N° P.20.0588.N
M. M.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Nicolaas Vinckier, avocat au barreau de Flandre occidentale.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 29 avril 2020 par la cour d’appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Steven Van Overbeke a fait rapport.
L’avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
1. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6, §§ 1 et 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14, § 2, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 149 de la Constitution, 37quinquies, § 3, alinéa 2, du Code pénal, 195, alinéa 2, et 211 du Code d'instruction criminelle, 1319, 1320 et 1322 du Code civil, ainsi que la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense et du principe général du droit qui en résulte relatif à la présomption d’innocence, en ce compris le droit au contradictoire : en refusant d’accéder à la demande formulée par le demandeur en visant à ce qu’une peine de travail lui soit infligée, les juges d’appel ont méconnu la présomption d’innocence ; en effet, les juges d’appel ont motivé leur refus d’infliger une peine de travail au demandeur à tout le moins partiellement par la circonstance que, dans un autre dossier en matière de drogue, le demandeur était en détention sur la base de faits punissables du chef desquels il n’avait pas encore été reconnu coupable ; les juges d’appel ont indiqué à cet égard que, compte tenu de sa détention récente dans le cadre d’un dossier en matière de drogues, le demandeur « est en fâcheuse posture » et qu’il n’est pas question d’ « une évolution positive » ; dans la mesure où il n’est pas clair si les juges d’appel ont tenu compte de faits punissables du chef desquels le demandeur n’avait pas encore été condamné à titre définitif, l’arrêt est, à tout le moins, ambigu et n’est, par conséquent, pas régulièrement motivé.
2. Le moyen, en cette branche, ne précise pas en quoi l’arrêt viole les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est imprécis et, par conséquent, irrecevable.
3. La présomption d’innocence consacrée aux articles 6.2, de la Convention et 14.2, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques n’empêche pas le juge de tenir compte, pour fixer le taux de la peine, de tous les faits soumis à contradiction qui portent sur la personnalité de l’auteur et des actes qu’il a posés, pour autant qu’il ne se prononce pas sur leur caractère punissable. La présomption d’innocence empêche toutefois le juge de tenir compte dans son appréciation d’une infraction du chef de laquelle le prévenu n’a pas été définitivement condamné.
4. L’arrêt refuse d’accéder à la demande formulée par le demandeur visant à ce qu’une peine de travail lui soit infligée parce qu’une telle peine est « absolument contre-indiquée » et ne constituerait « pas une réaction appropriée par rapport à la société ». À cet égard, les juges d’appel se sont référés :
- à la gravité des faits commis par le demandeur, lesquels attestent d’une attitude immorale et criminelle ;
- à l’ampleur de la culture, à la détention et à la vente de cannabis dont le demandeur s’est rendu coupable avec des co-prévenus sur une longue période, ce qui constitue une nuisance très importante pour la société, dès lors qu’elle met manifestement la santé de la population en grave danger et que la dépendance aux stupéfiants peut engendrer à son tour d’autres infractions, comme des vols ou des actes de violences ;
- au gain facile et important d’argent qui était la seule motivation du demandeur, lequel ne se souciait pas des effets néfastes attribués généralement au cannabis, tant sur le plan physique que psychique, sur la santé des consommateurs finaux dont il a ainsi contribué à tout le moins à maintenir la dépendance ;
- à la circonstance que le demandeur encourait le 21 novembre 2013 une condamnation du chef de violences conjugales.
L’arrêt indique également que :
- le demandeur était sous le coup d’une détention préventive du 22 février 2016 au 20 mai 2016, à la suite de laquelle la chambre du conseil a ordonné sa mise en liberté sous conditions, lesquelles ont été prolongées jusqu’au 20 mai 2017 ;
- le demandeur a été arrêté le 18 février 2020 car il était suspecté d’être impliqué dans un dossier en matière de drogues et qu’il semblait avoir été présent dans une habitation dont il détenait la clé et où une culture de cannabis démantelée a été découverte le 17 février 2020 ;
- contrairement à l’allégation faite dans ses conclusions, le demandeur était donc clairement en mauvaise posture.
5. Sur la base des considérations susmentionnées, les juges d’appel ont, sans méconnaître la présomption d’innocence et sans ambigüité, justifié légalement leur refus d’infliger une peine de travail au demandeur. La simple circonstance que les juges d’appel ont également indiqué que, eu égard à son attitude récente dans un autre dossier en matière de drogues, le demandeur « est en fâcheuse posture » et qu’il n’est pas question d’ « une évolution positive », n’implique pas qu’ils en ont déduit que les faits de cet autre dossier en matière de drogues étaient établis à charge du demandeur et qu’ils auraient justifié totalement ou partiellement leur refus de lui infliger une peine de travail sur un tel fondement.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, se fonde sur une lecture erronée de l’arrêt et manque, par conséquent, en fait.
(…)
Le contrôle d’office
10. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Sidney Berneman, Eric Van Dooren et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat Bart De Smet, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller François Stévenart Meeûs et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.