service des Affaires étrangères et l’ambassade d’Irak ont confirmé qu’il peut retourner en Irak ;
- il aurait versé 75,00 euros à Myria et verse 40,00 euros pour l’amende depuis 2020 ;
- le tribunal est très sceptique quant à son intention de retourner en Irak et d’y séjourner effectivement ;
- un rapport antérieur du service psychosocial daté du 26 novembre 2018 indiquait que le demandeur vivait depuis 2002 au Royaume-Uni et qu’il avait fui l’Irak en raison du régime de Saddam Hussein et que son seul frère était décédé. Ses parents seraient décédés depuis bien plus longtemps encore. À l’audience, il a subitement déclaré avoir deux frères. De plus, sa compagne et ses enfants vivent toujours au Royaume-Uni. Sa femme entretiendrait actuellement une relation avec une autre personne ;
- il y a en outre lieu de remarquer que le demandeur a été condamné en 2011 pour des faits similaires à une peine d’emprisonnement de 3 ans, ce qui ne l’a pas empêché de commettre de nouveaux faits ;
- compte tenu de ces éléments, ainsi que de l’importance des gains générés par de tels faits et de sa persistance à nier les faits, le tribunal a de sérieux doutes sur son intention de recommencer une nouvelle vie en Irak ;
- par conséquent, les contre-indications visées à l’article 47, § 2, de la loi du 17 mai 2006 ne peuvent être écartées.
Ainsi, le jugement ne constate pas clairement pour lequel des trois motifs visés à l’article 47, § 2, de la loi du 17 mai 2006 sont admises des contre-indications, mais bien que des contre-indications sont admises pour chacun de ces motifs. Par conséquent, le rejet de la modalité d’exécution de la peine sollicitée n’est pas régulièrement motivé.
Sur le moyen :
5. Il n’y a pas lieu de répondre au moyen.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse le jugement attaqué, hormis en tant qu’il déclare recevable la demande formulée par le demandeur visant à obtenir la modalité d’exécution de la peine visée ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Condamne le demandeur à un dixième des frais de son pourvoi ;
Réserve la décision sur le surplus des frais afin qu’il soit statué sur celui-ci par le juge de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, au tribunal de l’application des peines de Flandre orientale, division Gand, autrement composé.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Sidney Berneman, Eric Van Dooren et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Bart De Smet, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Frédéric Lugentz et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0918.N
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Droit pénal - Autres - Droit administratif

Analyses

Le tribunal de l'application des peines ne peut rejeter une demande recevable visant à obtenir la mise en liberté provisoire en vue de l'éloignement du territoire ou de la remise que s'il constate qu'il existe des contre-indications auxquelles la fixation de conditions particulières ne peut répondre et portant sur au moins l'un des motifs mentionnés à l'article 47, § 2, de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées, à savoir 1) le risque de perpétration de nouvelles infractions graves, 2) le risque que le condamné importune les victimes ou 3) les efforts fournis par le condamné pour indemniser les parties civiles, compte tenu de sa situation patrimoniale telle qu'elle a évolué par son fait depuis la perpétration des faits pour lesquels il a été condamné; le rejet d'une demande visant à obtenir cette modalité d'exécution de la peine n'est régulièrement motivée que lorsque le tribunal de l'application des peines constate clairement qu'il existe des contre-indications qui portent sur un ou plusieurs des motifs précités et qu'il mentionne en outre expressément les motifs qui sont d'application (1). (1) Cass. 9 janvier 2018, RG P.17.1283.N, Pas. 2018, n° 18 ; Cass. 26 août 2008, RG P.08.1251.N, Pas. 2008, n° 435, R.A.B.G. 2009, 10 et note Y. VAN DEN BERG.

APPLICATION DES PEINES - Tribunal de l'application des peines - Modalité d'exécution de la peine - Mise en liberté provisoire en vue de l'éloignement du territoire - Contre-indications - Imposition de conditions particulières - Devoir de motivation - Etendue - MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRETS - EN CAS DE DEPOT DE CONCLUSIONS - Matière répressive (y compris les boissons spiritueuses et les douanes et accises) - ETRANGERS [notice1]


Références :

[notice1]

L. du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine - 17-05-2006 - Art. 47, § 2 - 35 / No pub 2006009456


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : DE SMET BART
Assesseurs : LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, VAN DOOREN ERIC, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-09-29;p.20.0918.n ?

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