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16/06/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0076.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 juin 2020, P.20.0076.N


N° P.20.0076.N
A. M.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Kris Masson, avocat au barreau d’Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 20 décembre 2019 par le tribunal correctionnel d’Anvers, division Anvers, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Sidney Berneman a fait rapport.
L’avocat général Henri Vanderlinden a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur les moyens :
1. Le pre

mier moyen, en sa première branche, invoque la violation des articles 149 de la Constitution et 195 du Co...

N° P.20.0076.N
A. M.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Kris Masson, avocat au barreau d’Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 20 décembre 2019 par le tribunal correctionnel d’Anvers, division Anvers, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Sidney Berneman a fait rapport.
L’avocat général Henri Vanderlinden a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur les moyens :
1. Le premier moyen, en sa première branche, invoque la violation des articles 149 de la Constitution et 195 du Code d’instruction criminelle : la motivation du jugement attaqué est erronée et contradictoire ; le fait que le demandeur n’ait pu exposer davantage sa défense et qu’il n’ait pu être procédé à un examen plus approfondi constitue bel et bien une violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; le jugement attaqué qui en décide autrement est, par conséquent, inexact et erroné.
Le premier moyen, en sa seconde branche, invoque la violation des articles 6 de la Convention et 47bis du Code d’instruction criminelle : le jugement attaqué viole les droits de la défense du demandeur et son droit à un procès équitable ; il n’a été entendu ni au cours de l’information, ni par le juge du fond ; par ailleurs, les indications que le demandeur a faites dans le formulaire de réponse n’ont pas davantage été examinées et les juges d’appel n’y ont pas réservé de suite ; la décision ne peut se fonder sur des éléments factuels que les parties n’ont pu contredire.
Le second moyen, en sa première branche, invoque la violation des articles 149 de la Constitution et 195 du Code d’instruction criminelle : la motivation défie l’imagination en déclarant le demandeur coupable alors que sa motocyclette verte se trouvait au garage au moment des faits.
Le second moyen, en sa seconde branche, invoque la violation des articles 6 de la Convention, 149 de la Constitution, 4.1, 5, 7, 8.6, 9.7, 10.1.1°, 12.4, 16, 17.2, 21.4.1°, 61.1 et 77.4 de l’arrêté royal du 1er décembre 1975 portant règlement général sur la police de la circulation routière (code de la route), ainsi que la méconnaissance de l’adage « in dubio pro reo » : le jugement attaqué déclare, à tort, le demandeur coupable des faits mis à charge alors que le doute subsiste à défaut d’instruction approfondie.
2. L’article 47bis du Code d’instruction criminelle n’implique pas l’obligation d’entendre tout suspect d’une infraction ou tout prévenu.
3. Le droit à un procès équitable tel que garanti par l’article 6 de la Convention ou le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense ne sont pas méconnus par le simple fait qu’un prévenu est condamné du chef d’un fait punissable sans avoir été personnellement entendu à ce propos. Il suffit que le prévenu ait eu l’opportunité de contredire ce qui lui était reproché, ainsi que les éléments présentés au juge.
4. L’article 67bis de la loi du 16 mars 1968 dispose :
« Lorsqu'une infraction à la présente loi et à ses arrêtés d'exécution est commise avec un véhicule à moteur, immatriculé au nom d'une personne physique et que le conducteur n'a pas été identifié au moment de la constatation de l'infraction, cette infraction est censée avoir été commise par le titulaire de la plaque d'immatriculation du véhicule.
Le titulaire de la plaque d'immatriculation peut renverser cette présomption en prouvant par tout moyen de droit qu'il n'était pas le conducteur au moment des faits. Dans ce cas, il est tenu de communiquer l'identité du conducteur incontestable, sauf s'il peut prouver le vol, la fraude ou la force majeure.
La communication de l'identité du conducteur doit avoir lieu dans un délai de quinze jours à compter du jour où le titulaire de la plaque d'immatriculation peut prouver qu'il n'était pas le conducteur au moment des faits.
Le Roi peut arrêter les formalités à suivre pour réfuter la présomption et communiquer l'identité.
Le tribunal de police compétent est celui du lieu où l'infraction visée à l'alinéa 1er a été commise. »
5. Cette disposition instaure dans le chef du titulaire de la plaque d’immatriculation du véhicule avec lequel l’infraction a été commise la présomption, qui peut être renversée, qu’il en est l’auteur. Le juge est tenu d’admettre que le titulaire de la plaque d’immatriculation est l’auteur, à moins que ce dossier parvienne à renverser la présomption qui pèse sur lui.
6. Il ne résulte ni de cette disposition de la loi du 16 mars 1968, ni de l’article 6 de la Convention, ni des principes généraux du droit relatifs au respect des droits de la défense et à la présomption d’innocence que, lorsque le titulaire de la plaque d’immatriculation communique par écrit ne pas être le conducteur du véhicule au moment de l’infraction et que cette allégation est, le cas échéant, étayée par des pièces, le juge est tenu :
- de requérir le ministère public afin qu’il veille à procéder à l’audition de la personne concernée ou, compte tenu de cette dénégation, à instruire plus avant ou à ordonner la comparution en personne, conformément à l’article 185 du Code d’instruction criminelle ;
- d’admettre que la présomption est renversée.
7. Le juge décide souverainement si le titulaire de la plaque d’immatriculation du véhicule à moteur avec lequel l’infraction a été commise parvient à renverser la présomption qui pèse sur lui sur le fondement de l’article 67bis de la loi du 16 mars 1968. Pour ce faire, il peut prendre en considération tous les éléments factuels dont il apprécie souverainement la valeur probante. La Cour vérifie toutefois si le juge ne tire pas de ses constatations des conséquences qu’elles ne sauraient justifier.
8. Dans la mesure où ils sont déduits d’autres prémisses juridiques, les moyens manquent en droit.
9. Les juges d’appel se sont prononcés ainsi qu’il suit :
- le demandeur a fait savoir, par le biais du formulaire de réponse, ce qu’il souhaitait dire au sujet des faits ;
- il a par la suite fait défaut devant le premier juge et n’a pas comparu en personne en degré d’appel, mais s’est fait représenter par un conseil ;
- il a eu largement l’opportunité de se faire entendre, mais il n’a pas profité en personne de cette possibilité ;
- il peut ainsi difficilement prétendre que ses droits de défense ont été violés s’il n’a pas lui-même choisi d’être entendu personnellement alors qu’il en avait la possibilité ;
- le fait que le demandeur possède une motocyclette verte n’empêche nullement qu’il puisse également posséder une motocyclette noire, selon la constatation des verbalisateurs ;
- le fait qu’une facture ait été établie concernant la motocyclette à la date des faits ne démontre nullement qu’elle était également en réparation à ce moment-là ;
- les pièces versées à cet égard, ainsi que la déclaration faite dans le formulaire de réponse ne renversent pas la présomption de l’article 67bis de la loi du 16 mars 1968, d’autant que deux patrouilles distinctes ont noté le numéro de plaque et que le demandeur n’indique nulle part une utilisation prétendument illégale de ce numéro de plaque ;
- il établit ainsi que le demandeur était le conducteur de la motocyclette.
Par ces motifs, qui ne sont pas contradictoires, les juges d’appel ont pu décider que le demandeur ne parvient pas à renverser la présomption qui pèse sur lui et ils ont justifié légalement la déclaration de culpabilité prononcée à son encontre et sa condamnation.
Dans cette mesure, les moyens ne peuvent être accueillis.
Le contrôle d’office
10. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
(…)
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Sidney Berneman, Eric Van Dooren et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du seize juin deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Henri Vanderlinden, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Frédéric Lugentz et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0076.N
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Droit international public - Droit pénal - Autres

Analyses

Le droit à un procès équitable tel que garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense ne sont pas méconnus par le simple fait qu’un prévenu est condamné du chef d’un fait punissable sans avoir été personnellement entendu à ce propos ; il suffit que le prévenu ait eu l’opportunité de contredire ce qui lui était reproché, ainsi que les éléments présentés au juge.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 2 - Droit à un procès équitable - Prévenu - Audition en personne - Obligation - Possibilité de contradiction - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE - Prévenu - Audition en personne - Obligation - Possibilité de contradiction - PRINCIPES GENERAUX DU DROIT - Droits de la défense - Prévenu - Audition en personne - Obligation - Possibilité de contradiction

L’article 67bis de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière instaure dans le chef du titulaire de la plaque d’immatriculation du véhicule avec lequel l’infraction a été commise la présomption, qui peut être renversée, qu’il en est l’auteur ; le juge est tenu d’admettre que le titulaire de la plaque d’immatriculation est l’auteur, à moins que ce dernier parvienne à renverser la présomption qui pèse sur lui ; il ne résulte ni de cette disposition de la loi du 16 mars 1968, ni de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ni des principes généraux du droit relatifs au respect des droits de la défense et à la présomption d’innocence que, lorsque le titulaire de la plaque d’immatriculation communique par écrit ne pas être le conducteur du véhicule au moment de l’infraction et que cette allégation est, le cas échéant, étayée par des pièces, le juge est tenu soit de requérir le ministère public afin qu’il veille à procéder à l’audition de la personne concernée ou, compte tenu de la dénégation, à instruire plus avant ou à ordonner la comparution en personne, conformément à l’article 185 du Code d’instruction criminelle, soit d’admettre que la présomption est renversée.

ROULAGE - LOI RELATIVE A LA POLICE DE LA CIRCULATION ROUTIERE - DISPOSITIONS LEGALES - Article 67 - Article 67bis - Titulaire de la plaque d'immatriculation - Présomption d’innocence - Caractère réfragable - Portée - Conséquence - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 2 - Droit à un procès équitable - Présomption d'innocence - Roulage - Article 67bis - Titulaire de la plaque d'immatriculation - Présomption d’innocence - Caractère réfragable - Portée - Conséquence - PRINCIPES GENERAUX DU DROIT - Présomption d'innocence - Loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière - Article 67bis - Titulaire de la plaque d'immatriculation - Présomption d’innocence - Caractère réfragable - Portée - Conséquence

Le juge décide souverainement si le titulaire de la plaque d’immatriculation du véhicule à moteur avec lequel l’infraction a été commise parvient à renverser la présomption qui pèse sur lui sur le fondement de l’article 67bis de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière ; pour ce faire, il peut prendre en considération tous les éléments factuels dont il apprécie souverainement la valeur probante ; la Cour vérifie toutefois si le juge ne tire pas de ses constatations des conséquences qu’elles ne sauraient justifier (1). (1) Cass. 22 novembre 2016, RG P.14.1909.N, Pas. 2016, n° 662 ; Cass. 22 octobre 2013, RG P.13.0040.N, Pas. 2013, n° 539.

PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Charge de la preuve. Liberté d'appréciation - Roulage - Titulaire de la plaque d'immatriculation - Présomption d’innocence - Valeur probante - Caractère réfragable - Appréciation souveraine par le juge - PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Présomptions - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - Roulage - Loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière - Article 67bis - Titulaire de la plaque d'immatriculation - Présomption d’innocence - Caractère réfragable - Portée - Conséquence


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : VANDERLINDEN HENRI
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, BERNEMAN SIDNEY, VAN DOOREN ERIC, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-06-16;p.20.0076.n ?

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