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09/06/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0440.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 09 juin 2020, P.20.0440.N


N° P.20.0440.N
L.D.C.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
Me Raan Colman, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 19 mars 2020 par la cour d’appel de Gand, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Peter Hoet a fait rapport.
L’avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des artic

les 154 du Code d’instruction criminelle, 1319 et 1320 du Code civil et 9 de la loi du 5 mai 2014 rel...

N° P.20.0440.N
L.D.C.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
Me Raan Colman, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 19 mars 2020 par la cour d’appel de Gand, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Peter Hoet a fait rapport.
L’avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des articles 154 du Code d’instruction criminelle, 1319 et 1320 du Code civil et 9 de la loi du 5 mai 2014 relative à l’internement : l’arrêt, qui considère qu’il faut constater un lien de causalité avant de pouvoir ordonner l’internement fonde cette considération sur une lecture erronée du rapport d’expertise ; dans son rapport initial du 15 mars 2019 et dans son rapport remanié du 2 mars 2020, le psychiatre n’a retenu que la possibilité d’un lien de causalité entre le trouble mental et les faits ; dès lors qu’il ne s’agit pas d’un lien causal certain, il ne peut être question de lien causal ; l’arrêt souligne donc fautivement que l’expert retient un lien causal entre le trouble mental et les faits et motive la décision en se fondant sur une lecture inexacte du rapport psychiatrique.
2. L’article 5, § 1er, de la loi du 5 mai 2014 dispose : « Lorsqu’il y a des raisons de considérer qu’une personne se trouve dans une situation visée à l’article 9, le procureur du Roi, le juge d’instruction ainsi que les juridictions d’instruction ou de jugement ordonnent une expertise psychiatrique médicolégale afin d’établir, à tout le moins :
1° si, au moment des faits, la personne était atteinte d’un trouble mental qui a aboli ou gravement altéré sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes et si, au moment de l’expertise, la personne était atteinte d’un trouble mental qui a aboli ou gravement altéré sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes ;
2° s’il existe une possibilité de lien causal entre le trouble mental et les faits ;
3° si, du fait du trouble mental, le cas échéant conjugué à d’autres facteurs de risque, la personne risque de commettre de nouvelles infractions, comme prévu à l’article 9, § 1, 1° ;
4° si, le cas échéant, la personne peut être traitée, suivie, soignée et de quelle manière, en vue de sa réinsertion dans la société ;
5° si, dans le cas où la prévention porterait sur des faits visés aux articles 371/1 à 378 du Code pénal ou sur des faits visés aux articles 379 à 387 du même Code, commis sur des mineurs ou avec leur participation, il est nécessaire d’imposer une guidance ou un traitement spécialisé. »
L’article 9 de la loi du 5 mai 2014 dispose : « § 1er. Les juridictions d’instruction, sauf s’il s’agit d’un crime ou d’un délit considéré comme un délit politique ou comme un délit de presse, à l’exception des délits de presse inspirés par le racisme ou la xénophobie, et les juridictions de jugement peuvent ordonner l’internement d’une personne :
1° qui a commis un crime ou un délit portant atteinte à ou menaçant l’intégrité physique ou psychique de tiers et
2° qui, au moment de la décision, est atteinte d’un trouble mental qui abolit ou altère gravement sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes et
3° pour laquelle le danger existe qu’elle commette de nouveaux faits tels que visés au 1° en raison de son trouble mental, éventuellement combiné avec d’autres facteurs de risque.
La juridiction d’instruction ou la juridiction de jugement apprécie de manière motivée si le fait a porté atteinte ou a menacé l’intégrité physique ou psychique de tiers.
§ 2. Le juge prend sa décision après qu’a été effectuée l’expertise psychiatrique médicolégale visée à l’article 5, ou après l’actualisation d’une expertise antérieure. »
Il ne résulte pas de la lecture conjointe de ces dispositions qu’un lien causal certain entre le trouble mental et les faits pour lesquels l’inculpé ou le prévenu est interné soit requis pour pouvoir ordonner l’internement. Le juge ordonnant l’internement doit seulement constater qu’au moment de la décision, l’inculpé ou le prévenu souffre d’un trouble mental qui abolit ou altère gravement sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes, et que les autres conditions prévues à l’article 9, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 5 mai 2014 sont réunies. L’évaluation, de nature consultative, réalisée par l’expert quant à l’existence éventuelle d’un lien causal entre le trouble mental et les faits est un outil servant à l’appréciation globale de l’état mental de l’intéressé, ainsi que du risque qu’il présente, de la possibilité de le soigner et des thérapies envisageables.
Dans la mesure où il procède d’une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
3. Dans la mesure où il soutient que l’arrêt méconnaît la foi due aux rapports d’expertise en considérant que l’expert constate l’existence d’un lien causal entre l’état mental et les faits, alors que ces rapports se bornent à en mentionner la possibilité, le moyen ne peut entraîner la cassation, partant, est irrecevable.
Le contrôle d’office
4. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Ilse Couwenberg et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du neuf juin deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Bart De Smet, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Tamara Konsek et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0440.N
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Droit pénal - Droit civil - Autres

Analyses

Un lien causal certain entre le trouble mental et les faits pour lesquels l’inculpé ou le prévenu est interné n’est pas requis pour pouvoir ordonner l’internement; le juge ordonnant l’internement doit seulement constater qu’au moment de la décision, l’inculpé ou le prévenu est atteint d’un trouble mental qui abolit ou altère gravement sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes, et que les autres conditions prévues à l’article 9, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 5 mai 2014 relative à l’internement sont réunies.

DEFENSE SOCIALE - INTERNEMENT - Trouble mental - Lien causal avec les faits - Appréciation par le juge - Portée - MALADE MENTAL - Internement - Trouble mental - Lien causal avec les faits - Evaluation par le juge - Portée [notice1]

L’évaluation, de nature consultative, réalisée par l’expert, quant à l’existence éventuelle d’un lien causal entre le trouble mental et les faits est un outil servant à l’appréciation globale de l’état mental de l’intéressé, ainsi que du risque qu’il présente, de la possibilité de le soigner et des thérapies envisageables.

DEFENSE SOCIALE - INTERNEMENT - Trouble mental - Lien causal avec les faits - Expertise - Incidence - MALADE MENTAL - Internement - Trouble mental - Lien causal avec les faits - Expertise - Incidence - EXPERTISE - Internement - Trouble mental - Lien causal avec les faits - Incidence [notice3]


Références :

[notice1]

L. du 5 mai 2014 relative à l'internement - 05-05-2014 - Art. 5, § 1er, et 9, § 1er - 11 / No pub 2014009316

[notice3]

L. du 5 mai 2014 relative à l'internement - 05-05-2014 - Art. 5, § 1er - 11 / No pub 2014009316


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : DE SMET BART
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-06-09;p.20.0440.n ?

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