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02/06/2020 | BELGIQUE | N°P.19.1343.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 juin 2020, P.19.1343.N


N° P.19.1343.N
N. B.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Kris Masson, avocat au barreau d’Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 22 novembre 2019 par le tribunal correctionnel d’Anvers, division Anvers, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Steven Van Overbeke a fait rapport.
L’avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen pris dans so

n ensemble :
1. Le moyen, en sa première branche, est pris de la violation de l’article 149 de la Co...

N° P.19.1343.N
N. B.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Kris Masson, avocat au barreau d’Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 22 novembre 2019 par le tribunal correctionnel d’Anvers, division Anvers, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Steven Van Overbeke a fait rapport.
L’avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen pris dans son ensemble :
1. Le moyen, en sa première branche, est pris de la violation de l’article 149 de la Constitution : en examinant la cause à l’audience du 18 octobre 2019, le jugement attaqué ne tient pas compte du pourvoi en cassation formé contre le jugement du 3 mai 2019, qui allait être prononcé le 7 janvier 2020, de sorte qu’il est question d’une argumentation incorrecte fondée sur des éléments incomplets et erronés.
Le moyen, en sa seconde branche, est pris de la violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : en ignorant le pourvoi pendant et en condamnant le demandeur à la déchéance du droit de conduire visée à l’article 42 de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière, à un moment où l’action publique sur la base de laquelle l’expert avait été désigné risquait d'être irrecevable, les juges d’appel ont statué sans disposer d’un pouvoir de pleine juridiction et le droit d’accès à un tribunal reconnu au demandeur a été violé.
2. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que :
- par jugement rendu en degré d’appel le 3 mai 2019, le tribunal a déclaré le demandeur coupable d’une infraction à l’arrêté royal du 1er décembre 1975 portant règlement général sur la police de la circulation routière et de l’usage de la voie publique ainsi que d’un délit de fuite, et l’a condamné de ces chefs à différentes peines tout en désignant, avant de statuer sur l’application éventuelle de la mesure de sûreté visée à l’article 42 de la loi du 16 mars 1968, un expert dont la mission était bien définie, à savoir celle de rendre un avis sur la capacité physique et psychique du demandeur de conduire un véhicule à moteur au regard des dispositions de l’annexe 6 à l’arrêté royal du 23 mars 1998 relatif au permis de conduire et, le cas échéant, de déterminer la durée probable de l’incapacité, la cause étant mise en continuation à l’audience du 18 octobre 2019 en vue de son examen ultérieur ;
- le 15 mai 2019, le demandeur s’est pourvu en cassation contre ce jugement du 3 mai 2019, plus précisément « contre la partie qui a été prononcée à titre définitif et non contre la désignation d’un expert, qui peut être considérée comme une mesure provisoire » ;
- après le dépôt du rapport d’expertise, la cause relative à l’application éventuelle de la mesure de sûreté visée à l’article 42 de la loi du 16 mars 1968 a été examinée par le tribunal correctionnel à l’audience du 18 octobre 2019, puis la cause a été prise en délibéré et le jugement attaqué a été rendu le 22 novembre 2019 ;
- par arrêt du 7 janvier 2020, la Cour a rejeté le pourvoi en cassation introduit par le demandeur contre l’arrêt du 3 mai 2019.
3. Le juge qui a statué sur l’action publique en degré d’appel et qui a désigné un expert avant de décider d’infliger, le cas échéant, une déchéance du droit de conduire un véhicule à moteur en raison d’une incapacité physique ou psychique, n’est pas tenu de suspendre sa décision d’infliger ou non cette déchéance jusqu'à ce qu’il soit statué sur le pourvoi introduit contre la décision rendue sur la culpabilité et sur la peine. Il n’est pas pour autant porté atteinte à l’accès du prévenu à un juge disposant d’un pouvoir de pleine juridiction.
Le moyen, qui procède en ses deux branches d’une autre prémisse juridique, manque en droit.
Sur le second moyen :
4. Le moyen, en ses branches, est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution, 42 de la loi du 16 mars 1968 : en imposant une mesure de sûreté en application de l’article 42 de la loi du 16 mars 1968 et en se fondant ainsi uniquement sur la motivation restreinte du rapport d’expertise, sans mentionner que le pourvoi du demandeur contre le jugement du 3 mai 2019 était toujours pendant, le jugement attaqué est incomplet et sa motivation est erronée ; le demandeur était poursuivi du chef d’un délit de fuite et pour ne pas avoir gardé le contrôle de son véhicule, soit autant de circonstances étrangères à la capacité physique ou psychique de conduire un véhicule, alors qu’il avait par ailleurs objecté au rapport d’expertise des travaux scientifiques indiquant que le test capillaire n’est pas fiable, qu’il suivait un traitement à l’antabuse au moment des faits et qu’il ne pouvait donc être question d’ivresse, et qu’un autre expert au moins aurait dû être désigné en raison des valeurs excessives du test capillaire, inconciliables avec le test sanguin et urinaire ; ce faisant, le principe de l’égalité des armes par rapport à l’expert a également été méconnu.
5. Dans la mesure où le moyen a la même portée que le premier moyen, il doit être rejeté pour les motifs énoncés dans la réponse à celui-ci.
6. Ni l’article 42 de la loi du 16 mars 1968 ni aucun arrêté d’exécution n’excluent l’analyse d’un échantillon de cheveux en tant qu’élément de preuve de l’incapacité physique et psychique de conduire un véhicule à moteur.
Dans la mesure où il procède d’une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
7. La mesure de sûreté visée à l’article 42 de la loi du 16 mars 1968 doit être prononcée si, à l’occasion d’une condamnation, d’une suspension de peine ou d’un internement en raison d’une infraction à la police de la circulation routière ou en raison d’un accident de roulage imputable au fait personnel de son auteur, le coupable est reconnu physiquement ou psychiquement incapable de conduire un véhicule à moteur. Est sans incidence à cet égard la circonstance que l’infraction à la police de la circulation routière ou le fait personnel de l’auteur, auquel l’accident de roulage est imputable, soient étrangers à la capacité de conduire un véhicule à moteur.
Dans la mesure où il procède d’une autre prémisse juridique, le moyen manque également en droit.
8. Les juges d’appel ont imposé au demandeur la mesure de sûreté visée à l’article 42 de la loi du 16 mars 1968 sur la base de l’examen toxicologique révélant la présence de 203 pg/mg d’éthylglucuronide dans les cheveux du demandeur, ce qui indique une consommation chronique et excessive d’alcool par ce dernier. Les juges d’appel en ont déduit que la dépendance à l’alcool et, par conséquent, l’inaptitude à la conduite du demandeur étaient établies, concluant ainsi à l’échec de la littérature présentée à rendre admissible qu’une analyse capillaire ne constitue pas un examen fiable. Par ces considérations, le jugement attaqué est régulièrement motivé.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
9. Pour le surplus, le moyen critique l’appréciation souveraine des faits par les juges d’appel ou impose à la Cour un examen des faits pour lequel elle est sans pouvoir, et est irrecevable.
Le contrôle d'office
10. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Ilse Couwenberg, Eric Van Dooren et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du deux juin deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Alain Winants, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller François Stévenart Meeûs et transcrite avec l’assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.1343.N
Date de la décision : 02/06/2020
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

Le juge qui a statué sur l’action publique en degré d’appel et qui a désigné un expert avant de décider d’infliger, le cas échéant, une déchéance du droit de conduire un véhicule à moteur en raison d’une incapacité physique ou psychique, n’est pas tenu de suspendre sa décision d’infliger ou non cette déchéance jusqu’à ce qu’il soit statué sur le pourvoi introduit contre la décision rendue sur la culpabilité et sur la peine; il n’est pas pour autant porté atteinte à l’accès du prévenu à un juge disposant d’un pouvoir de pleine juridiction (1). (1) Voir Cass. 2 octobre 2018, RG P.18.0578.N, Pas. 2018, n° 518, avec concl. de M. TIMPERMAN, avocat général, publiées à leur date dans AC.

APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Procédure en degré d'appel - Décision rendue en degré d’appel sur l’action publique - Désignation d’un expert en vue d’éventuellement infliger une déchéance du droit de conduire en raison d’une incapacité physique ou psychique - Pourvoi contre la décision rendue sur la culpabilité et la peine - Portée - Conséquence

Ni l’article 42 de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière ni aucun arrêté d’exécution n’excluent l’analyse d’un échantillon de cheveux en tant qu’élément de preuve de l’incapacité physique et psychique de conduire un véhicule à moteur (1). (1) Cass. 28 mai 2019, RG P.19.0121.N, inédit.

ROULAGE - LOI RELATIVE A LA POLICE DE LA CIRCULATION ROUTIERE - DISPOSITIONS LEGALES - Article 42 - Déchéance du droit de conduire un véhicule à moteur en raison d’une incapacité physique ou psychique - Preuve - Analyse de cheveux - Admissibilité - PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Administration de la preuve - Loi relative à la police de la circulation routière - Article 42 - Déchéance du droit de conduire un véhicule à moteur en raison d’une incapacité physique ou psychique - Analyse de cheveux - Admissibilité

La mesure de sûreté visée à l’article 42 de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière doit être prononcée si, à l’occasion d’une condamnation, d’une suspension de peine ou d’un internement pour infraction à la police de la circulation routière ou pour accident de roulage imputable au fait personnel de son auteur, le coupable est reconnu physiquement ou psychiquement incapable de conduire un véhicule à moteur; est sans incidence à cet égard la circonstance que l’infraction à la police de la circulation routière ou le fait personnel de l’auteur, auquel l’accident de roulage est imputable, soient étrangers à la capacité de conduire un véhicule à moteur.

ROULAGE - LOI RELATIVE A LA POLICE DE LA CIRCULATION ROUTIERE - DISPOSITIONS LEGALES - Article 42 - Déchéance du droit de conduire un véhicule à moteur en raison d’une incapacité physique ou psychique - Conditions d'application - Portée


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : WINANTS ALAIN
Assesseurs : HOET PETER, FRANCIS ERWIN, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-06-02;p.19.1343.n ?

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