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12/05/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0061.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 mai 2020, P.20.0061.N


N° P.20.0061.N
I. O. G.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Len Augustyns, avocat au barreau d’Anvers,
II. S. D.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Mounir Souidi, avocat au barreau d’Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 18 décembre 2019 par la cour d’appel d’Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur I invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie conforme.
Le demandeur II n’invoque aucun moyen.
Le 5 mai 2020, l’avocat généra

l Alain Winants a déposé des conclusions au greffe.
À l’audience du 12 mai 2020, le conseiller Sidney Bernema...

N° P.20.0061.N
I. O. G.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Len Augustyns, avocat au barreau d’Anvers,
II. S. D.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Mounir Souidi, avocat au barreau d’Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 18 décembre 2019 par la cour d’appel d’Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur I invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie conforme.
Le demandeur II n’invoque aucun moyen.
Le 5 mai 2020, l’avocat général Alain Winants a déposé des conclusions au greffe.
À l’audience du 12 mai 2020, le conseiller Sidney Berneman a fait rapport et l’avocat général précité a été entendu en ses conclusions.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur les moyens du demandeur I :
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
1. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 152, § 1er, et 209bis du Code d’instruction criminelle : c’est à tort que, sur la base de l’article 152, § 1er, du Code d’instruction criminelle, l’arrêt écarte des débats les conclusions d’appel de synthèse additionnelles que le demandeur I a déposées au greffe le 11 juin 2019 et à l’audience du 6 novembre 2019 ; à l’audience du 14 décembre 2018, des délais pour conclure avaient été déterminés et la cause fixée à l’audience du 26 avril 2019 ; le demandeur a déposé ses conclusions d’appel au greffe en temps utile, à savoir le 15 février 2019 ; ensuite, le 26 avril 2019, la cause a été remise d’office au 6 novembre 2019 en raison de la surcharge du rôle ; de nouveaux délais pour conclure n’ont pas été imposés aux parties à l’audience du 26 avril 2019 ; le demandeur I avait donc en principe le droit de conclure aussi longtemps que les débats n’étaient pas clos ; l’article 152, § 1er, du Code d’instruction criminelle n’était plus applicable à ce moment-là ; par ailleurs, les juges d’appel n’ont pas constaté qu’il s’agissait d’une manœuvre dilatoire de la part du demandeur I ou que celui-ci avait la volonté d’entraver la bonne administration de la justice ou de porter atteinte aux droits de tiers.
2. L’article 152, § 1, et § 2, du Code d’instruction criminelle dispose :
« § 1er. Les parties qui souhaitent conclure et n’ont pas encore déposé de conclusions demandent à l’audience d’introduction de fixer des délais pour conclure.
En pareil cas, le juge fixe les délais dans lesquels les conclusions doivent être déposées au greffe et communiquées aux autres parties et la date de l’audience, après avoir entendu les parties. La décision est mentionnée dans le procès-verbal d’audience. Les conclusions sont rédigées conformément aux articles 743 et 744 du Code judiciaire.
Les conclusions qui n’ont pas été déposées et communiquées au ministère public, si elles ont trait à l’action publique, et le cas échéant, à toutes les autres parties concernées avant l’expiration des délais fixés, sont écartées d’office des débats.
§ 2. À moins que le juge ne constate que le dépôt tardif ou la communication tardive poursuit des fins purement dilatoires ou porte atteinte aux droits des autres parties ou au déroulement de la procédure, des conclusions peuvent être déposées après l’expiration des délais fixés conformément au paragraphe 1er :
- moyennant l’accord des parties concernées, ou
- en cas de découverte d’une pièce ou d’un fait nouveau et pertinent justifiant de nouvelles conclusions.
Le juge peut, en conséquence, fixer de nouveaux délais pour conclure et une nouvelle date d’audience. Dans ce cas, le paragraphe 1er est d’application. »
Selon l’article 209bis, alinéa 7, du Code d’instruction criminelle, ces règles s’appliquent également en degré d’appel.
3. Il résulte des termes de l’article 152, § 1 et § 2, du Code d’instruction criminelle et de ses travaux préparatoires que le seul fait que la cause n’ait pas été examinée à la date d’audience fixée par le juge en application de l’article 152, § 1er, alinéa 2, du Code d’instruction criminelle, mais remise à une audience ultérieure n’implique pas que les parties puissent solliciter de nouveaux délais pour conclure sur la base de cette disposition ou qu’elles obtiennent le droit de déposer des conclusions jusqu’à la clôture des débats. En pareil cas, le juge est donc tenu d’écarter d’office des débats les conclusions qui n’ont pas été déposées ou communiquées dans les délais fixés dans le procès-verbal de l’audience d’introduction, sauf s’il est fait application du paragraphe 2 de l’article 152 du Code d’instruction criminelle.
Le moyen, qui, en cette branche, procède d’une autre prémisse juridique, manque en droit.
Quant à la seconde branche :
4. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 152, § 2, et 209bis du Code d’instruction criminelle : l’arrêt considère à tort que le demandeur I ne rend pas plausible qu’après l’expiration des délais pour conclure, une pièce ou un fait nouveau et pertinent justifiant de nouvelles conclusions aurait été découvert ; le demandeur I a développé une argumentation concernant le délai raisonnable en matière répressive et, à la date d’audience fixée, après avoir appris que la cause serait remise d’office, il a immédiatement signalé vouloir prendre position par écrit sur les éventuelles conséquences liées à cette remise : la circonstance que la cause a été remise une nouvelle fois en raison de la surcharge du rôle est un fait nouveau et pertinent au sens de l’article 152, § 2, du Code d’instruction criminelle, qui justifie de nouvelles conclusions.
5. Dans leur appréciation de la défense du demandeur I portant sur le délai raisonnable (arrêt, p. ...), les juges d’appel ont eu égard à la remise de l’examen de la cause, initialement prévu à l’audience du 26 avril 2019, à l’audience du 7 novembre 2019.
La décision de l’arrêt selon laquelle cette remise n’est pas un fait nouveau ou pertinent et ne justifie donc pas de nouveaux délais pour conclure ne peut infliger grief au demandeur I.
Le moyen, en cette branche, est irrecevable à défaut d’intérêt.
Sur le deuxième moyen :
6. Le moyen est pris de la violation des articles 6, § 1er, et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 14, § 3, c, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques : l’arrêt décide que le délai raisonnable en matière répressive a été dépassé et que, pour cette raison, au lieu d’une peine principale d’emprisonnement de six ans et d’une amende de 5.000 euros, le demandeur I se voit infliger une peine principale d’emprisonnement de cinq ans et une amende 4.000 euros ; de ce fait, le demandeur I n’a pas bénéficié d’un recours effectif en raison du dépassement du délai raisonnable.
7. L’article 13 de la Convention implique que celui qui dénonce une violation de l’article 6, § 1er, de la Convention, au motif que son droit à l’examen de sa cause dans un délai raisonnable a été méconnu, doit pouvoir s’adresser à son juge national afin de le faire constater et d’obtenir une réparation adéquate.
En cas de dépassement du délai raisonnable pour juger l’affaire, le juge est tenu, en règle, de prononcer une peine réduite de manière réelle et mesurable par rapport à la peine qu’il aurait pu infliger en l’absence d’un tel dépassement.
8. Les juges d’appel ont considéré que :
- en l’espèce, le délai raisonnable a été dépassé dans une mesure limitée ;
- il est tenu compte dans l’appréciation du taux de la peine de la durée importante des poursuites pénales et de l’épreuve morale que cette situation a engendré ;
- de ce fait, le demandeur I se voit infliger une peine principale d’emprisonnement de cinq ans et une amende de 4.000 euros au lieu d’une peine principale d’emprisonnement de six ans et d’une amende de 5.000 euros.
Ainsi, l’arrêt octroie une réparation adéquate pour le dépassement constaté du délai raisonnable et la décision est légalement justifiée.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Quant à la première branche :
9. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation de l’article 152 du Code d’instruction criminelle : l’arrêt considère que le demandeur I ne rend pas plausible qu’après l’expiration des délais pour conclure, une pièce ou un fait nouveau et pertinent aurait été découvert, qui justifie de nouvelles conclusions, au sens de l’article 152, § 2, du Code d’instruction criminelle ; le demandeur I a déjà développé une argumentation concernant la méconnaissance du délai raisonnable en matière répressive et, à la date d’audience fixée, soit le 26 avril 2019, après avoir appris que la cause serait remise d’office, il a immédiatement signalé vouloir prendre position par écrit sur les éventuelles conséquences liées à cette remise : la circonstance que la cause a été remise une nouvelle fois en raison de la surcharge du rôle est bien un fait nouveau et pertinent au sens de l’article 152, § 2, du Code d’instruction criminelle.
10. Le moyen, en cette branche, a la même portée que les illégalités invoquées au premier moyen et doit être rejeté pour les motifs énoncés dans la réponse qui y est apportée.
Quant à la seconde branche :
11. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 152 du Code d’instruction criminelle : l’arrêt évoque en termes généraux la circonstance que le laps de temps supplémentaire ne constituerait pas un fait nouveau et pertinent au sens de l’article 152 du Code d’instruction criminelle, sans préciser pourquoi il ne s’agirait pas d’un fait nouveau et pertinent, dès lors que l’examen de la cause a été reporté de sept mois.
12. Par les motifs qu’il contient, l’arrêt répond à la défense visée.
Dans la mesure où il invoque la violation de l’article 149 de la Constitution, le moyen, en cette branche, manque en fait.
13. La violation de l’article 152 du Code d’instruction criminelle étant déduite de la violation vainement invoquée de l’article 149 de la Constitution, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Le contrôle d’office
14. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Sidney Berneman, Ilse Couwenberg et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du douze mai deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Alain Winants, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Frédéric Lugentz et transcrite avec l’assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0061.N
Date de la décision : 12/05/2020
Type d'affaire : Autres - Droit pénal - Droit international public

Analyses

Il résulte des termes de l'article 152 § 1er et § 2, du Code d'instruction criminelle et de ses travaux préparatoires que le seul fait que la cause n'ait pas été examinée à la date d'audience fixée par le juge en application de l'article 152, § 1er, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle, mais remise à une audience ultérieure n'implique pas que les parties puissent solliciter de nouveaux délais pour conclure sur la base de cette disposition ou qu'elles obtiennent le droit de déposer des conclusions jusqu'à la clôture des débats; en pareil cas, le juge est donc tenu d'écarter d'office des débats les conclusions qui n'ont pas été déposées ou communiquées dans les délais fixés dans le procès-verbal de l'audience d'introduction, sauf s'il est fait application du paragraphe 2 de l'article 152 du Code d'instruction criminelle (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRETS - EN CAS DE DEPOT DE CONCLUSIONS - Matière répressive (y compris les boissons spiritueuses et les douanes et accises) - Fixation des délais pour conclure - Fixation de l'audience - Conclusions déposées dans les délais - Remise de la cause à la date d'audiance fixée - Dépôt de nouvelles conclusions additionnelles - Ecartement - Portée - Conséquence - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE

L'article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique que celui qui dénonce une violation de l'article 6, § 1er, de la Convention, au motif que son droit à l'examen de sa cause dans un délai raisonnable a été méconnu, doit pouvoir s'adresser à son juge national afin de le faire constater et d'obtenir une réparation adéquate; en cas de dépassement du délai raisonnable pour juger l'affaire, le juge est tenu, en règle, de prononcer une peine réduite de manière réelle et mesurable par rapport à la peine qu'il aurait pu infliger en l'absence d'un tel dépassement (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - Droit à un procès équitable - Délai raisonnable - Méconnaissance - Délai raisonnable - Portée - Conséquence - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 13 - Délai raisonnable - Méconnaissance - Délai raisonnable - Portée - Conséquence


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : WINANTS ALAIN
Assesseurs : HOET PETER, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-05-12;p.20.0061.n ?

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