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09/06/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0598.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 09 juin 2020, P.20.0598.N


N° P.20.0598.N
B. B. A.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
Me Koen Vaneecke, avocat au barreau d’Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 26 mai 2020 par la cour d’appel d’Anvers, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L’avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du pourvoi :
1. L’arrêt dé

cide que, s’agissant de la rébellion armée visée sous la prévention B, les indices de culpabilité sont insuffi...

N° P.20.0598.N
B. B. A.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
Me Koen Vaneecke, avocat au barreau d’Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 26 mai 2020 par la cour d’appel d’Anvers, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L’avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du pourvoi :
1. L’arrêt décide que, s’agissant de la rébellion armée visée sous la prévention B, les indices de culpabilité sont insuffisants concernant la circonstance aggravante de l’usage d’armes au sens de l’article 271 du Code pénal, de sorte que cette prévention ne peut servir de fondement à une détention préventive.
Dans la mesure où il est également dirigé contre cette décision, le pourvoi formé par le demandeur est irrecevable, à défaut d’intérêt.
Sur le moyen :
2. Le moyen est pris de la violation des articles 16, § 1er, 23, 4°, et 30, § 3, alinéa 3, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive et 328bis du Code pénal : l’arrêt considère à tort que la circonstance que le demandeur n’avait pas ou n’a toujours pas subi de test de dépistage du coronavirus est sans incidence et, par conséquent, que le caractère dangereux de la substance est sans pertinence pour l’appréciation du délit visé à l’article 328bis du Code pénal ; ce délit requiert la diffusion d’une substance qui, à première vue, semble dangereuse mais qui, après une enquête plus approfondie, s’avère inoffensive et non dangereuse ; des indices sérieux de culpabilité à charge du demandeur ne peuvent être retenus que s’il est constaté que sa salive est inoffensive ; l’application de l’article 328bis du Code pénal au phénomène des « crachats dont la personne qui les projette vise à faire croire qu’elle est contaminée par le coronavirus » est contraire à l’objectif que le législateur poursuivait en introduisant ce délit ; il résulte tant des termes de cette disposition que de ses travaux préparatoires que, si la salive du demandeur contient effectivement le virus, il s’agit d’une substance dangereuse et pas simplement d’une substance en apparence dangereuse.
3. Il suit des termes de l’article 328bis du Code pénal et de ses travaux préparatoires que ce délit requiert les éléments constitutifs suivants :
- la diffusion, de quelque manière ce que soit ;
- de substances qui, ne présentant en soi aucun danger, donnent l’impression d’être dangereuses ;
- et dont l’auteur sait ou doit savoir qu’elles peuvent inspirer de vives craintes d’attentat contre les personnes ou les propriétés, punissable d’un emprisonnement de deux ans au moins.
4. Le comportement qui répond à ces éléments constitutifs est punissable et ce, indépendamment des circonstances concrètes qui ont conduit le législateur à introduire cette infraction.
5. Si les substances diffusées sont effectivement dangereuses ou dommageables, ce n’est pas l’article 328bis du Code pénal qui s’applique mais, le cas échéant, une autre disposition pénale.
6. La juridiction d’instruction appelée à statuer sur la régularité d’un mandat d’arrêt et le maintien de la détention préventive pour des faits définis comme étant une infraction à l’article 328bis du Code pénal est tenue de vérifier l’existence d’indices sérieux de culpabilité quant à la diffusion, par l’auteur, d’une substance inoffensive qui donne l’impression d’être dangereuse et ce, avec l’intention précisée dans cette disposition. La juridiction d’instruction apprécie, à la lumière des éléments concrets du dossier, l’existence d’indices sérieux qu’il s’agit d’une substance inoffensive donnant l’impression d’être dangereuse. Cette appréciation ne requiert pas nécessairement que la substance diffusée soit analysée ou que celui qui l’a répandue fasse l’objet d’un test de dépistage.
Dans la mesure où il procède d’une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
7. S’agissant des faits visés à la prévention A, l’arrêt considère que :
- il existe des indices sérieux qu’en projetant des crachats en direction de la police, le demandeur avait la volonté d’inspirer une vive crainte de contamination ;
- compte tenu du contexte et de la problématique actuelle liée au coronavirus, il existe des indices que, par son comportement, le demandeur a voulu provoquer la panique et l’angoisse chez les agents verbalisateurs et qu’avec sa salive, il a voulu diffuser une substance en apparence dangereuse ;
- le demandeur a déclaré à la police ne pas être infecté par le coronavirus et ne pas avoir subi de test de dépistage en ce sens ;
- cet élément renforce l’indice sérieux qu’au moment où il a projeté le crachat, le demandeur partait lui-même du principe que sa salive n’était pas dangereuse mais qu’il entendait susciter cette impression ;
- la circonstance que le demandeur n’avait pas subi de test de dépistage du coronavirus ou ne l’a toujours pas subi est sans incidence à cet égard et n’enlève rien à l’existence des indices sérieux de culpabilité ;
- si, dans le cours de l’instruction, il devait apparaître qu’il existe des indices sérieux que le demandeur était effectivement contaminé par le coronavirus et aurait sciemment projeté des crachats en direction des agents verbalisateurs, la qualification pourrait, le cas échéant, être revue ;
- dans l’état actuel de l’instruction, rien ne justifie cependant de modifier cette qualification.
Par ces motifs, l’arrêt justifie légalement la décision critiquée.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
8. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Ilse Couwenberg et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du neuf juin deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Bart De Smet, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Frédéric Lugentz et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0598.N
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

Les éléments constitutifs de l’infraction prévue à l’article 328bis du Code pénal sont la diffusion, de quelque manière que ce soit, de substances qui, ne présentant en soi aucun danger, donnent l’impression d’être dangereuses, et dont l’auteur sait ou doit savoir qu’elles peuvent inspirer de vives craintes d’attentat contre les personnes ou les propriétés, punissable d’un emprisonnement de deux ans au moins; le comportement qui répond à ces éléments constitutifs est punissable et ce, indépendamment des circonstances concrètes qui ont conduit le législateur à introduire cette infraction; si les substances diffusées sont effectivement dangereuses ou dommageables, ce n’est pas cette disposition qui s’applique mais, le cas échéant, une autre disposition pénale (1). (1)I. DE LA SERNA, « Les menaces », dans Les infractions, II, Les infractions contre les personnes, Larcier, 2010, 60-61 ; H. VAN LANDEGHEM, « Menaces », dans Postal Memorialis. Lexicon strafrecht, strafvordering en bijzondere wetten, 2017, B30, 54 ; A. DE NAUW en F. KUTY,« Manuel de droit pénal spécial », Kluwer, 2019, n° 338 ; T. VANDROMME, « Valse bommelding/Vals alarm », Comm. Sr. 2019, 6.

MENACES - Diffusion de substances inoffensives - Impression du danger de substances - Conditions [notice1]

La juridiction d’instruction appelée à statuer sur le maintien de la détention préventive pour des faits définis comme étant une infraction à l’article 328bis du Code pénal apprécie, à la lumière des éléments concrets du dossier, l’existence d’indices sérieux qu’il s’agit d’une substance inoffensive qui donne l’impression d’être dangereuse; cette appréciation ne requiert pas nécessairement que la substance diffusée soit analysée ou que celui qui l’a répandue fasse l’objet d’un test de dépistage.

DETENTION PREVENTIVE - MAINTIEN - Diffusion de substances inoffensives - Impression du danger de substances - Absence d'analyse de la substance - Incidence - JURIDICTIONS D'INSTRUCTION - Détention préventive - Maintien - Diffusion de substances inoffensives - Impression du danger de substances - Absence d'analyse de la substance - Incidence


Références :

[notice1]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 328bis - 01 / No pub 1867060850


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : DE SMET BART
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-06-09;p.20.0598.n ?

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