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12/05/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0104.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 mai 2020, P.20.0104.N


N° P.20.0104.N
K. D.,
partie civile,
demandeur en cassation,
Me Lore Arnou, avocat au barreau de Flandre occidentale,
contre
1. C. B.,
prévenu,
2. BATU TRANS, société privée à responsabilité limitée,
civilement responsable,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 6 décembre 2019 par le tribunal correctionnel de Flandre occidentale, division Bruges, statuant en degré d’appel.
Le demandeur fait valoir des griefs.
Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rappor

t.
L’avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du pourv...

N° P.20.0104.N
K. D.,
partie civile,
demandeur en cassation,
Me Lore Arnou, avocat au barreau de Flandre occidentale,
contre
1. C. B.,
prévenu,
2. BATU TRANS, société privée à responsabilité limitée,
civilement responsable,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 6 décembre 2019 par le tribunal correctionnel de Flandre occidentale, division Bruges, statuant en degré d’appel.
Le demandeur fait valoir des griefs.
Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rapport.
L’avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du pourvoi :
1. Conformément à l’article 427, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle, la partie civile qui se pourvoit en cassation doit faire signifier son pourvoi à la partie contre laquelle il est dirigé.
Suivant l’article 427, alinéa 2, de ce code, le demandeur en cassation doit déposer l’exploit de signification au greffe de la Cour de cassation dans les délais fixés par l’article 429.
2. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le demandeur a déposé les exploits de signification du pourvoi en cassation, qui a été signifié aux défendeurs le 13 février 2020, au greffe de la Cour le 1er avril 2020, soit en dehors du délai des deux mois qui suivent la déclaration de pourvoi, visé à l’article 429, alinéa 2, du Code d’instruction criminelle, laquelle date du 20 décembre 2019.
3. Le demandeur soutient que l’huissier de justice, qu’il a mandaté en temps utile pour procéder à la signification et déposer les exploits, a laissé expirer le délai de dépôt. Le demandeur estime que cette faute contractuelle de l’huissier de justice constitue un cas de force majeure, de sorte que le pourvoi doit être déclaré recevable en dépit du dépôt tardif des exploits.
4. Les fautes ou négligences du mandataire engagent le mandant lorsqu’elles sont commises dans les limites du mandat et ne peuvent constituer en elles-mêmes pour le mandant une cause étrangère, un cas fortuit ou de force majeure.
5. Le droit d’accès au juge, garanti par l’article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et le monopole que l’article 519, § 1er, du Code judiciaire réserve aux huissiers de justice, de même que les limites résultant, quant au choix de l’huissier instrumentant, des règles de compétence territoriale prévues à l’article 516 du même code, impliquent que la faute ou la négligence de cet officier ministériel peut être considérée comme un cas de force majeure permettant de proroger le délai légal de pourvoi en cassation du temps durant lequel le demandeur s’est trouvé dans l’impossibilité absolue de former ce recours.
Tel n’est pas le cas lorsque la faute imputable à l’huissier de justice n’a pas été commise dans le cadre du monopole que l’article 519, § 1er, du Code judiciaire réserve à cet officier ministériel, mais dans l’accomplissement d’un acte qu’il peut, conformément à l’article 519, § 2, de ce code, effectuer à la demande d’une partie.
Le pourvoi est irrecevable.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Sidney Berneman, Ilse Couwenberg et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du douze mai deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Alain Winants, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Maxime Marchandise et transcrite avec l’assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0104.N
Date de la décision : 12/05/2020
Type d'affaire : Autres - Droit civil - Droit international public

Analyses

Les fautes ou négligences du mandataire engagent le mandant lorsqu'elles sont commises dans les limites du mandat et ne peuvent constituer en soi pour le mandant une cause étrangère, un cas fortuit ou de force majeure; le droit d'accès au juge, garanti par l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et le monopole que l'article 519, § 1er, du Code judiciaire réserve aux huissiers de justice, de même que les limites résultant, quant au choix de l'huissier instrumentant, des règles de compétence territoriale prévues à l'article 516 du même code, impliquent que la faute ou la négligence de cet officier ministériel peut être considérée comme un cas de force majeure permettant de proroger le délai légal de pourvoi en cassation du temps durant lequel le demandeur s'est trouvé dans l'impossibilité absolue de former ce recours, mais tel n'est pas le cas lorsque la faute imputable à l'huissier de justice n'a pas été commise dans le cadre du monopole que l'article 519, § 1er, du Code judiciaire réserve à cet officier ministériel, mais dans l'accomplissement d'un acte qu'il peut, conformément à l'article 519, § 2, de ce code, effectuer à la demande d'une partie (1). (1) Dans cette cause, le pourvoi en cassation avait été introduit en temps utile par la partie civile et également signifié dans le délai prescrit aux parties contre lequel il était dirigé, mais les exploits de signification déposés en dehors du délai fixé à l'article 429, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle. Cette obligation est sanctionnée par l'irrecevabilité du pourvoi (F. VAN VOLSEM, « Het cassatieberoep in strafzaken na 'Potpourri II' », dans B. MAES et P. WOUTERS (éd.), « Procederen voor het Hof van Cassatie », p. 260, n° 266). La partie civile s'est prévalue de la force majeure. La Cour fait une interprétation restrictive de la force majeure qui ne peut résulter que d'une circonstance indépendante de la volonté du demandeur, circonstance qui n'a pu ni être prévue, ni conjurée et qui a privé le demandeur de la possibilité d'introduire son recours en temps utile.» (Cass. 31 octobre 2017, RG P.17.0255.N, Pas. 2017, n 606). Elle a ainsi décidé que la défense selon laquelle il a été impossible de consulter un avocat en temps utile (Cass., 10 juillet 2019, RG P.19.0694.F, Pas. 2019, n° 417) ou de trouver en temps utile un avocat titulaire de l'attestation requise (Cass. 24 octobre 2017, RG P.16.1198.N, Pas. 2017, n° 584 et note signée A.W.) ou d'accomplir en temps opportun les actes nécessaires à la suite d'un changement de conseils (Cass. 12 mars 2019, RG P.18.0298.N, Pas. n° 156, et Cass. 29 octobre 2019, RG P.19.0697.N, Pas. 2019, n 554) ne constitue pas un cas de force majeure. Dans la présente cause, la partie civile a invoqué une faute de l'huissier de justice lors du dépôt des exploits de signification et la question qui se pose en l'espèce est de savoir si cette faute peut être considérée comme un cas de force majeure. Dans un arrêt du 8 février 2019, la section néerlandaise de la première chambre avait décidé que, eu égard au monopole que l'article 519, § 1er, du Code judiciaire réserve aux huissiers de justice, de même que les limites résultant, quant au choix de l'huissier instrumentant, des règles de compétence territoriale prévues à l'article 516 du même code, impliquent que la faute ou la négligence de cet officier ministériel peut être considérée comme un cas de force majeure (Cass. 8 février 2019, RG C.18.0048.N, Pas. 2019, n 83, avec concl. de Mme R. MORTIER, avocat général, publiées à leur date dans AC), mais dans un arrêt du 11 avril 2019 rendu par la première chambre, section française, la Cour a décidé que les erreurs ou négligences du mandataire, fût-il un huissier de justice, engagent le mandant lorsqu'elles sont commises dans les limites du mandat et ne peuvent constituer pour le mandant un cas de force majeure (Cass. 11 avril 2019, RG F.17.0143.F, Pas. 219, n 219 - voir, au sujet de ces deux arrêts, T.B.B.R. 2019/8, 492 s. et note signée S. DE REY et B. TILLEMAN,« De fout van de gerechtsdeurwaarder als overmacht om aan de onontvankelijkheid van een rechtsmiddel te ontsnappen: zet lastgeving nog steeds de toon? » et J.L.M.B. 2019/29 et note signée J.-L. FAGNART, « La faute de l'huissier de justice et la force majeure ». Vu cette contradiction, un arrêt a été rendu le 18 novembre 2019 en séance plénière (RG C.18.0510.F, Pas. 2019, n° 601 avec concl. de M. J.-M. GENICOT, avocat général - voir T.B.B.R. 2020/2, 102 s. et note signée S. DE REY et B. TILLEMAN, « De fout van de gerechtsdeurwaarder als overmacht om aan de onontvankelijkheid van een rechtsmiddel te ontsnappen: in voltallige zitting beslecht » et P&B 2019/5-6, 213 s. et note signée P. DEPUYDT, « De fout van de gerechtsdeurwaarder: overmacht voor de rechtzoekende. Of toch niet? »), qui adopte la règle fixée dans l'arrêt du 8 février 2019 et accepte dès lors le principe de force majeure en cas de faute de l'huissier de justice, mais, dans le cas d'espèce, cette force majeure n'a pas été admise au motif qu'il ne pouvait se déduire des pièces déposées la date à laquelle l'huissier avait été mandaté pour procéder à la signification. Enfin, dans le cadre de cette problématique, il importe également de vérifier ce que recouvre précisément la notion de monopole légal de l'huissier de justice. Conformément à l'article 519, § 1er, du Code judiciaire, la signification en fait bien évidemment partie, mais tel n'est pas le cas des compétences résiduelles définies au paragraphe 2 du même article. Par conséquent, le dépôt des pièces de signification au greffe dans le délai légalement prescrit ne relève pas de ce monopole. Eu égard au fait que la signification a eu lieu en temps opportun, il était possible de procéder à ce dépôt dans le délai légalement prescrit, d'autant plus qu'il s'agit d'un acte que le demandeur peut également accomplir lui-même, de sorte que la faute du mandataire, en l'espèce l'huissier de justice, ne constitue pas un cas de force majeure (voir également Cass. 27 mars 2020, RG F.18.0022.F, Pas. 2020, n 217 ; Cass. 21 décembre 2012, RG F.12.0006.N, Pas. 2012, n 709). A.W.

POURVOI EN CASSATION - MATIERE REPRESSIVE - Délais dans lesquels il faut se pourvoir ou signifier le pourvoi - Action publique - Durée, point de départ et fin - Signification du pourvoi en cassation - Dépôt des exploits de signification - Dépassement du délai fixé à l'article 429, du Code d'instruction criminelle - Faute ou négligence de l'huissier de justice - Force majeure - Portée - Conséquence - MANDAT - Fautes ou négligences du mandataire - Huissier de justice - Pourvoi en cassation en matière répressive - Délais dans lesquels il faut se pourvoir ou signifier le pourvoi - Action publique - Durée, point de départ et fin - Signification du pourvoi en cassation - Dépôt des exploits de signification - Dépassement du délai fixé à l'article 429, du Code d'instruction criminelle - Force majeure - Portée - Conséquence - HUISSIER DE JUSTICE - Faute ou négligence de l'huissier de justice - Pourvoi en cassation en matière répressive - Délais dans lesquels il faut se pourvoir ou signifier le pourvoi - Action publique - Durée, point de départ et fin - Signification du pourvoi en cassation - Dépôt des exploits de signification - Dépassement du délai fixé à l'article 429, du Code d'instruction criminelle - Force majeure - Portée - Conséquence - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - Droit à un procès équitable - Accès au juge - Pourvoi en cassation en matière répressive - Délais dans lesquels il faut se pourvoir ou signifier le pourvoi - Action publique - Durée, point de départ et fin - Signification du pourvoi en cassation - Dépôt des exploits de signification - Dépassement du délai fixé à l'article 429, du Code d'instruction criminelle - Faute ou négligence de l'huissier de justice - Force majeure - Portée - Conséquence


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : WINANTS ALAIN
Assesseurs : HOET PETER, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-05-12;p.20.0104.n ?

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