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30/06/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0632.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 30 juin 2020, P.20.0632.N


N° P.20.0632.N
M. E.B.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Sahil Malik, avocat au barreau d’Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 12 février 2020 par le tribunal correctionnel néerlandophone de Bruxelles, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L’avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
1. Le moyen invoq

ue la violation des articles 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté...

N° P.20.0632.N
M. E.B.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Sahil Malik, avocat au barreau d’Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 12 février 2020 par le tribunal correctionnel néerlandophone de Bruxelles, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L’avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
1. Le moyen invoque la violation des articles 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 14, § 2, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que la méconnaissance du principe général du droit relatif à la présomption d’innocence : le jugement attaqué fait peser sur le demandeur lui-même la charge de la preuve de son innocence ; en effet, il déduit la preuve que le demandeur, en tant que possesseur du véhicule, est également le conducteur effectif du véhicule avec lequel l’infraction a été commise, de la simple circonstance que son allégation selon laquelle un autre que lui était au volant est dénuée de toute crédibilité et qu’il ne rend cette allégation nullement plausible.
2. Hormis en des cas qui ne sont pas applicables en l’espèce, la charge de la preuve du fait qu’un prévenu conduisait le véhicule avec lequel une infraction en matière de roulage a été commise incombe à la partie poursuivante. Le prévenu n’est pas tenu de prouver son innocence.
3. Cette règle n’empêche toutefois pas qu’il appartient au juge de décider, sur la base des éléments qui lui sont soumis, s’il est établi qu’un prévenu conduisait le véhicule avec lequel une infraction en matière de roulage a été commise. En effet, la présomption d’innocence n’implique pas que le juge soit tenu d’admettre comme vrais les éléments de fait invoqués par le prévenu et qu’il ne puisse apprécier la crédibilité de ces allégations.
Dans la mesure où il est déduit d’une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
4. Le jugement attaqué fonde sa décision selon laquelle le demandeur était bel et bien le conducteur du véhicule au moment de l’infraction sur les motifs suivants :
- selon le titulaire de la plaque d’immatriculation, le demandeur avait pris en location au moment des faits le véhicule avec lequel l’infraction a été commise ;
- le demandeur n’a communiqué pour la première fois le fait qu’il n’était pas le conducteur du véhicule que dans le cadre de la procédure pénale en première instance ;
- le demandeur a eu l’occasion à diverses reprises de communiquer l’identité d’un potentiel autre conducteur ;
- le demandeur n’a pas réagi aux demandes d’audition que la police lui a adressées, d’autant qu’il avait ainsi l’opportunité d’expliquer qu’il n’était pas le conducteur ;
- l’allégation selon laquelle un autre était au volant est ainsi dénuée de toute crédibilité ;
- une déclaration de K.E.Y. a été déposée au cours de la procédure en première instance, par laquelle ce dernier indiquait avoir commis l’infraction en matière de roulage ;
- une déclaration de M.L. a été déposée en degré d’appel par laquelle ce dernier soutenait qu’il était le conducteur du véhicule ;
- le tribunal n’a donné aucune foi à ces déclarations ;
- le demandeur n’a aucunement rendu plausible le fait qu’il n’était pas lui-même le conducteur du véhicule qu’il avait pris en location.
5. Par ces motifs, les juges d’appel ne font pas peser la charge de la preuve sur le demandeur, mais ils ont apprécié la crédibilité de ses allégations sans violer la présomption d’innocence. Par les motifs qu’il comporte, le jugement attaqué justifie légalement la déclaration de culpabilité du demandeur.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le moyen pris d’office :
Dispositions légales
- article 43 de l’arrêté royal du 15 décembre 2019 fixant l'organisation des bureaux des frais de justice de l'arrondissement, ainsi que la procédure d'attribution, de vérification, de paiement et de recouvrement des frais de justice en matière pénale et des frais assimilés, publié au Moniteur belge du 27 décembre 2019 (2ème éd.) et entré en vigueur le 1er janvier 2020.
6. Aux termes de l’article 91, alinéa 1er, du Règlement général du 28 décembre 1950 sur les frais de justice en matière répressive, dans les affaires criminelles et correctionnelles qui ont donné lieu à des frais de port de lettres et paquets, il sera alloué par le juge à l'État, à titre de frais de correspondance, une somme qui ne pourra dépasser 10 pour cent de la totalité des frais.
7. Cette disposition a été abrogée par l’article 43 de l’arrêté royal susmentionné.
8. Il n’appert pas que cette condamnation trouve un fondement juridique dans une disposition de la loi du 23 mars 2019 concernant les frais de justice en matière pénale et les frais assimilés et insérant un article 648 dans le Code d'instruction criminelle ou de l’arrêté royal susmentionné du 15 décembre 2019. Il en va de même pour la circulaire n° 131/7 relative à l'indexation des montants pouvant être imputés par les personnes requises par les autorités judiciaires afin de prester un service générant des frais de justice en matière pénale, publiée au Moniteur belge du 31 janvier 2020.
9. Le jugement attaqué condamne le demandeur aux frais d’appel à concurrence de 82,23 euros. Cette somme comporte une augmentation des 10 pour cent visée à l’article 91, alinéa 1er, du Règlement général du 28 décembre 1950, et ce à hauteur de 7,47 euros. Dans cette mesure, cette condamnation aux frais n’est pas légalement justifiée.
(…)
Le contrôle d’office pour le surplus :
10. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse le jugement attaqué, en tant qu’il intègre une somme de 7,47 euros dans les frais d’appel auxquels il condamne le demandeur ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Condamne le demandeur aux neuf dixièmes des frais de son pourvoi ;
Laisse le surplus des frais à charge de l’État ;
Dit n’y avoir lieu à renvoi.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Sidney Berneman, Ilse Couwenberg et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du trente juin deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Bart De Smet, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Frédéric Lugentz et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0632.N
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Droit pénal - Autres - Droit international public

Analyses

La charge de la preuve du fait qu'un prévenu conduisait le véhicule loué à son nom avec lequel une infraction en matière de roulage a été commise incombe à la partie poursuivante; le prévenu n'est pas tenu de prouver son innocence.

PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Charge de la preuve. Liberté d'appréciation - Roulage - Infraction - Véhicule loué - Conducteur du véhicule - Portée - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - Roulage - Infraction - Conducteur du véhicule - Présentation de preuves - Valeur probante - Portée

Il appartient au juge de décider, sur la base des éléments qui lui sont soumis, s'il est établi qu'un prévenu conduisait le véhicule avec lequel une infraction en matière de roulage a été commise.

APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - Présomption d'innocence - Roulage - Conducteur du véhicule - Présentation de preuves - Crédibilité

La présomption d'innocence n'implique pas que le juge soit tenu d'admettre comme vrais les éléments de fait invoqués par le prévenu et qu'il ne puisse apprécier la crédibilité de ces allégations.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 2 - Présomption d'innocence - Présentation de preuves - Crédibilité - Appréciation souveraine par le juge - PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Présomptions - Présomption d'innocence - Présentation de preuves - Crédibilité - Appréciation souveraine par le juge - Etendue - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - Présomption d'innocence - Présentation de preuves - Crédibilité - Etendue [notice4]


Références :

[notice4]

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 - 04-11-1950 - Art. 6, § 2 - 30 / Lien DB Justel 19501104-30


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : DE SMET BART
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-06-30;p.20.0632.n ?

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